Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E... C... et son conjoint M. D... B..., représentés
par Me Bedois, ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Pau, sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, d'ordonner une mesure d'expertise médicale aux fins de décrire l'aggravation de l'état de Mme C... après l'expertise réalisée en 2019 sur sa prise en charge au centre hospitalier (CH) d'Auch en 2011 et d'évaluer son préjudice, et de condamner ce centre hospitalier à verser une provision de 30 000 euros
à valoir sur la réparation.
Par une ordonnance n° 2200573 du 28 avril 20263, la présidente du tribunal administratif de Pau a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 8 mai 2023, Mme C... et M. B..., représentés
par Me Bedois, demandent au juge des référés de la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 2200573 de la présidente du tribunal administratif
de Pau ;
2°) d'ordonner l'expertise sollicitée ;
3°) de mettre à la charge du CH d'Auch une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que " les entiers dépens ".
Ils soutiennent que :
- c'est à tort que la première juge a estimé, après avoir mentionné l'obtention de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) et deux opérations chirurgicales en 2022, que Mme C... n'établissait pas la dégradation de son état de santé depuis l'expertise réalisée en 2019 ; l'ordonnance est insuffisamment motivée en recopiant, faute d'orthographe comprise, une décision du tribunal de Clermont-Ferrand rendue sur des documents de 2020 ;
- une expertise est utile pour constater et faire évaluer par un expert en orthopédie l'aggravation de son état de santé (pied, dos, genou) en lien avec les manquements et infections lors de sa prise en charge au centre hospitalier d'Auch, et évaluer ses préjudices.
Le président de la cour a désigné, par une décision du 1er septembre 2023, Mme Catherine Girault, présidente de chambre, comme juge des référés en application des dispositions du livre V du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... a été prise en charge en novembre 2011 au centre hospitalier d'Auch pour la correction d'un hallux valgus du pied droit, opérée par ostéotomie le 16 décembre 2011. Le déficit de flexion plantaire et les douleurs constatés dans les suites ont conduit à
une réintervention pour ablation des vis, arthrolyse et réduction du sésamoïde médial du gros orteil le 8 août 2012. Les douleurs se faisant plus intenses avec l'apparition d'un syndrome neuroalgodystrophique, une troisième opération a procédé le 25 février 2013 à une arthrolyse de la métatarso-phalangienne, sans soulagement, puis l'intéressée a été prise en charge dans une clinique à Toulouse pour une quatrième intervention le 22 juillet 2013 pour arthrodèse. Après déménagement de l'intéressée, celle-ci a consulté au centre hospitalier de Riom, où a été réalisée une reprise de l'arthrodèse le 4 décembre 2014 après ablation de la plaque le 17 novembre 2014. L'ablation du matériel le 14 novembre 2016 a permis de constater une infection au staphylococcus capitis et une métallose. Une nouvelle intervention a eu lieu le 20 juin 2017 au centre hospitalier de Riom pour ablation d'une vis au niveau du deuxième métatarsien.
2. Mme C... a saisi la commission de conciliation et d'indemnisation (CCI) de Midi-Pyrénées, qui a diligenté une première expertise déposée en mai 2016, alors qu'aucune consolidation ne pouvait être constatée dans l'attente d'une intervention, puis une seconde, toutes deux confiées au Dr A..., chirurgien orthopédiste. Son dernier rapport déposé le 7 juillet 2019 a conclu à une consolidation le 28 juin 2017, date de la dernière visite de contrôle post-opératoire. Au vu des conclusions de l'expert relevant une insuffisante planification préopératoire en 2011 en l'absence de clichés du pied en charge, de face et de profil permettant de confirmer l'indication opératoire, la CCI, qui a relevé que les complications avaient entraîné un déficit fonctionnel temporaire de 50 % pendant plus de six mois, a considéré que cette faute engageait la responsabilité du centre hospitalier d'Auch et a invité la SHAM, son assureur, à faire une offre d'indemnisation.
3. L'intéressée a ensuite consulté, après avoir déménagé dans l'Hérault, pour des douleurs au genou, et une scintigraphie osseuse a confirmé le 7 août 2019 une arthropathie fémoro-patellaire. Sa demande d'une nouvelle expertise médicale pour aggravation a été rejetée par le tribunal administratif de Clermont-Ferrand le 22 octobre 2020. L'évolution d'une chondropathie a conduit à des opérations des deux genoux en mai et octobre 2022. Mme C..., qui a déménagé dans le Gers, a sollicité le 15 mars 2022, avec son compagnon, du juge des référés du tribunal administratif de Pau une nouvelle expertise en aggravation, en se plaignant d'une extension au genou et au dos de ses douleurs, et une provision. Ils relèvent appel
de l'ordonnance du 28 avril 2023 par laquelle la présidente du tribunal a rejeté leur demande,
en tant qu'elle porte sur l'expertise.
Sur la régularité de l'ordonnance :
4. La circonstance que l'ordonnance a repris des motifs qui avaient déjà opposés
à une demande d'expertise par le tribunal administratif de Clermont-Ferrand n'est pas de nature à caractériser un défaut de motivation, et la pertinence de ces motifs ne peut être critiquée que lors de l'examen du bien-fondé de la position du premier juge. Le moyen tiré d'une irrégularité de l'ordonnance doit donc être écarté.
Sur l'utilité de l'expertise :
5. Aux termes de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction ". L'utilité d'une mesure d'instruction ou d'expertise qu'il est demandé au juge des référés d'ordonner sur le fondement de
l'article R. 532-1 du code de justice administrative doit être appréciée, d'une part, au regard des éléments dont le demandeur dispose ou peut disposer par d'autres moyens et, d'autre part, bien que ce juge ne soit pas saisi du principal, au regard de l'intérêt que la mesure présente dans la perspective d'un litige principal, actuel ou éventuel, auquel elle est susceptible de se rattacher. A ce dernier titre, il ne peut faire droit à une demande d'expertise lorsque, en particulier, elle est formulée à l'appui de prétentions qui ne relèvent manifestement pas de la compétence de la juridiction administrative, qui sont irrecevables ou qui se heurtent à la prescription. De même, il ne peut faire droit à une demande d'expertise permettant d'évaluer un préjudice, en vue d'engager la responsabilité d'une personne publique, en l'absence manifeste de lien de causalité entre le préjudice à évaluer et la faute alléguée de cette personne.
6. Ainsi que l'a relevé la première juge, Mme C... dispose déjà d'un rapport d'expertise reconnaissant la responsabilité du centre hospitalier d'Auch, sur la base duquel elle a obtenu une indemnisation de son préjudice par deux provisions de 3 000 euros, puis de 27 644 euros versée en octobre 2020. Si elle a bénéficié de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé par décision du 26 juin 2020, puis de l'allocation adulte handicapé à compter
du 1er juin 2021 pour un taux d'incapacité entre 50 et 80 %, a suivi de multiples séances d'ostéopathie et de psychothérapie, et a subi en 2022 deux interventions d'arthroscopie avec débridement des lésions chondrales instables sur ses deux genoux, ces éléments, s'ils démontrent, contrairement à ce qu'a indiqué la première juge, une aggravation de son état
de santé avant ces opérations, ne permettent pas d'envisager un lien avec les conditions
de l'intervention de 2011 concernant son pied, alors qu'il ressort des certificats et bilans médicaux produits qu'elle souffre d'arthrose fémoro-tibiale avec chondropathie patellaire, pathologie correspondant à une dégénérescence du cartilage au niveau de l'articulation du genou. La circonstance qu'un médecin ait pu indiquer, reprenant ainsi les dires de la patiente, que ses douleurs au genou se sont développées " dans les suites d'une boiterie induite par un problème d'hallux " ne caractérise pas, au-delà de la chronologie des pathologies, un lien avec l'intervention initiale, sur lequel aucune précision n'est donnée. Par ailleurs, les douleurs lombaires résultent, selon les examens produits, d'une discarthrose étagée, et aucun élément médical ne permet, là encore et au regard des termes du certificat médical invoqué, de suspecter un lien avec la chirurgie du pied litigieuse.
7. Dans ces conditions, une expertise apparaît frustratoire et Mme C...
et M. B... ne sont pas fondés à se plaindre de ce que la première juge a rejeté leur demande
sur ce point.
8. Il résulte de ce qui précède que leurs conclusions présentées sur le fondement
des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées, celles concernant les dépens étant sans objet devant le juge des référés et par suite
en tout état de cause irrecevables.
ORDONNE :
Article 1er : La requête de Mme C... et M. B... est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme E... C..., à M. D... B..., au centre hospitalier d'Auch et à la caisse d'assurance maladie de l'Hérault.
Fait à Bordeaux, le 8 septembre 2023.
La juge d'appel des référés,
Catherine Girault,
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
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N° 23BX01236