Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Entreprise B...Travaux Publics a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe de condamner le département de la Guadeloupe à lui verser la somme de 3 788 853,21 euros dont elle s'estime créancière du fait de l'interruption du chantier relatif au marché de travaux dont elle était titulaire pour l'aménagement du carrefour Bergevin RD 24.
Par un jugement n° 1200420 du 26 mars 2015, le tribunal administratif de la Guadeloupe a fait droit partiellement à la demande en condamnant le département de la Guadeloupe à verser à la société B...Travaux Publics la somme de 65 000 euros, sous déduction des sommes versées à la suite d'une ordonnance du 23 février 2012 du juge des référés du même tribunal.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 22 mai 2015, et des mémoires en production de pièces, enregistrés les 10 et 20 mars 2017, la société B...Travaux Publics et M.B..., représentés par Me D..., demande à la cour :
1°) de réformer le jugement du 26 mars 2015 par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe a limité à la somme de 65 000 euros l'indemnité qu'il a condamné le département de la Guadeloupe à verser à la SARL GTP ;
2°) de condamner le département de la Guadeloupe au remboursement du coût d'achat des matériels laissés sur le site et vandalisés, et au paiement des sommes de 85 443,21 euros au titre du solde du marché et du bénéfice perdu, 550 000 euros au titre du préjudice d'image et 2 452 950 euros au titre de l'indemnité d'attente prévue par les articles 48 et 14 du CCAG Travaux, ou subsidiairement de la seule somme de 972 000 euros au titre de cette indemnité d'attente.
3°) de " dire qu'à défaut d'exécution de l'arrêt à intervenir, il sera fait application de l'article 1er de la loi du 16 juillet 1980 ".
4°) de condamner le département de la Guadeloupe aux entiers dépens et de mettre à sa charge la somme de 3 000 euros à verser à la société GTP sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- contrairement à ce qu'a soutenu le conseil départemental de la Guadeloupe, la société B...Travaux Publics n'a pas été placée en redressement judiciaire ; son action n'est donc pas irrecevable ;
- le département de la Guadeloupe a méconnu les obligations de l'article 48 du CCAG-Travaux en s'abstenant de procéder à un ajournement avec constat des ouvrages exécutés ; il reconnaît également n'avoir pas procédé à la résiliation du marché en application de l'article 46 du CCAG-Travaux ; si une entreprise tierce est intervenue, il s'est agi d'une manoeuvre destinée à modifier le périmètre du marché pour absorber les travaux en litige dans un ensemble plus vaste au profit d'une entreprise plus importante ;
- elle sollicite l'indemnisation du manque à gagner, lequel correspond au solde du montant du marché, soit 85 443,21 euros ; le montant de 20 000 euros alloué par les premiers juges ne peut être retenu au titre d'une faute contractuelle, qui ne relève ni du cas fortuit ni de la force majeure ni d'un fait extérieur ; les pièces versées au dossier ne permettent pas de savoir pour quelles raisons le chantier a été interrompu ; si le département de la Guadeloupe explique que l'opération a été modifiée du fait de difficultés relatives au réseau enterré, c'est sa propre faute qui est à l'origine de l'arrêt des travaux ; en tout état de cause, ce n'est pas une somme forfaitaire qui aurait dû lui être allouée mais l'intégralité du préjudice subi ;
- il y a lieu d'indemniser les pertes liées à l'immobilisation de son matériel, lequel a subi l'usure du temps, des dégradations et des vols et est désormais inutilisable ; contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, conformément à l'article 48 du CCAG-Travaux, l'indemnisation du préjudice constitutif d'un dommage aux biens doit être intégralement réparée ; ce préjudice s'élève, en l'espèce, à 88 725 euros ;
- conformément aux articles 48 et 14 du CCAG-Travaux, elle sollicite une indemnité d'attente qu'elle évalue à 2 452 950 euros ; cette indemnité, qui ne correspond pas au remboursement des frais de garde, est indépendante du montant du marché ; elle vise non seulement à indemniser le préjudice lié à l'inactivité de l'entrepreneur mais aussi la dévaluation consécutive des engins du fait de leur immobilisation ; la période retenue pour le calcul s'étend du 23 février 2005 au 19 avril 2012 ; si les premiers juges ont considéré qu'à compter du 20 juin 2007, date de sa demande d'indemnisation, elle ne pouvait ignorer que les travaux étaient définitivement arrêtés, le lien de causalité n'est pas établi ; à cette date, le département ne s'est pas prononcé expressément sur l'arrêt définitif du chantier ; par ailleurs, le département n'explique pas en quoi le redéploiement de l'opération aurait nécessairement entraîné son éviction ; contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, il n'était pas de sa responsabilité de demander une indemnité d'attente de reprise des travaux dans la mesure où l'interruption était liée à une difficulté technique selon les explications fournies par le maître de l'ouvrage ; en dépit de ses demandes répétées, le conseil général n'a pas entendu se conformer à l'article 48-1 du CCAG-Travaux ; l'article 48-2 était devenu applicable dans la mesure où les travaux avaient été interrompus pendant plus d'une année ; en tout état de cause, pour la période du 23 février 2005 au 20 juin 2007, sur la base de frais journaliers de 1 350 euros, elle est en droit de solliciter 972 000 euros ;
- elle sollicite 550 000 euros en réparation de l'atteinte portée à son image causée par les difficultés financières nées à la suite de la cessation irrégulière du chantier de Bergevin ; plusieurs marchés publics lui ont été refusés au motif qu'elle n'avait pas suffisamment d'assise financière ;
- elle renonce au préjudice de 600 000 euros de M. B...car la juridiction administrative n'a pas à en connaître ;
- le montant alloué par les premiers juges au titre du préjudice moral est insuffisant ; elle sollicite à ce titre 150 000 euros dans la mesure où il ne s'agit pas simplement d'une tracasserie au titre d'un chantier non exécuté mais d'une duperie pour favoriser une autre société.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 mai 2016, le département de la Guadeloupe, représenté par MeA..., conclut au rejet de la requête, à l'annulation du jugement du 26 mars 2015 du tribunal administratif de la Guadeloupe, au rejet de la demande des requérants et à la mise à la charge de la société B...Travaux public et de M. C...B...de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- M. C...B...n'est pas recevable à interjeter appel, n'étant pas partie dans le cadre de l'instance suivie devant le tribunal administratif de la Guadeloupe ;
- s'agissant du manque à gagner résultant de l'arrêt définitif des travaux, si la résiliation du marché pour motif d'intérêt général oblige le maître de l'ouvrage à réparer l'intégralité du préjudice que cette mesure cause à l'entrepreneur et notamment le manque à gagner, le juge administratif n'inclut pas dans ce manque à gagner l'ensemble des sommes que le cocontractant aurait pu percevoir si le marché avait été mené jusqu'à son terme ;
- s'agissant de l'immobilisation des engins et matériaux, la société n'est pas fondée à réclamer la moindre somme en indemnisation alors qu'aucun chiffrage n'est produit ; en tout état de cause, à supposer que les engins et matériaux aient été acquis pour les besoins du chantier, leur dégradation ne saurait être indemnisée à hauteur de leur valeur à neuf ; ils ont fait l'objet d'une utilisation dès lors que le marché a été exécuté à hauteur de 44 % ; la société B...Travaux Publics, qui intervient régulièrement sur des chantiers du type de celui faisant l'objet du marché qu'elle avait conclu avec le département, ne démontre pas que les biens dont elle souhaite être indemnisée auraient été acquis uniquement pour les besoins du chantier litigieux ; enfin, il n'est pas davantage établi que ces engins et matériaux seraient désormais inutilisables et dépourvus de toute valeur ;
- s'agissant de l'indemnité d'attente, le tribunal a justement déduit de la demande indemnitaire adressée au département par l'entreprise la circonstance que celle-ci avait parfaitement conscience de ce que le chantier était définitivement arrêté ; par ailleurs, l'article 48 du CCAG ouvre au titulaire du marché la possibilité de percevoir une indemnité d'attente à la condition qu'il justifie avoir effectivement assuré la garde du marché, ce que la société B...Travaux Publics ne démontre pas ; la détermination de la valeur journalière de 1 350 euros, qui correspond à celle de divers matériels, ne repose sur aucune évaluation chiffrée ; en tout état de cause, la somme de 2 452 950 euros sollicitée apparaît excessive pour un marché de 152 567,69 euros ;
- la requérante ne démontre pas avoir subi un préjudice moral et d'atteinte à sa réputation du fait de l'interruption du marché et de l'absence de résiliation du marché.
Par ordonnance du 16 février 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 2 mai 2017 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Cécile Cabanne, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par acte d'engagement en date du 25 novembre 2003, le département de la Guadeloupe a conclu un marché public avec la société B...Travaux Publics (GTP) ayant pour objet l'aménagement d'un carrefour à Bergevin sur la route départementale n° 24, pour un montant de 165 135,94 euros TTC. Les prestations à réaliser portaient sur l'aménagement des abords de la RD 24 et l'installation d'équipements à feux synchronisés, afin de garantir une meilleure fluidité du trafic et la sécurité des usagers. L'exécution du marché, prévue pour une durée de trois mois, a cependant été différée le 20 février 2004, avant de débuter le 27 avril 2004. Elle a été interrompue ensuite par deux fois les 19 mai 2004 et 23 février 2005. Si la première interruption a donné lieu à une reprise de chantier notifiée à la société B...Travaux Publics le 6 janvier 2005 par le département de la Guadeloupe, en revanche, pour la seconde, aucun ordre de reprise de travaux n'a été notifié. La société B...Travaux Publics a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe de condamner le département à lui verser une somme de 3 788 853,21 euros en réparation de l'ensemble des préjudices qu'elle estime avoir subis, en l'absence d'ajournement ou de résiliation du marché. La société B...Travaux Publics relève appel du jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe en tant qu'il a limité à la somme de 65 000 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné le département de la Guadeloupe. Le département de la Guadeloupe, par la voie de l'appel incident, demande l'annulation de ce jugement.
Sur la fin de non recevoir opposée par le département de la Guadeloupe :
2. Le département de la Guadeloupe soutient que M. B...n'a pas qualité pour faire appel dès lors qu'il n'était pas partie à la première instance. Toutefois, en dépit de la maladresse de présentation de la requête d'appel, M. B...n'est pas présent dans la présente instance en qualité de demandeur, dès lors qu'il ne présente aucune conclusion propre, mais doit être regardé comme agissant en qualité de représentant légal de la société B...Travaux Publics. Par suite, la fin de non recevoir du département de la Guadeloupe ne peut qu'être écartée.
Sur les conclusions indemnitaires :
3. Aux termes de l'article 48 du cahier des clauses administratives générales (CCAG)-Travaux : " 48.1 L'ajournement des travaux peut être décidé. Il est alors procédé, suivant les modalités indiquées à l'article 12, à la constatation des ouvrages et parties d'ouvrages exécutés et des matériaux approvisionnés. L'entrepreneur qui conserve la garde du chantier a droit à être indemnisé des frais que lui impose cette garde et préjudice qu'il aura éventuellement subi du fait de l'ajournement. Une indemnité d'attente de reprise des travaux peut être fixée dans les mêmes conditions que les prix nouveaux, suivant les modalités prévues à l'article 14. / 48.2. Si, par suite d'un ajournement ou de plusieurs ajournements successifs, les travaux ont été interrompus pendant plus d'une année, l'entrepreneur a le droit d'obtenir la résiliation du marché, sauf si, informé par écrit d'une durée d'ajournement conduisant au dépassement de la durée d'un an indiquée ci-dessus, il n'a pas, dans un délai de quinze jours, demandé la résiliation. ". L'article 12 du même cahier précise: " 12.1. Au sens du présent article, la constatation est une opération matérielle, le constat est le document qui en résulte. 12.2. Des constatations contradictoires concernant les prestations exécutées ou les circonstances de leur exécution sont faites sur la demande, soit du titulaire, soit du maître d'oeuvre. (...) 12.5. Le titulaire est tenu de demander, en temps utile, qu'il soit procédé à des constatations contradictoires pour les prestations qui ne pourraient faire l'objet de constatations ultérieures, notamment lorsque les ouvrages doivent se trouver par la suite cachés ou inaccessibles. A défaut et sauf preuve contraire fournie par lui et à ses frais, il n'est pas fondé à contester la décision du maître d'oeuvre relative à ces prestations ".
4. Selon l'article 14 dudit cahier : " (...) 14.2. Les prix nouveaux peuvent être soit des prix unitaires, soit des prix forfaitaires. Sauf indication contraire, ils sont établis sur les mêmes bases que les prix du marché, notamment aux conditions économiques en vigueur le mois d'établissement de ces prix. S'il existe des décompositions de prix forfaitaires ou des sous-détails de prix unitaires, leurs éléments, notamment les prix d'unité contenus dans les décompositions, sont utilisés pour l'établissement des prix nouveaux. 14.3. L'ordre de service mentionné au I du présent article, ou un autre ordre de service intervenant au plus tard quinze jours après, notifie à l'entrepreneur des prix provisoires pour le règlement des travaux nouveaux ou modificatifs. Ces prix provisoires sont arrêtés par le maître d'oeuvre après consultation de l'entrepreneur. Ils sont obligatoirement assortis d'un sous-détail, s'il s'agit de prix unitaires, ou d'une décomposition, s'il agit de prix forfaitaires, cette décomposition ne comprenant aucun prix d'unité nouveau dans le cas d'un prix forfaitaire pour lequel les changements présents ne portent que sur les quantités de natures d'ouvrage ou d'éléments d'ouvrage. Les prix provisoires sont des prix d'attente qui n'impliquent ni l'acceptation du maître de l'ouvrage ni celle de l'entrepreneur ; ils sont appliqués pour l'établissement des décomptes jusqu'à la fixation des prix définitifs. 14.4. L'entrepreneur est réputé avoir accepté les prix provisoires si, dans le délai d'un mois suivant l'ordre de service qui lui a notifié ces prix, il n'a pas présenté d'observation au maître d'oeuvre en indiquant, avec toutes justifications utiles, les prix qu'il propose. 14.5 Lorsque la personne responsable du marché et l'entrepreneur sont d'accord pour arrêter les prix définitifs, ceux-ci font l'objet, s'ils ne sont pas incorporés dans un avenant, d'un état supplémentaire de prix forfaitaires ou d'un bordereau supplémentaire de prix unitaires, signé des deux parties. ".
5. D'une part, il résulte de l'instruction que, par ordre de service n° 5 du 23 février 2005, la société B...Travaux Publics a été informée de la décision du maître de l'ouvrage de suspendre les travaux en raison de difficultés techniques. Ainsi, en application des stipulations de l'article 48.1 précité du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux, la société B...Travaux Publics est fondée à soutenir qu'elle a droit à être indemnisée des frais que lui a imposés la garde du chantier ajourné, ainsi que de l'ensemble des préjudices subis du fait de l'ajournement, à condition toutefois d'établir la réalité de ses préjudices, ainsi que leur lien avec l'ajournement.
6. D'autre part, il résulte de l'instruction qu'aucune reprise du marché n'a été réalisée par le département de la Guadeloupe à la suite du dernier ajournement intervenu le 23 février 2005. Alors que l'article 48 du CCAG-Travaux prévoit qu'en cas d'ajournements successifs des travaux pendant plus d'une année, l'entrepreneur a le droit d'obtenir la résiliation du marché, sauf si, informé par écrit d'une durée d'ajournement conduisant au dépassement de la durée d'un an indiquée ci-dessus, il n'a pas, dans un délai de quinze jours, demandé la résiliation du contrat, la société GTP n'a pas formulé une telle demande. Toutefois, compte tenu du délai écoulé, le département doit être regardé comme ayant résilié la convention qui le liait à la société B...Travaux Publics. Cette résiliation est intervenue pour un motif d'intérêt général car l'aménagement de la zone de Bergevin a été modifié compte tenu des difficultés relatives aux réseaux enterrés et à l'intervention sur le site de plusieurs opérateurs publics que sont le Port autonome de Guadeloupe, le conseil régional de Guadeloupe et la ville de Pointe-à-Pitre. La résiliation doit être regardée comme étant nécessairement intervenue le 20 juin 2007, date à laquelle il résulte de l'instruction que l'aménagement du carrefour était achevé. Dans ces conditions, la société B...Travaux Publics a droit à être indemnisée tant de la perte subie que du manque à gagner, qu'il lui appartient toutefois de démontrer.
7. La société B...Travaux Publics soutient qu'elle a subi des préjudices liés, d'une part, à l'acquisition des matériels et, d'autre part, à l'immobilisation des engins nécessaires à la réalisation du marché et leur détérioration qu'elle évalue dans les deux cas à un montant de 88 725 euros. Toutefois, elle ne démontre ni que lesdits matériels aient été acquis exclusivement pour l'exécution du marché, ni que l'ajournement de celui-ci serait l'unique motif de l'absence de toute autre utilisation sur d'autres chantiers. De même, il n'est pas établi que les matériels qu'elle mentionne étaient bien immobilisés sur ledit chantier. Alors qu'elle n'a jamais demandé un constat contradictoire permettant d'apprécier l'état du chantier conformément à l'article 12 du CCAG, le constat d'huissier qu'elle a produit a été effectué au domicile du gérant et au siège de l'entreprise le 18 décembre 2013 et ne permet donc pas d'attribuer la vétusté des matériels à un stationnement prolongé sur le chantier. Au contraire, il résulte de l'instruction, et notamment des attestations produites par la requérante, que seuls des matériaux, dont elle ne sollicite pas le remboursement, étaient présents sur place. Par suite, et alors qu'aucuns frais de garde ne sont démontrés, le département est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de la Guadeloupe lui a alloué de ce chef une indemnité de 30 000 euros.
8. La société requérante réclame également l'allocation d'une indemnité d'attente de 2 452 950 euros pour la période du 23 février 2005 au 19 avril 2012. Toutefois, sa lettre du 20 juin 2007 atteste de sa certitude de ce que le chantier ne reprendrait pas. Elle ne peut donc demander, à ce titre, une somme d'argent pour la période postérieure à cette résiliation tacite. Elle n'a par ailleurs jamais sollicité cette indemnité d'attente avant la résiliation du marché. Ainsi, alors que l'immobilisation des engins sur le chantier n'est pas démontrée, elle n'est pas fondée à solliciter l'indemnité sollicitée sur le fondement des articles 14 et 48 du CCAG.
9. La société GTP demande également le versement d'une indemnité correspondant à son manque à gagner. Le manque à gagner correspond à la marge nette que la société requérante aurait réalisée à l'occasion de l'exécution du marché. Dans ces conditions, en se bornant à revendiquer un manque à gagner correspondant au solde non alloué du montant du marché, lequel n'a été exécuté et payé qu'à hauteur de 44% soit un montant de 67 124,48 euros sur un total de 152 567,69 euros HT, la société B...Travaux Publics ne critique pas utilement le montant de 20 000 euros accordé au titre de ce chef de préjudice par les premiers juges, lesquels n'avaient pas à préciser les modalités de calcul.
10. La société B...Travaux Publics sollicite enfin la condamnation du département de la Guadeloupe à lui verser la somme de 150 000 ou 550 000 euros au titre d'un préjudice moral. S'il ne résulte pas de l'instruction que la résiliation opérée aurait porté atteinte à son image commerciale auprès de clients potentiels, la société requérante établit qu'elle a subi un préjudice moral à raison du sentiment d'incertitude généré par le comportement du département de la Guadeloupe. Il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en ramenant, conformément à la demande du département de la Guadeloupe, la somme allouée par les premiers juges de 15 000 à 10 000 euros.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de la société B...Travaux Publics doit être rejetée et que le département de la Guadeloupe est seulement fondé à demander, par la voie de l'appel incident, la réformation du jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 26 mars 2015 pour ramener l'indemnité à 30 000 euros, de laquelle devra être déduite la provision de 20 000 euros accordée par l'ordonnance du 23 février 2012 du juge des référés du même tribunal.
Sur les conclusions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département de la Guadeloupe la somme que demande la société B...Travaux Publics au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la requérante la somme que demande le département sur le même fondement.
DECIDE :
Article 1er : L'indemnité d'un montant de 65 000 euros que le département de la Guadeloupe a été condamné à verser à la société B...Travaux Publics par le jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 26 mars 2015, est ramenée à 30 000 euros, sous déduction des sommes versées à la suite de l'ordonnance du 23 février 2012.
Article 2 : Le jugement n° 1200420 du tribunal administratif de la Guadeloupe du 26 mars 2015 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Les conclusions de la société B...Travaux publics et le surplus des conclusions du département de la Guadeloupe sont rejetés.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société B...Travaux Publics et au département de la Guadeloupe.
Délibéré après l'audience du 28 septembre 2017 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, président,
M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,
Mme Cécile Cabanne, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 2 novembre 2017.
Le rapporteur,
Cécile CABANNELe président,
Catherine GIRAULT
Le greffier,
Virginie MARTY
La République mande et ordonne au préfet de la Guadeloupe en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
7
No 15BX01767