Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 7 mai 2021 par lequel la préfète du Tarn l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi, ainsi que l'arrêté du même jour par lequel elle l'a assigné à résidence pour une durée de six mois.
Par un jugement n° 2102728 du 21 juin 2021, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 1er août 2021, M. B..., représenté par Me Gontier, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 21 juin 2021 ;
2°) d'annuler les arrêtés de la préfète du Tarn du 7 mai 2021 ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Tarn de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le premier juge ne s'est pas prononcé sur le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation qu'a commise la préfète du Tarn ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- cette décision est insuffisamment motivée, dès lors qu'elle est erronée et stéréotypée ;
- le préfet a méconnu le principe du contradictoire, dès lors qu'il n'a jamais été informé de la possibilité de présenter des observations écrites auprès de l'autorité préfectorale et alors qu'il avait des éléments complémentaires à faire valoir ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors qu'il vit sur le territoire français avec son épouse et ses quatre enfants depuis 2018, qu'il travaille, que ses enfants sont scolarisés en France, que sept de ses huit frères et sœurs ont la nationalité française et qu'il est intégré dans la société française ; sa situation lui permettait d'obtenir un certificat de résidence sur le fondement de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- la préfète n'a pas procédé à l'examen sérieux de sa situation personnelle ;
En ce qui concerne la décision de refus de délai de départ volontaire :
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- le préfet n'a pas procédé à l'examen particulier de sa situation personnelle et a commis une erreur de droit ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
- cette décision est insuffisamment motivée ;
En ce qui concerne l'assignation à résidence :
- cette décision est insuffisamment motivée, dès lors qu'elle est erronée et stéréotypée ;
- elle se fonde sur une décision portant obligation de quitter le territoire français illégale ;
- il bénéficie de garanties de représentation effectives et suffisantes ;
- cette décision porte une atteinte excessive à son droit d'aller et venir.
Par un mémoire en défense enregistré le 26 octobre 2021, la préfète du Tarn conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que les moyens de M. B... ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle par une décision du 7 octobre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Charlotte Isoard a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 7 mai 2021, la préfète du Tarn a obligé M. B..., ressortissant algérien né le 27 septembre 1969, entré sur le territoire français au mois de mars 2018 selon ses déclarations, à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un arrêté du même jour, la préfète a assigné M. B... à résidence pour une durée de six mois. L'intéressé relève appel du jugement du 21 juin 2021 par lequel le magistrat désigné par la présidente tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de ces deux arrêtés.
Sur la régularité du jugement :
2. A l'appui de sa demande, M. B... soutenait notamment que la décision portant obligation de quitter le territoire français était entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. Le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse ne s'est pas prononcé sur ce moyen, qui n'était pas inopérant. Dès lors, M. B... est fondé à soutenir que le jugement attaqué, en tant qu'il a statué sur les conclusions tendant à l'annulation de cette décision doit, pour ce motif et dans cette mesure, être annulé.
3. Il y a lieu pour la cour administrative d'appel de se prononcer immédiatement sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français par voie d'évocation et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur le surplus des conclusions de la requête.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
4. En premier lieu, l'arrêté portant obligation de quitter le territoire sans délai et fixant le pays de renvoi fait état, après avoir cité les textes applicables, de la date de son entrée sur le territoire français, de sa situation administrative, familiale et professionnelle, des attaches dont il dispose dans son pays d'origine, et des conditions de son séjour en France. Par ailleurs, la circonstance que certaines indications retenues par le préfet de la Haute-Garonne seraient erronées n'a pas pour effet de priver cet arrêté de motivation, contrairement à ce que soutient M. B..., dès lors qu'il énonce, ainsi qu'il vient d'être dit, les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, et permet ainsi à l'intéressé de comprendre utilement les motifs des décisions prises à son encontre.
5. En deuxième lieu, la seule circonstance que la décision attaquée mentionne que M. B... n'a pas d'attache familiale en France, alors qu'il a fait état de la présence régulière sur le territoire français de son père et de ses sept frères, ne révèle pas un défaut d'examen de la situation de l'intéressé, alors que la préfète du Tarn a repris l'ensemble des éléments relatifs à la situation personnelle du requérant, notamment quant à la présence de son épouse et de ses quatre enfants, sa situation professionnelle, et des attaches personnelles dont il dispose dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen de sa situation personnelle doit être écarté.
6. En troisième lieu, le droit d'être entendu ne saurait être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause. Par ailleurs, une atteinte au droit d'être entendu n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle une décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu avoir une influence sur le contenu de la décision. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. B... a été entendu par les services de police le 7 mai 2021, préalablement à l'édiction de la décision contestée et a été informé de ce qu'il était susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement. Par ailleurs, les éléments dont il se prévaut relatifs à sa situation personnelle ont été portés à la connaissance des autorités administratives lors de cet entretien. Il ne ressort ainsi pas des pièces du dossier qu'il aurait eu de nouveaux éléments à faire valoir qui auraient conduit la préfète à prendre une décision différente. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de son droit à être entendu doit être écarté.
7. M. B... est entré sur le territoire français au mois de mars 2018, et y réside depuis avec son épouse, qui est également en situation irrégulière, et ses quatre enfants, nés le 14 mars 2005, le 3 avril 2006, le 19 décembre 2007 et le 4 janvier 2010, qui sont scolarisés. Il ressort des pièces du dossier que M. B... et son épouse sont engagés dans le milieu associatif et ont tissé des relations amicales en France. Toutefois, ni les bulletins de salaire présentés versés au dossier concernant les époux et portant sur la période allant d'octobre 2018 à février 2021, qui ne mentionnent que des rémunérations de faibles montants, ni les promesses d'embauche du 16 février 2021 de M. B... pour un contrat à durée déterminée en tant qu'agent de numération, de digitalisation, d'archivage et de saisie, et du 5 mai 2021 de son épouse en tant qu'agent de restauration, qui mentionnent tous deux qu'ils seront soumis à une période d'essai, ne permettent pas d'attester de leur insertion professionnelle en France. En outre, si le requérant conteste être hébergé par l'association " Solidarité Migrants " comme l'indique la préfète dans l'arrêté contesté, il a lui-même déclaré lors de son audition du 7 mai 2021 que cette association payait le loyer de son logement au propriétaire et qu'il ne payait lui-même aucun loyer. Par ailleurs, si M. B... fait valoir que sept de ses frères et sœurs sont de nationalité française, il n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de quarante-neuf ans, et alors qu'il ressort des déclarations de l'intéressé lors de son audition du 7 mai 2021 que sa mère, sa sœur, ainsi qu'une grande partie de sa belle-famille résident toujours en Algérie. Au regard de ces éléments, et notamment de la durée de présence en France de seulement trois ans de M. B..., ce dernier ne peut être regardé comme ayant fixé le centre de ses intérêts personnels et familiaux sur le territoire national, alors même que la scolarité et l'intégration de ses enfants y serait exemplaire, rien ne faisant obstacle à ce qu'ils poursuivent cette scolarité en Algérie. Enfin, M. B... ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise la préfète du Tarn doit être écarté.
Sur la décision de refus de délai de départ volontaire :
8. En premier lieu, l'arrêté litigieux indique qu'en application de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il n'y a pas lieu d'accorder à M. B... un délai de départ volontaire, ce dernier s'étant maintenu irrégulièrement sur le territoire français à l'expiration de son visa sans demander de titre de séjour. Il énonce ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision de refus de délai de départ volontaire doit être écarté.
9. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète n'aurait pas procédé à l'examen de la situation de M. B... ou qu'elle se serait crue en situation de compétence liée. Par suite, ces moyens doivent être écartés.
10. En troisième lieu, il ressort des dispositions du livre VI du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile, et notamment de ses articles L. 614-1 et suivants, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français ainsi que les décisions qui l'accompagnent. Par suite, l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, qui fixe les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979, désormais codifié aux articles L. 121-1 et L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration, ne saurait être utilement invoqué à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi.
11. Enfin, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7, et alors que M. B... ne conteste pas s'être maintenu irrégulièrement sur le territoire français et ne pas avoir sollicité de titre de séjour, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation qu'aurait commise la préfète du Tarn doit être écarté.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
12. L'arrêté litigieux, qui cite les articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicables, indique que M. B... n'établit pas qu'il serait exposé à des traitements inhumains et dégradants en cas de retour en Algérie. Il énonce ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.
Sur la décision portant assignation à résidence :
13. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soulever, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision portant assignation à résidence.
14. En deuxième lieu, l'arrêté portant assignation à résidence, qui fait état de la situation administrative et familiale de M. B..., indique, outre les textes applicables, que ce dernier présente des garanties propres à prévenir le risque de soustraction à la mesure d'éloignement dont il a fait l'objet et qu'il y a lieu de l'assigner à résidence au regard des restrictions de déplacement liées à la crise sanitaire dans l'attente de son éloignement vers son pays d'origine, qui demeure une perspective raisonnable. Par ailleurs, à supposer que certaines indications retenues par la préfète du Tarn soient erronées, cette circonstance n'a pas pour effet de priver cet arrêté de la motivation exigée, contrairement à ce que soutient M. B..., dès lors qu'il énonce, ainsi qu'il vient d'être dit, les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, et permet ainsi à l'intéressé de comprendre utilement les motifs de la décision prise à son encontre.
15. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 263-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicable au litige : " Les étrangers dont la situation est régie par le présent livre peuvent être placés en rétention administrative dans les conditions et selon les modalités prévues aux articles L. 741-1, L. 741-4, L. 741-5 et L. 741-7 lorsqu'ils font l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français ou d'une interdiction de circulation sur le territoire français prise en application du chapitre I du titre IV. ".
16. Si le requérant soutient qu'il n'existait aucune nécessité de l'assigner à résidence dans la mesure où il bénéficiait de garanties de représentation suffisantes et qu'aucun risque de fuite n'était caractérisé, c'est précisément pour ces raisons, ainsi que l'a relevé le premier juge, que la préfète du Tarn a décidé de l'assigner à résidence plutôt que de le placer en rétention administrative, dès lors qu'il présentait des garanties de représentations suffisantes et que la perspective d'éloignement demeurait raisonnable.
17. Enfin, eu égard notamment aux modalités de pointage deux fois par semaine à la gendarmerie de Graulhet, l'atteinte ainsi portée au respect du droit de M. B... à sa liberté d'aller et venir ne peut être regardée comme présentant un caractère disproportionné au regard des buts en vue desquels l'acte contesté a été pris. Par suite, le moyen tiré de l'atteinte excessive à la liberté d'aller et venir doit être écarté.
18. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de M. B... à fin d'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire devant le tribunal administratif doivent être rejetées. M. B... n'est par ailleurs pas fondé à soutenir que c'est à tort, que par le jugement contesté, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande dirigée contre les décisions fixant le pays de renvoi et l'assignant à résidence.
Sur l'injonction :
19. Le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions présentées par M. B... à fin d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées.
Sur les frais d'instance :
20. Il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante pour l'essentiel du litige, une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse du 21 juin 2021 est annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire prise à l'encontre de M. B....
Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Toulouse et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète du Tarn.
Délibéré après l'audience du 16 décembre 2021, à laquelle siégeaient :
Mme Fabienne Zuccarello, présidente,
Mme Christelle Brouard-Lucas, première conseillère,
Mme Charlotte Isoard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 janvier 2022.
La rapporteure,
Charlotte IsoardLa présidente,
Fabienne Zuccarello
La greffière,
Sophie Lecarpentier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 21BX03199 4