Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 16 juillet 2021 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour.
Par un jugement n°2106602 du 14 juin 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 28 octobre 2022, Mme B..., représentée par Me Maraud, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 14 juin 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 16 juillet 2021 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 80 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à Me Maraud en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'arrêté litigieux est insuffisamment motivé ;
- cet arrêté a méconnu les dispositions des articles L. 423-3, L. 423-7, L. 423-8 et L. 435-1 du Code de l'Entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrête litigieux a méconnu les stipulations des articles 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- l'illégalité de la décision lui refusant le séjour prive de base légale les décisions lui faisant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de renvoi.
Par un mémoire enregistré le 27 février 2023, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Il indique s'en remettre à son mémoire de première instance.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 septembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République gabonaise relative à la circulation et au séjour des personnes, signée à Paris le 2 décembre 1992 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique, le rapport de M. A....
- et les observations de Me Maraud, représentant Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante gabonaise née le 3 novembre 1988, est entrée régulièrement en France le 30 septembre 2014 munie d'un visa D portant la mention étudiant. Elle a ensuite bénéficié de titres de séjour en cette même qualité d'étudiante jusqu'au 26 mai 2019. Enfin, un titre de séjour valable du 22 juillet 2019 au 21 juillet 2020 lui a été délivré en sa nouvelle qualité de parent d'enfant français. Le 25 juin 2021, elle a sollicité le renouvellement de ce dernier titre de séjour mais, par un arrêté du 16 juillet 2021, la préfète de la Gironde a rejeté cette demande. Mme B... relève appel du jugement du 14 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. " L'article L. 423-8 du même code précise : " Pour la délivrance de la carte de séjour prévue à l'article L. 423-7, lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, doit justifier que celui-ci contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du code civil, ou produire une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant. / (...) .
3. Mme B... est mère d'un enfant français, né le 22 février 2018 à Bordeaux et reconnu par son père, de nationalité française, le 22 août 2018. Il ressort des pièces du dossier, en particulier de la liste des pièces produites à l'appui de la demande de titre de l'intéressée, de l'attestation sur l'honneur établie par le père de l'enfant le 28 novembre 2021 mais aussi des relevés bancaires de l'appelante, que celle-ci perçoit une pension alimentaire d'un montant mensuel de 100 euros depuis le mois de mai 2019, que, compte tenu de l'éloignement géographique entre le père et son enfant, il a été convenu que l'enfant et sa mère rendraient visite au père ou que le père viendrait leur rendre visite pendant une partie des vacances scolaires. Même si la mise en œuvre de cet accord a été contrariée par la situation sanitaire, l'appelante produit plusieurs photographies de l'enfant dans les bras de son père réalisées à des époques différentes, quatre attestations relatant les visites du père au domicile de la mère, notamment pour les fêtes de Noël 2019, ainsi que des copies d'écran illustrant l'existence d'échanges téléphoniques et par sms entre le père et son fils. Enfin, Mme B... produit de nombreuses pièces qui sont postérieures à l'arrêté litigieux mais qui confirment l'implication au long cours du père de l'enfant dans son entretien et son éducation dans les conditions prévues à l'article 371-2 du code civil.
4. Dans ces conditions, Mme B... est fondée à soutenir que la préfète de la Gironde ne pouvait lui refuser la délivrance d'un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français sans méconnaître les dispositions précitées des articles L. 423-7 et L. 423-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que l'appelante est également fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté litigieux du 16 juillet 2021. Par suite, il y a lieu d'annuler ce jugement et cet arrêté.
6. Eu égard au motif d'annulation retenu, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet de la Gironde de délivrer à Mme B... une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. En revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
7. Enfin, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat et au profit de Me Maraud, avocate de la requérante, une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette dernière renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux n° 2106602 du 14 juin 2022 est annulé.
Article 2 : L'arrêté de la préfète de la Gironde du 16 juillet 2021 est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Gironde de délivrer à Mme B... une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Me Maraud une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve que cette dernière renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 30 mai 2023 à laquelle siégeaient :
M. Luc Derepas, président,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,
M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 juin 2023.
Le rapporteur,
Manuel A...
Le président,
Luc DerepasLe greffier,
Anthony Fernandez
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 22BX02776 2