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24/02/2022 | FRANCE | N°21DA00224

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 24 février 2022, 21DA00224


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Me Philippe Martin, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société à responsabilité limitée Unicourses distribution, a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 27 juin 2016 par laquelle l'inspecteur du travail a retiré sa décision du 20 avril 2016 et a refusé le licenciement de M. E..., d'annuler la décision du 29 décembre 2016 par laquelle la ministre du travail a confirmé la décision du 27 juin 2016 de l'inspecteur du travail et de mettre à la charge de l'Et

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Me Philippe Martin, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société à responsabilité limitée Unicourses distribution, a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 27 juin 2016 par laquelle l'inspecteur du travail a retiré sa décision du 20 avril 2016 et a refusé le licenciement de M. E..., d'annuler la décision du 29 décembre 2016 par laquelle la ministre du travail a confirmé la décision du 27 juin 2016 de l'inspecteur du travail et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1701984 du 2 décembre 2020 le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes, mis à sa charge le versement à Mme C... E..., Mme A... E... et M. B... E... F... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 février 2021, Me Philippe Martin, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société à responsabilité limitée Unicourses distribution, représenté par Me Maquinghen, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 27 juin 2016 par laquelle l'inspecteur du travail a retiré sa décision du 20 avril 2016 et a refusé le licenciement de M. E... ;

3°) d'annuler la décision du 29 décembre 2016 par laquelle la ministre du travail a confirmé la décision du 27 juin 2016 de l'inspecteur du travail ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du commerce ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public,

- et les observations de Me Kappopoulos, représentant Mme C... E..., Mme A... E... et M. B... E....

Considérant ce qui suit :

1. La société à responsabilité limitée Unicourses distribution, spécialisée dans le transport public de marchandises, employait trente-sept salariés. Elle a été mise en liquidation judiciaire par un jugement du tribunal de commerce de Lille Métropole du 14 mars 2016 et Me Martin a été désigné comme mandataire liquidateur. M. D... E..., recruté en contrat à durée indéterminée depuis le 1er juillet 1993 en qualité de chauffeur routier et exerçant un mandat de délégué du personnel, a fait l'objet d'une demande d'autorisation de licenciement pour motif économique. Par une décision du 20 avril 2016, l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement sollicité. A la suite du retrait de cette décision, l'inspecteur du travail a refusé, par décision du 27 juin 2016, le licenciement de M. E.... Par une décision du 29 décembre 2016, la ministre du travail a rejeté le recours hiérarchique formé contre la décision de l'inspecteur du travail, dont elle avait été saisie. Par un jugement du 2 décembre 2020, dont Me Martin relève appel, le tribunal administratif de Lille a notamment rejeté les demandes de Me Martin tendant à l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail du 27 juin 2016 et de celle de la ministre du travail du 29 décembre 2016.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration ne peut abroger ou retirer une décision créatrice de droits de sa propre initiative ou sur la demande d'un tiers que si elle est illégale et si l'abrogation ou le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ". Aux termes de l'article R. 2421-12 du code du travail : " La décision de l'inspecteur du travail est motivée (...) ". Aux termes du 4° de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui (...) : 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ". L'article L. 211-5 de ce code précise que : " la motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

3. Les décisions qui retirent une décision créatrice de droit ne peuvent intervenir en application de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration " qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. / L'administration n'est pas tenue de satisfaire les demandes d'audition abusives, notamment par leur nombre ou leur caractère répétitif ou systématique ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative compétente pour adopter une décision individuelle entrant dans leur champ de mettre elle-même la personne intéressée en mesure de présenter des observations. Il en va de même, à l'égard du bénéficiaire d'une décision, lorsque l'administration est saisie par un tiers d'un recours gracieux ou hiérarchique contre cette décision. Il en va également de même, en application des dispositions précitées, lorsque l'administration envisage de retirer le rejet implicite d'un tel recours.

4. Par décision du 20 avril 2016, l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement de M. E... au motif " qu'en l'absence de revenu, les salariés doivent pouvoir prétendre à un revenu de remplacement ; que cette faculté ne leur sera accessible que dès lors qu'ils auront été licenciés ". Par une nouvelle décision en date du 27 juin 2016, il a, d'une part, retiré sa décision du 20 avril 2016 pour illégalité et, d'autre part, refusé le licenciement de l'intéressé.

5. En l'espèce, l'inspecteur du travail a informé le 1er juin 2016 Me Martin, en tant que mandataire liquidateur judiciaire de la société Unicourses distribution, qu'il envisageait de retirer sa décision d'autorisation de licenciement du 20 avril 2016 " notamment au vu des annonces de recherches d'emplois sur des postes de livreurs publiées récemment par la société Unicourses 59 ". Il invitait le mandataire liquidateur judiciaire à faire valoir ses observations, dans un délai de quinze jours à compter de la réception du courrier. Mais cette formulation laconique et sibylline ne mettait pas Me Martin en mesure de présenter utilement des observations en rapport avec les motifs de retrait ultérieurement retenus, tenant notamment à l'irrégularité dans la consultation des délégués du personnel, l'absence de motif économique du fait d'une reprise d'activité et à l'insuffisance des recherches de reclassement. Les observations écrites en réponse faites par Me Martin le 14 juin 2016 se limitent d'ailleurs à expliquer les missions du mandataire liquidateur et à indiquer qu'il n'était pas tributaire des annonces de recherches d'emplois " qui ne concernent pas l'entreprise faillie " dont il avait la charge et la responsabilité. S'il ressort des pièces du dossier qu'un entretien a eu lieu le 20 juin 2016 entre Me Martin et l'inspecteur du travail, aucun compte rendu de cet entretien n'est versé au dossier alors que Me Martin conteste expressément que " tous les éléments ayant conduit l'inspecteur du travail à retirer sa décision auraient été abordés ". Même si l'administration a fait valoir en première instance qu'aucune des parties n'a fait état de son impossibilité de présenter des observations en réponse ou de tout autre manquement caractérisé au principe du contradictoire et si le rapport de contre-enquête du 7 décembre 2016 fait état d'un long entretien le 20 juin 2016, il n'est pas établi que l'inspecteur du travail, qui n'était pas en situation de compétence liée pour procéder au retrait de la décision créatrice du droit du 20 avril 2016, aurait informé, ne serait-ce qu'oralement, Me Martin des motifs retenus pour ce retrait. Dans ces conditions, Me Martin est fondé à soutenir que la privation d'une telle garantie entache d'illégalité la décision du 27 juin 2016 refusant le licenciement de M. E.... Par voie de conséquence, la décision de la ministre chargée du travail du 29 décembre 2016 prise sur recours hiérarchique confirmant la décision du 27 juin 2016 est elle aussi illégale.

6. Il résulte de ce qui précède que Me Martin est fondé, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes.

Sur les dépens :

7. En l'absence de dépens, les conclusions des parties, tendant à l'application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

8. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge. Les conclusions présentées à ce titre par Mme C... E..., Mme A... E... et M. B... E... doivent dès lors être rejetées. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à Me Martin au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1701984 du tribunal administratif de Lille du 2 décembre 2020 est annulé.

Article 2 : La décision du 27 juin 2016 de l'inspecteur du travail et la décision du 29 décembre 2016 de la ministre chargée du travail sont annulées.

Article 3 : L'Etat versera à Me Martin la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par Mme C... E..., Mme A... E... et M. B... E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Me Philippe Martin, liquidateur judiciaire de la société à responsabilité limitée Unicourses distribution, à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, à Mme C... E..., à Mme A... E... et à M. B... E....

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N°21DA00224


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA00224
Date de la décision : 24/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-03 Travail et emploi. - Licenciements. - Autorisation administrative - Salariés protégés. - Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. - Licenciement pour motif économique.


Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Marc Lavail Dellaporta
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : KAPPOPOULOS

Origine de la décision
Date de l'import : 08/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-02-24;21da00224 ?
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