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25/06/2025 | FRANCE | N°24DA01456

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 2ème chambre, 25 juin 2025, 24DA01456


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Le comité régional de la conchyliculture Normandie Mer du Nord, devenu le comité régional de la conchyliculture Normandie Hauts-de-France, a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler, d'une part, l'arrêté du 21 octobre 2020 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a modifié son arrêté du 7 juin 2017 portant schéma des structures des exploitations de cultures marines du département du Pas de Calais et, d'autre part, la décision implicite par laquelle la même aut

orité a rejeté son recours administratif présenté le 2 juin 2021 et dirigé contre l'arrêt...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le comité régional de la conchyliculture Normandie Mer du Nord, devenu le comité régional de la conchyliculture Normandie Hauts-de-France, a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler, d'une part, l'arrêté du 21 octobre 2020 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a modifié son arrêté du 7 juin 2017 portant schéma des structures des exploitations de cultures marines du département du Pas de Calais et, d'autre part, la décision implicite par laquelle la même autorité a rejeté son recours administratif présenté le 2 juin 2021 et dirigé contre l'arrêté du 2 avril 2021 modifiant l'arrêté précité du 7 juin 2017.

Par un jugement n° 2009198, 2109109 du 22 mai 2024, le tribunal administratif de Lille a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 21 octobre 2020 et a rejeté le surplus des conclusions des demandes du comité.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 20 juillet 2024 et 3 juin 2025, ce dernier n'ayant pas été communiqué, le comité régional de la conchyliculture Normandie Hauts-de-France, représenté par Me Charvin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande, enregistrée sous le n° 2109109, tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Pas-de-Calais en date du 2 avril 2021 modifiant l'arrêté du 7 juin 2017 et de la décision implicite rejetant son recours administratif dirigé contre l'arrêté du 2 avril 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 2 avril 2021 modifiant l'arrêté du 7 juin 2017 portant schéma des structures des exploitations de cultures marines du département du Pas-de-Calais ainsi que la décision implicite de rejet de son recours administratif ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a rejeté pour irrecevabilité sa demande enregistrée sous le n° 2109109 en tant qu'elle serait tardive dès lors que, en vertu de l'article L. 112-6 du code des relations entre le public et l'administration, les délais de recours ne lui étaient pas opposables en l'absence d'accusé de réception de sa demande tel que prévu par les dispositions de l'article L. 112-3 du même code ;

- l'arrêté du 2 avril 2021 est illégal dès lors qu'il a été édicté sans qu'il ait été consulté, en méconnaissance des articles D. 923-6 et D. 923-8 du code rural et de la pêche maritime ;

- cet arrêté n'a pas été précédé de la saisine de l'IFREMER en méconnaissance des articles D. 914-3, D. 914-5, D. 914-10 et D. 923-6 dudit code ;

- l'administration a omis de convoquer le président du comité régional des pêches maritimes et des élevages marins ou son représentant, le représentant des organismes à caractère professionnel dans le secteur des activités nautiques et le représentant des aires marines protégées concernées à la réunion de la commission des cultures marines du 18 février 2021, à l'issue de laquelle un avis favorable à la modification du schéma des cultures marines a été émis.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 avril 2025, la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de Mme Regnier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Charvin, représentant le comité régional de la conchyliculture Normandie Hauts-de-France.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 7 juin 2017, modifié le 3 juillet 2017, le préfet du Pas-de-Calais a arrêté le schéma départemental des structures des exploitations de cultures marines. Par un nouvel arrêté du 21 octobre 2020, il a modifié l'annexe 1 de ce schéma en vue d'autoriser l'élevage, dans les bassins de production d'Oye-plage Marck, des deux caps et de Boulogne Berck, de l'huître creuse ainsi que la technique d'élevage en surélévation. Par un arrêté du 2 avril 2021, le préfet du Pas-de-Calais a procédé à de nouvelles modifications de ce schéma. Par un courrier réceptionné le 2 juin 2021, le comité régional de la conchyliculture Normandie - Mer du Nord a sollicité le retrait de ce dernier arrêté. Le silence gardé par l'administration pendant deux mois sur cette demande a donné naissance à une décision implicite de rejet. Par sa requête, le comité régional de la conchyliculture, désormais dénommé Normandie Hauts-de-France, demande à la cour d'annuler le jugement n° 2009198, 2109109 du 22 mai 2024 du tribunal administratif de Lille en tant que celui-ci a rejeté, en raison de sa tardiveté, sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 2 avril 2021 et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Sur la recevabilité des conclusions à fin d'annulation présentées en première instance :

2. D'une part, aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée (...) ". Aux termes de l'article R. 421-2 du même code : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet (...) / La date du dépôt de la demande à l'administration, constatée par tous moyens, doit être établie à l'appui de la requête (...) ". Aux termes de l'article L. 112-6 du code des relations entre le public et l'administration : " Les délais de recours ne sont pas opposables à l'auteur d'une demande lorsque l'accusé de réception ne lui a pas été transmis ou ne comporte pas les indications exigées par la réglementation. / Le défaut de délivrance d'un accusé de réception n'emporte pas l'inopposabilité des délais de recours à l'encontre de l'auteur de la demande lorsqu'une décision expresse lui a été régulièrement notifiée avant l'expiration du délai au terme duquel est susceptible de naître une décision implicite ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 411-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision administrative peut faire l'objet, dans le délai imparti pour l'introduction d'un recours contentieux, d'un recours gracieux ou hiérarchique qui interrompt le cours de ce délai (...) ". Aux termes de l'article L. 110-1 de ce code : " Sont considérées comme des demandes au sens du présent code les demandes et les réclamations, y compris les recours gracieux ou hiérarchiques, adressés à l'administration. ". Aux termes de l'article L. 112-3 du même code : " Toute demande adressée à l'administration fait l'objet d'un accusé de réception (...) ". Aux termes de l'article L. 100-3 dudit code : " Au sens du présent code et sauf disposition contraire de celui-ci, on entend par : / 1° Administration : les administrations de l'Etat, les collectivités territoriales, leurs établissements publics administratifs et les organismes et personnes de droit public et de droit privé chargés d'une mission de service public administratif, y compris les organismes de sécurité sociale ; / 2° Public : / a) Toute personne physique ; / b) Toute personne morale de droit privé, à l'exception de celles qui sont chargées d'une mission de service public lorsqu'est en cause l'exercice de cette mission ". L'administration n'est tenue d'accuser réception des demandes qui lui sont adressées que si elles émanent du public tel que défini par le 2° de l'article L. 100-3 précité.

4. Enfin, indépendamment des cas dans lesquels le législateur a lui-même entendu reconnaître ou, à l'inverse, exclure l'existence d'un service public, une personne privée qui assure une mission d'intérêt général sous le contrôle de l'administration et qui est dotée à cette fin de prérogatives de puissance publique est chargée de l'exécution d'un service public. Même en l'absence de telles prérogatives, une personne privée doit également être regardée, dans le silence de la loi, comme assurant une mission de service public lorsque, eu égard à l'intérêt général de son activité, aux conditions de sa création, de son organisation ou de son fonctionnement, aux obligations qui lui sont imposées ainsi qu'aux mesures prises pour vérifier que les objectifs qui lui sont assignés sont atteints, il apparaît que l'administration a entendu lui confier une telle mission.

5. En l'espèce, le comité régional de la conchyliculture Normandie Hauts-de-France, constitué sous la forme d'une personne morale de droit privé, est, en vertu des articles L. 912-7 et R. 912-114 du code rural et de la pêche maritime, en charge de missions incluant notamment la représentation et la promotion des intérêts généraux des activités de conchyliculture ainsi que la mise en œuvre de mesures d'ordre et de précaution destinées à harmoniser les intérêts du secteur. Il participe aussi à l'amélioration des conditions de la production conchylicole, à la protection, la conservation et la gestion des milieux et écosystèmes contribuant au bon état des ressources conchylicoles, à l'organisation d'une gestion équilibrée des ressources et à la défense de la qualité des eaux conchylicoles ainsi que, d'une manière générale, à la réalisation d'actions économiques et sociales en faveur des membres des professions concernées. Le comité dispose en outre de la faculté de réaliser des travaux d'intérêt collectif. Par ailleurs, l'article L. 912-6 du code rural et de la pêche maritime prévoit que les membres des professions conchylicoles doivent obligatoirement adhérer à une organisation interprofessionnelle de la conchyliculture, l'article L. 912-9 dudit code que la composition des organes dirigeants du comité national et des comités régionaux est arrêtée par l'autorité administrative et l'article L. 912-10 de ce code que les délibérations du conseil national peuvent être rendues obligatoires par l'autorité administrative et que les comités régionaux sont chargés d'appliquer à leur niveau ces délibérations. Compte tenu des conditions de sa création, de son organisation et de ses modalités de fonctionnement, ainsi que des obligations qui lui sont imposées, le comité régional de la conchyliculture Normandie Hauts-de-France doit être regardé comme chargé d'une mission de service public.

6. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que le recours présenté par le comité le 2 juin 2021 a trait à l'impossibilité réglementaire d'élever certaines espèces ostréicoles selon l'analyse faite par le comité des modifications apportées au schéma des structures des exploitations de cultures marines du département du Pas-de-Calais par l'arrêté préfectoral du 2 avril 2021. Ce recours a ainsi été exercé dans le cadre de la mission de service public dévolue au comité tendant notamment à l'organisation et la régulation de la profession de conchyliculteur.

7. Par suite, ce recours adressé au préfet du Pas-de-Calais par un organisme de droit privé chargé d'une mission de service public dans le cadre de l'exercice de celle-ci n'était pas au nombre des demandes dont l'administration devait accuser réception en application des dispositions citées au point 3 du présent jugement, sans que n'ait d'incidence sur ce point la nature administrative ou industrielle et commerciale de la mission de service public exercée, contrairement à ce que soutient le comité régional de la conchyliculture Normandie Hauts-de-France. Si ce recours a eu pour effet d'interrompre le délai de recours contentieux courant à l'encontre de l'arrêté préfectoral du 2 avril 2021, un nouveau délai de recours contentieux de deux mois a commencé à courir dès la naissance de la décision implicite de rejet de ce recours, intervenue le 2 août 2021. Dans ces conditions, la demande présentée le comité régional de la conchyliculture Normandie Hauts-de-France tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 2 avril 2021 et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Lille le 19 novembre 2021, était tardive et par suite irrecevable.

8. Il résulte de tout ce qui précède que le comité régional de la conchyliculture Normandie Hauts-de-France n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 22 mai 2024, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Pas-de-Calais en date du 2 avril 2021 modifiant l'arrêté du 7 juin 2017 portant schéma des structures des exploitations de cultures marines du département du Pas-de-Calais ainsi que de la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas dans la présente instance, la partie perdante, au titre des frais liés au litige.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du comité régional de la conchyliculture Normandie Hauts-de-France est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au comité régional de la conchyliculture Normandie Hauts-de-France et à la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Copie en sera adressée au préfet du Pas-de-Calais.

Délibéré après l'audience publique du 10 juin 2025 à laquelle siégeaient :

- M. Benoît Chevaldonnet, président de chambre,

- M. Laurent Delahaye, président-assesseur,

- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 juin 2025.

Le rapporteur,

Signé : G. A...Le président de chambre,

Signé : B. Chevaldonnet

La greffière,

Signé : A-S. Villette

La République mande et ordonne à la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

par délégation,

La greffière

2

N°24DA01456


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 24DA01456
Date de la décision : 25/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Chevaldonnet
Rapporteur ?: M. Guillaume Vandenberghe
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : FIDAL DIRECTION PARIS

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-25;24da01456 ?
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