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06/07/2023 | FRANCE | N°21LY02732

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 06 juillet 2023, 21LY02732


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SAS Kab Diffusion a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1805773 du 2 juillet 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 6 août 2021, et des mémoires, enregistrés le 9 déce

mbre 2022 et le 23 février 2023, la SAS Kab Diffusion, représentée par Me Mourot, demande à la cour ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SAS Kab Diffusion a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1805773 du 2 juillet 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 6 août 2021, et des mémoires, enregistrés le 9 décembre 2022 et le 23 février 2023, la SAS Kab Diffusion, représentée par Me Mourot, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle ne pouvait avoir connaissance d'un circuit de facturation frauduleux en raison, d'une part, de l'absence de lien capitalistique entretenu avec les intermédiaires de ce circuit et, d'autre part, de la circonstance qu'elle a acquis les véhicules d'occasion en cause, à l'exception de trois d'entre eux, à un prix supérieur au prix du marché ;

- elle n'était pas en mesure de connaître les règles de taxe sur la valeur ajoutée applicables en Allemagne et portées en langue allemande sur une facture émanant d'un fournisseur ;

- elle n'a pas manqué à son devoir de vigilance au regard du circuit de facturation ni à son obligation de s'informer sur l'origine des véhicules alors que sur les factures des trois fournisseurs en cause figurent la mention d'une taxe sur la valeur ajoutée sur la marge ;

- à titre subsidiaire, dès lors que les opérations en cause présentaient le caractère d'acquisitions intracommunautaires et que les fournisseurs n'avaient pas la qualité de revendeur assujetti, la taxe sur la valeur ajoutée en amont pouvait être déduite, ainsi qu'il résulte de l'arrêt C-664/16 de la Cour de justice de l'Union européenne du 21 novembre 2018 ; la circonstance que les factures établies par le fournisseur ne remplissaient pas les conditions posées par l'article 226, points 6 et 7 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ne fait pas obstacle au principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée et, par suite, à la possibilité pour elle de déduire la taxe d'amont ;

- les éléments avancés par l'administration, tirés de l'absence de déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée en raison du régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge adopté par ses fournisseurs, de la création artificielle d'une taxe sur la valeur ajoutée déductible de 20 % et de l'expiration du délai de péremption ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 28 janvier 2022 et le 5 janvier 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SAS Kab Diffusion ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;

- l'arrêt C-664/16 de la Cour de justice de l'Union européenne du 21 novembre 2018 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pin, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Kab Diffusion, qui exerce une activité de négoce de véhicules d'occasion, a appliqué le régime de taxation sur la marge prévu par l'article 297 A du code général des impôts, lors de la revente de vingt-et-un véhicules d'occasion en provenance d'Allemagne, acquis auprès de deux fournisseurs français et d'une société étrangère ayant une succursale en France, qui lui avaient délivré des factures mentionnant l'application du régime de taxation sur la marge, et qui les avaient acquis auprès de sociétés espagnoles, après que ces dernières aient elles-mêmes acquis les mêmes véhicules auprès de sociétés portugaises ou italiennes. A la suite d'une vérification de comptabilité, la SAS Kab Diffusion a été assujettie, pour la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015, à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au motif qu'elle ne pouvait appliquer le régime de taxation sur la marge dès lors que les fournisseurs initiaux des véhicules situés en Allemagne n'avaient pas la qualité d'assujettis revendeurs et qu'elle ne pouvait l'ignorer. Elle relève appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 2 juillet 2021 rejetant sa demande de décharge de ces rappels et des pénalités correspondantes.

Sur le bien-fondé des rappels en litige :

2. Aux termes du 2° bis du I de l'article 256 bis du code général des impôts : " Les acquisitions intracommunautaires de biens d'occasion d'œuvres d'art, d'objets de collection ou d'antiquité effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ou par une personne morale non assujettie ne sont pas soumises à la taxe sur la valeur ajoutée lorsque le vendeur ou l'assujetti est un assujetti revendeur qui a appliqué dans l'Etat membre de départ de l'expédition ou du transport du bien les dispositions de la législation de cet Etat prises pour la mise en œuvre des articles 312 à 325 ou 333 à 341 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ". Aux termes du I de l'article 297 A du même code : " 1° La base d'imposition des livraisons par un assujetti revendeur de biens d'occasion, d'œuvres d'art, d'objets de collection ou d'antiquité qui lui ont été livrés par un non redevable de la taxe sur la valeur ajoutée ou par une personne qui n'est pas autorisée à facturer la taxe sur la valeur ajoutée au titre de cette livraison est constituée de la différence entre le prix de vente et le prix d'achat. (...) ". Aux termes de son article 297 E : " Les assujettis qui appliquent les dispositions de l'article 297 A ne peuvent pas faire apparaître la taxe sur la valeur ajoutée sur leurs factures ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'une entreprise française assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée a la qualité d'assujetti revendeur et peut appliquer le régime de taxation sur la marge prévu par l'article 297 A du code général des impôts lorsqu'elle revend un bien d'occasion acquis auprès d'un fournisseur, situé dans un autre Etat membre, qui, en sa qualité d'assujetti revendeur, lui a délivré une facture conforme aux dispositions précitées de l'article 297 E de ce code, et dont le fournisseur a aussi cette qualité ou n'est pas assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée. Il en est de même lorsque le bien est acquis auprès d'un fournisseur situé en France et dont le fournisseur est situé quant à lui dans un autre Etat-membre. L'administration peut toutefois remettre en cause l'application de ce régime lorsque l'entreprise française connaissait ou ne pouvait ignorer la circonstance que son fournisseur n'avait pas la qualité d'assujetti revendeur et n'était pas autorisé à appliquer lui-même le régime de taxation sur la marge. Lorsqu'une entreprise produit des factures émanant de ses fournisseurs qui mentionnent que les ventes de véhicules s'effectuaient sous le régime de la taxe sur la marge mentionné ci-dessus, il incombe à l'administration, si elle s'y croit fondée, de démontrer, d'une part, que les mentions portées sur ces factures sont erronées, d'autre part, que le bénéficiaire de ces achats de véhicules savait ou aurait dû savoir que les opérations présentaient le caractère d'acquisitions intracommunautaires taxables sur l'intégralité du prix de revente à ses propres clients, et sans que pèse sur le contribuable l'obligation de vérifier la qualité d'assujetti revendeur de ses fournisseurs.

4. Il est constant que la SAS Kab Diffusion a revendu, sous le régime de la taxation sur la marge, à des clients français vingt-et-un véhicules d'occasion achetés auprès de fournisseurs français, la SARL Perspective automobile et la SARL Triple A Auto, et d'une société de droit britannique disposant d'une succursale en France, la société MG Auto Import Ltd, qui avaient eux-mêmes acquis ces véhicules auprès de sociétés situées en Espagne, après avoir été acquis par des sociétés portugaises ou italiennes, en provenance d'Allemagne. Il est constant que les véhicules en cause, qui avaient été immatriculés en Allemagne au nom de sociétés commerciales ayant bénéficié du droit de déduire la taxe sur la valeur ajoutée, étaient vendus aux sociétés portugaises ou italiennes sous le régime des livraisons intracommunautaires et fait valoir que, dès lors que les propriétaires d'origine du véhicule ont déduit la taxe sur la valeur ajoutée, le régime de taxation sur la marge n'était pas applicable lors de la revente de ces véhicules. Dans ces conditions, le régime de taxation sur la marge n'était pas applicable aux opérations litigieuses, ce qui n'est, du reste, pas contesté en appel.

5. Pour démontrer que la SAS Kab Diffusion ne pouvait ignorer qu'elle n'était pas en droit d'appliquer le régime de taxation sur la marge, et ce en dépit des mentions figurant sur les factures d'achat émises par ses fournisseurs, le service s'est fondé sur le fait que la société était informée des diligences qu'elle était censée accomplir en tant que professionnelle du négoce de véhicule d'occasion et que M. A..., salarié en charge du négoce des véhicules au sein de cette société et par ailleurs conjoint de la gérante, avait déjà exercé de telles fonctions par le passé avant d'avoir été gérant, jusqu'en 2013, d'une société de transport routier. Le service a également retenu que le fait de faire appel à des sociétés italiennes, portugaises et espagnoles, pour des véhicules n'ayant jamais transité par ces pays, aurait dû accroître le niveau de vigilance de la société alors que M. A... et son fils, agent commercial au sein de la société requérante, se chargeaient eux-mêmes de l'acheminement des véhicules en cause entre l'Allemagne et la France. Il s'est fondé en outre sur le fait que la société, qui était en possession des certificats d'immatriculation des véhicules, était en mesure de constater que ceux-ci avaient appartenu à des sociétés commerciales assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée. Enfin, le service a relevé que des attestations de prise en charge de deux des véhicules en cause et signées par des salariés de la société requérante, mentionnaient, en langue allemande, que les opérations étaient exonérées de taxe sur la valeur ajoutée pour constituer des livraisons intracommunautaires au départ de l'Allemagne. La société requérante, qui ne peut utilement se prévaloir de la circonstance que ses salariés ne maîtrisaient pas cette langue alors, au demeurant, que les factures émises par les sociétés allemandes mentionnent sans équivoque l'absence de taxe sur la valeur ajoutée, ne peut sérieusement prétendre ignorer, en sa qualité de professionnelle du négoce de véhicules d'occasion, les règles applicables en matière de taxe sur la valeur ajoutée lors de la revente, sur le territoire national, de véhicules d'occasion acquis dans le cadre de livraisons intracommunautaires n'ayant pas donné lieu en Allemagne à une imposition à la taxe sur la valeur ajoutée. Dès lors, la société, qui ne peut utilement se prévaloir de la circonstance que la plupart des véhicules en cause auraient été acquis à un prix conforme à celui du marché, disposait d'indices concordants laissant à penser que les cessions de ces véhicules relevaient du régime des acquisitions intracommunautaires. Au regard de l'ensemble de ces constatations, alors même que la SAS Kab Diffusion n'a pas de lien capitalistique avec ses fournisseurs, l'administration doit être regardée comme établissant que la société ne pouvait légitimement ignorer que les opérations présentaient le caractère d'acquisitions intracommunautaires taxables sur l'intégralité du prix de vente. Il suit de là que l'administration fiscale était fondée à remettre en cause le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge appliqué par la SAS Kab Diffusion.

Sur les conclusions, présentées à titre subsidiaire, tendant à la déduction de taxe sur la valeur ajoutée au taux de 20 % :

6. A l'appui de ses conclusions présentées à titre subsidiaire, la SAS Kab Diffusion se prévaut de l'arrêt Lucretiu Hadrian Vadan c/ Agentia Nationala de Administrare Fiscala (C-664/16) rendu par la Cour de justice de l'Union européenne le 21 novembre 2018, aux termes duquel, s'il ressort de l'article 178, sous a), de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, en ce qui concerne les conditions formelles du droit à déduction, que l'exercice de ce droit est subordonné à la détention d'une facture établie conformément à l'article 226 de cette directive, le principe fondamental de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée exige que la déduction de celle-ci en amont soit accordée si les conditions matérielles sont satisfaites, même si certaines conditions formelles ont été omises par les assujettis et que, par suite, l'administration fiscale ne saurait refuser le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée au seul motif qu'une facture ne remplit pas les conditions requises par l'article 226, points 6 et 7, de la directive du 28 novembre 2006, si elle dispose de toutes les données pour vérifier que les conditions de fond relatives à ce droit sont satisfaites. Toutefois, dès lors qu'elle ne se situe pas dans le cas où une condition formelle de déduction a été omise par les assujettis mais dans le cas où ses fournisseurs ont mentionné sur les factures existantes une mention délibérément erronée, ce qu'elle n'ignorait pas ainsi qu'il a été dit au point précédent, la SAS Kab Diffusion n'est pas fondée à se prévaloir d'un droit à déduction de la taxe.

7. Il résulte de ce qui précède que la SAS Kab Diffusion n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Kab Diffusion est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Kab Diffusion et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 15 juin 2023, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juillet 2023.

Le rapporteur,

F.-X. Pin

Le président,

D. PruvostLa greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY02732


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY02732
Date de la décision : 06/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-06-02-08-01 Contributions et taxes. - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. - Taxe sur la valeur ajoutée. - Liquidation de la taxe. - Base d'imposition.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: M. François-Xavier PIN
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : ARCANE JURIS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-07-06;21ly02732 ?
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