En ne prononçant pas les observations des parties sur la caducité de la saisie conservatoire, le premier juge qui a entendu soutenir d’office ce moyen, a violé un principe général de droit. Par conséquent, l’ordonnance critiquée doit être annulée.
La dénonciation de la saisie conservatoire s’adressant au débiteur et non au tiers saisi celui-ci n’a aucun intérêt à invoquer l’absence de dénonciation pour refuser le paiement des causes de la saisie.
Il doit être condamné à payer les causes de la saisie, dès lors que par réticence, il a fait obstacle à la procédure de la saisie conservatoire de créance. ARTICLE 38 AUPSRVE ARTICLE 52 AUPSRVE ARTICLE 79 AUPSRVE ARTICLE 81 AUPSRVE Cour d’appel d’Ac, Chambre civile et commerciale, arrêt n° 251 du 01er juillet 2011, affaire : département de Béoumi c / Société Orange Côte d’ivoire, Aa Ab, 2011, n° 4, octobre-décembre, p. 47
LA COUR Vu les pièces du dossier ; Oui les parties en leurs demandes, fins et conclusions ; Après en avoir délibéré conformément à la loi :
DES FAITS, PROCEDURE, ET PRETENTIONS DES PARTIES Suivant exploit d'huissier du 29 juin 2010, le département de BEOUMI, collectivité
locale créée par la loi N° 2001-477 du 07 juillet 2011, représentée par Monsieur M, Président par intérim du Conseil Général de BEOUMI, ayant pour conseils Maîtres A et KOUASSI N'GUESSAN PAUL, Avocats Associés près la Cour d' Appel d'Abidjan, a relevé appel de l'ordonnance de référé N°1241/2010 rendue le 15 juin 2010 par la juridiction présidentielle du Tribunal de Première Instance d'Abidjan, qui en la cause, recevant le
département de BEOUMI représenté par Monsieur ME KOUAME MARTIAL, président par intérim du Conseil Général dudit département, en son action ;
L'y a dit bien fondé ;
L'en a débouté pour cause de caducité de la saisie conservatoire de créance en date du
16 décembre 2009 ; Mis les dépens à sa charge ; Aux termes de son acte d'appel valant premières conclusions, le département de
BEOUMI représenté par Monsieur M expose que poursuivant le recouvrement de sa créance à l'égard de la société M.THINET RHALP RCI, il a été autorisé suivant ordonnance N°6619/2009 rendue sur requête le 25 Novembre 2009, par le Président du Tribunal de Première Instance d'Abidjan à pratiquer saisie conservatoire de créance au préjudice de sa débitrice entre les mains de la société ORANGE COTE D‘IVOIRE,
Il indique que cette saisie ayant été pratiquée le 16 décembre 2009, la société
ORANGE COTE D’IVOIRE tiers saisi a d'abord déclaré le même jour qu'elle allait interroger sa direction financière avant d'affirmer le 17 décembre que le débiteur saisi est inconnu de son fichier de fournisseur ;
Que le 08 février 2010, ses conseils ont rappelé à la société ORANGE COTE
D’IVOIRE que la société M. THINET RHALP RCI a réalisé à FAMIENKRO dans le département de PRIKRO, une plate forme pour l'installation de son antenne avec ses engins en lui signifiant que sa déclaration s'avère inexacte ;
Il affirme que malgré ces renseignements précis, la société ORANGE COTE
D’IVOIRE a confirmé sa déclaration ; il l'a donc assignée en paiement des causes de la saisie sur le fondement de l'article 38 de l'acte uniforme du traité OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution ; pour rendre l'ordonnance entreprise, le premier juge déclare qu'à l'analyse des pièces du dossier, les exigences de l'article 79 de l'acte uniforme du traité OHADA susvisé n'ont pas été observées et rend par conséquent la saisie conservatoire pratiquée caduque ;
En cause d'appel, il soulève la nullité de l'ordonnance attaquée en estimant que le
premier juge a relevé d'office le moyen tiré de la caducité de la saisie conservatoire de créance pratiquée le 16 décembre 2009 sans avoir recueilli au préalable conformément à l'article 52 du code de procédure Civile, Commerciale et Administrative, les observations des parties sur ce moyen ; sur évocation, il affirme que ce n'est pas en fonction d'une caducité de la saisie pouvant éventuellement être constatée huit jours plus tard que le tiers fait sa déclaration ; Il en déduit que l'argument tiré de la caducité de la saisie est tout à fait inopérant ;
Il soutient enfin que la réticence de la société ORANGE COTE D’IVOIRE justifie sa
condamnation en paiement des causes de la saisie ; Il sollicite l'infirmation de l’ordonnance entreprise et la condamnation du tiers saisi à la lui payer les causes de la saisie ; La société ORANGE COTE D’IVOIRE, intimée soutient pour sa part à travers la plume de son conseil, Maître N’GUESSAN ZARO Mireille, Avocat près la Cour d’Appel d’Ac que le moyen tiré de la caducité de la saisie est d’ordre public ; ce moyen pouvant être relevé d’office
lorsqu’une règle de procédure est violée comme c’est le cas en l’espèce ; elle sollicite donc la confirmation de l’ordonnance attaquée sur ce point ;
Elle fait valoir que l’article 81 de l’acte uniforme OHADA sus visé énonce clairement
que le tiers saisi qui sans motif légitime, ne fournit pas les renseignements prévus, s’expose à devoir payer les sommes pour lesquelles la saisie a été pratiquée si celle-ci est convertie en saisie attribution ; or affirme-t-elle, une saisie conservatoire devenue caduque, n’existe plus et ne peut donc être convertie en saisie attribution ; elle sollicite donc pour sa part la confirmation de l’ordonnance querellée ;
SUR CE, SUR LE CARACTERE DE LA DECISION Toutes les parties ont conclu, il y a lieu donc de statuer contradictoirement ; SUR LA RECEVABILITE DE L’APPEL L’appel du département de BEOUMI, collectivité locale est régulièrement intervenu
suivant les formes et délai imposés par la loi ; il y a lieu de la déclarer recevable ; SUR LE MERITE DE L’APPEL SUR L’ANNULATION DE L’ORDONNANCE ENTREPRISE Il ressort des énonciations de l’ordonnance querellée que le premier juge qui a entendu
soulever d’office le moyen tiré de la caducité de la saisie conservatoire de créance du 16 décembre 2009, n’a pas provoqué les observations des parties sur ce point alors qu’en matière du droit des affaires notamment des actes uniformes du traité OHADA, c’est un principe général de droit auquel le premier juge devrait se conformer ; Ayant violé cette règle qui a valeur de principe général de droit, l’ordonnance rendue par celui-ci doit être annulée ;
Sur évocation S'il est vrai que la dénonciation de la saisie conservatoire de créance est une formalité
subséquente à la saisie, elle s'adresse au débiteur et non au tiers saisi ; Cette dénonciation dans un délai de 08 jours est faite dans l'intérêt du débiteur ; de telle sorte que le tiers saisi n'a aucun intérêt à invoquer l'absence de dénonciation pour refuser le paiement des causes de la saisie ; mieux, l'article 38 de l'acte uniforme sus-visé renchérit en indiquant que les tiers ne pouvant faire obstacle aux procédures en vue de l'exécution ou de la conservation des créances ; Ils doivent apporter leurs concours ;
Ainsi par sa réticence manifeste, la société ORANGE, tiers saisi a fait obstacle à la
procédure de la saisie conservatoire de créance ; II y a lieu de la condamner à payer au département de BEOUMI la somme de 34.195.504 F CFA représentant les causes de la saisie ;
SUR LES DEPENS La société ORANGE COTE D’IVOIRE succombe ; Il y a lieu de mettre les dépens à
sa charge ;
PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, contradictoirement en matière d'urgence et en dernier ressort ; EN LA FORME Déclare le département de BEOUMI recevable en son appel ; AU FOND Annule l’ordonnance de référé entreprise ; Sur évocation Reçoit le département de BEOUMI en son action ; L'y dit bien fondée ; Condamne la société ORANGE COTE D’IVOIRE à lui payer la somme de 34.195.904
F représentant les causes de la saisie ; Met les dépens à sa charge ; PRESIDENT : KOUASSI BROU BERTIN.