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21/12/2023 | FRANCE | N°20NC00654

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 21 décembre 2023, 20NC00654


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 25 juillet 2018 par laquelle la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi du Grand Est a refusé la reprise de l'exécution du contrat d'apprentissage conclu avec M. C....



Par un jugement n° 1804905 du 13 février 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.



Procé

dure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 12 mars 2020, M. B..., représenté par Me Col...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 25 juillet 2018 par laquelle la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi du Grand Est a refusé la reprise de l'exécution du contrat d'apprentissage conclu avec M. C....

Par un jugement n° 1804905 du 13 février 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 mars 2020, M. B..., représenté par Me Colomb, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 13 février 2020 ;

2°) d'annuler la décision du 25 juillet 2018 par laquelle la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi du Grand Est a refusé la reprise de l'exécution du contrat d'apprentissage conclu avec M. C... ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'absence d'enquête contradictoire par les services de l'inspection du travail entache d'irrégularité la procédure ;

- elle est fondée sur des faits qui ne sont pas matériellement établis dès lors que la plainte de M. C... a été classée sans suite et que cette plainte fait suite à deux avertissements adressés par l'employeur à l'apprenti ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 25 novembre 2020, le ministre du travail du plein emploi et de l'insertion conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense du 25 novembre 2020, M. A... C... représenté par Me Boguet conclut au rejet de la requête et à ce que M. B... lui verse 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. C... a été admis à l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 23 août 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Barrois, première conseillère,

- et les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., dirigeant de la société ... spécialisée dans l'aménagement électrique de magasins, a conclu un contrat d'apprentissage pour la période du 16 août 2017 au 31 juillet 2019 avec M. C..., né le 18 juillet 2001, pour la préparation d'un certificat d'aptitude professionnelle d'électricien. Après avoir déposé plainte le 16 mars 2018 à la gendarmerie contre M. B..., M. C... a été placé en arrêt maladie et a saisi la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (ci-après DIRECCTE) du Grand Est qui, par une décision du 19 juillet 2018 a suspendu le contrat d'apprentissage avec effet immédiat. Puis, par une décision du 25 juillet 2018, la directrice de la DIRECCTE du Grand Est a refusé d'autoriser la reprise de l'exécution du contrat d'apprentissage de M. A... C.... M. B... relève appel du jugement du 13 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette dernière décision.

2. Aux termes de l'article L. 6223-1 du code du travail : " Toute entreprise peut engager un apprenti si l'employeur déclare à l'autorité administrative prendre les mesures nécessaires à l'organisation de l'apprentissage et s'il garantit que l'équipement de l'entreprise, les techniques utilisées, les conditions de travail, de santé et de sécurité, les compétences professionnelles et pédagogiques ainsi que la moralité des personnes qui sont responsables de la formation sont de nature à permettre une formation satisfaisante. / (...). " Aux termes de l'article L. 6225-4 du code du travail : " En cas de risque sérieux d'atteinte à la santé ou à l'intégrité physique ou morale de l'apprenti, l'agent de contrôle de l'inspection du travail (...) propose au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi la suspension du contrat d'apprentissage. / Cette suspension s'accompagne du maintien par l'employeur de la rémunération de l'apprenti ". Aux termes de l'article L. 6225-5 du même code : " Dans le délai de quinze jours à compter du constat de l'agent de contrôle, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi se prononce sur la reprise de l'exécution du contrat d'apprentissage. / Le refus d'autoriser la reprise de l'exécution du contrat d'apprentissage entraîne la rupture de ce contrat à la date de notification du refus aux parties. Dans ce cas, l'employeur verse à l'apprenti les sommes dont il aurait été redevable si le contrat s'était poursuivi jusqu'à son terme ou jusqu'au terme de la période d'apprentissage ". Aux termes de l'article R. 6225-9 du code de du travail, " En application de l'article L. 6225-4, l'agent de contrôle de l'inspection du travail propose la suspension de l'exécution du contrat d'apprentissage, après qu'il ait été procédé, lorsque les circonstances le permettent, à une enquête contradictoire. Il en informe sans délai l'employeur et adresse cette proposition au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi. Ce dernier se prononce sans délai et, le cas échéant, dès la fin de l'enquête contradictoire ".

3. En premier lieu, il résulte de ces dispositions que seule la mesure de suspension du contrat d'apprentissage est soumise à la procédure contradictoire spécifique prévue à l'article R. 6225-9 du code du travail. Par suite, M. B... ne peut utilement soulever le moyen tiré de la méconnaissance de cette disposition à l'encontre de la décision refusant la reprise de l'exécution du contrat de travail. En tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que les services de l'inspection du travail ont prévenu M. B... dès le 18 juillet 2018. Celui-ci étant en déplacement, ils lui ont adressé un courrier le 19 juillet 2018 l'informant de la suspension du contrat d'apprentissage de M. C..., l'invitant à faire valoir ses observations sur la reprise ou non de l'exécution du contrat et le conviant à un entretien le 24 juillet suivant. Cette lettre précisait qu'en cas d'absence, il pouvait faire valoir ses observations écrites avant le 25 juillet 2018. M. B... n'étant pas disponible en présentiel le 24 juillet 2018 et compte-tenu du délai de 15 jours à compter du constat de l'agent de contrôle imposé à l'administration pour se prononcer sur la reprise de l'exécution du contrat d'apprentissage, un entretien téléphonique a eu lieu ce même jour à 15h30. Dès lors que M. B... a pu formuler des observations orales et qu'il ne fait valoir aucune circonstance qui aurait fait obstacle à sa faculté de présenter des observations écrites, le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire est écarté.

4. En deuxième lieu, en vertu du principe de l'indépendance des procédures administrative et pénale, ni l'autorité administrative, ni le juge administratif n'étaient tenus d'attendre l'issue de la procédure pénale faisant suite au dépôt de plainte déposé par l'apprenti à la gendarmerie le 21 mars 2018. De même, la circonstance que la procédure pénale ait été classée sans suite est sans incidence sur la légalité de la décision, qui n'est pas fondée sur les seuls faits à l'origine de la plainte, mais sur une évaluation, à la date de la décision, de l'existence d'un risque sérieux d'atteinte à la santé ou à l'intégrité physique ou morale de l'apprenti.

5. En troisième lieu, pour refuser d'autoriser la reprise de l'exécution du contrat d'apprentissage à la suite de sa suspension, l'administration s'est fondée sur les seules circonstances non contestées par le requérant que l'apprenti mineur et son employeur partageaient la même chambre lors des déplacements professionnels, que le ton employé dans les échanges de SMS et les gestes de convivialité rapprochée demandés par l'employeur sur son lieu de travail ne correspondaient pas à une relation normale de travail et qu'en outre, la durée maximale de travail hebdomadaire autorisée pour un apprenti mineur a été à plusieurs reprises dépassée. Par suite, M. B... ne contestant pas la réalité de ces griefs, la matérialité des faits est établie.

6. Compte tenu de la protection renforcée accordée au mineur en apprentissage qui impose que la personne chargée de sa formation justifie de compétences professionnelles, pédagogiques et morales, la directrice de la DIRECCTE n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant le comportement précédemment décrit de M. B..., employeur de l'apprenti, présentait un risque sérieux d'atteinte à la santé ou à l'intégrité physique ou morale de M. C....

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 25 juillet 2018.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

9. D'une part, M. C... n'allègue pas avoir exposé de frais autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été allouée. D'autre part, l'avocat de M. C... n'a pas demandé que lui soit versée par M. B... la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamé à son client si ce dernier n'avait bénéficié d'une aide juridictionnelle totale. Dans ces conditions, les conclusions présentées par M. C... tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. C... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B..., au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion et à M. A... C....

Délibéré après l'audience du 7 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Wallerich, président de chambre,

- Mme Guidi, présidente-assesseure,

- Mme Barrois, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 décembre 2023.

La rapporteure,

M. BarroisLe président,

M. Wallerich

La greffière,

S. RobinetLa République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

2

N° 20NC00654


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20NC00654
Date de la décision : 21/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: Mme Marion BARROIS
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : SELARL LIDY

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-21;20nc00654 ?
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