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05/03/2024 | FRANCE | N°22DA02468

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 05 mars 2024, 22DA02468


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 27 janvier 2020 par laquelle la ministre du travail a retiré la décision implicite rejetant le recours hiérarchique formé par la société Esterra contre la décision de l'inspectrice du travail du 1er avril 2019 refusant d'autoriser son licenciement, a annulé cette décision de l'inspectrice du travail et a autorisé son licenciement pour motif disciplinaire.



Par un jugement

n° 2002279 du 28 septembre 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.



...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 27 janvier 2020 par laquelle la ministre du travail a retiré la décision implicite rejetant le recours hiérarchique formé par la société Esterra contre la décision de l'inspectrice du travail du 1er avril 2019 refusant d'autoriser son licenciement, a annulé cette décision de l'inspectrice du travail et a autorisé son licenciement pour motif disciplinaire.

Par un jugement n° 2002279 du 28 septembre 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 novembre 2022, M. B..., représenté par Me Kappopoulos, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 28 septembre 2022 ;

2°) d'annuler la décision du 27 janvier 2020 ;

3°) de mettre les dépens à la charge de l'Etat, ainsi qu'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision contestée est entachée d'incompétence ;

- l'instruction du recours hiérarchique a été conduite par un agent dépourvu du grade d'inspecteur du travail, en méconnaissance de l'article R. 2421-11 du code du travail ;

- les pièces qu'il a communiquées dans le cadre de cette instruction n'ont pas été prises en compte par la ministre du travail et n'ont pas été transmises à l'employeur, en méconnaissance du principe du contradictoire ;

- les faits de vol commis en juin 2018 ne sont pas établis et sont prescrits ;

- les faits se rapportant aux pressions qu'il aurait exercées sur un salarié de la société Triselec le 31 octobre 2018, qui reposent sur la seule parole de celui-ci, ne sont pas établis ;

- le doute doit lui profiter en application de l'article L. 1333-1 du code du travail ;

- les menaces et insultes qu'il aurait proférées le 8 décembre 2018 à l'encontre d'un membre du syndicat concurrent ne sont pas établies ;

- il n'a pas eu de comportement agressif à l'égard d'un usager le 9 décembre 2018 ;

- les insultes qui lui sont reprochées à l'égard d'un membre du syndicat concurrent, le 27 décembre 2018, ne sont pas d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ;

- l'employeur a entendu l'évincer de la société.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 octobre 2023, la société Esterra, représentée par Me de Oliveira, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge du requérant en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par le requérant sont inopérants ou ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée au ministre chargé du travail, qui n'a pas présenté d'observations.

Par une ordonnance du 19 octobre 2023, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 1er décembre 2023, à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code du travail ;

- l'arrêté du 22 juillet 2015 relatif à l'organisation de la direction générale du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guérin-Lebacq, président-assesseur,

- les conclusions de M. Carpentier-Daubresse, rapporteur public,

- et les observations de Me Boukhezza, substituant Me Kappopoulos, représentant M. B..., et de Me de Oliveira, représentant la société Esterra.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a été recruté en 2002 par la société Esterra, qui a pour activité la collecte et le traitement de déchets non dangereux pour le compte de la Métropole européenne de Lille, et exerçait en dernier lieu les fonctions d'agent d'accueil et de réception à la déchetterie de Roubaix (Nord). M. B... a été mis en cause à la fin de l'année 2018 pour des faits de vol au cours du mois de juin 2018, des menaces et pressions exercées le 31 octobre suivant sur un salarié de la société Triselec, qui intervient également à la déchetterie de Roubaix, et des menaces et insultes à l'égard d'autres salariés de la société Esterra et d'un usager au cours du mois de décembre 2018. Par un courrier du 22 janvier 2019, son employeur l'a convoqué à un entretien préalable au licenciement, qui s'est tenu le 1er février 2019. M. B... étant par ailleurs délégué syndical et conseiller prud'hommes auprès du conseil des prud'hommes de Lille, la société Esterra a, par un courrier du 6 février 2019, sollicité l'autorisation de le licencier auprès de l'administration du travail. Par une décision du 1er avril 2019, l'inspectrice du travail de la 10ème section de l'unité départementale du Nord-Lille a refusé d'autoriser le licenciement de M. B... au motif que les faits reprochés n'étaient pas établis, à l'exception d'une altercation avec un collègue, regardée comme insuffisante pour justifier un licenciement. La société Esterra a présenté le 3 juin 2019 un recours hiérarchique à la ministre du travail, qui n'y a donné aucune suite. Par une décision du 27 janvier 2020, la ministre a retiré sa décision implicite de rejet du recours hiérarchique, a annulé la décision de l'inspectrice du travail au motif d'une irrégularité dans l'enquête contradictoire, et a accordé l'autorisation de licencier M. B.... Celui-ci a saisi le tribunal administratif de Lille d'un recours contre la décision de la ministre du 27 janvier 2020. Par un jugement du 28 septembre 2022, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la légalité externe de la décision du 27 janvier 2020 :

2. En premier lieu, M. B... reprend en appel, sans apporter d'élément nouveau, son moyen tiré de ce que la décision contestée a été signée par une autorité incompétente. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 2422-1 du code du travail : " Le ministre chargé du travail peut annuler ou réformer la décision de l'inspecteur du travail sur le recours de l'employeur, du salarié ou du syndicat que ce salarié représente ou auquel il a donné mandat à cet effet. / Ce recours est introduit dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de l'inspecteur. / Le silence gardé pendant plus de quatre mois sur ce recours vaut décision de rejet ". En outre, dans l'exercice de ses prérogatives d'organisation des services placés sous son autorité, le ministre du travail a prévu, à l'article 5 de l'arrêté du 22 juillet 2015 relatif à l'organisation de la direction générale du travail, que le bureau du statut protecteur est chargé notamment de l'instruction des recours hiérarchiques et contentieux relatifs aux licenciements des salariés protégés. Il ne résulte pas des dispositions précitées, ni de l'article R. 2421-4 du code du travail, en application duquel la demande d'autorisation de licenciement donne lieu à une enquête contradictoire conduite par un inspecteur du travail, ni d'aucune autre disposition législative ou réglementaire que l'instruction d'un recours hiérarchique formé contre la décision rendue par l'inspecteur doit être confiée à un agent également titulaire du grade d'inspecteur du travail. Dès lors, la circonstance que l'agent du bureau du statut protecteur, auquel a été confiée l'instruction du recours hiérarchique de la société Esterra, n'était pas titulaire du grade d'inspecteur du travail est sans influence sur la légalité de la décision contestée. Par ailleurs, si, dans le cadre de cette instruction, il a été décidé de procéder à une contre-enquête contradictoire du 4 juillet au 8 novembre 2019, celle-ci a été conduite par un agent titulaire du grade de directeur adjoint du travail, membre du corps de l'inspection du travail.

4. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2 (...) sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". Aux termes de l'article L. 122-1 du même code : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix (...) ". Aux termes de l'article L. 211-2 de ce code : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...) / 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative compétente pour adopter une décision individuelle entrant dans leur champ de mettre elle-même la personne intéressée en mesure de présenter des observations. Il en va de même, à l'égard du bénéficiaire d'une décision, lorsque l'administration est saisie par un tiers d'un recours gracieux ou hiérarchique contre cette décision. Ainsi, le ministre chargé du travail, saisi sur le fondement des dispositions de l'article R. 2422-1 du code du travail, d'un recours contre une décision autorisant ou refusant d'autoriser le licenciement d'un salarié protégé, doit mettre le tiers au profit duquel la décision contestée a créé des droits - à savoir, respectivement, l'employeur ou le salarié protégé - à même de présenter ses observations, notamment par la communication de l'ensemble des éléments sur lesquels le ministre entend fonder sa décision. Par ailleurs, s'il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire ni d'aucun principe que le ministre soit tenu de procéder à une enquête contradictoire au sens de l'article R. 2421-4 du code précité, il en va autrement lorsque l'inspecteur du travail n'a pas lui-même respecté les obligations de l'enquête contradictoire.

5. Il n'est pas contesté, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, que M. B... a été destinataire du recours hiérarchique formé par la société Esterra contre la décision de l'inspectrice du travail du 1er avril 2019 refusant d'autoriser son licenciement, et a ainsi été mis en mesure de présenter des observations sur ce recours, ce qu'il a fait le 2 juillet 2019. La ministre du travail ayant décidé de procéder à une nouvelle enquête contradictoire, M. B... a été entendu les 4 juillet et 21 août 2019 par le directeur adjoint du travail dans les locaux de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) des Hauts-de-France. Il a encore été invité, par un courrier du 11 octobre 2019, à produire des observations sur des éléments nouveaux révélés postérieurement à l'entretien du 4 juillet 2019, ce que l'intéressé a fait par un courrier du 17 octobre 2019, suivi d'un nouvel entretien dans les locaux de la DIRECCTE le 31 octobre suivant. Par un courrier du 5 décembre 2019, M. B... a été invité une nouvelle fois par l'administration à produire des observations, lui permettant d'adresser à l'administration un courrier du 12 janvier 2020 et de nombreuses pièces transmises par voie électronique le 16 janvier suivant. La circonstance que la décision contestée est intervenue onze jours seulement après la transmission de ces pièces, constituées de plusieurs centaines de pages selon le requérant, ne permet aucunement de présumer que l'intéressé aurait été privé de la possibilité de présenter ses observations dans un délai suffisant. Il n'est pas plus démontré que, compte tenu de l'organisation du bureau du statut protecteur et du délai nécessaire à la confection d'une décision ministérielle, l'administration aurait omis de prendre connaissance des pièces communiquées le 16 janvier 2020, alors au demeurant que celles-ci sont expressément visées dans la décision litigieuse. Enfin, la circonstance que les pièces produites par M. B... n'ont pas été portées à la connaissance de la société Esterra ne porte aucune atteinte au principe du contradictoire dès lors que l'administration, saisie du recours par la société, était seulement tenue de communiquer les éléments fondant sa propre décision au tiers au profit duquel la décision de l'inspectrice avait créé des droits, c'est-à-dire le requérant. Par suite le moyen tiré de ce que la décision contestée a été prise en méconnaissance du principe du contradictoire doit être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne de la décision du 27 janvier 2020 :

6. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives qui bénéficient, dans l'intérêt des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle, ne peuvent être licenciés qu'avec l'autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale. Dans le cas où la demande est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables à son contrat de travail et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.

7. En premier lieu, il ressort des termes mêmes de la décision contestée que, pour autoriser le licenciement de M. B..., la ministre du travail a uniquement pris en compte les faits commis le 31 octobre 2018, à l'égard d'un salarié de la société Triselec, et le 27 décembre 2018, à l'égard d'un autre salarié de la société Esterra. Par suite, les moyens tirés de ce que les faits de vol initialement reprochés à M. B... au cours du mois de juin 2018 ne sont pas établis ou sont prescrits, et de ce que les menaces et insultes proférées à l'encontre d'un collègue et d'un usager les 8 et 9 décembre 2018 sont entachées d'inexactitude matérielle, sont inopérants et doivent être écartés.

8. En deuxième lieu, pour accorder à la société Esterra l'autorisation de licencier M. B..., la ministre du travail a d'abord pris en compte la circonstance que l'intéressé a, le 31 octobre 2018, contraint un employé de la société Triselec, qu'il soupçonnait d'être l'auteur d'un courrier, en juin 2018, l'accusant d'avoir dérobé des vélos destinés aux opérations de réemploi confiées à cette société, à rédiger une attestation le disculpant tout en filmant la scène avec son téléphone portable.

9. D'une part, si M. B... conteste la réalité des faits qui lui sont reprochés, il ressort de l'attestation établie le 22 mai 2019 par la directrice générale de la société Triselec qu'elle a réitéré à la fin du mois d'octobre 2018, auprès des responsables de la société Esterra, ses plaintes concernant des vols d'objets destinés au réemploi et déjà signalés en juin précédent. Il résulte en outre des constatations de l'auteur du rapport de contre-enquête de la DIRECCTE des Hauts-de-France du 8 novembre 2019 que M. B... a communiqué à l'inspectrice du travail, au cours de l'enquête contradictoire le 27 février 2019, une attestation signée par l'employé de la société Triselec, mentionnant une date du 15 février 2018 et certifiant qu'à aucun moment il n'avait été filmé, menacé ou insulté par l'intéressé, alors que ni l'employeur lors de l'entretien préalable le 1er février 2019, ni l'inspectrice du travail dans ses échanges avec le requérant n'avait révélé à celui-ci l'identité de la personne s'étant plainte d'avoir été brutalisée le 31 octobre 2018. Il se déduit de ces éléments que M. B..., informé des accusations portées contre lui pour des faits de violence commis le 31 octobre 2018, n'ignorait pas qui pouvait en être à l'origine, reconnaissant par là même avoir rencontré l'employé de la société Triselec à cette dernière date, et est intervenu à nouveau auprès de lui, une fois engagée la procédure de licenciement, pour obtenir un document le disculpant cette fois-ci des faits de violence.

10. D'autre part, il ressort des pièces du dossier, notamment des déclarations de la directrice générale de la société Triselec au cours de la contre-expertise précitée, que l'épouse de l'employé de cette société lui a adressé, le 1er novembre 2018 au lendemain des faits litigieux, un courrier exposant les menaces et intimidations subies par son conjoint. Le 2 novembre 2018, ce dernier a spontanément déposé une main courante au commissariat de Roubaix dénonçant les menaces dont il avait fait l'objet de la part de M. B... qui, selon ses déclarations aux services de police, l'avait contraint à rédiger une attestation en sa faveur en le menaçant d'un licenciement et de violences physiques, en le filmant avec un téléphone portable pendant la rédaction de ce document. Il ressort encore de l'attestation établie le 18 avril 2019 par le supérieur hiérarchique du plaignant que celui-ci a immédiatement rapporté à sa hiérarchie les faits subis le 31 octobre 2018 qui, eu égard au traumatisme présenté par l'intéressé employé dans le cadre d'un contrat d'insertion, ont nécessité une affectation immédiate dans un poste évitant tout contact avec M. B..., puis dans une autre déchetterie de l'agglomération lilloise. L'attestation de la directrice générale de la société Triselec du 23 mai 2019 démontre par ailleurs que le salarié de cette société a toujours tenu à ses responsables des propos constants s'agissant des faits litigieux commis le 31 octobre 2018, dénonçant systématiquement le comportement de M. B... à son égard. Ces faits ont de nouveau été confirmés par le salarié de la société Triselec lors de son audition du 29 août 2019 par le directeur adjoint du travail chargé de la contre-enquête conduite dans le cadre de l'instruction du recours hiérarchique. Dans leurs attestations datées des 2 mai 2018, 21 décembre 2019 et 6 janvier 2020, les trois salariés de la société Esterra indiquant avoir été présents à la déchetterie de Roubaix le 31 octobre 2018 se bornent à mentionner qu'ils n'ont constaté ni la présence du requérant et de l'employé de la société Triselec dans un même bureau, ni un comportement inhabituel de ce dernier. Ces témoignages, dont l'un porte une date antérieure aux faits litigieux, ne sont pas de nature à en contester la matérialité, attestée par les déclarations précises, circonstanciées et constantes de la victime et de ses responsables. Les deux attestations du 5 mars 2019, dont il ressort que le salarié de la société Triselec souhaiterait " ne plus rien à voir avec cette histoire ", ne démontrent en rien une inexactitude matérielle des faits, qui doivent être regardés comme établis.

11. Dans ces conditions, c'est sans commettre d'erreur d'appréciation que la ministre du travail a estimé que les faits imputés à M. B... à la date du 31 octobre 2018 étaient établis et, eu égard aux circonstances dans lesquelles ils étaient intervenus, revêtaient un caractère fautif.

12. En troisième lieu, d'une part, la réalité des insultes proférées par M. B... à l'encontre d'un autre salarié de la société Esterra le 27 décembre 2018 n'est pas contestée. Ces faits présentent également un caractère fautif. D'autre part, les faits de menaces et intimidations commis le 31 octobre 2018 à l'égard de l'employé de la société Triselec, qui a dû faire l'objet d'un déplacement professionnel afin d'être éloigné du requérant, sont d'une particulière gravité. Dans ces conditions, alors même qu'aucun antécédent disciplinaire ne pouvait être reproché à M. B... à la date de la décision contestée, les agissements des 31 octobre et 27 décembre 2018 pris dans leur ensemble revêtent un caractère suffisamment grave pour justifier son licenciement.

13. En dernier lieu, M. B... reprend en appel, sans apporter d'élément nouveau, ses allégations tendant à démontrer que la société Esterra cherche à le licencier en raison de son action syndicale. Les premiers juges y ont répondu de façon précise et circonstanciée, en concluant que le projet de licenciement du requérant ne présente aucun lien avec ses fonctions syndicales et que la décision n'est entachée d'aucune erreur d'appréciation sur ce point. Dans ces conditions, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Sur les conclusions présentées sur le fondement des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont M. B... demande le versement au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge du requérant la somme dont la société Esterra demande le versement sur le fondement des mêmes dispositions. Par ailleurs, la présente instance n'ayant donné lieu à aucun dépens, les conclusions présentées au titre de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société Esterra présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à la société Esterra et à la ministre du travail, de la santé et des solidarités.

Délibéré après l'audience publique du 30 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,

- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,

- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 mars 2024.

Le président-rapporteur,

Signé : J.-M. Guérin-LebacqLa présidente de chambre,

Signé : M.-P. Viard

Le greffier,

Signé : F. Cheppe

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier

F. Cheppe

2

N° 22DA02468


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA02468
Date de la décision : 05/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Viard
Rapporteur ?: M. Jean-Marc Guerin-Lebacq
Rapporteur public ?: M. Carpentier-Daubresse
Avocat(s) : KAPPOPOULOS

Origine de la décision
Date de l'import : 13/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-05;22da02468 ?
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