La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/05/2024 | FRANCE | N°23DA01194

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 3ème chambre, 07 mai 2024, 23DA01194


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 5 novembre 2020 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité départementale Nord Lille s'est déclarée incompétente pour statuer sur la demande d'autorisation de le licencier présentée par la société Desmazières.



Par un jugement n° 2100067 du 26 avril 2023, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :
<

br>

Par une requête, enregistrée le 26 juin 2023, M. A..., représenté par Me Kappopoulos, demande à la cour :

...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 5 novembre 2020 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité départementale Nord Lille s'est déclarée incompétente pour statuer sur la demande d'autorisation de le licencier présentée par la société Desmazières.

Par un jugement n° 2100067 du 26 avril 2023, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 juin 2023, M. A..., représenté par Me Kappopoulos, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 26 avril 2023 ;

2°) d'annuler la décision du 5 novembre 2020 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les premiers juges ont entaché leur décision d'une insuffisance de motivation et d'une omission à statuer en ce qui concerne ses moyens tirés de ce que le caractère irrégulier de la prorogation de son mandat de délégué du personnel est sans incidence sur la protection dont il bénéficie et sur la durée de cette protection, et de ce que l'exercice effectif de ses deux mandats sans contestation de l'employeur suffit à justifier cette protection ;

- le jugement attaqué est entaché d'erreurs de droit et de fait en tant qu'il se prononce sur la prorogation de son mandat de délégué du personnel, sur la date à laquelle sa situation de salarié protégé doit être examinée et sur la violation du principe du contradictoire ;

- l'inspectrice du travail a méconnu l'article R. 2421-4 du code du travail dès lors qu'il n'a pas été auditionné et que la décision contestée est fondée sur les seuls éléments remis par l'employeur, à l'exclusion des éléments qu'il aurait pu produire ;

- l'inspectrice du travail ne pouvait se déclarer incompétente dès lors qu'il est protégé jusqu'au 31 décembre 2019 par son mandat de délégué syndical, qui lui a été confié à l'issue des élections professionnelles du 26 novembre 2013, que l'employeur ne démontre pas l'inexistence de ce mandat et l'a toujours considéré comme exerçant les fonctions de délégué syndical, que l'administration a vérifié son mandat dans le cadre de la validation du plan de sauvegarde de l'emploi en 2017 et que l'organisation syndicale n'a jamais contesté ce mandat ;

- l'inspectrice du travail ne pouvait se déclarer incompétente dès lors qu'il est protégé par son mandat de délégué du personnel, qui a été prolongé jusqu'au 30 novembre 2018 en application de l'article 9 de l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 ; l'article 9 n'interdit pas une prorogation ultérieure ; son mandat a ainsi été prorogé jusqu'au 30 novembre 2019 par un accord unanime signé le 19 novembre 2018 ; le tribunal judiciaire n'a pas annulé cet accord dont ni l'employeur, ni l'inspection du travail ne peut mettre en cause la régularité ; l'inspectrice du travail ne peut annuler les effets de l'accord de prorogation de façon rétroactive ; cette nouvelle prorogation était rendue nécessaire par la mise en place tardive du comité social et économique le 30 novembre 2019 ; le caractère illégal de l'accord unanime est sans effet sur la prorogation de son mandat et la protection qui en résulte ;

- la décision contestée est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'elle retient la date de réception de la demande d'autorisation de licenciement pour apprécier sa qualité de salarié protégé, et non la date de convocation à l'entretien préalable au licenciement ;

- l'inspectrice du travail a omis de vérifier le caractère sérieux et effectif des efforts de reclassement.

Par un mémoire enregistré le 11 septembre 2023, la SCP Alpha et la SELAS MJS Partners, mandataires judiciaires liquidateurs de la société Desmazières, représentées par Me Monrosty, concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge du requérant sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée au ministre chargé du travail, qui n'a pas présenté d'observations.

Par une ordonnance du 4 mars 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 3 avril 2024, à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 ;

- l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guérin-Lebacq, président-assesseur,

- les conclusions de M. Carpentier-Daubresse, rapporteur public,

- et les observations de Me Kappopoulos, représentant M. A..., et de Me Monrosty, représentant la SCP Alpha et la SELAS MJS Partners, mandataires judiciaires liquidateurs de la société Desmazières.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... a été recruté le 24 février 1987 par la société Desmazières (Nord), dans laquelle il a exercé en dernier lieu les fonctions de responsable infrastructure. Il a été désigné comme délégué syndical le 10 juin 2003, ainsi que délégué du personnel titulaire à l'issue des élections du 26 novembre 2013. A la suite de difficultés économiques, la société Desmazières a saisi l'administration du travail le 19 mars 2019 afin d'obtenir l'autorisation de licencier M. A... pour motif économique. Par une première décision du 6 mai 2019, l'inspectrice du travail a refusé d'accorder l'autorisation demandée au motif que le comité d'entreprise s'était prononcé sur le projet de licenciement dans des conditions irrégulières le 7 mars 2019 alors que les mandats de ses membres étaient arrivés à expiration le 31 décembre 2018. Par un courrier du 22 janvier 2020, l'employeur a réitéré sa demande d'autorisation de licencier l'intéressé pour motif économique. Par une seconde décision du 5 novembre 2020, l'inspectrice du travail s'est déclarée incompétente pour se prononcer sur cette demande au motif que M. A... ne bénéficiait plus d'aucune protection. Ce dernier a saisi le tribunal administratif de Lille d'une demande tendant à l'annulation de la décision du 5 novembre 2020. Par un jugement du 26 avril 2023, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, M. A... a soutenu devant le tribunal administratif que l'inspectrice du travail devait tenir compte de son mandat de délégué syndical et de la protection y afférente dès lors, notamment, que la société Desmazières ne contestait pas l'existence de ce mandat. Après avoir rappelé, au point 8 du jugement, que le mandat syndical du requérant n'avait pas été renouvelé après les élections professionnelles du 17 novembre 2009, le tribunal administratif en a déduit que M. A... ne bénéficiait plus, après le mois de novembre 2010, de la protection prévue par l'article L. 2411-5 du code du travail, " et ce alors même qu'il aurait effectivement continué à exercer au sein de l'entreprise son mandat postérieurement au mois de novembre 2010 ". Les premiers juges ont ainsi répondu de façon suffisante à l'argumentation du requérant selon laquelle l'exercice effectif de son mandat sans contestation de l'employeur suffisait à justifier une protection.

3. En deuxième lieu, pour juger que M. A... ne justifiait pas d'un mandat de délégué du personnel susceptible de lui assurer une protection, le tribunal administratif a relevé au point 15 du jugement que, si ce mandat avait été prorogé d'un an jusqu'au 31 décembre 2018 en application de l'article 9 de l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l'entreprise et favorisant l'exercice et la valorisation des responsabilités syndicales, l'accord collectif signé le 19 novembre 2019 prévoyant une prorogation d'un an supplémentaire des mandats en cours n'avait pu déroger aux règles de compétence de l'inspection du travail et n'avait donc pas eu pour effet de proroger à nouveau la protection du salarié. En outre, répondant à M. A... qui reprochait à l'inspectrice du travail de s'être prononcée sur la validité de l'accord collectif, le tribunal administratif a précisé que l'inspectrice s'était bornée à constater que cet accord était dépourvu d'effet sur la protection et qu'une telle circonstance n'impliquait aucune appréciation sur la validité de cet accord. Le tribunal administratif a ainsi répondu de façon suffisante au requérant qui faisait valoir devant les premiers juges que le caractère irrégulier de la seconde prorogation de son mandat de délégué du personnel était sans incidence sur la protection dont il devait bénéficier et sur la durée de cette protection. Exposant les raisons pour lesquelles l'accord collectif du 19 novembre 2019, auquel l'employeur était partie prenante, n'avait pu avoir pour effet de prolonger le mandat de délégué du personnel après le 31 décembre 2018, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments du requérant, ont indiqué de façon suffisante que l'absence de contestation, par l'employeur, de l'exercice effectif du mandat de délégué du personnel pourtant arrivé à expiration n'était pas de nature à justifier la protection du salarié.

4. En dernier lieu, le fait, pour le juge de première instance, d'écarter à tort un moyen comme inopérant ou non fondé ne constitue pas une irrégularité de nature à entraîner l'annulation du jugement par le juge d'appel saisi d'un moyen en ce sens. Il appartient seulement à ce dernier, dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel qui est résulté de l'introduction de la requête, et après avoir, en répondant à l'argumentation dont il est saisi, relevé cette erreur, de se prononcer sur le bien-fondé du moyen écarté à tort. Dans ces conditions, les erreurs de droit et de fait reprochées par M. A... au tribunal administratif sont sans incidence sur la régularité du jugement attaqué.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'enquête contradictoire :

5. Il résulte des articles R. 2421-4 et R. 2421-11 du code du travail que l'inspecteur du travail procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié, désigné comme délégué syndical et titulaire d'un mandat de délégué du personnel, peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat. Le caractère contradictoire de cette enquête implique que le salarié protégé puisse être mis à même de prendre connaissance de l'ensemble des pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande ou recueillies par l'inspecteur du travail au cours de l'enquête.

6. Il ressort des pièces du dossier que l'inspectrice du travail a conduit une enquête contradictoire à compter du 10 septembre 2020, au cours de laquelle elle a pu entendre M. A... et le responsable de la société Desmazières. Dans son mémoire produit devant le tribunal administratif, l'administration précise que cette enquête, qui a eu lieu à distance en raison des conditions sanitaires liées à l'épidémie de Covid-19, a donné lieu à l'envoi d'un courrier à M. A... afin de recueillir ses observations, que l'intéressé ne conteste pas sérieusement avoir reçu. Contrairement à ce que soutient le requérant, l'inspectrice du travail a conclu à l'incompétence de l'administration du travail non pas au vu d'éléments produits par l'employeur, mais après avoir relevé l'absence de toute preuve matérielle d'une désignation de l'intéressé comme délégué syndical et, ainsi qu'il avait été constaté lors de l'instruction de la première demande d'autorisation, l'expiration de son mandat de délégué du personnel. Il n'est pas établi que l'inspectrice du travail aurait omis d'organiser une audition individuelle et personnelle de M. A..., ni que celui-ci aurait été empêché de produire toute observation ou tout document qu'il aurait jugé utile de communiquer à l'administration. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire par l'inspectrice du travail doit être écarté.

En ce qui concerne la protection résultant du mandat de délégué syndical :

7. D'une part, aux termes de l'article L. 2411-3 du code du travail : " Le licenciement d'un délégué syndical ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail. / Cette autorisation est également requise pour le licenciement de l'ancien délégué syndical, durant les douze mois suivant la date de cessation de ses fonctions, s'il a exercé ces dernières pendant au moins un an. / Elle est également requise lorsque la lettre du syndicat notifiant à l'employeur la désignation du délégué syndical a été reçue par l'employeur ou lorsque le salarié a fait la preuve que l'employeur a eu connaissance de l'imminence de sa désignation comme délégué syndical, avant que le salarié ait été convoqué à l'entretien préalable au licenciement ".

8. D'autre part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 2143-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'article 5 de la loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail : " Chaque organisation syndicale représentative dans l'entreprise ou l'établissement d'au moins cinquante salariés, qui constitue une section syndicale, désigne parmi les candidats aux élections professionnelles qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au comité d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants, dans les limites fixées à l'article L. 2143-12, un ou plusieurs délégués syndicaux pour la représenter auprès de l'employeur ". Aux termes de l'article L. 2143-7 du même code : " Les noms du ou des délégués syndicaux sont portés à la connaissance de l'employeur dans des conditions déterminées par décret (...) ". Aux termes de l'article 13 de la loi précitée du 20 août 2008 : " Les délégués syndicaux régulièrement désignés à la date de publication de la présente loi conservent leur mandat et leurs prérogatives jusqu'aux résultats des premières élections professionnelles organisées dans l'entreprise (...). Après les élections, ces délégués syndicaux conservent leurs mandats et leurs prérogatives dès lors que l'ensemble des conditions prévues aux

articles L. 2143-3 et L. 2143-6 du code du travail dans leur rédaction issue de la présente loi sont réunies ". Il résulte de ces dispositions que le mandat d'un délégué syndical d'un établissement de plus de cinquante salariés prend nécessairement fin lors de chaque renouvellement des institutions représentatives du personnel dans l'entreprise et doit faire l'objet, à l'issue de ces élections, d'une nouvelle désignation par son syndicat, sans que, s'agissant des premières élections intervenues après l'entrée en vigueur de la loi du 20 août 2008, les dispositions de son article 13, citées

ci-dessus, dérogent à cette condition.

9. M. A... a été désigné comme délégué syndical par un courrier de son syndicat du 10 juin 2003 et exerçait ce mandat à la date de publication de la loi du 20 août 2008. Il n'est pas contesté que les premières élections professionnelles organisées au sein de la société Desmazières après l'entrée en vigueur de cette loi ont eu lieu le 17 novembre 2009. Si M. A... a conservé son mandat syndical jusqu'aux élections professionnelles, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait été à nouveau désigné en qualité de délégué syndical à l'issue de ces élections, ni même à l'issue des élections suivantes organisées le 26 novembre 2013. Pour justifier d'un mandat régulier, M. A... fait valoir qu'il a signé, les 14 juin 2017 et 19 novembre 2018, les accords collectifs nécessaires à la mise en place d'un plan de sauvegarde de l'emploi au sein de l'entreprise et que leur validation par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE)

des Hauts-de-France, après vérification que les signataires ont qualité pour engager leurs syndicats, implique que la qualité de délégué syndical doit lui être reconnue. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que ces accords ont également été signés par deux autres syndicats que celui auquel appartient le requérant, qui ont recueilli à eux deux plus de 50 % des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles organisées en 2013. Dans ces conditions, alors que la DIRECCTE est tenue, en application de l'article L. 1233-24-1 du code du travail, de vérifier que l'accord d'entreprise soumis à son examen a été régulièrement signé pour le compte d'une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli au moins 50 % des suffrages exprimés, la circonstance qu'elle n'a pas remis en cause la qualité de délégué syndical de M. A... n'est pas de nature à établir qu'il aurait régulièrement disposé d'un mandat à ce titre. Dès lors, M. A..., qui ne saurait utilement se prévaloir de ce que ni l'entreprise, ni son syndicat n'ont contesté son mandat, ne bénéficiait pas de la protection prévue par

l'article L. 2411-3 du code du travail lorsqu'il a été convoqué à l'entretien préalable au licenciement le 26 novembre 2019.

En ce qui concerne la protection résultant du mandat de délégué du personnel :

10. D'une part, aux termes de l'article L. 2411-5 du code du travail, dans sa version applicable à l'espèce : " Le licenciement d'un délégué du personnel, titulaire ou suppléant, ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail. / Cette autorisation est également requise durant les six premiers mois suivant l'expiration du mandat de délégué du personnel ou de la disparition de l'institution ".

11. D'autre part, aux termes du II de l'article 9 de l'ordonnance du 22 septembre 2017 relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l'entreprise et favorisant l'exercice et la valorisation des responsabilités syndicales : " Le comité social et économique est mis en place au terme du mandat des délégués du personnel ou des membres élus du comité d'entreprise, de la délégation unique du personnel, de l'instance regroupée mise en place par accord du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, lors du renouvellement de l'une de ces institutions, et au plus tard le 31 décembre 2019 sous réserve des dispositions suivantes : / (...) / 2° Lorsque, en dehors du cas prévu au 1° du présent I, les mandats des délégués du personnel, des membres élus du comité d'entreprise, de la délégation unique du personnel, de l'instance regroupée mise en place par accord et du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail arrivent à échéance entre la date de publication de la présente ordonnance et le 31 décembre 2017, ces mandats sont prorogés jusqu'à cette date ; leur durée peut être également prorogée au plus d'un an, soit par accord collectif, soit par décision de l'employeur après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel ou, le cas échéant, de la délégation unique du personnel ou de l'instance regroupée ; / (...) ". Aux termes du III de l'article 9 de la même ordonnance : " Pour assurer la mise en place du comité social et économique, la durée du mandat des délégués du personnel, des membres élus du comité d'entreprise, de la délégation unique du personnel, de l'instance regroupée mise en place par accord et du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail peut être, pour un établissement ou pour l'ensemble de l'entreprise, prorogée ou réduite, soit par accord collectif, soit par décision de l'employeur après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel ou, le cas échéant, de la délégation unique du personnel ou de l'instance regroupée, de manière à ce que leur échéance coïncide avec la date de la mise en place du comité social et économique et, le cas échéant, du comité social et économique d'établissement et du comité social et économique central (...) ". Aux termes de l'article L. 2251-1 du code du travail : " Une convention ou un accord peut comporter des stipulations plus favorables aux salariés que les dispositions légales en vigueur. Ils ne peuvent déroger aux dispositions qui revêtent un caractère d'ordre public ".

12. Il ressort des pièces du dossier que M. A... était titulaire, depuis les élections professionnelles du 26 novembre 2013, d'un mandat de délégué du personnel qui, compte tenu de sa durée de quatre ans fixée par l'article L. 2314-26 du code du travail alors en vigueur, devait expirer au mois de novembre 2017. Les mandats de l'ensemble des institutions représentatives du personnel, dont celui du requérant, arrivant à échéance entre le 1er et le 31 décembre 2017, ils ont été prorogés, en application des dispositions précitées du 2° du II de l'article 9 de l'ordonnance du 22 septembre 2017, de droit jusqu'au 31 décembre 2017 puis, par décision de l'employeur jusqu'au 30 novembre 2018. Le mandat de délégué du personnel détenu par M. A... s'achevait donc au plus tard le 30 novembre 2018, date exigée par les dispositions précitées de l'ordonnance du 22 septembre 2017 pour la mise en place d'un comité économique et social, compte tenu de l'expiration des mandats des anciennes institutions représentatives du personnel initialement prévue entre septembre et décembre 2017. Il est constant que M. A... a été convoqué à un entretien préalable au licenciement le 26 novembre 2019, plus de six mois après l'expiration de son mandat de délégué du personnel et ne bénéficiait donc plus de la protection prévue par l'article L. 2411-5 du code du travail. Si M. A... fait état d'un accord unanime signé le 19 novembre 2018 entre l'employeur et les organisations syndicales, prévoyant une nouvelle prorogation des mandats des représentants du personnel jusqu'au 30 novembre 2019, cet accord a eu pour but de maintenir l'ensemble des institutions représentatives du personnel au-delà de cette date jusqu'au terme de la réorganisation en cours de l'entreprise, et non de permettre à la société Desmazières de faire coïncider l'échéance des mandats des représentants du personnel avec la date de mise en place du comité social et économique prévue le 30 novembre 2018, dans les conditions prévues par le III de l'article 9 précité. Un tel accord, qui ne peut déroger aux règles d'ordre public fixées par l'ordonnance du 22 septembre 2017 pour la mise en place des nouvelles institutions représentatives du personnel, est donc sans incidence sur la circonstance que l'intéressé ne relevait plus de la protection exceptionnelle et est dépourvu d'effet sur la compétence de l'inspectrice du travail. Si M. A... soutient que seul le tribunal judicaire est compétent pour se prononcer sur la régularité d'un accord collectif, l'absence d'effet de l'accord du 19 novembre 2018 sur la compétence de l'inspectrice du travail n'est pas une question de validité de cet accord. Par suite, l'inspectrice du travail a pu, sans entacher sa décision d'une erreur de droit ou d'appréciation, s'estimer incompétente pour statuer sur la demande d'autorisation de licenciement de M. A....

En ce qui concerne la date à laquelle s'apprécie la protection :

13. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Cette autorisation est requise si le salarié bénéficie de la protection attachée à son mandat à la date de l'envoi par l'employeur de sa convocation à l'entretien préalable au licenciement.

14. Il ressort des termes de la décision contestée que l'inspectrice du travail a constaté que M. A... ne justifiait plus du mandat de délégué syndical depuis les élections professionnelles de novembre 2013 et que l'intéressé avait donc perdu toute protection à ce titre à une date antérieure à la convocation à son entretien préalable au licenciement, intervenue le 26 novembre 2019. L'inspectrice du travail a également estimé dans sa décision que le mandat de délégué du personnel détenu par M. A... avait expiré au plus tard le 31 décembre 2018 et ne pouvait que déduire de cette constatation, eu égard à la protection résiduelle de six mois dont il a continué à bénéficier après l'expiration de ce mandat, que l'appelant avait également perdu toute protection à une date antérieure à la convocation à l'entretien. Dans ces conditions, si la décision contestée mentionne par ailleurs que M. A... ne bénéficie plus d'aucune protection à la date de réception de la demande d'autorisation par la DIRECCTE, le 23 janvier 2020, les éléments pris en compte par l'inspectrice du travail dans son raisonnement pour conclure à l'absence de protection spéciale ne révèlent aucune erreur de droit sur la date à laquelle devait être vérifiée l'existence ou non de cette protection.

En ce qui concerne l'obligation de reclassement :

15. Il résulte de ce qui précède que l'inspectrice du travail n'était pas compétente pour se prononcer sur la demande d'autorisation de licenciement de M. A.... Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance par l'employeur de son obligation de reclassement ne peut qu'être écarté.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont M. A... demande le versement au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... la somme dont la société Desmazières demande le versement sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société Desmazières présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à la société Desmazières et à la ministre du travail, de la santé et des solidarités.

Copie en sera adressée au directeur régional de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités des Hauts-de-France.

Délibéré après l'audience publique du 16 avril 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,

- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,

- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 mai 2024.

Le président-rapporteur,

Signé : J.-M. Guérin-LebacqLa présidente de chambre,

Signé : M.-P. ViardLe greffier,

Signé : F. Cheppe

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

par délégation,

Le greffier

F. Cheppe

2

N° 23DA01194


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA01194
Date de la décision : 07/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Viard
Rapporteur ?: M. Jean-Marc Guerin-Lebacq
Rapporteur public ?: M. Carpentier-Daubresse
Avocat(s) : KAPPOPOULOS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-07;23da01194 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award