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08/11/2017 | FRANCE | N°17BX02321

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 08 novembre 2017, 17BX02321


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Techfina, en qualité de mandataire du groupement composé de la société Dodin Guadeloupe, de la société BBTP et d'elle-même, la société Techfina agissant en son nom propre, et la société Dodin Guadeloupe ont demandé le 22 février 2017 au juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe, en application de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner solidairement le syndicat mixte du nord Grande-Terre, la communauté d'agglomération du nord Grande-Terre,

le syndicat intercommunal d'alimentation en eau et assainissement de la Guadeloupe...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Techfina, en qualité de mandataire du groupement composé de la société Dodin Guadeloupe, de la société BBTP et d'elle-même, la société Techfina agissant en son nom propre, et la société Dodin Guadeloupe ont demandé le 22 février 2017 au juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe, en application de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner solidairement le syndicat mixte du nord Grande-Terre, la communauté d'agglomération du nord Grande-Terre, le syndicat intercommunal d'alimentation en eau et assainissement de la Guadeloupe et la société d'économie mixte de Saint-Martin, à leur verser une provision de 146 473,17 euros au titre du solde des prestations non contestées du marché conclu le 7 janvier 2011, avec les intérêts au taux contractuel, ainsi qu'une provision de 94 889,74 euros au titre des intérêts dus en raison des retards de paiement de situations de travaux.

Par une ordonnance n° 1700283 du 4 juillet 2017, le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe a condamné la communauté d'agglomération du nord Grande-Terre et le syndicat intercommunal d'alimentation en eau et assainissement de la Guadeloupe à verser à la société Techfina et à la société Dodin Guadeloupe une provision de 146 473,17 euros, avec les intérêts moratoires à compter du 23 mai 2016 et capitalisation au 23 mai 2017 et rejeté le surplus de la demande de provision.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 juillet 2017, le syndicat intercommunal d'alimentation en eau et assainissement de la Guadeloupe (ci-après le SIAEAG) et la communauté d'agglomération du nord Grande-Terre (ci-après la CANGT), représentés par MeA..., demandent au juge d'appel des référés :

1°) d'annuler cette ordonnance du tribunal administratif de la Guadeloupe du 4 juillet 2017 ;

2°) de surseoir à statuer au titre de l'action en paiement initiée dans l'attente de la décision au fond du tribunal administratif de la Guadeloupe dans le cadre d'une expertise ordonnée par le président de tribunal administratif ;

3°) de condamner les sociétés Techfina et Dodin Guadeloupe à payer à chacun d'entre eux la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la créance est sérieusement contestable ; en effet, la liquidation d'un marché suppose que celui-ci soit terminé ; il donne alors lieu à un décompte général définitif et indivisible ; or, les sociétés requérantes ont contesté le décompte général et n'ignorent pas l'existence de réserves compte tenu du fait que l'ouvrage est impropre à sa destination ;

- l'article 13.44 du CCAG qui prévoit qu'un décompte peut devenir définitif pour partie sur les points qui n'ont pas été efficacement contestés ne s'applique pas à l'espèce ; en effet, des réserves ont été émises et les sociétés n'ont pas marqué leur accord ; si la SEMSAMAR, maître d'ouvrage délégué, a retenu une créance au profit de la société Techfina du montant en litige, c'est dans l'ignorance de la responsabilité de cet opérateur dans le préjudice subi par la CANGT et le SIAEAG du fait de la très mauvaise exécution de l'ouvrage ;

- il sera donc sursis à statuer sur cette créance dans l'attente des conclusions de l'expertise qui permettra de déterminer la réalité du préjudice de la collectivité ;

- la prétendue créance de 94 889,74 euros n'est pas justifiée.

Par un mémoire, enregistré le 8 septembre 2017, la société Techfina, en qualité de mandataire du groupement composé de la société Dodin Guadeloupe, de la société BBTP et d'elle-même, la société Techfina agissant en son nom propre, et la société Dodin Guadeloupe concluent au rejet de la requête, par la voie de l'appel incident, à la réformation de l'ordonnance du 4 juillet 2017 en tant qu'elle a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la CANGT et du SIAEAG à verser une provision de 94 889,74 euros au titre des intérêts dus en raison des retards de paiement de situations de travaux et à la condamnation de la CANGT et du SIAEAG à leur verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Elles font valoir que :

- la question de la responsabilité de la société Techfina au sujet de prétendus manquements à ses obligations contractuelles est étrangère à la procédure d'établissement du décompte général définitif ;

- leur créance n'est pas contestable ; en application des stipulations du CCAG travaux, le décompte général qui fait l'objet de réserves et d'une contestation ultérieure, par la voie d'un mémoire en réclamation, acquiert un caractère définitif sur les éléments du décompte qui ne font l'objet d'aucune contestation ; en l'espèce, les éléments du décompte non contestés ont acquis un caractère définitif et le solde que le maître d'ouvrage reconnaît devoir au groupement n'a fait l'objet d'aucune contestation ;

- il n'y a en l'espèce aucune dérogation au caractère intangible du décompte général définitif applicable ;

- les réserves non levées mentionnées au procès-verbal de réception du 25 novembre 2010 ne sont pas particulièrement préjudiciables au bon fonctionnement de l'installation, les autres réserves ayant été levées par le maître d'ouvrage délégué ; les requérants ne démontrent pas que ces réserves seraient à l'origine des désordres constatés sur le système de filtration dont les problèmes sont dus à un mauvais entretien ; l'expertise est en cours et leur responsabilité ne saurait être engagée ; les causes potentiellement à l'origine des désordres sont susceptibles d'engager la responsabilité des appelants et non la leur ;

- elles produisent aux débats tous les éléments établissant les retards en sorte que la créance résultant du paiement des intérêts moratoires sur les situations de paiement en cours de chantier pour un montant de 94 889,74 euros n'est pas sérieusement contestable.

Par un mémoire, enregistré le 26 septembre 2017, la société communale de Saint-Martin (SEMSAMAR) s'en remet à la décision du juge d'appel et conclut à la condamnation de la CANGT et du SIAEAG à lui verser la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu :

- l'ordonnance attaquée ;

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de justice administrative.

Le président de la cour a désigné M. Philippe Pouzoulet, président de chambre, comme juge des référés en application des dispositions du livre V du code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Le syndicat mixte nord Grande-Terre, devenu la communauté d'agglomération du nord Grande-Terre (CANGT), a confié la maîtrise d'ouvrage de la réalisation d'une nouvelle station d'épuration située sur le territoire de la commune de Port-Louis à la société d'économie mixte de Saint-Martin (SEMSAMAR). Le marché de travaux a été confié le 7 janvier 2011 à un groupement composé des sociétés Techfina, Dodin Guadeloupe et BBTP pour un montant de 6 825 876,05 euros. Le 30 octobre 2014, les travaux de la station d'épuration ont été réceptionnés avec des réserves qui ont été levées en partie le 25 novembre 2015. Le 26 janvier 2016, la société Techfina, en sa qualité de mandataire du groupement, a transmis à la SEMSAMAR un projet de décompte final. Le 15 avril 2016, le maître d'ouvrage délégué a notifié aux entreprises le décompte général d'un montant de 7 140 200,30 euros, faisant apparaître un solde de 146 473,17 euros. La société Techfina, en qualité de mandataire du groupement, a contesté ce décompte général en ce qu'il a rejeté une somme de 410 115,25 euros. En l'absence de réponse sur cette contestation, les sociétés précitées ont saisi le tribunal administratif de la Guadeloupe d'un recours au fond et le juge des référés d'une demande tendant à obtenir le versement d'une provision de 146 473,17 euros au titre du solde des prestations non contestées du marché conclu le 7 janvier 2011, avec les intérêts au taux contractuel, ainsi qu'une provision de 94 889,74 euros au titre des intérêts dus en raison des retards de paiement de situations de travaux.

2. Le syndicat intercommunal d'alimentation en eau et d'assainissement de la Guadeloupe (SIAEAG) et la communauté d'agglomération du nord Grande-Terre (CANGT) relèvent appel de l'ordonnance du 4 juillet 2017 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe les a condamnés solidairement à verser aux sociétés Techfina et Dodin Guadeloupe une provision de 146 473,17 euros au titre du solde des prestations non contestées du marché conclu le 7 janvier 2011, avec les intérêts moratoires à compter du 23 mai 2016 et capitalisation au 23 mai 2017.

3. Par la voie de l'appel incident, la société Techfina en qualité de mandataire du groupement d'entreprises et en son nom propre et la société Dodin Guadeloupe demandent la réformation de l'ordonnance du 4 juillet 2017 en tant qu'elle a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la CANGT et du SIAEAG à verser une provision de 94 889,74 euros au titre des intérêts dus en raison des retards de paiement de situations de travaux.

Sur la demande de provision :

4. Aux termes des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ".

En ce qui concerne la créance principale :

5. Aux termes de l'article 13.44 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) - Travaux applicable au marché litigieux : " L'entrepreneur doit, dans un délai compté à partir de la notification du décompte général, le renvoyer au maître d'oeuvre, revêtu de sa signature, sans ou avec réserves, ou faire connaître les raisons pour lesquelles il refuse de le signer. (...) / Si la signature du décompte général est donnée sans réserve, cette acceptation lie définitivement les parties, sauf en ce qui concerne le montant des intérêts moratoires ; ce décompte devient ainsi le décompte général et définitif du marché ; / Si la signature du décompte général est refusée ou donnée avec réserves, les motifs de ce refus ou de ces réserves doivent être exposés par l'entrepreneur dans un mémoire de réclamation (...). ".

6. Le principe d'unicité du décompte ne fait pas obstacle à ce que, conformément aux stipulations de l'article 13.44 du CCAG précité, un décompte devienne définitif pour partie, sur les points qui n'ont pas été efficacement contestés, tout en étant susceptibles de faire l'objet d'un recours contentieux pour le surplus.

7. Il résulte de l'instruction que la somme en litige de 146 473,17 euros demandée par le groupement Techfina correspond à un règlement restant dû par le maître d'ouvrage sur des travaux réalisés et dont le maître d'ouvrage délégué a d'ailleurs admis le paiement dans un état d'acompte n° 28.

8. Il est vrai que la SEMSAMAR, en qualité de maître d'ouvrage délégué, a notifié le 15 avril 2016 aux entreprises concernées le décompte général s'élevant à une somme de 7 140 200,30 euros et que les sociétés défenderesses, par un mémoire déposé le 19 mai 2016, ont contesté le décompte en réclamant une somme supplémentaire de 410 115,25 euros. Mais il résulte de ce qui a été dit au point 6 que le maître d'ouvrage ne saurait utilement se prévaloir d'un litige sur le paiement de sommes supplémentaires pour refuser le paiement d'une somme non contestée.

9. Le maître d'ouvrage fait encore valoir que le groupement d'entreprises pourrait voir sa responsabilité engagée au titre de la responsabilité décennale des constructeurs. Mais il ne justifie en l'état de l'instruction d'aucune créance certaine et exigible à opposer à ce titre au groupement d'entreprise qui l'autoriserait à opérer une compensation et à remettre en cause le paiement de la somme de 146 473,17 euros.

10. Dès lors, et sans qu'il y a lieu de faire droit à la demande de sursis à statuer dès lors que le juge du référé-provision se prononce en l'état de l'instruction, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le premier juge a estimé que le paiement de la somme de 146 473,17 euros due au groupement d'entreprises présentait le caractère d'une obligation non sérieusement contestable.

En ce qui concerne les intérêts moratoires relatifs au retard de paiement des situations de travaux :

11. Il résulte des dispositions précitées de l'article R. 541-1 du code de justice administrative que pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude. Dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état.

12. Par la voie de l'appel incident, les sociétés défenderesses sollicitent le versement d'une provision d'un montant de 94 889,74 euros au titre des intérêts moratoires relatifs à des retards de paiement des situations de travaux.

13. Il résulte toutefois de l'instruction que cette somme est incluse dans le montant total de 410 115,25 euros réclamé à l'appui du mémoire en contestation déposé par la société Techfina auprès du maître d'ouvrage délégué, au titre des intérêts moratoires sur des travaux supplémentaires qui n'ont pas été payés et dont le règlement est en litige. C'est à bon droit que le premier juge a estimé que cette créance ne pouvait pas être regardée comme non sérieusement contestable.

14. Il résulte de tout ce qui précède que la CANGT et le SIAEAG ne sont pas fondés à demander la réformation de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe et que la demande incidente des sociétés intimées doit être également rejetée.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des sociétés Techfina et Dodin Guadeloupe, qui ne sont pas les parties perdantes, la somme que réclame la CANGT et le SIAEAG au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner solidairement la CANGT et le SIAEAG à verser aux sociétés Techfina et Dodin Guadeloupe la somme globale de 1 200 euros au titre des frais de procès exposés par ces dernières. Il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de la SEMSAMAR au même titre.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la communauté d'agglomération nord Grande-Terre et du syndicat intercommunal d'alimentation en eau et assainissement de la Guadeloupe est rejetée.

Article 2 : La communauté d'agglomération nord Grande-Terre et le syndicat intercommunal d'alimentation en eau et assainissement de la Guadeloupe verseront à la société Techfina et la société Dodin Guadeloupe une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions d'appel incident de la société Techfina, de la société Dodin Guadeloupe et de la société BBTP et les conclusions de la société d'économie mixte de Saint-Martin au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la communauté d'agglomération nord Grande-Terre, au syndicat intercommunal d'alimentation en eau et assainissement de la Guadeloupe, à la société Techfina, à la société Dodin Guadeloupe et à la société communale de Saint-Martin.

Fait à Bordeaux, le 8 novembre 2017.

Le juge d'appel des référés,

Philippe Pouzoulet

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

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N° 17BX02321


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Numéro d'arrêt : 17BX02321
Date de la décision : 08/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-03-015 Procédure. Procédures de référé autres que celles instituées par la loi du 30 juin 2000. Référé-provision.


Composition du Tribunal
Avocat(s) : PLUMASSEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 14/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-11-08;17bx02321 ?
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