La preuve de l’existence de la créance ayant été rapportée par témoins, les ayants droit du propriétaire de l’entreprise doivent être condamnés à payer au créancier poursuivant la dette de l’entreprise.
Il en est ainsi lorsqu’il a existé entre le créancier et le débiteur défunt des relations commerciales fondées sur des usages et des habitudes comme définis aux articles 5, 207 alinéa 1 et 208 de l’AUDCG.
ARTICLE 5 AUDCG ARTICLE 207 AUDCG ARTICLE 208 AUDCG ARTICLE 1993 DU CODE CIVIL IVOIRIEN Cour Suprême de Côte d’Ivoire, Chambre judiciaire, Formation civile et commerciale, Arrêt n° 492 du 08 juillet 2010, Affaire : A. c/ 1. N., 2. B., 3. K. - Le Juris-Ohada n° 3 / 2011, Juillet – Septembre 2011, pg 46.
LA COUR,
Vu l'exploit de pourvoi en date du 25 mai 2009 ;
Vu les pièces du dossier ;
Vu les conclusions écrites du Ministère Public en date du 25 mars 2010 ;
Sur le moyen unique de cassation en sa deuxième branche tirée de la violation de la loi notamment l'article 1993 du Code Civil ;
Attendu que selon l'article 1993 du Code Civil « tout mandataire est tenu de rendre compte de sa gestion et de faire raison au mandant de tout ce qu'il a reçu en vertu de sa procuration, quand même ce qu'il aurait reçu n'eût point été dû au mandant » ;
Vu ledit texte ;
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (Abidjan, 27 juin 2008) que saisi par A pour entendre les ayants droit de feu F et B condamnés à lui payer sa créance de 120.000.000 Francs CFA représentant le coût de divers matériaux et matériels livrés à l'entreprise EGBV-CI et demeurés impayés, le Tribunal de Première Instance d'Abidjan a, à la suite d'une mise en état de la procédure, mis hors de cause B, condamné les ayants droit de F au paiement de ladite somme par jugement n° 794 du 25 mars 2005 reformé sur la condamnation en paiement par la Cour d'Appel d'Abidjan laquelle statuant à nouveau, a débouté A de sa demande suivant l'arrêt n° 410 du 27 juin 2008 attaqué ;
Attendu que pour débouter A de sa demande en paiement, l'arrêt retient que l'Entreprise au profit de laquelle la prétendue créance est née est immatriculée au nom de B au registre du Commerce et qu'au décès de F, celui-ci a agi en propriétaire de l'entreprise EGBV-CI en
posant des actes de gestion de sorte que ses seules dénégations ne sauraient faire de lui un prête-nom ;
Attendu cependant, qu'en statuant ainsi, alors qu'il ressort de ses propres constatations que B agissait en qualité de prête nom, l'arrêt a violé l'article 1993 du Code Civil ; qu'il s'ensuit que le moyen étant fondé, il y a donc lieu, sans qu'il soit nécessaire d'examiner l'autre moyen, de casser et annuler l'arrêt et d'évoquer conformément aux dispositions de l'article 28 de la loi n° 97-243 du 25 Avril 1997 ;
Sur l'évocation
Sur la propriété de l'entreprise EGBV-CI
Attendu que B a déclaré au cours des mises en état devant le Tribunal d'Abidjan que son frère F s'est servi de son nom pour créer l'Entreprise EGBV-CI et ouvrir le compte bancaire de ladite entreprise et qu'il ne saurait par conséquent être débiteur d'A ;
Attendu que ses assertions ont été confirmées par dame Y, concubine notoire de F et par ses proches collaborateurs. Ainsi, l'acte isolé posé par B après le décès de F qui a consisté à donner une procuration à son aîné B à l'effet de faire une opération bancaire en vue de payer les employés ne saurait faire de lui le propriétaire de l'Entreprise EGBV-CI ; il y a donc lieu de le mettre hors de cause ;
Attendu par contre qu'il résulte des mêmes témoignages que F a géré quotidiennement l'Entreprise EGBV-CI jusqu'à son décès de sorte qu'il en est le vrai propriétaire;
Attendu en outre que N tuteur légal de l'enfant mineure A, K tuteur légal de l'enfant mineur I et H tous ayants droit de F n'ont pas renoncé à la succession, qu'il y a lieu de les déclarer tenus aux dettes de l'entreprise de leur auteur ;
Sur la créance :
Attendu que la demande de A tend au paiement de sa créance de 120 000 000 de Francs CFA née de la livraison de matériels et de matériaux de construction faite à l'entreprise EGBV-CI et matérialisée par des bons de commande ;
Attendu qu'il résulte des témoignages concordants de dame Y, concubine notoire de F et des proches collaborateurs du de cujus, qu'il a existé entre F et A des relations commerciales fondées sur des usages et des habitudes comme définis aux articles 5, 207 alinéa 1er et 208 de l'Acte uniforme portant droit commercial aux termes desquels « les actes de commerce peuvent se prouver par tous les moyens à l'égard des commerçants y compris par témoignages » ; les mêmes témoins ont affirmé lors des mises en état que les matériels et matériaux de construction, objets des bons de commande produits aux débats par A ont effectivement été utilisés par l'entreprise EGBV-CI sur ses chantiers ; aussi, la preuve de l'existence de la créance d'A sur l'Entreprise EGBV-CI ayant été rapportée par ces témoins, il y a lieu de faire droit à sa demande et condamner les ayants droits de F à lui payer la somme de 120.000.000 de Francs , dette de l'entreprise de leur auteur ;
PAR CES MOTIFS
- Casse et annule partiellement l'arrêt rendu le 27 juin 2008 par la Cour d'Appel d'Abidjan ;
Evoquant,
- Condamne les ayants droit de F à payer à A, la somme de 120 000 000 de Francs CFA.
- Met hors de cause B ;
PRESIDENT : M. A B.
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