COUR SUPREME
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R E J E T
CHAMBRE JUDICIAIRE
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Audience Publique A R R E T N°081/05
du 10 FEVRIER 2005
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POURVOI n°03-287.Civ REPUBLIQUE DE COTE D'IVOIRE
En date du 08 AOUT 2003
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Monsieur YAO ASSOMA, Président,
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La Cour Suprême, Chambre Judiciaire, Formation Civile, a rendu l'arrêt suivant:
Sur le pourvoi formé le 08 AOUT 2003 par C A Y, Commerçant, représentant la Société IVOIRE PAIN, domicilié à Agbobille, quartier Commerce, B.P. 67; ayant pour conseil Maître KOUASSI Kouadio Pierre, avocat, demeurant Abidjan-Plateau, avenue Franchet d'Espérey, immeuble la pyramide, 3ème étage escalier B 3, 1ère porte à droite, 16 B.P. 1575 X 16;
En cassation d'un arrêt n° 446 du le 11 Avril 2003 par la Cour d'Appel d'Abidjan au profit de c, conseiller d'éducation à la retraite, domicilié à Agboville;
La Cour, en l'audience publique de ce jour;
Sur le rapport de Monsieur le Conseiller SIOBLO DOUAI et les observations des parties;
Et après en avoir délibéré conformément à la loi;
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LA COUR,
Vu l'exploit en date du 6 Août 2003, à fins de pourvoi en cassation;
Vu les mémoires produits;
Vu les pièces du dossier;
Sur le premier moyen de cassation, pris en ses deux branches réunies, tirées de la violation de la loi, notamment de l'article 8 de l'arrêté n° 90/MIC du 30 décembre 1992 du Ministre de l'industrie et du commerce d'une part et, d'autre part, des articles 1108 et 6 du Code Civil.
Attendu qu'il ressort des énonciations de l'arrêt réformatif attaqué (X, 11 Avril 2003), qu'aux termes du contrat en date du 22 janvier 1990, AG Z B louait à la Société IVOIR PAIN, alors représentée par C FADI ABBAS, sa licence d'exploitation de boulangerie pour une période allant du premier février 1990 au premier Février 2000, moyennant un loyer mensuel de 100000 F durant les cinq premières années et 200000 F pendant les cinq dernières; que ledit contrat prévoyait également que «si la rupture intervient après les cinq premières années de location, le représentant légal de l'entreprise IVOIRE PAIN, devra verser une indemnité de 2400000 F, équivalant à un an de préavis, au bailleur»; que suivant avenant du 27 décembre 1994, AG Z B et C A Y, nouveau représentant légal de la Société IVOIRE PAIN, réduisaient le montant du loyer; que se prévalant de l'article 8 de l'arrêté n° 90/MIC du 30 décembre 1992 du Ministre de l'Industrie et du Commerce, portant création de la Commission d'Agrément pour l'exploitation de boulangerie, C A Y adressait le 28 décembre 1995 une lettre de résiliation du contrat du 22 janvier 1990 à AG Z B; que celui-ci l'assignait devant le Tribunal d'Agboville, en paiement de la somme totale de 12400000 F; que ledit Tribunal, par le jugement n° 36 du 31 juillet 2002, déboutait AG Z B de sa demande en paiement de la somme de 10000000 F, représentant cinquante mois de loyer à échoir pour la période du 28 décembre 1995 au premier février 2000, et condamnait, en revanche, C A Y à lui payer la somme de 1560 000 F, à titre d'indemnité de rupture avant terme du contrat liant les parties; que sur appels des parties, la Cour d'Appel d'Abidjan déboutait C A Y de son
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appel principal, déclarait AG Z B bien fondé en son incident et, réformant le jugement entrepris, condamnait C A Y à lui payer la somme de 2 400 000 F, aux termes de l'arrêt déféré;
Attendu qu'il est fait grief à la Cour d'Appel d'avoir violé, d'une part , l'article 8 de l'arrêté n° 90/MIC du 30 décembre 1992 du ministre de l'Industrie et du Commerce, disposant que «l'autorisation ne peut être cédée ni louée, d'autre part, les articles 1108 et 6 du Code Civil, en ce qu'elle a décidé que la convention de location du 22 janvier 1990 est légale, alors que, selon la première branche, la survenance de l'arrêté précité ayant rendu illégal l'objet de la convention en cause, l'exécution de cette convention devait être arrêtée, et que, dit la seconde branche, les dispositions de l'article 1108 susvisé, aux termes desquelles l'objet du contrat doit être licite, étant d'ordre public, il ne peut y être dérogé par une convention particulière, conformément à l'article 6 du Code Civil;
Mais attendu, d'une part, que l'arrêté n° 90/MIC du 30 décembre 1992 du ministre de l'Industrie et du Commerce porte création de la Commission d'Agrément pour l'exploitation de boulangerie et est surtout postérieur au contrat de location du 22 janvier 1990; que selon l'article 2 du Code Civil, la loi n'ayant point d'effet rétroactif, cet arrêté ne dispose que pour l'avenir; qu'en tout état de cause, «les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites» dit l'article 1134, alinéa premier, du Code Civil; que, d'autre part, les articles 1108 et 6 du Code Civil invoqués, relatifs aux conditions pour la validité des conventions, ne sont pas en l'espèce pertinents; qu'en effet, la convention par laquelle AG Z B louait sa licence d'exploitation de boulangerie à l'entreprise IVOIRE PAIN ne contrevenait, au moment de sa conclusion, à aucune interdiction légale; d'où il suit que le premier moyen n'est pas fondé;
Sur le second moyen, tiré du défaut de base légale
Attendu qu'il est également fait grief à la Cour d'Appel d'avoir manqué de donner une base légale à sa décision, en ce qu'elle a, sans le justifier, affirmé que la convention de location du 22 janvier 1990 est légale, alors que, selon le moyen, C A Y a clairement exposé la contradiction entre
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cette convention et les dispositions de l'arrêté n° 90/MIC du 30 décembre 1992 du ministre de l'Industrie et du Commerce, rendant illicite ladite convention;
Mais attendu que la Cour d'Appel, pour statuer comme elle l'a fait, a énoncé que «l'arrêté n° 90 du 30 décembre 1992 a prévu en son article 8 que l'autorisation d'exploitation de boulangerie ne peut être cédée ni louée, de sorte que le contrat du 27 décembre 1994 n'a pas été légalement formé et est donc nul, son objet étant désormais illicite ..; que cependant, la convention de location du 22 janvier 1990 est légale, de sorte que la rupture intervenue du fait du locataire justifie l'application de l'article 4-b de ladite convention, lequel fait obligation au représentant légal de l'entreprise IVOIRE PAIN à payer au bailleur une indemnité de 2400000 F équivalant à un an de préavis»; qu'en se déterminant par de tels motifs, la Cour d'Appel a légalement justifié sa décision; qu'il s'ensuit que le second moyen n'est pas davantage fondé;
PAR CES MOTIFS
Rejette le pourvoi formé par C A Y contre l'arrêt n° 446 en date du 11 Avril 2003 de la Cour d'Appel d'Abidjan;
Laisse les dépens à la charge du Trésor Public;
Ordonne la transcription du présent arrêt sur les registres du greffe de la Cour d'Appel d'Abidjan ainsi que sur la minute de l'arrêt entrepris;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour Suprême, Chambre Judiciaire, Formation Civile, en son audience publique du DIX FEVRIER DEUX MIL CINQ ;
Où étaient présents MM. YAO ASSOMA, Président de la Chambre Judiciaire, Président; SIOBLO DOUAI, Conseiller-Rapporteur; VE BOUA, Conseiller; N'GUESSAN GERMAIN, Greffier;
En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par le Président, le Rapporteur et le Greffier ;
Le Rapporteur Le Président
Le Greffier