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28/06/2023 | FRANCE | N°22LY00203

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 28 juin 2023, 22LY00203


Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures

Par deux requêtes, M. C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision de rejet implicitement née sur sa demande de délivrance d'une carte de résident et de renouvellement de son titre de séjour, ainsi que les décisions du 4 septembre 2021 par lesquelles le préfet de l'Isère a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

Par un jugement nos 210

4926, 2106525 du 21 décembre 2021, le tribunal administratif de Grenoble a joint et...

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures

Par deux requêtes, M. C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision de rejet implicitement née sur sa demande de délivrance d'une carte de résident et de renouvellement de son titre de séjour, ainsi que les décisions du 4 septembre 2021 par lesquelles le préfet de l'Isère a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

Par un jugement nos 2104926, 2106525 du 21 décembre 2021, le tribunal administratif de Grenoble a joint et rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 20 janvier 2022, M. A..., représenté par Me Sabatier (SELARL BS2A Bescou et Sabatier avocats associés), avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 21 décembre 2021 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) d'annuler les décisions du préfet de l'Isère du 4 septembre 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer une carte de résident ou un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, subsidiairement, de procéder à un nouvel examen de sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier, à défaut de répondre au moyen tiré de la méconnaissance du 3° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

- cette décision méconnaît l'article 10 de l'accord franco-tunisien ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- cette décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît le 3° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

En ce qui concerne la décision limitant à trente jours le délai de départ volontaire :

- cette décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision sur laquelle elle se fonde ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- cette décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français.

Par une ordonnance du 24 novembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 16 décembre 2022.

En application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, des pièces ont été demandées pour compléter l'instruction.

Par un mémoire enregistré le 30 mai 2023, M. A... a produit des observations en réponse à cette mesure d'instruction.

Il soutient qu'en l'absence de jugement du juge aux affaires familiales, il exerce de plein droit l'autorité parentale sur son enfant en application de l'article 372 du code civil.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sophie Corvellec, première conseillère,

- et les observations de Me Guillaume, avocat, pour M. A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Le 17 juin 2019, M. A... s'est présenté à la préfecture de l'Isère pour solliciter la délivrance d'une carte de résident sur le fondement du c) de l'article 10 de l'accord franco-tunisien, ou le renouvellement du titre de séjour dont il disposait en qualité de parent d'un enfant de nationalité française. Sa demande a été rejetée, d'abord implicitement, puis par une décision du 4 septembre 2021 du préfet de l'Isère, qui l'a assortie d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant le pays dont il a la nationalité, ou tout autre dans lequel il serait légalement admissible, comme pays de destination de cet éloignement. Après avoir relevé que cette nouvelle décision s'était substituée à la première implicitement née, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces différentes décisions par un jugement du 21 décembre 2021 dont M. A... relève appel.

Sur le bienfondé du jugement attaqué :

2. Aux termes, d'une part, de l'article 10 de l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 : " 1. Un titre de séjour d'une durée de dix ans, ouvrant droit à l'exercice d'une activité professionnelle, est délivré de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour sur le territoire français : (...) c) Au ressortissant tunisien qui est père ou mère d'un enfant français résidant en France, à la condition qu'il exerce, même partiellement, l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins (...) ". Il résulte de ces stipulations que la délivrance du titre de séjour qu'elles prévoient est subordonnée aux conditions alternatives, et non cumulatives, de l'exercice, même partielle, de l'exercice de l'autorité parentale et du fait de subvenir effectivement aux besoins de l'enfant. Ainsi, dans le cas où le ressortissant tunisien concerné, sous réserve de la régularité de son séjour, exerce l'autorité parentale, il n'est pas soumis à la condition de subvenir effectivement aux besoins de l'enfant. Par ailleurs, le respect de la condition tenant à l'exercice même partiel de l'autorité parentale n'est pas subordonné à la vérification de l'effectivité de l'exercice de cette autorité.

3. D'autre part, aux termes de l'article 372 du code civil : " Les père et mère exercent en commun l'autorité parentale. (...) Toutefois, lorsque la filiation est établie à l'égard de l'un d'entre eux plus d'un an après la naissance d'un enfant dont la filiation est déjà établie à l'égard de l'autre, celui-ci reste seul investi de l'exercice de l'autorité parentale (...) ". L'article 375-7 du même code précise que : " Les père et mère de l'enfant bénéficiant d'une mesure d'assistance éducative continuent à exercer tous les attributs de l'autorité parentale qui ne sont pas inconciliables avec cette mesure (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est le père d'un enfant de nationalité française, qu'il a reconnu trois jours avant sa naissance le 11 octobre 2012. Le préfet de l'Isère ne conteste pas qu'en l'absence de jugement contraire, M. A... a conservé l'exercice de l'autorité parentale à l'égard de cet enfant, qui demeure en France. Par suite, nonobstant le placement de cet enfant auprès des services de l'aide sociale à l'enfance et indépendamment de sa participation effective aux besoins de celui-ci, M. A... est fondé à soutenir qu'en rejetant sa demande de titre de séjour, le préfet de l'Isère a méconnu les stipulations précitées du c. de l'article 10 de l'accord franco-tunisien.

5. Le refus de titre de séjour opposé à M. A... étant ainsi entaché d'illégalité, l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et la décision fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement dont il est assorti doivent, par voie de conséquence, également être annulées.

6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte :

7. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure ".

8. Le préfet de l'Isère, interrogé par la cour, n'ayant fait valoir aucun changement intervenu dans la situation de l'intéressé, l'annulation prononcée par le présent arrêt implique qu'il délivre à M. A... un titre de séjour d'une durée de dix ans, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

9. L'Etat, partie perdante dans la présente instance, versera à M. A... une somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 21 décembre 2021 est annulé.

Article 2 : Les décisions du préfet de l'Isère du 4 septembre 2021 sont annulées.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de l'Isère de délivrer à M. A... un titre de séjour d'une durée de dix ans, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à M. A... une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 13 juin 2023, à laquelle siégeaient :

M. Gilles Fédi, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère,

Mme Sophie Corvellec, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 juin 2023.

La rapporteure,

Sophie CorvellecLe président,

Gilles Fédi

La greffière,

Sandra Bertrand

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

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N° 22LY00203


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY00203
Date de la décision : 28/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. FEDI
Rapporteur ?: Mme Sophie CORVELLEC
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SELARL BS2A - BESCOU et SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-06-28;22ly00203 ?
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