La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/01/2024 | FRANCE | N°23BX01566

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 09 janvier 2024, 23BX01566


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler, d'une part, l'arrêté du 1er février 2023 par lequel le préfet des Hautes-Pyrénées a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de renvoi, d'autre part, l'arrêté du 8 mai 2023 par lequel le préfet des Hautes-Pyrénées l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.



Par un jugement n° 2301234-2301252 du 17 mai 2023, la magistrate désignée du tribunal administratif de Pa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler, d'une part, l'arrêté du 1er février 2023 par lequel le préfet des Hautes-Pyrénées a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de renvoi, d'autre part, l'arrêté du 8 mai 2023 par lequel le préfet des Hautes-Pyrénées l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2301234-2301252 du 17 mai 2023, la magistrate désignée du tribunal administratif de Pau a renvoyé à la formation collégiale du tribunal les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er février 2023 par lequel le préfet des Hautes-Pyrénées a rejeté sa demande de titre de séjour et rejeté le surplus de ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 juin 2023, et la production de pièces complémentaires enregistrée le 3 août 2023, M. A... B..., représenté par Me Gontier, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2301234-2301252 du 17 mai 2023 du tribunal administratif de Pau ;

2°) d'annuler, d'une part, l'arrêté du 1er février 2023 par lequel le préfet des Hautes-Pyrénées lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de renvoi, d'autre part, l'arrêté du 8 mai 2023 par lequel le préfet des Hautes-Pyrénées l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours ;

3°) d'enjoindre au préfet des Hautes-Pyrénées de procéder à un nouvel examen de sa situation, dans un délai de huit jours à compter de la date du présent arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire :

- la décision est insuffisamment motivée ; sa motivation est erronée ;

- le préfet des Hautes-Pyrénées n'a pas respecté la procédure contradictoire ; il avait des observations pertinentes à faire valoir ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; il s'est investi de manière croissante dans la vie de son fils ; il contribue à son entretien et son éducation ; ces éléments existaient lors de l'édiction de l'arrêté litigieux ;

- la décision porte atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale, ainsi qu'à l'intérêt supérieur de l'enfant ;

- la décision est entachée d'un défaut d'examen de sa situation ;

S'agissant de la décision fixant un délai de départ volontaire :

- la décision est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 et les principes généraux du droit de l'Union européenne ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision est entachée d'un défaut d'examen de sa situation ;

S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

-la décision est insuffisamment motivée ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision est entachée d'un défaut d'examen de sa situation ;

S'agissant de l'assignation à résidence :

- la décision est insuffisamment motivée ; sa motivation est erronée ;

- il bénéficie de garanties de représentation effectives et suffisantes ;

- la décision porte une atteinte excessive à la liberté d'aller et venir.

Par ordonnance du 20 septembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 20 novembre 2023 à 12 h00.

Le préfet des Hautes-Pyrénées a produit un mémoire en défense enregistré le 14 décembre 2023.

M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 27 juillet 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 ;

- le code civil ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Bénédicte Martin.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant tunisien né le 2 octobre 1999, est entré en France le 10 août 2021 selon ses déclarations. L'intéressé a sollicité le 18 janvier 2022 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en tant que parent d'enfant français. Par un arrêté du 1er février 2023, le préfet des Hautes-Pyrénées a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a désigné le pays de renvoi. Par un arrêté du 8 mai 2023 du préfet des Hautes-Pyrénées, M. B... a été assigné à résidence à compter du 8 mai 2023 pour une durée de 45 jours. Par un jugement du 17 mai 2023 dont M. B... relève appel, la magistrate désignée du tribunal administratif de Pau a d'une part, rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er février 2023 en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et désignation du pays de renvoi et a renvoyé les conclusions de M. B... tendant à l'annulation de refus de séjour à une formation collégiale du tribunal, d'autre part, rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 mai 2023, l'assignant à résidence.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces dernières stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

3. M. B... est père d'un enfant français né le 12 juillet 2020, qu'il a reconnu le 11 octobre 2021. Par un jugement du 31 août 2022, le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Tarbes a fixé la résidence de l'enfant au domicile de la mère, séparée du père depuis juillet 2020, précise que l'autorité parentale est exercée exclusivement par la mère et que le père bénéficie d'un droit de visite en lieu neutre un samedi sur deux, pour une durée de trois heures, pendant une durée de huit mois, à compter de sa mise en œuvre. Il ressort de l'attestation de l'association Tom Pouce, datée du 12 mai 2023, que M. B... a honoré son droit de visite dans les conditions fixées par le magistrat judiciaire, du 12 novembre 2022 au 22 avril 2023. Bien que M. B... ait été dispensé par le magistrat judiciaire de la contribution à l'entretien et à l'éducation de son fils, " jusqu'à retour à meilleur fortune ", il ressort non pas de la production de tickets de caisse non nominatifs mais des échanges de messages entre les deux parents entre le mois de novembre 2022 et le mois de février 2023, que l'intéressé a entendu entretenir des liens avec son fils et contribuer à son entretien et son éducation, par l'achat de jouets et d'articles de la petite enfance. Compte tenu des liens existants entre le père et l'enfant, la mesure d'éloignement, qui aurait pour conséquence de priver l'enfant de son père pour un temps indéterminé, a méconnu l'intérêt supérieur du fils de M. B... protégé par le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

4. L'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français entraine, par voie de conséquence, l'illégalité des décisions fixant un délai de départ volontaire et le pays de renvoi ainsi que l'arrêté l'assignant à résidence.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions par lesquelles le préfet des Hautes-Pyrénées l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et l'a assigné à résidence.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

6. Aux termes de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision portant obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 721-6, L. 721-7, L. 731-1, L. 731-3, L. 741-1 et L. 743-13, et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ".

7. L'annulation, par le présent arrêt, de l'obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de M. B... implique seulement que sa situation soit réexaminée et que, dans l'attente, l'autorisation provisoire de séjour prévue par ces dispositions lui soit délivrée. Par suite, il y a lieu, et sans qu'il soit nécessaire de prononcer une astreinte, d'enjoindre au préfet des Hautes-Pyrénées de réexaminer la situation de l'intéressé dans un délai de deux mois à compter de la date de notification du présent arrêt et de le munir, sans délai, d'une autorisation provisoire de séjour.

Sur les frais liés au litige :

8. En application des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, au bénéfice du conseil de M. B..., une somme de 1 200 euros au titre des frais exposés pour l'instance.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Pau du 17 mai 2023 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. B... tendant à l'annulation d'une part, des décisions du 1er février 2023 lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et fixant le pays de renvoi, d'autre part, de l'arrêté du 8 mai 2023 l'assignant à résidence.

Article 2 : Les décisions du 1er février 2023 faisant obligation à M. B... de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et fixant le pays de renvoi et l'arrêté du 8 mai 2023 l'assignant à résidence sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint au préfet des Hautes-Pyrénées de réexaminer, dans le délai de deux mois à compter de la date de notification de l'arrêt, la situation de M. B... et de le munir, sans délai, d'une autorisation provisoire de séjour.

Article 4 : L'Etat versera à Me Gontier une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Hautes-Pyrénées.

Délibéré après l'audience du 15 décembre 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 janvier 2024.

La rapporteure,

Bénédicte MartinLa présidente,

Evelyne BalzamoLe greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 23BX01566


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX01566
Date de la décision : 09/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: Mme Bénédicte MARTIN
Rapporteur public ?: Mme GAY
Avocat(s) : GONTIER

Origine de la décision
Date de l'import : 14/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-09;23bx01566 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award