Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe de constater qu'elle est victime de harcèlement moral au travail, d'enjoindre à l'établissement public de santé mentale de Guadeloupe de lui trouver un poste adapté à son état de santé, conformément aux observations de la médecine préventive, de clarifier, par une note de service, le rôle joué par certains agents, notamment en déterminant au préalable et réglementairement un organigramme accompagné d'une note de service susceptible de fixer les droits et obligations de chacun conformément au statut de la fonction publique, de se prononcer sur le rôle d'un régisseur, et notamment sur l'étendue de ses fonctions mais aussi sur le rapport de compétence hiérarchique lié au degré de responsabilité sollicité, au besoin par la production d'une fiche de poste détaillée, et de condamner l'établissement public à lui verser la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice consécutif au harcèlement moral qu'elle estime subir.
Par un jugement n° 1800930 du 28 janvier 2020, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 24 mars 2020, Mme B... C..., représentée par Me Plumasseau, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 28 janvier 2020 ;
2°) de faire droit à l'ensemble de ses demandes présentées devant le tribunal ;
3°) de mettre à la charge de l'établissement public de santé mentale de Guadeloupe la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Mme C... soutient que :
- les premiers juges ont dénaturé les pièces du dossier en considérant, d'une part, qu'elle a fait connaître tardivement à son employeur le malaise dont elle a été victime, le 11 mai 2017, alors qu'elle se rendait sur son lieu de travail situé sur la commune de Saint-Claude, d'autre part, qu'il ne résulterait pas de l'enquête que cet accident serait lié au service ;
- ils ont entaché leur jugement d'une erreur d'appréciation des faits en estimant que son employeur avait respecté les observations de la médecine du travail alors que sa nouvelle affectation au bureau des admissions de l'antenne de Pointe-à-Pitre/Les Abymes est intervenue tardivement et sans que ne lui soient proposés les formations et facilitées requises pour s'adapter à ses nouvelles responsabilités ;
- elle ne pouvait, sans que ne soit méconnu l'article 27 de la loi 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, être évaluée, au titre de l'année 2017, par un agent situé au même grade qu'elle et qui n'était pas son supérieur hiérarchique, et ce alors que la commission administrative paritaire a finalement annulé son évaluation professionnelle ;
- elle est victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral et d'un comportement discriminatoire au sein de l'établissement public de santé mentale dans le cadre de ses nouvelles fonctions ; la durée hebdomadaire de son travail a été modifiée sans concertation ni information préalable ; elle n'a pas bénéficié de formations suffisantes pour s'adapter à son nouveau poste ; ses demandes de congés pour l'année 2018 ont été refusées ou ajournées au profit d'agents contractuels ayant une ancienneté moindre que la sienne ; ses absences doivent être justifiées en mains propres au lieu d'être adressées directement à la direction des ressources humaines ; elle a été nommée d'office régisseur chargée de la tenue de la régie d'avance par la responsable du bureau des admissions afin de la pousser à la faute alors que, d'une part, cette dernière a récupéré la clef du coffre-fort et le code, d'autre part, seul le régisseur titulaire ou son suppléant est habilité à y accéder et à le manipuler ;
- elle subit un mauvais traitement depuis sa prise de fonction ; si le tribunal a retenu qu'elle a bénéficié d'une attention particulière de la part du directeur des affaires financières, cet élément ne saurait pallier les défaillances de son employeur dans son pouvoir d'organisation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 juin 2020, l'établissement public de santé mentale (EPSM) de Guadeloupe, représenté par Me Albina-Collidor, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la requérante la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-33 du 9 janvier 1986 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Au cours de l'audience publique, ont été entendus :
- le rapport de M. A...,
- et les conclusions de Mme Madelaigue, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., adjoint administratif hospitalier en fonction depuis le 14 décembre 2009 au centre hospitalier de Montéran, devenu à compter du 1er avril 2018 l'établissement public de santé mentale de Guadeloupe, a été affectée en dernier lieu au service des admissions du pôle Grande Psychiatrie sur le site du centre hospitalier universitaire de Pointe-à-Pitre/Les Abymes (La Guadeloupe). Elle a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe qu'il reconnaisse qu'elle était victime de harcèlement moral, qu'il enjoigne à l'établissement public de lui trouver un poste adapté à son état de santé, conformément aux observations de la médecine préventive, de clarifier, par une note de service, le rôle joué par certains agents, notamment en déterminant au préalable et réglementairement un organigramme accompagné d'une note de service susceptible de fixer les droits et obligations de chacun conformément au statut de la fonction publique, de se prononcer sur le rôle d'un régisseur, et notamment sur l'étendue de ses fonctions mais aussi sur le rapport de compétence hiérarchique lié au degré de responsabilité sollicité, au besoin par la production d'une fiche de poste détaillée, et qu'il condamne l'établissement hospitalier à lui verser la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice consécutif au harcèlement moral qu'elle estime subir. Par un jugement du 28 janvier 2020 dont Mme C... relève appel, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. La circonstance que les premiers juges auraient dénaturé les pièces du dossier en estimant que l'accident de trajet dont Mme C... a été victime le 11 mai 2017 n'était pas lié au service et que son employeur avait respecté les observations de la médecine du travail, a trait au bien-fondé du raisonnement suivi par le tribunal et est donc sans incidence sur la régularité du jugement attaqué.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction alors en vigueur : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la rémunération, la formation, l'évaluation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / (...) ". Pour être qualifiés de harcèlement moral, les agissements répétés doivent excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Dès lors qu'elle n'excède pas ces limites, une simple diminution des attributions justifiée par l'intérêt du service, en raison d'une manière de servir inadéquate ou de difficultés relationnelles, n'est pas constitutive de harcèlement moral.
4. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral.
5. En premier lieu, il résulte de l'instruction que Mme C... a été victime d'un malaise le 11 mai 2017, alors qu'elle se rendait avec son véhicule depuis son domicile à Baie-Mahault sur son lieu de travail situé à Saint-Claude, à la suite duquel elle a fait l'objet de plusieurs arrêts de travail. Si la requérante fait valoir que cet accident de trajet, qu'elle n'a déclaré à son employeur que le 20 novembre 2017, a finalement été reconnu imputable au service par une décision du directeur de l'établissement du 17 janvier 2019, cette circonstance n'est pas de nature à faire présumer l'existence d'une situation de harcèlement moral de la part de son employeur, lequel s'est conformé à l'avis rendu par la commission départementale de réforme le 20 novembre 2018.
6. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que, le 26 septembre 2017, le médecin de prévention a suggéré à l'employeur de Mme C... d'envisager une mutation de cette dernière auprès du centre universitaire de Pointe-à-Pitre ou une affectation sur une structure plus proche de son domicile situé à Baie-Mahault. Dès le 5 octobre 2017, le directeur du centre hospitalier de Montéran a proposé à la requérante une affectation au centre de ressources en autisme sur un poste de secrétaire documentaliste à laquelle l'intéressée n'a pas donné suite. Il résulte également de l'instruction que le directeur des ressources humaines de ce centre hospitalier a finalement, par courrier du 27 novembre 2017, informé Mme C... qu'elle serait affectée au bureau des admissions de l'antenne de Pointe-à-Pitre à compter du 1er janvier 2018 et qu'une formation d'adaptation à son nouveau poste de travail lui serait dispensée. Dans ces conditions, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que son employeur n'aurait pas respecté les préconisations de la médecine préventive ou aurait tardé à mettre en œuvre les mesures qu'elle proposait dans une volonté de lui nuire.
7. En troisième lieu, Mme C... fait valoir qu'elle a été évaluée, au titre de l'année 2017, par un agent titulaire du même grade qu'elle, soit celui d'adjoint administratif, alors qu'elle avait repris ses fonctions à la suite d'un congé maladie. Toutefois, la requérante ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article 27 de la loi 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique qui ont modifié l'article 65 de de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière pour prévoir que l'entretien annuel permettant d'apprécier la valeur professionnelle des fonctionnaires est conduit par le supérieur hiérarchique direct de l'agent dès lors que, à la date de cet entretien qui s'est tenu le 10 octobre 2017, ces dispositions n'étaient pas applicables. Au demeurant, il résulte de l'instruction que, s'il est titulaire du même grade que la requérante, l'agent en question est, sur le plan hiérarchique et organisationnel, responsable de la cellule de gestion au sein de la direction des services économiques, logistiques et travaux de l'établissement public de santé mentale de Montéran et, à ce titre, organise les entretiens d'évaluation depuis près de cinq ans, comme l'admet la requérante elle-même dans ses écritures. Mme C..., qui occupe les fonctions d'assistante de gestion rattachée à cette cellule de gestion, avait d'ailleurs également été évaluée par ce même responsable au titre des années 2015 et 2016. S'il résulte de l'instruction que, saisie par la requérante, la commission administrative paritaire départementale a, par un avis rendu le 27 avril 2018 à l'unanimité, proposé que le compte-rendu de l'entretien professionnel soit révisé et que cet entretien soit mené par le directeur des services logistiques et techniques, cette circonstance ne permet pas de déduire un agissement constitutif de harcèlement moral de la part de l'employeur de Mme C..., lequel s'est conformé à cet avis en convoquant l'intéressée à un nouvel entretien devant se tenir le 31 août 2018.
8. En dernier lieu, si Mme C... reproche d'abord à son employeur le changement de sa durée hebdomadaire de travail qui serait intervenue sans concertation ni information préalable, elle ne conteste pas les affirmations de l'établissement public selon lesquelles la durée de travail de l'intéressée, qui était de 38 heures par semaine au centre hospitalier de Montéran depuis le 1er janvier 2012, a été ramenée à 35 heures, soit la durée hebdomadaire légale, conformément aux horaires du site de l'établissement public de santé mentale de Pointe-à-Pitre, notamment ceux du bureau des entrées où est affectée Mme C.... Si la requérante fait également valoir qu'elle n'a suivi qu'une journée de formation sur le logiciel d'admission des patients à l'occasion de sa prise de poste, l'établissement public de santé mentale de Guadeloupe indique, sans davantage être contesté, que la semaine de formation initialement prévue a été réduite à deux jours par l'intéressée de façon unilatérale.
9. Mme C... se plaint encore de ne pas avoir obtenu les congés pour l'année 2018 aux périodes qu'elle souhaitait. Toutefois, alors qu'il appartient à l'employeur, dans le cadre de son pouvoir hiérarchique, d'organiser le fonctionnement des services et d'attribuer les congés en fonction des nécessités du service afin d'éviter des chevauchements d'absence, comme en l'espèce pour les vacances d'été, il résulte du planning prévisionnel pour 2018 que l'intéressée a pu bénéficier néanmoins de 25 jours de congés annuels. La requérante ne saurait davantage reprocher à la responsable du bureau des admissions, au sein duquel elle est affectée, d'exiger qu'elle justifie ses absences et ce alors qu'il résulte de l'instruction que, par une décision du 29 juin 2018, Mme C... a fait l'objet d'une retenue d'un jour sur traitement pour service non fait le 14 mars 2018 au motif qu'elle n'avait pas justifié son absence ce jour-là dans le délai de 48 heures.
10. La requérante soutient ensuite subir des pressions et des remarques désobligeantes quant à son travail ainsi qu'un contrôle de celui-ci. Il ressort toutefois des éléments versés au dossier que les remarques dont Mme C... a fait l'objet constituent davantage des observations à caractère professionnel exercées dans le cadre du pouvoir hiérarchique par la responsable du bureau des admissions, lorsque celle-ci interroge notamment l'intéressée sur la tenue des dossiers des patients et lui demande de régulariser les manquements relevés. Si, en revanche, Mme C... a effectivement fait l'objet d'un contrôle de son travail par le signalement du respect des procédures mises en place, il résulte de l'instruction, ainsi que le fait valoir l'administration en défense, que la manière de travailler de la requérante a pu conduire à un encadrement plus soutenu, mais dans un objectif unique de suivi immédiat et préventif des dossiers, sans que cet encadrement ne présente un caractère dégradant sur le plan professionnel. Il résulte d'ailleurs de l'instruction que, en réponse à ses sollicitations, Mme C... a obtenu une attention particulière de la part de sa hiérarchie, notamment du directeur des affaires financières qui a demandé à sa responsable hiérarchique directe, le 19 mars 2018, de mettre en place une procédure consistant à formaliser par écrit les conseils ou les manquements quant au travail de la requérante pour lui permettre " d'avoir un suivi et ainsi de progresser afin d'acquérir une autonomie dans son travail ".
11. Enfin, Mme C... soutient qu'elle a été nommée d'office régisseur chargée de la tenue de la régie d'avance par la responsable du bureau des admissions afin d'être poussée à la faute alors que cette dernière, qui a récupéré la clef du coffre-fort et le code, n'est pas mentionnée sur l'acte de nomination et que seul le régisseur titulaire ou son suppléant sont habilités à accéder au coffre et à le manipuler. Si, comme le fait valoir la requérante, la réglementation prévoit que le régisseur a la responsabilité de sa caisse et de la tenue de celle-ci, cette circonstance relève davantage de l'organisation et du fonctionnement de la régie de l'établissement que d'un fait constitutif de harcèlement moral ou d'une volonté de nuire à la requérante.
12. Il résulte de tout ce qui précède qu'aucun des éléments de fait rapportés par Mme C... n'est susceptible de faire présumer l'existence d'une situation de harcèlement moral. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de sa demande, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande dans toutes ses conclusions.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'établissement public de santé mentale de Guadeloupe, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que réclame Mme C... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la requérante une somme de 1 500 euros à verser à l'établissement public au titre des frais de même nature.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Mme C... versera à l'établissement public de santé mentale de Guadeloupe la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et à l'établissement public de santé mentale de la Guadeloupe.
Copie en sera adressée à la directrice générale de l'agence régionale de santé de Guadeloupe, Saint-Martin et de Saint-Barthélemy.
Délibéré après l'audience du 14 novembre 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Florence Demurger, présidente,
Mme Karine Butéri, présidente-assesseure,
M. Anthony Duplan premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 novembre 2022.
Le rapporteur,
Anthony A...
La présidente,
Florence Demurger
La greffière,
Catherine JussyLa République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20BX01118