Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
MM. B...et D...C...ont demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'enjoindre à la commune de Saint-François et à la Semsamar de retirer le revêtement bicouche sur les parcelles numérotées AP 248, AP 246 et AP 181 leur appartenant, de remettre les sols en l'état et de réimplanter les bornes, et de condamner la commune de Saint-François et la Semsamar à verser à M. B...C...la somme globale de 119 900 euros pour la remise en état des parcelles et l'occupation des terrains et à M. D...C...la somme de 547 600 euros au même titre.
Par un jugement avant dire droit du 27 juin 2013, le tribunal administratif de la Guadeloupe a ordonné une expertise.
Par un jugement n° 1200810 du 30 décembre 2014, le tribunal administratif de la Guadeloupe a condamné la commune de Saint-François et la Semsamar à verser solidairement à MM. B...et D...C...la somme de 7 500 euros chacun à titre d'indemnisation de leurs troubles de jouissance.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 3 mars 2015, la commune de Saint-François, représentée par MeE..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 30 décembre 2014 ;
2°) de rejeter les conclusions à fin d'injonction et les conclusions indemnitaires présentées par MM. B...et D...C... ;
3°) de condamner MM. B...et D...C...aux entiers dépens ;
4°) de mettre à la charge de MM. B...et D...C...la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- il est inexact d'affirmer que les travaux ont été exécutés sur une portion des parcelles AP 246 et AP 248 ; il n'y a jamais eu de chemin piétonnier sur la parcelle AP 168, sauf à démentir la photo satellitaire de l'année 2004 qui fait apparaître exclusivement des servitudes de passage ; par ailleurs, la route bitumée est bornée de constructions, d'ouvrages publics et de végétation conséquente qui interdisent de considérer qu'il ait été possible d'avoir modifié, même légèrement, la configuration des lieux ;
- si par délibération du 27 novembre 2003, le conseil municipal de Saint-François a donné mandat à la Samideg pour une " opération grand site de la Pointe des Châteaux", ce mandat ne fait pas état de travaux publics relatifs à la route de Tarare, à proximité des parcelles litigieuses ; selon l'expert, il n'existe à sa connaissance aucun document permettant d'affirmer que des travaux réalisés par la Samideg auraient étés ordonnés par la commune de Saint-François ; ses travaux réalisés par la Samideg l'ont été sous la seule responsabilité de l'entreprise, en dehors de tout mandat ;
- en tout état de cause, les consorts C...sont à l'origine de la servitude le long de la ligne de desserte située à l'extrémité de la parcelle originelle dans le but de faire disparaître la servitude d'origine qui rendait leurs terrains inexploitables et d'une valeur économique quasi-nulle ; ils ne peuvent donc invoquer leur propre turpitude lorsqu'ils reprochent à la commune d'avoir bitumé une route de passage qu'ils reconnaissent avoir créée, en violation de la servitude d'origine ;
- l'expert ne justifie pas sa conclusion d'absence de servitudes conventionnelles ou légales sur les fonds des consortsC... ; c'est à tort que le tribunal a refusé le complément d'expertise sollicité par la commune ;
- si le chemin d'accès des consorts C...n'est pas constitutif d'une servitude, leurs parcelles seraient enclavées.
Par un mémoire, enregistré le 25 juin 2015, la société communale de Saint-Martin (Sensamar) venant aux droits de la société d'aménagement intercommunale pour le développement de l'Est de la Guadeloupe (Samideg), représentée par la SCP Payen-Pradines, conclut :
- à titre principal, à l'annulation du jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 30 décembre 2014 et au rejet des demandes des consortsC... ;
- à titre subsidiaire, à la mise hors de cause de la Semsamar, venant aux droits de la Samideg et, à défaut, de condamner la commune de Saint-François à la garantir de toute condamnation ;
- à la mise à la charge des consorts C...de la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- les plans produits tendent à démontrer que les auteurs de la réalisation du chemin en cause sont MM. C...eux-mêmes ;
- aucune pièce ne vient démontrer que la route en litige aurait été bitumée par la Samideg en qualité de maître d'ouvrage délégué de la commune de Saint-François ; la Semsamar a bénéficié au 23 décembre 2009 de la transmission universelle du patrimoine de la Samideg dissoute, mais n'a retrouvé aucune archive sur les faits en litige ; la commune nie d'ailleurs toute intervention au titre du site de La pointe des châteaux sur les parcelles de MM.C... ; dans la délibération du 27 novembre 2003 faisant état de la 2ème tranche de travaux du grand site de la Pointe des châteaux, il n'est jamais fait mention du bitumage de route au lieu-dit Tarare ;
- la Samideg ne peut être intervenue que dans le cadre d'un mandat au visa des dispositions des articles 3 et suivants de la loi du 12 juillet 1985 ; en l'absence de solidarité entre mandant et mandataire, et dans l'hypothèse où la cour estimerait que les travaux ont été réalisés pour le compte de la commune de Saint-François, cette dernière devrait être seule tenue des éventuelles conséquences dommageables qui auraient pu résulter de leur exécution ; à tout le moins, elle devra la garantir de toute condamnation.
Par ordonnance du 18 mars 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 26 mai 2016 à 12 heures.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur deux moyens relevés d'office tirés, d'une part de l'irrecevabilité des conclusions d'appel provoqué de la société Semsamar au cas où sa situation ne serait pas aggravée par la décision sur l'appel principal et, d'autre part, de l'irrecevabilité de ses conclusions d'appel en garantie, lesquelles sont nouvelles en appel.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Cécile Cabanne ;
- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. En novembre 2008, la société d'aménagement intercommunale pour le développement de l'Est de la Guadeloupe (Samideg), aux droits de laquelle vient la société communale de Saint-Martin (Semsamar), a procédé à la pose d'un revêtement bitumeux sur un chemin en tuf existant, facilitant l'accès au littoral et au site de la Pointe des Châteaux. MM. B... et D...A..., estimant que ces travaux avaient été réalisés sans leur accord sur des parcelles dont ils sont propriétaires, ont saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Fort-de-France qui, par ordonnance du 4 novembre 2011, s'est déclaré incompétent. Ils ont alors saisi le 25 juillet 2012 le tribunal administratif de la Guadeloupe d'une demande tendant à ce qu'il soit enjoint à la commune de Saint-François et à la Semsamar de retirer le revêtement bicouche sur trois parcelles numérotées AP 248, AP 246 et AP 181 leur appartenant, de remettre les sols en l'état et de réimplanter les bornes, ainsi qu'à la condamnation de la commune de Saint-François et de la Semsamar à leur verser diverses sommes à titre de dommages-intérêts et d'indemnités d'occupation. Par un jugement avant-dire droit du 27 juin 2013, le tribunal administratif de la Guadeloupe a ordonné une expertise aux fins, notamment, de dire si les travaux routiers réalisés par la Samideg ont été ordonnés par la commune de Saint-François, s'ils empiètent sur les trois parcelles numérotées AP 248, AP 246 et AP 181 appartenant à MM. B...et D...A...et, le cas échéant, préciser la localisation et l'étendue de cet empiétement. Par jugement du 30 décembre 2014, dont relève appel la commune de Saint-François, le tribunal administratif de la Guadeloupe a condamné la commune de Saint-François et la Semsamar à verser solidairement à MM. C...la somme de 7 500 euros chacun à titre d'indemnisation de leurs troubles de jouissance et rejeté le surplus de leurs conclusions.
Sur l'appel principal :
2. Dans le cas d'une décision administrative portant atteinte à la propriété privée, le juge administratif, compétent pour statuer sur le recours en annulation d'une telle décision, l'est également pour connaître de conclusions tendant à la réparation des conséquences dommageables de cette décision administrative, hormis le cas où elle aurait pour effet l'extinction du droit de propriété. En l'absence d'extinction du droit de propriété, la réparation des conséquences dommageables résultant des travaux effectués sur une propriété privée par une collectivité publique ne saurait donner lieu à une indemnité correspondant à la valeur vénale de la parcelle, mais uniquement à une indemnité moindre d'immobilisation réparant le préjudice résultant de l'occupation irrégulière de cette parcelle.
3. Il résulte de l'instruction que le chemin sur lequel la Samideg a procédé à la pose d'un revêtement bitumeux au cours de l'année 2008 est une voie privée. Cette voie, qui facilite l'accès au littoral et à la plage de Tarare, site balnéaire et point de départ de plusieurs sentiers pédestres, est une voie ouverte à la circulation publique. Si la commune de Saint-François conteste avoir fait réaliser les travaux sur ce chemin, il résulte du schéma d'aménagement régional qu'afin d'organiser l'accueil et le développement du site de la Pointe des Châteaux sur la commune de Saint-François, désigné comme grand site national par décret du Conseil d'Etat du 23 février 1997, un programme d'aménagement et de mise en valeur de ce site a été initié en deux tranches de travaux. La seconde tranche consistait en l'aménagement des sentiers et bords de route, de la signalétique et des points de vue du site. Par délibération du 27 novembre 2003, le conseil municipal de la commune de Saint-François a confié par mandat à la Samideg la maîtrise d'ouvrage déléguée de cette seconde tranche d'aménagement et de protection du site de la Pointe des Châteaux. Dans ces conditions, alors que ce chemin assure un accès à la Pointe des Châteaux et dans la mesure où la commune ne produit aucune pièce détaillant le programme de mise en valeur de ce site ni le récolement des travaux du marché, les travaux d'aménagement de la voie privée doivent être regardés comme réalisés par la Samideg en qualité de maître d'ouvrage délégué de la commune de Saint-François.
4. L'expert a retenu que les travaux de bitumage réalisés par la Samideg avaient empiété en partie sur les parcelles AP 246, AP 247 et AP 248, propriété de MM.C.... Alors qu'aucune disposition n'autorise une commune à imposer aux propriétaires d'une voie privée des travaux d'aménagement de cette voie, il est constant que la pose du revêtement bitumeux a été réalisée sans l'accord des propriétaires. Si la commune de Saint-François invoque l'existence d'une servitude de nature à justifier l'accomplissement de ces travaux sur des terrains privés, la réalité d'une telle servitude n'est pas établie. Elle soutient également que les travaux n'ont pas modifié l'emprise du chemin initial. Toutefois, l'atteinte à la propriété de MMC..., par sa nature même, ouvrait droit à réparation des conséquences dommageables de l'emprise irrégulière générée par les travaux de bitumage de la voie leur appartenant. La circonstance qu'en lieu et place d'un chemin en S reliant la route nationale à la plage de Tarare, traversant les parcelles AP 246 et 248, MM. C...auraient réalisé un chemin rectiligne, cadastré AP 247, longeant à l'Ouest ces terrains, n'est pas de nature à exonérer la commune de Saint-François de sa responsabilité. De même, la commune n'est pas fondée à soutenir que seule pouvait être engagée la responsabilité de la Samideg, à laquelle elle avait délégué la maîtrise d'ouvrage sur le fondement de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985. En effet, la convention par laquelle une collectivité confère à une autre personne la qualité de maître d'ouvrage délégué n'a pas pour effet de faire perdre à cette collectivité la qualité de maître d'ouvrage et de la décharger de la responsabilité qui peut être encourue par elle à ce titre.
5. Il résulte de ce qui précède que la commune de Saint-François, qui ne conteste pas les préjudices indemnisés et les montants alloués à MM.C..., n'est pas fondée à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe l'a condamnée à verser à MM. C...la somme de 7 500 euros chacun à titre d'indemnisation de leurs troubles de jouissance.
Sur les conclusions présentées par la Semsamar :
6. Les conclusions présentées par la Semsamar, après expiration du délai d'appel, tendant à la décharge des condamnations prononcées à son encontre, sont dirigées contre MM. C..., intimés en appel, et présentent donc le caractère d'un appel provoqué. Elles doivent, cependant, être rejetées comme irrecevables, dès lors que les conclusions de l'appel principal n'étant pas accueillies, la situation de la Semsamar n'est pas aggravée. Par ailleurs, les conclusions d'appel en garantie présentées par la Semsamar à l'encontre de la commune de Saint-François sont nouvelles en appel et donc irrecevables.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge de MM.C..., qui ne sont pas dans la présente instance les parties perdantes, les sommes que demandent la commune de Saint-François et la Semsamar au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Saint-François est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la Semsamar sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Saint-François, à M. B...C..., à M. D... C...et à la société communale de Saint-Martin.
Délibéré après l'audience du 13 avril 2017 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, président,
M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,
Mme Cécile Cabanne, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 16 mai 2017.
Le rapporteur,
Cécile CABANNELe président,
Catherine GIRAULT
Le greffier,
Delphine CÉRON
La République mande et ordonne au ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15BX00715