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28/12/2023 | FRANCE | N°22TL21802

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 28 décembre 2023, 22TL21802


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 23 mars 2022 par lequel le préfet de Vaucluse a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de soixante jours et a fixé le pays de renvoi.



Par un jugement n° 2201252 du 12 juillet 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par

une requête, enregistrée le 11 août 2022, M. A..., représenté par Me Guirassy, demande à la cour :



1°) d'annuler ce...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 23 mars 2022 par lequel le préfet de Vaucluse a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de soixante jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2201252 du 12 juillet 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 août 2022, M. A..., représenté par Me Guirassy, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 23 mars 2022 ;

3°) d'enjoindre, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, au préfet de Vaucluse de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " ou de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer un récépissé avec autorisation de travail dès cette notification ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé et stéréotypé ;

- le préfet a à tort instruit sa demande comme une première demande de titre de séjour ;

- il ne pouvait se fonder sur l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors que sa situation est régie par la convention franco-sénégalaise du 1er août 1995, complétée par l'accord du 23 septembre 2006 ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il bénéficiait d'une autorisation de travail ;

- le préfet ne pouvait écarter cette autorisation au motif que l'emploi pour lequel elle avait été délivrée ne figurait pas sur la liste des métiers ouverts aux ressortissants sénégalais.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 septembre 2023.

Par une ordonnance du 4 octobre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 31 octobre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention du 1er août 1995 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal relative à la circulation et au séjour des personnes ;

- l'accord du 23 septembre 2006 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal relatif à la gestion concertée des flux migratoires et l'avenant à cet accord signé le 25 février 2008 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code du travail ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Lafon a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., de nationalité sénégalaise, est entré en France le 6 avril 2019 sous couvert d'un visa de long séjour valant titre de séjour en qualité de conjoint de Français, valable du 20 mars 2019 au 20 mars 2020. Il a ensuite obtenu une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", valable jusqu'au 26 mai 2021. Il fait appel du jugement du 12 juillet 2022 du tribunal administratif de Nîmes qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 mars 2022 par lequel le préfet de Vaucluse a refusé de renouveler son titre de séjour, dans le cadre d'un changement de statut en qualité de salarié, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de soixante jours et a fixé le pays de renvoi.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 13 de la convention franco-sénégalaise du 1er août 1995 relative à la circulation et au séjour des personnes : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation respective des deux États sur l'entrée et le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord ". Aux termes du sous-paragraphe 321 de l'article 3 de l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006, modifié par l'avenant signé le 25 février 2008 : " (...) La carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", d'une durée de douze mois renouvelable, ou celle portant la mention " travailleur temporaire " sont délivrées, sans que soit prise en compte la situation de l'emploi, au ressortissant sénégalais titulaire d'un contrat de travail visé par l'Autorité française compétente, pour exercer une activité salariée dans l'un des métiers énumérés à l'annexe IV (...) ". Selon l'article L. 110-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le présent code régit, sous réserve (...) des conventions internationales, l'entrée, le séjour et l'éloignement des étrangers en France (...) ". L'article L. 421-1 du même code dispose que : " L'étranger qui exerce une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " d'une durée maximale d'un an. / La délivrance de cette carte de séjour est subordonnée à la détention préalable d'une autorisation de travail, dans les conditions prévues par les articles L. 5221-2 et suivants du code du travail (...) ". L'article L. 5221-2 du code du travail dispose que : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : / (...) / 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail ". Aux termes enfin de l'article R. 5221-20 du même code : " L'autorisation de travail est accordée lorsque la demande remplit les conditions suivantes : / 1° S'agissant de l'emploi proposé : / a) Soit cet emploi relève de la liste des métiers en tension prévue à l'article L. 421-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et établie par un arrêté conjoint du ministre chargé du travail et du ministre chargé de l'immigration ; / b) Soit l'offre pour cet emploi a été préalablement publiée pendant un délai de trois semaines auprès des organismes concourant au service public de l'emploi et n'a pu être satisfaite par aucune candidature répondant aux caractéristiques du poste de travail proposé (...) ". Il résulte de la combinaison de ces stipulations et dispositions que la situation de l'emploi peut être valablement opposée aux ressortissants sénégalais auxquels est offert un emploi dans un métier ne figurant pas à l'annexe IV de l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006.

3. Il ressort des pièces du dossier que M. A... se prévaut d'un contrat de travail à durée indéterminée qu'il a conclu le 30 mars 2021 avec une société de travail par intérim pour occuper les emplois d'ouvrier de production non qualifié dans l'industrie agroalimentaire, de manutentionnaire non qualifié ou d'ouvrier non qualifié du tri, de l'emballage et de l'expédition. Pour rejeter la demande de titre de séjour, le préfet de Vaucluse s'est exclusivement fondé sur la circonstance, avérée, que ces métiers ne figuraient pas à l'annexe IV de l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006. Il lui appartenait toutefois de vérifier en outre si la situation de l'emploi au sens du droit national faisait obstacle à la délivrance d'une autorisation de travail, pour laquelle son employeur avait d'ailleurs obtenu un avis favorable de la plateforme du service de la main d'œuvre étrangère. A défaut, l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur de droit.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

5. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement mais seulement le réexamen de la situation de M. A.... Par suite, il y a lieu d'enjoindre à la préfète de Vaucluse de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente, de le munir d'une autorisation provisoire de séjour. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

6. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 septembre 2023. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement au conseil du requérant, sous réserve qu'il renonce à la contribution de l'Etat à l'aide juridictionnelle, de la somme réclamée de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2201252 du 12 juillet 2022 du tribunal administratif de Nîmes et l'arrêté du préfet de Vaucluse du 23 mars 2022 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à la préfète de Vaucluse de réexaminer la demande de M. A... dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : L'Etat versera au conseil de M. A..., sous réserve qu'il renonce à percevoir la contribution de l'Etat à l'aide juridictionnelle, la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Fodé Moussa Guirassy et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète de Vaucluse.

Délibéré après l'audience du 14 décembre 2023, où siégeaient :

- M. Barthez, président,

- M. Lafon, président assesseur,

- Mme Restino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 décembre 2023.

Le rapporteur,

N. Lafon

Le président,

A. Barthez

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°22TL21802 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22TL21802
Date de la décision : 28/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: M. Nicolas LAFON
Rapporteur public ?: M. CLEN
Avocat(s) : GUIRASSY

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-28;22tl21802 ?
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