Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 18 mai 2020 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 20BX02618 du 4 novembre 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 4 décembre 2020 sous le n° 20BX04050, et un mémoire enregistré le 11 août 2021, M. C..., représenté par Me Reix puis Me Descriaux, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 4 novembre 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 18 mai 2020 ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire, et à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, dans le dernier état de ses écritures, la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision lui refusant un titre de séjour est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que la préfète s'est estimée liée par l'avis de la direction régionale des entreprises de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE), qu'elle n'a pas joint, et n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation personnelle ;
- elle est entachée d'une erreur de fait en ce qu'elle mentionne qu'il est célibataire et sans charge de famille et qu'il est sans ressources, sans activité professionnelle et sans qualification ni expérience professionnelle, alors qu'il est en couple avec une française et travaille depuis cinq ans dans le bâtiment ;
- elle méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il entame sa cinquième année sur le territoire français et répondait à toutes les conditions d'admission exceptionnelle par le travail ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays de renvoi est dépourvue de base légale du fait de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur de fait en ce qu'elle indique qu'il ne justifie pas de l'absence d'attaches dans son pays d'origine et de l'ancienneté de son séjour en France et qu'il est célibataire et sans ressources ;
- elle est dépourvue de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 juillet 2021, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Elle renvoie au mémoire en défense qu'elle a produit devant le tribunal.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D... B...,
- et les observations de Me Campana, représentant M. C....
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., de nationalité albanaise, né le 27 juillet 1994, déclare être entré en France en avril 2016. Il a déposé une demande d'asile qui a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 31 août 2016, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 9 janvier 2017. Par un arrêté du 2 mars 2017, le préfet de la Drôme a refusé de délivrer un titre de séjour à M. C... et lui a fait obligation de quitter le territoire français. Le 8 novembre 2017, l'intéressé a déposé une demande de titre de séjour au titre d'une promesse d'embauche. Par un arrêté du 18 mai 2020, la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. M. C... relève appel du jugement n° 20BX02618 du 4 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
2. La décision vise le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle indique que la situation personnelle et familiale de l'intéressé ne répond pas à des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels, qu'il est célibataire et sans charge de famille en France, qu'il n'est pas isolé dans son pays d'origine, qu'il n'établit pas avoir rompu tout lien avec son pays d'origine et qu'il ne démontre aucunement l'ancienneté et la stabilité de ses liens privés, familiaux et sociaux en France. Elle énonce en outre qu'il ne produit aucun document établissant son insertion durable dans la société française et qu'il n'atteste pas être exposé à des menaces en cas de retour dans son pays d'origine. Elle mentionne également que s'il produit une demande d'autorisation de travail pour un contrat à durée indéterminée en qualité de " maçon/chapiste ", cette circonstance n'est pas constitutive d'un motif exceptionnel et ne relève pas davantage de considérations humanitaires et qu'en tout état de cause il ne justifie ni d'une ancienneté de travail ni des diplômes et de l'expérience nécessaire pour exercer cette activité. Elle indique enfin que, par courrier du 13 juin 2019, l'unité départementale de la Gironde de la direction régionale des entreprises, de la concurrence et de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) a émis un avis défavorable et que, eu égard à l'ensemble de ces éléments, M. C... ne peut être regardé comme justifiant de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels de nature à permettre la régularisation de sa situation en qualité de salarié. Elle énonce ainsi les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde.
3. Il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment de la décision en litige, que la préfète se soit estimée liée par l'avis de la DIRECCTE, qu'elle n'était pas tenue de joindre et dont elle a donné la teneur en rappelant que les pièces demandées n'avaient pas été produites par l'employeur, ou qu'elle se soit abstenue de procéder à un examen sérieux de la situation de l'intéressé. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.
4. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version en vigueur à la date de la décision en litige : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".
5. Il ressort des pièces du dossier que M. C... n'est pas marié et n'a pas d'enfant. S'il produit un diplôme en langue albanaise, cette pièce ne permet pas de justifier qu'il disposerait des qualifications nécessaires pour exercer l'emploi de maçon/chapiste. Il ne démontre en outre pas avoir une expérience professionnelle dans cet emploi. Par ailleurs, M. C... ne produit aucune pièce démontrant que, à la date de la décision en litige, il exerçait une activité professionnelle sur le territoire français et qu'il était, depuis trois ans, en couple avec une ressortissante française. L'attestation de cette dernière ne mentionne le caractère stable de sa relation avec l'intéressé que depuis le début de l'année 2020, ce qui était récent à la date de la décision attaquée. Par ailleurs, l'intéressé est arrivé en France à l'âge de 21 ans et son père, sa mère et l'ensemble de sa fratrie résident en Albanie. Ainsi, M. C... ne démontre ni l'intensité, l'ancienneté et la stabilité de ses liens personnels et familiaux, ni s'être inséré dans la société française. Dans ces conditions, les moyens tirés d'erreurs de fait et de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code précité doivent être écartés.
6. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version en vigueur à la date de la décision en litige : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...) ".
7. M. C... se prévaut de sa durée de présence en France en soutenant qu'il y a travaillé régulièrement depuis quatre ans, sans apporter ni bulletins de salaire ni attestations en ce sens. Comme l'ont justement relevé les premiers juges, la production de bordereaux de remises de chèques ne justifie pas de l'origine de ces ressources financières. Dans ces conditions, le requérant ne démontre pas l'existence de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels qui justifieraient qu'un titre de séjour lui soit délivré. Dès lors, le moyen tiré de ce que la préfète de la Gironde aurait commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code précité doit être écarté.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
8. Les moyens dirigés contre la décision portant refus de titre de séjour ayant été écartés, le requérant n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision au soutien de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français.
9. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
10. Les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision en litige sur la situation personnelle de l'intéressé doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 5.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
11. Les moyens dirigés contre les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ayant été écartés, le requérant n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de ces décisions au soutien de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans :
12. Aux termes des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version en vigueur à la date de la décision en litige : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger (...) Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".
13. Au regard de la vie commune avérée avec une ressortissante française, des perspectives d'embauche de l'intéressé et en l'absence de toute récidive des faits de vol à l'étalage anciens pour lesquels l'intéressé a été condamné à 15 jours d'emprisonnement en 2016, M. C... est fondé à soutenir qu'en décidant une interdiction de retour pendant deux ans, le préfet a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation sur les conséquences de sa décision sur sa vie personnelle.
14. Il résulte de ce qui précède que M. C... est seulement fondé à demander l'annulation de l'interdiction de retour qui lui a été faite par l'arrêté du 18 mai 2020.
15. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. C... présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : L'interdiction de retour pour une durée de deux ans contenue dans l'arrêté du 18 mai 2020 de la préfète de la Gironde est annulée.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée à la préfète de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 12 octobre 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, présidente,
Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,
Mme Marie-Pierre Beuve-Dupuy, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 novembre 2021.
La présidente-assesseure,
Anne MeyerLa présidente, rapporteure,
Catherine B...
La greffière,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 20BX04050 2