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27/06/2023 | FRANCE | N°22BX02043

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 27 juin 2023, 22BX02043


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 29 juin 2022 par lequel la préfète de la Corrèze a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2200916 du 22 juillet 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administrati

f de Limoges a renvoyé devant une formation collégiale les conclusions tendant à l'annul...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 29 juin 2022 par lequel la préfète de la Corrèze a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2200916 du 22 juillet 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Limoges a renvoyé devant une formation collégiale les conclusions tendant à l'annulation du refus de titre de séjour et a rejeté le surplus des conclusions de M. B....

Par un jugement N° 2200916 du 10 novembre 2022, le tribunal administratif de Limoges a rejeté les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 29 juin 2022 par laquelle la préfète de la Corrèze a refusé de délivrer un titre de séjour à M. B....

Procédures devant la cour :

I - Par une requête enregistrée le 28 juillet 2022 sous le n° 22BX02043 et un bordereau de pièces complémentaires enregistré le 8 août 2022, M. B..., représenté par Me Galbrun, demande à la cour d'annuler le jugement du 22 juillet 2022 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Limoges et l'arrêté de la préfète de la Corrèze du 29 juin 2022 en tant qu'il lui fait obligation de quitter sans délai le territoire français, qu'il fixe le pays de renvoi et prononce à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans.

Il soutient que la préfète de la Corrèze a méconnu l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 6 de l'accord franco-algérien en se fondant sur son seul passé pénal alors qu'il a fondé avec son épouse de nationalité française un foyer stable depuis leur mariage en 2013 et qu'il contribue à l'éducation et à l'entretien de leurs deux enfants français, comme l'attestent les nombreuses pièces qu'il produit.

Par une ordonnance du 9 mars 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 11 avril 2023 à 12 heures.

Le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Bordeaux, par une décision n° 2022/011666 en date du 21 décembre 2022, a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle sollicitée par M. B....

II - Par une requête enregistrée le 13 décembre 2022 sous le n° 22BX03057, M. B..., représenté par Me Galbrun, demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Limoges du 10 novembre 2022 et la décision de refus de séjour énoncée dans l'arrêté du 29 juin 2022.

Il fait valoir que tant le premier juge que l'administration se sont bornés à relever les condamnations pénales dont il a fait l'objet sans opérer un examen effectif de sa situation particulière au regard du respect de son droit à la vie privée et familiale auprès de son épouse et de ses enfants français, notamment depuis sa levée d'écrou, mais aussi durant sa détention durant laquelle les liens avec sa famille sont demeurés constants ; en outre, cette décision l'empêche de poursuivre son projet professionnel.

Par une ordonnance du 9 mars 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 11 avril 2023 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Jean-Claude Pauziès a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant algérien né en 1985, est entré en France en avril 2015 muni d'un visa de long séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française épousée en Algérie en 2013. Il a bénéficié d'un titre de séjour valable jusqu'au 1er février 2017. Par un arrêté du 28 août 2017, le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer une carte de résident de dix ans et de renouveler le certificat de résidence d'un an dont il bénéficiait. Par jugement n° 1701773 du 13 févier 2020, le tribunal administratif de Limoges a rejeté le recours formé par M. B... contre cet arrêté. L'appel interjeté contre ce jugement a été rejeté par ordonnance de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 17 août 2020. M. B... a sollicité à nouveau un titre de séjour sur le fondement de l'article 6 de l'accord franco-algérien. Par un arrêté du 29 juin 2022, la préfète de la Corrèze a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retourner en France pendant une durée de 3 ans. Par une requête enregistrée sous le n° 22BX02043, M. B... relève appel du jugement du 22 juillet 2022 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Limoges, après avoir renvoyé les conclusions tendant à l'annulation de la décision portant refus de séjour, a rejeté les conclusions de sa demande dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai, la décision fixant le pays de renvoi ainsi que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans. Par la requête enregistrée sous le n° 22BX03057, M. B... relève appel du jugement du tribunal rejetant sa demande d'annulation du refus de séjour.

2. Les requêtes nos 22BX02043 et 22BX03057 concernent la situation d'une même personne et présentent à juger des questions semblables. Par suite, il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 2) au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français. (...) / 4) au ressortissant algérien ascendant direct d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il exerce même partiellement l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins. Lorsque la qualité d'ascendant direct d'un enfant français résulte d'une reconnaissance de l'enfant postérieure à la naissance, le certificat de résidence d'un an n'est délivré au ressortissant algérien que s'il subvient à ses besoins depuis sa naissance ou depuis au moins un an (...) ". Les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ne privent pas l'autorité compétente du pouvoir qui lui appartient de refuser à un ressortissant algérien la délivrance du certificat de résidence d'un an ou d'un premier certificat de résidence de dix ans lorsque sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public.

4. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du bulletin n°2 du casier judiciaire de l'intéressé, que M. B..., également connu des services de police sous une autre identité, a été condamné à plusieurs reprises à des peines d'emprisonnement en 2008, 2009, puis 2010, notamment pour des faits de vol facilités par l'état d'une personne vulnérable, et de vol aggravé par deux circonstances (récidive). Après son mariage et la naissance de son premier enfant, il a été condamné, le 18 octobre 2016, à une peine d'emprisonnement de quatre mois pour des faits de vol aggravé par deux circonstances, commis en octobre 2016. Le 5 avril 2018, M. B... a été condamné par la 1ère chambre du tribunal correctionnel de Limoges a une peine de 300 euros d'amende assortie d'une suspension de permis de conduire de 6 mois pour des faits de conduite d'un véhicule en état d'ivresse manifeste, ainsi que de refus par le conducteur d'un véhicule de se soumettre aux vérifications tendant à établir l'état alcoolique, faits commis le 30 novembre 2017, soit 2 mois après la naissance de son fils cadet. Le 7 avril 2021, il a été condamné par la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Limoges à une peine de dix-huit mois d'emprisonnement pour des faits de recel de biens provenant d'un vol commis en octobre 2020, et de vol aggravé par deux circonstances commis en janvier 2020, février 2020 et mai 2020. Par suite, eu égard à la nature de ces faits, à leur caractère répété et au caractère récent de ceux ayant conduit à la dernière incarcération du requérant, la préfète de la Corrèze a pu estimer, sans commettre d'erreur d'appréciation ni d'erreur de droit, que la présence en France de l'intéressé constituait une menace à l'ordre public.

5. En second lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. - 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour l'application des stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

6. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré en France en dernier lieu en 2015, à l'âge de trente ans. Il est constant qu'il est marié depuis le 18 février 2013 avec une ressortissante française qu'il a épousée en Algérie, et avec laquelle il a eu deux enfants de nationalité française, A... et Adam, respectivement nés en 2013 et 2017. Il a rejoint son épouse et son fils aîné en France au mois d'avril 2015, et a bénéficié d'un premier titre de séjour valable jusqu'au 1er février 2017, avant de faire l'objet d'un refus de renouvellement de son titre de séjour, Depuis cette date, M. B... réside sur le territoire français en situation irrégulière et il a été incarcéré à la maison d'arrêt de Limoges le 15 mai 2021. Par ailleurs, le requérant ne produit, en dehors du témoignage non-signé de son épouse ainsi que de photographies non datées, aucun élément attestant de ses liens avec ses deux enfants français. Enfin, les quelques certificats de travail produits par le requérant, dont le plus récent date de 2017, ainsi que la promesse d'embauche consentie par la société BAP le 3 août 2022 dont il se prévaut et qui est postérieure à la décision attaquée, ne suffisent pas à caractériser une intégration professionnelle notable sur le territoire français. Dans ces conditions, eu égard à la gravité et au caractère répété des faits délictueux commis par le requérant, la décision contestée n'a pas porté au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français :/ (...) 5° L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ;/ (...) ". L'article 371-2 du code civil dispose : " Chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant. (...) ".

8. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est le père de deux enfants français, A..., né le 7 novembre 2013, et Adam, né le 30 septembre 2017. Toutefois, les photographies non datées versées au dossier ainsi que l'attestation non-signée de l'épouse du requérant, de nationalité française, ne suffisent pas, à elles-seules, à établir que l'intéressé, incarcéré pour une durée de 18 mois à compter du 15 mai 2021, aurait contribué de manière effective à l'éducation et à l'entretien de ses deux enfants français au cours des deux années précédant l'édiction de l'arrêté attaqué. Par suite, le moyen tiré de ce que la préfète de la Corrèze aurait méconnu le 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

9. En deuxième lieu, et pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 6 et 8, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaîtrait le droit du requérant à mener une vie privée et familiale normale doit être écarté.

En ce qui concerne la suppression de tout délai de départ volontaire :

10. Aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. ". Aux termes de l'article L. 612-2 de ce même code : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ".

11. M. B... soutient que la préfète ne pouvait, sans entacher sa décision d'erreur manifeste d'appréciation, fonder sa décision lui refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire sur les dispositions précitées du 1° de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que son comportement ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Toutefois, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4, ce moyen doit être écarté.

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans :

12. En premier lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 4, le requérant n'est pas fondé à soutenir que cette décision serait entachée d'une erreur d'appréciation quant à la menace que son comportement constitue pour l'ordre public.

13. En second lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, que la préfète de la Corrèze, en faisant interdiction au requérant de retourner sur le territoire français pendant une durée de trois ans, aurait porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par cette décision. Par suite, le moyen tiré de ce que la préfète de la Corrèze aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Limoges a rejeté ses demandes.

DECIDE :

Article 1er : Les requêtes de M. B... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et t au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Corrèze.

Délibéré après l'audience du 1er juin 2023 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Claude Pauziès, président,

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,

Mme Charlotte Isoard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 juin 2023.

La présidente-assesseure,

Christelle Brouard-LucasLe président - rapporteur,

Jean-Claude Pauziès

La greffière,

Marion Azam Marche

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, chacun en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 22BX02043, 22BX03057 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22BX02043
Date de la décision : 27/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PAUZIÈS
Rapporteur ?: M. Jean-Claude PAUZIÈS
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : GALBRUN;GALBRUN;GALBRUN

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-06-27;22bx02043 ?
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