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08/10/2024 | FRANCE | N°496108

France | France, Conseil d'État, 7ème chambre, 08 octobre 2024, 496108


Vu la procédure suivante :



M. B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision du 5 janvier 2024 par laquelle le préfet du Val-d'Oise a refusé sa demande de regroupement familial en faveur de son épouse et d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise de procéder à un nouvel examen de la demande dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'ordonnance du juge des référ

s du tribunal, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.



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Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision du 5 janvier 2024 par laquelle le préfet du Val-d'Oise a refusé sa demande de regroupement familial en faveur de son épouse et d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise de procéder à un nouvel examen de la demande dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'ordonnance du juge des référés du tribunal, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par une ordonnance n° 2407344 du 20 juin 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 17 et 28 juillet 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SAS Zribi et Texier, son avocat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Céline Boniface, maîtresse des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Zribi et Texier, avocat de M. A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, par une décision du 5 janvier 2024, le préfet du Val-d'Oise a refusé de délivrer à M. A..., ressortissant algérien, l'autorisation d'entrée en France qu'il avait sollicitée au bénéfice de son épouse dans le cadre de la procédure de regroupement familial. M. A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise de suspendre l'exécution de cette décision. Par une ordonnance du 20 juin 2024, contre laquelle M. A... se pourvoit en cassation, le juge des référés a rejeté cette demande.

3. Aux termes des stipulations de l'article 4 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les membres de la famille qui s'établissent en France sont mis en possession d'un certificat de résidence de même durée de validité que celui de la personne qu'ils rejoignent. / Sans préjudice des dispositions de l'article 9, l'admission sur le territoire français en vue de l'établissement des membres de famille d'un ressortissant algérien titulaire d'un certificat de résidence d'une durée de validité d'au moins un an, présent en France depuis au moins un an sauf cas de force majeure, et l'octroi du certificat de résidence sont subordonnés à la délivrance de l'autorisation de regroupement familial par l'autorité française compétente. / Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : / 1 - le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont pris en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales. L'insuffisance des ressources ne peut motiver un refus si celles-ci sont égales ou supérieures au salaire minimum interprofessionnel de croissance (...) ".

4. Les stipulations précitées de l'article 4 de l'accord franco-algérien ne sauraient être interprétées comme permettant d'opposer une condition de ressources à un demandeur titulaire de l'allocation aux adultes handicapés définie par l'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale. L'autorité compétente ne saurait, pour rejeter une demande de regroupement familial présentée par un ressortissant algérien qui, du fait de son handicap, est titulaire de cette allocation, se fonder sur l'insuffisance de ses ressources, sans introduire, dans l'appréciation de son droit à une vie privée et familiale normale, une discrimination à raison de son handicap prohibée par les stipulations combinées des articles 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

5. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que le préfet du Val-d'Oise a rejeté la demande de regroupement familial déposée par M. A... en se fondant sur l'insuffisance de ses ressources alors que celui-ci est titulaire de l'allocation aux adultes handicapés définie par l'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale. Il résulte de ce qui est dit au point précédent qu'en jugeant que le moyen tiré de ce que le préfet a ainsi méconnu les stipulations de l'article 4 de l'accord franco-algérien n'était pas de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a commis une erreur de droit.

6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que M. A... est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance qu'il attaque.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

8. Il appartient au juge des référés, saisi d'une demande de suspension d'une décision refusant la délivrance d'un titre de séjour, d'apprécier et de motiver l'urgence compte tenu de l'incidence immédiate du refus de titre de séjour sur la situation concrète de l'intéressé. Cette condition d'urgence sera en principe constatée dans le cas d'un refus de renouvellement du titre de séjour, comme d'ailleurs d'un retrait de celui-ci. Dans les autres cas, il appartient au requérant de justifier de circonstances particulières caractérisant la nécessité pour lui de bénéficier à très bref délai d'une mesure provisoire dans l'attente d'une décision juridictionnelle statuant sur la légalité de la décision litigieuse.

9. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier, et notamment du certificat médical de l'hôpital Necker du 15 janvier 2024, que l'état de santé du requérant s'est récemment dégradé, rendant impérative la présence de son épouse auprès de lui pour l'assister dans les actes de la vie quotidienne. Dans ces conditions, la condition d'urgence prévue à l'article L. 521-1 du code de justice administrative doit, dans les circonstances de l'espèce, être regardée comme remplie.

10. En second lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 4 et 5 que, en l'état de l'instruction, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 4 de l'accord franco-algérien est de nature à faire naitre un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée.

11. Il s'ensuit que M. A... est fondé à demander la suspension de l'exécution de la décision du 5 janvier 2024 par laquelle le préfet du Val-d'Oise a refusé sa demande de regroupement familial en faveur de son épouse, jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur la requête tendant à son annulation. En l'espèce, il y a lieu d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise de réexaminer la demande de M. A... dans le délai d'un mois à compter de la notification qui lui sera faite de la présente décision. Il n'y a en revanche pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SAS Zribi et Texier, avocat de M. A... au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

D E C I D E :

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Article 1er : L'ordonnance du 20 juin 2024 du juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulée.

Article 2 : L'exécution de la décision du 5 janvier 2024 par laquelle le préfet du Val-d'Oise a refusé la demande de regroupement familial de M. A... en faveur de son épouse est suspendue jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la demande présentée par l'intéressé devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise.

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Val-d'Oise de réexaminer la demande de regroupement familial de M. A... en faveur de son épouse dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la demande présentée par M. A... devant le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est rejeté.

Article 5 : L'Etat versera à la SAS Zribi et Texier, avocat de M. A..., la somme de 3 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 496108
Date de la décision : 08/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 08 oct. 2024, n° 496108
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Céline Boniface
Rapporteur public ?: M. Marc Pichon de Vendeuil
Avocat(s) : SCP ZRIBI, TEXIER

Origine de la décision
Date de l'import : 10/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:496108.20241008
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