Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le comité social et économique (CSE) de la société par actions simplifiée (SAS) Phenix Rousies Industries, l'Union locale de la Confédération générale du travail (CGT) de Maubeuge, Mme C... B... et Mme D... A... ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 7 juin 2022 par laquelle le directeur régional de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DREETS) des Hauts-de-France a homologué le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi de la société Phenix Rousies Industries et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros, à verser à chacun d'eux, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2206063 du 21 octobre 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur requête.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 21 décembre 2022, le comité social et économique (CSE) de la société par actions simplifiée (SAS) Phenix Rousies Industries, l'Union locale de la Confédération générale du travail (CGT) de Maubeuge, Mme C... B... et Mme D... A..., représentés par Me Kappopoulos, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision du 7 juin 2022 par laquelle le directeur régional de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DREETS) des Hauts-de-France a homologué le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi de la société Phenix Rousies Industries ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à chacun, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la cessation de paiement puis l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire de la société Phénix Rousies Industries est la conséquence d'une stratégie délibérée du groupe Chief US, constitutive d'une fraude ;
- l'administration a commis un détournement de pouvoir dès lors qu'après avoir refusé d'homologuer le plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) pour défaut de production des documents d'information économique concernant le groupe Chief US, elle a ensuite accepté, en toute connaissance des manœuvres frauduleuses orchestrées par l'employeur pour déclarer la cessation d'activité puis la liquidation judiciaire de la société Phenix Rousies industries, d'homologuer le document unilatéral présenté par le liquidateur judiciaire ;
- la procédure d'information-consultation est irrégulière du fait de la composition du comité social et économique (CSE), renouvelé partiellement lors d'une élection ayant eu lieu le 17 décembre 2021 dans des conditions irrégulières ;
- l'avis émis par le CSE est irrégulier en raison de l'insuffisance des informations transmises aux membres de ce comité, notamment en l'absence de transmission par la société mère des documents financiers sollicités par l'expert mandaté par les membres du CSE au cours de la liquidation amiable ;
- cet avis est également irrégulier compte tenu du bref délai entre l'envoi des convocations à la réunion du CSE et la date de cette réunion programmée le 3 juin 2022, ainsi que des conditions dans lesquelles l'avis du comité a été rendu sur les différents points à l'ordre du jour ;
- les moyens mis en œuvre dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi en matière d'hygiène et de sécurité, de prévention des risques psychosociaux liés au licenciement économique sont insuffisants.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 janvier 2023, la Selas MJS Partners, prise en la personne de Me Soinne, agissant en qualité de liquidateur de la société Phenix Rousies Industries, représentée par Me Freger, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge des requérants la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- à titre principal, la requête d'appel est irrecevable dès lors que le comité social et économique est dépourvu de toute existence juridique depuis la publication, le 1er juin 2022, du jugement du tribunal de commerce de Valenciennes du 23 mai 2022 prononçant la liquidation judiciaire de la société Phénix Rousies Industries ;
- la cessation d'activité de l'entreprise emportant rupture des contrats de travail, le mandat des représentants du personnel siégeant au CSE a également pris fin, de sorte que Mmes B... et A... n'ont aucun intérêt à agir ;
- l'action de l'Union locale de la CGT de Maubeuge est également irrecevable dans la mesure où elle ne justifie pas d'une atteinte à l'intérêt collectif de la profession qu'elle représente ;
- à titre subsidiaire, le CSE ne justifie d'aucune délibération l'autorisant à ester en justice ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 janvier 2023, le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés, en faisant valoir que :
- il n'appartient pas à l'administration de contrôler le caractère régulier ou frauduleux de la procédure de liquidation judiciaire ; dès lors, les moyens tirés du détournement de pouvoir et de la fraude doivent être écartés ;
- la procédure d'information-consultation du CSE a été menée dans des conditions régulières ;
- il n'appartenait pas à l'administration de contrôler la régularité de la désignation des membres composant le CSE, opérée lors des élections partielles organisées le 17 décembre 2021 ;
- l'avis du CSE a été recueilli conformément aux dispositions des articles L. 1233-30 et L.1233-58 du code du travail, qui n'exigent pas de procéder à un vote distinct sur chacun des points inscrits à l'ordre du jour ;
- les membres du CSE ont disposé d'une information suffisante pour se prononcer ; il n'appartenait pas à l'administration de vérifier, lors du contrôle ayant conduit à la décision d'homologation du 7 juin 2022, la régularité des informations transmises à l'expert lors de la procédure de consultation précédente, distincte de la procédure de consultation menée suite à la liquidation judiciaire ;
- les dispositions de l'article L. 1233-30 du code du travail n'exigent l'information et la consultation du CSE sur les mesures prévues par le PSE pour prévenir les risques psychosociaux que si ces mesures sont nécessaires ; dans le cas d'une cessation d'activité, les conditions de santé ou de sécurité au travail des salariés ne sont pas susceptibles d'être affectées ; en tout état de cause, pour répondre à l'anxiété liée à la fermeture de l'établissement, le liquidateur a prévu des dispositions suffisantes.
Par une lettre du 21 décembre 2022, les parties ont été informées qu'en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative il était envisagé d'appeler l'affaire à une audience du 14 février 2023 et que l'instruction pourrait être close à partir du 1er février 2023 sans information préalable.
Par une lettre du 31 janvier 2023, les parties ont été informées que l'ordonnance de clôture à effet immédiat annoncée par la lettre du 21 décembre 2022 n'interviendrait pas avant le 7 février 2023.
Par une ordonnance du 7 février 2023, l'instruction a été close le jour même à 12 h 00.
Un mémoire, présenté par le comité social et économique (CSE) de la société par actions simplifiée (SAS) Phenix Rousies Industries, l'Union locale de la Confédération générale du travail (CGT) de Maubeuge, Mme C... B... et Mme D... A..., a été enregistré le 7 février 2023 à 12 h 01, postérieurement à la clôture de l'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Frédéric Malfoy, premier conseiller,
- les conclusions de M. Nil Carpentier-Daubresse, rapporteur public,
- et les observations de Me Kappopoulos, représentant le CSE de la société Phenix Rousies industries et autres, ainsi que les observations de Me Cynkiewicz, représentant Me Soinne, agissant en qualité de liquidateur de la société Phenix Rousies Industries.
Considérant ce qui suit :
1. La société par actions simplifiée (SAS) Phenix Rousies Industries, qui était détenue, depuis 2010, à 100 % par la société Chief industries INC laquelle appartient au groupe américain Chief industries, exerçait une activité de fabrication et vente de ferrures, pièces estampées, embouties, galvanisées ou non et de travail des métaux en général. Elle employait cinquante-trois salariés dans son établissement implanté à Rousies, dans le département du Nord. Le 9 mars 2022, son directeur a notifié à la direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DREETS) des Hauts-de-France, un projet de licenciement collectif pour motif économique, en vue de la cessation d'activité envisagée. Le 25 avril 2022, l'administration du travail a notifié à l'entreprise une décision de refus d'homologation d'un document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi (PSE). Par un jugement du 23 mai 2022, le tribunal de commerce de Valenciennes a ouvert la procédure de liquidation judiciaire de la société Phenix Rousies Industries sans poursuite de l'activité et a désigné Me Soinne en qualité de liquidateur judiciaire. Le liquidateur judiciaire a déposé, le 3 juin 2022, auprès de la DREETS des Hauts-de-France une demande d'homologation du document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) de la société Phenix Rousies Industries, prévoyant la suppression de la totalité des emplois. Le directeur régional de la DREETS des Hauts-de-France a homologué ce document le 7 juin suivant. Le comité social et économique (CSE) de la société par actions simplifiée Phenix Rousies Industries, l'Union locale de la Confédération générale du travail (CGT) de Maubeuge, Mme D... A... et Mme C... B... relèvent appel du jugement du 21 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision d'homologation du 7 juin 2022.
Sur la procédure d'information et de consultation du comité social et économique :
2. Aux termes de l'article L. 1233-58 du code du travail : " I. En cas de redressement ou de liquidation judiciaire, l'employeur, l'administrateur ou le liquidateur, selon le cas, qui envisage des licenciements économiques, met en œuvre un plan de licenciement dans les conditions prévues aux articles L. 1233-24-1 à L. 1233-24-4. / L'employeur, l'administrateur ou le liquidateur, selon le cas, réunit et consulte le comité social et économique dans les conditions prévues à l'article L. 2323-31 ainsi qu'aux articles : / (...) / 3° L. 1233-30, I à l'exception du dernier alinéa, et dernier alinéa du II, pour un licenciement d'au moins dix salariés dans une entreprise d'au moins cinquante salariés ; / 4° L. 1233-34 et L. 1233-35 premier alinéa et, le cas échéant, L. 2325-35 et L. 4614-12-1 du code du travail relatifs au recours à l'expert ; / 5° L. 1233-31 à L. 1233-33, L. 1233-48 et L. 1233-63, relatifs à la nature des renseignements et au contenu des mesures sociales adressés aux représentants du personnel et à l'autorité administrative ; / 6° L. 1233-49, L. 1233-61 et L. 1233-62, relatifs au plan de sauvegarde de l'emploi ; / 7° L. 1233-57-5 et L. 1233-57-6, pour un licenciement d'au moins dix salariés dans une entreprise d'au moins cinquante salariés. / II. Pour un licenciement d'au moins dix salariés dans une entreprise d'au moins cinquante salariés, l'accord mentionné à l'article L. 1233-24-1 est validé et le document mentionné à l'article L. 1233-24-4, élaboré par l'employeur, l'administrateur ou le liquidateur, est homologué dans les conditions fixées aux articles L. 1233-57-1 à L. 1233-57-3, aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 1233-57-4 et à l'article L. 1233-57-7. / Par dérogation au 1° de l'article L. 1233-57-3, sans préjudice de la recherche, selon le cas, par l'administrateur, le liquidateur ou l'employeur, en cas de redressement ou de liquidation judiciaire, des moyens du groupe auquel l'employeur appartient pour l'établissement du plan de sauvegarde de l'emploi, l'autorité administrative homologue le plan de sauvegarde de l'emploi après s'être assurée du respect par celui-ci des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 au regard des moyens dont dispose l'entreprise. / (...) / Les délais prévus au premier alinéa de l'article L. 1233-57-4 [au terme desquels, après réception du dossier complet, l'administration doit notifier à l'employeur sa décision de validation ou d'homologation] sont ramenés, à compter de la dernière réunion du comité social et économique, à huit jours en cas de redressement judiciaire et à quatre jours en cas de liquidation judiciaire. / (...) ".
3. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 1233-30 du même code : " I.- Dans les entreprises ou établissements employant habituellement au moins cinquante salariés, l'employeur réunit et consulte le comité social et économique sur : 1° L'opération projetée et ses modalités d'application (...) ; 2° Le projet de licenciement collectif : le nombre de suppressions d'emploi, les catégories professionnelles concernées, les critères d'ordre et le calendrier prévisionnel des licenciements, les mesures sociales d'accompagnement prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi et, le cas échéant, les conséquences des licenciements projetés en matière de santé, de sécurité ou de conditions de travail. / Les éléments mentionnés au 2° du présent I qui font l'objet de l'accord mentionné à l'article L. 1233-24-1 ne sont pas soumis à la consultation du comité social et économique prévue au présent article. / Le comité social et économique tient au moins deux réunions espacées d'au moins quinze jours. / (...) ". Aux termes de l'article L. 1233-31 de ce code : " L'employeur adresse aux représentants du personnel, avec la convocation à la première réunion, tous renseignements utiles sur le projet de licenciement collectif. Il indique : 1° La ou les raisons économiques, financières ou techniques du projet de licenciement ; 2° Le nombre de licenciements envisagé ; (...) 7° Le cas échéant, les conséquences de la réorganisation en matière de santé, de sécurité ou de conditions de travail. ". Aux termes de l'article L. 1233-32 du même code : " Outre les renseignements prévus à l'article L. 1233-31, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, l'employeur adresse aux représentants du personnel les mesures qu'il envisage de mettre en œuvre pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre et pour faciliter le reclassement du personnel dont le licenciement ne pourrait être évité. Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, l'employeur adresse le plan de sauvegarde de l'emploi concourant aux mêmes objectifs ". L'article L. 2312-39 de ce code dispose que le comité social et économique " émet un avis sur l'opération projetée et ses modalités d'application dans les conditions et délais prévus à l'article L. 1233-30, lorsqu'elle est soumise à l'obligation d'établir un plan de sauvegarde de l'emploi ". Enfin, aux termes de l'article L. 1233-57-3 de ce code : " En l'absence d'accord collectif ou en cas d'accord ne portant pas sur l'ensemble des points mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2, l'autorité administrative homologue le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, après avoir vérifié la conformité de son contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles relatives aux éléments mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2, la régularité de la procédure d'information et de consultation du comité social et économique, le respect, le cas échéant, des obligations prévues aux articles L. 1233-57-9 à L. 1233-57-16, L. 1233-57-19 et L. 1233-57-20 et le respect par le plan de sauvegarde de l'emploi des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 en fonction des critères suivants : / 1° Les moyens dont disposent l'entreprise, l'unité économique et sociale et le groupe ;(...) ".
4. Il résulte de l'ensemble des dispositions citées ci-dessus que, lorsqu'elle est saisie, en cas de liquidation judiciaire, par le liquidateur, d'une demande d'homologation d'un document élaboré en application de l'article L. 1233-24-4 du code du travail et fixant le contenu d'un plan de sauvegarde de l'emploi, il appartient à l'administration de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que la procédure d'information et de consultation du comité social et économique a été régulière. Elle ne peut légalement accorder l'homologation demandée que si le comité a été mis à même d'émettre régulièrement un avis, d'une part sur l'opération projetée et ses modalités d'application et, d'autre part, sur le projet de licenciement collectif et le plan de sauvegarde de l'emploi. Il appartient à ce titre à l'administration de s'assurer que l'employeur a adressé au comité social et économique, avec la convocation à sa première réunion, ainsi que, le cas échéant, en réponse à des demandes exprimées par le comité, tous les éléments utiles pour qu'il formule ses deux avis en toute connaissance de cause, dans des conditions qui ne sont pas susceptibles d'avoir faussé sa consultation.
5. En premier lieu, dans le cadre du contrôle portant sur la régularité de la procédure d'information et de consultation du comité social et économique, dans le cas d'une liquidation judiciaire, qui lui incombe en application des dispositions de l'article L. 1233-57-3 du code du travail citées au point 3, il n'appartient pas à l'autorité administrative d'apprécier si les représentants du personnel ont été désignés valablement, à moins que l'autorité judiciaire dûment saisie à cet effet, conformément aux dispositions de l'article L. 2314-32 du code du travail lui attribuant compétence pour connaître des contestations relatives à la régularité des opérations électorales et à la désignation des représentants syndicaux, ait jugé que tel n'était pas le cas.
6. Il s'ensuit que c'est à bon droit que le tribunal a écarté comme inopérant le moyen tiré de ce que l'autorité administrative aurait dû s'assurer de la régularité des opérations électorales partielles ayant eu lieu le 17 décembre 2021 et à l'issue desquelles avaient été désignés deux des trois membres siégeant au comité social et économique consulté le 3 juin 2022 sur le projet de plan de sauvegarde de l'emploi dans l'entreprise.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 2315-30 du code du travail : " L'ordre du jour des réunions du comité social et économique est communiqué par le président aux membres du comité, (...) trois jours au moins avant la réunion ".
8. Si les appelants soutiennent que le délai entre la date de la transmission de l'ordre du jour et celle de la tenue du CSE n'était pas raisonnable, il ressort toutefois des pièces du dossier que l'ensemble des convocations aux réunions du 3 juin 2022 ont été adressées aux membres de ce comité le 30 mai 2022, soit dans le respect du délai minimum de trois jours prévu par l'article L. 2315-30 du code du travail.
9. En troisième lieu, il résulte des dispositions combinées des articles L. 1233-58
et L. 1233-30 du code du travail, qu'en cas de redressement judiciaire, il n'est en principe prévu qu'une seule réunion du comité social et économique, au cours de laquelle ce dernier est obligatoirement consulté pour donner son avis, d'une part, sur " 1° L'opération projetée et ses modalités d'application (...) " et d'autre part, sur " 2° Le projet de licenciement collectif : le nombre de suppressions d'emploi, les catégories professionnelles concernées, les critères d'ordre et le calendrier prévisionnel des licenciements, les mesures sociales d'accompagnement prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi et, le cas échéant, les conséquences des licenciements projetés en matière de santé, de sécurité ou de conditions de travail. (...) ".
10. Il ressort des pièces du dossier que trois réunions extraordinaires d'information et de consultation du comité social et économique se sont tenues le 7 juin 2022, respectivement à 9 h 00, 9 h 30 et 10 h 00. Selon la convocation de la réunion programmée à 9 h 00, les deux points figurant à l'ordre du jour portaient sur l'information du CSE sur le jugement du tribunal de commerce de Valenciennes en date du 23 mai 2022 ayant ouvert une procédure de liquidation judiciaire sans poursuite d'activité autorisée à l'encontre de la SAS Phénix Rousies Industries et une information-consultation du comité sur le projet de fermeture totale de cette société ainsi que sur le projet de suppression de la totalité des postes de travail. L'ordre du jour de la réunion prévue à 9 h 30 prévoyait une information et une consultation du CSE sur les conséquences éventuelles de la cessation totale d'activité, de la fermeture de la société Phénix Rousies Industries et des licenciements projetés en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail, notamment sur les mesures de prévention des risques psychosociaux. Enfin, six points étaient à l'ordre du jour de la réunion de 10 h 00, à savoir une information suivie d'une consultation du CSE sur les conséquences sur l'emploi du jugement de liquidation judiciaire de la société Phénix Rousies Industries rendu par le tribunal de commerce de Valenciennes et le projet de licenciement pour motif économique de la totalité des salariés titulaires d'un contrat à durée indéterminée au sein de la société, une information du CSE sur le nombre de salariés permanents et temporaires et sur les catégories professionnelles concernées, sur les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements, sur le calendrier prévisionnel de la procédure, une information puis une consultation du CSE sur le projet de plan de sauvegarde de l'emploi sous la forme d'un document unilatéral et une information - consultation du CSE sur les conséquences éventuelles de la cessation totale d'activité, de la fermeture de la société Phénix et des licenciements projetés en matière de santé, sécurité et de conditions de travail, notamment sur les mesures de prévention des risques psychosociaux. Eu égard à la teneur des ordres du jour de ces trois réunions, la consultation du CSE a porté à la fois sur l'opération projetée et ses modalités d'application et sur le projet de licenciement collectif, au sens des 1° et 2° du I de l'article L. 1233-30 du code du travail cité au point 9.
11. Par ailleurs, il ressort des mentions du procès-verbal de la réunion s'étant tenue à 9 h 00, qui rappelle l'ensemble des points à l'ordre du jour précédemment énumérés, que les membres du CSE ont émis un avis favorable à l'unanimité. De même, le procès-verbal de la réunion de 10 h 00, qui procède au même rappel des six points inscrits à l'ordre du jour, indique également que ces mêmes membres ont rendu un avis favorable à l'unanimité. Contrairement à ce que soutiennent les appelants, aucune disposition du code du travail n'exige un vote distinct sur chacun des points inscrits à l'ordre du jour, le I de l'article L. 1233-30 du code du travail précité imposant seulement de s'assurer que les membres du comité social et économique ont été informés des différentes incidences du projet de licenciement collectif et qu'ils ont ensuite pu se prononcer en toute connaissance de cause, à la fois, sur l'opération projetée et ses modalités d'application et sur le projet de licenciement collectif, ce que les mentions portées dans les procès-verbaux précités suffisent à attester.
12. Pour soutenir néanmoins que la CSE n'a pu rendre un avis éclairé sur le projet de licenciement collectif, les appelants se prévalent de ce que les éléments relatifs aux comptes du groupe n'avaient pas été remis à l'expert désigné par le CSE lors de l'élaboration du PSE dans le cadre de la procédure collective antérieure au jugement ayant placé la société en liquidation judiciaire et qu'ils ne l'ont pas davantage été dans le cadre de la procédure initiée par le liquidateur.
13. D'une part, il est constant que, pour refuser une première fois d'homologuer le plan de sauvegarde de l'emploi élaboré par la société Phénix Rousies Industries, le directeur régional de la DREETS des Hauts de France a, dans sa décision du 25 avril 2022, notamment relevé que l'expert-comptable, à qui le comité social et économique avait confié une mission d'assistance, conformément à l'article L. 1233-34 du code du travail, n'avait pas reçu les éléments permettant d'apprécier la situation financière du groupe. Cependant, il ressort des pièces du dossier que, consécutivement au jugement du 23 mai 2022 du tribunal de commerce de Valenciennes prononçant l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire de la SAS Phénix Rousies Industries, le liquidateur désigné a, le 30 mai suivant, informé la DREETS de la mise en œuvre d'un projet de licenciement économique au sein de cette société, emportant cinquante-trois licenciements économiques. Ce faisant, une nouvelle procédure a été ouverte, régie par les dispositions de l'article L. 1233-58 du code du travail et, dans ces conditions, il n'appartient pas à l'administration de procéder au contrôle de la régularité de la procédure d'information et de consultation du comité social et économique conduite dans le cadre de la procédure collective antérieure au jugement ayant placé la société en liquidation judiciaire. Par suite, les appelants ne peuvent utilement soutenir que la décision d'homologation qu'ils attaquent est illégale aux motifs que l'autorité administrative n'a pas contrôlé si le comité social et économique avait été régulièrement informé et consulté préalablement au jugement ayant placé la société Phénix Rousies Industries en liquidation judiciaire.
14. D'autre part, au titre de la procédure ouverte à la suite de la liquidation judiciaire, il n'est pas contesté que les membres du CSE ont été rendus destinataires, en prévision des réunions extraordinaires convoquées le 3 juin 2022, du document unilatéral établi par le liquidateur, portant sur le calendrier prévisionnel des licenciements, le nombre de suppressions d'emploi et les catégories professionnelles concernées ainsi que le contenu des mesures sociales d'accompagnement. Ce document précisait notamment les raisons économiques et financières du projet de licenciement, le nombre de licenciement envisagés et les mesures de nature économique envisagées. Si les appelants font état des difficultés d'accès à certains documents rencontrées par le cabinet d'expertise comptable chargé d'assister le CSE dans le cadre de la première procédure d'homologation du PSE, ils ne peuvent toutefois se prévaloir de cette circonstance s'agissant de la seconde procédure, pour laquelle il ne ressort d'aucune pièce du dossier qu'ils auraient sollicité à nouveau l'assistance d'un expert-comptable en application de l'article L. 1233-34 du code du travail. Par ailleurs, ils n'établissent pas avoir vainement demandé au liquidateur la production des comptes du groupe Phénix US au stade de la procédure de liquidation, ni a fortiori qu'aurait été sollicitée ou mise en œuvre la procédure d'injonction aménagée par les dispositions de l'article L. 1233-57-5 du code du travail.
15. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'information-consultation du comité social et économique doit être écarté.
Sur la prise en compte des risques psychosociaux :
16. Aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail : " L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. / Ces mesures comprennent : / 1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1 ; / 2° Des actions d'information et de formation ; / 3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. / L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes ".
17. Dans le cadre d'une réorganisation qui donne lieu à élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi, il appartient à l'autorité administrative de vérifier le respect, par l'employeur, de ses obligations en matière de prévention des risques pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. A cette fin, elle doit contrôler, dans le cadre de l'article L. 1233-57-3 du code du travail, tant la régularité de l'information et de la consultation des institutions représentatives du personnel que les mesures auxquelles l'employeur est tenu en application de l'article L. 4121-1 du code du travail au titre des modalités d'application de l'opération projetée.
18. Par ailleurs, dans le cadre d'une cessation de l'activité d'une entreprise conduisant à la suppression de l'intégralité des postes de travail, l'employeur n'est tenu, en application des dispositions précitées de l'article L. 4121-1 du code du travail, de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs que jusqu'à la date de fin de l'opération envisagée.
19. Ainsi qu'il a été dit précédemment, le plan de sauvegarde de l'emploi mis en œuvre à la suite du jugement de liquidation judiciaire prévoit la fermeture totale de l'entreprise Phénix Rousies Industries, la cessation définitive de son activité et la suppression de l'ensemble des emplois. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'avant l'achèvement de cette opération, et notamment au cours de la période de prolongation d'activité, les conditions de sécurité dans l'entreprise ou les conditions de travail des salariés ayant vocation à être licenciés seraient susceptibles d'être affectées par l'opération projetée autrement que par la perspective anxiogène du licenciement à venir. Or, il résulte du document unilatéral présenté aux membres du comité social et économique et notamment sa partie 10, qu'ont été identifiés les risques psycho-sociaux auxquels les salariés ayant vocation à être licenciés étaient susceptibles d'être confrontés ainsi que les actions de prévention de ces risques pendant la période de poursuite d'activité autorisée. Le document unilatéral prévoit ainsi pour les salariés souhaitant être accompagnés, un recours au médecin du travail et au service de santé au travail qui ont été informés de la situation de l'entreprise ainsi que la mise en place éventuelle d'une cellule d'appui psychologique, via un numéro vert. S'il ne ressort pas des pièces du dossier que cette cellule aurait été effectivement mise en place sous cette forme postérieurement à la liquidation judiciaire, il ressort toutefois du document unilatéral, qu'un accord a été donné par la délégation générale à l'emploi, au travail et à la formation professionnelle pour la mise en place d'une cellule d'appui à la sécurisation professionnelle, qui outre la délivrance aux salariés d'une information sur les conséquences de la rupture de leur contrat de travail et les diverses démarches à accomplir, est chargée de leur apporter un soutien psychologique. Dans ces conditions, le document unilatéral comportait ainsi les mesures suffisantes pour assurer le respect des dispositions de l'article L. 4121-1 du code du travail.
Sur les manœuvres frauduleuses et le détournement de pouvoir allégués :
20. Si les appelants soutiennent que la cessation de paiement puis l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire de la société Phénix Rousies Industries sont la conséquence d'une stratégie délibérée du groupe Chief US visant à provoquer la déconfiture de sa société française de manière à détourner les règles relatives aux licenciements économiques et aux procédures collectives afin de ne pas faire supporter au groupe le coût des licenciements des salariés français, il résulte des dispositions du code du travail, et notamment de son article L. 1233-57-3, que l'administration n'a pas à se prononcer, lorsqu'elle statue sur une demande d'homologation d'un document fixant un plan de sauvegarde de l'emploi, sur le motif économique du projet de licenciement collectif dont il n'appartient qu'au juge du licenciement, le cas échéant ultérieurement saisi, d'apprécier le bien-fondé. Dès lors, ainsi que l'ont relevé à bon droit les premiers juges, le moyen tiré de ce que le groupe Chief US serait responsable de la déconfiture de sa filiale est en tout état de cause inopérant.
21. Par ailleurs, pour ce même motif, les appelants ne sont pas davantage fondés à soutenir qu'en acceptant de valider le document unilatéral présenté par le liquidateur judiciaire alors qu'elle aurait eu connaissance des manœuvres frauduleuses orchestrées par l'employeur, la DREETS des Hauts-de-France a entaché sa décision de détournement de pouvoir. Au demeurant, la transcription, de l'enregistrement d'un échange téléphonique entre le directeur de la société Phénix et son directeur administratif et financier rapportant indirectement des propos prétendument tenus par l'inspectrice du travail de la DREETS chargée de l'instruction de la demande d'homologation du document unilatéral n'est pas de nature à établir que l'administration du travail aurait conseillé à l'entreprise d'organiser sa mise en liquidation judiciaire dans le but de contourner les règles relatives aux licenciements économiques et aux procédures collectives et d'éviter au groupe de supporter le coût des licenciements des salariés de la société Phénix Rousies Industries.
22. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par Me Soinne, agissant en qualité de liquidateur de la société Phénix Rousies Industries, que les appelants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 7 juin 2022 par laquelle le directeur régional de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DREETS) des Hauts-de-France a homologué le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi de la société Phénix Rousies Industries. Leurs conclusions à fin d'annulation de ce jugement et de cette décision doivent donc être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
23. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée au titre des frais exposés par les appelants et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge solidaire des appelants le versement de la somme demandée par Me Soinne, agissant en qualité de liquidateur de la société Phénix Rousies Industries, au titre de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du comité social et économique de la société par actions simplifiée (SAS) Phénix Rousies Industries, de l'Union locale de la CGT de Maubeuge, de Mme C... B... et de Mme D... A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par Me Soinne, agissant en qualité de liquidateur de la société Phénix Rousies Industries, sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au comité social et économique de la société par actions simplifiée Phénix Rousies Industries, à l'Union locale de la Confédération générale du travail (CGT) de Maubeuge, à Mme C... B..., à Mme D... A..., à Me Soinne, agissant en qualité de liquidateur de la société Phenix Rousies Industries ainsi qu'au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.
Délibéré après l'audience publique du 14 février 2023 à laquelle siégeaient :
- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 mars 2023.
Le rapporteur,
Signé : F. Malfoy
La présidente de chambre,
Signé : G. BorotLa greffière,
Signé : C. Huls-Carlier
La République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière,
C. Huls-Carlier
N° 22DA02620 2