Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations primitives et des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2013, 2014, 2015 et 2016 et des droits de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 27 septembre 2013 au 31 décembre 2016 ainsi que des majorations correspondantes.
Par un jugement n° 1904843 du 18 novembre 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 14 janvier 2022, M. A..., représenté par Me Palomares, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il n'a pris connaissance de la proposition de rectification que le 31 août 2018 et n'a pas bénéficié d'un délai utile avant l'avis de mise en recouvrement pour solliciter les éléments opposés par l'administration ;
- l'administration a méconnu l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ; sa demande de communication n'était pas limitée à l'activité de vente de palettes ; l'administration ne lui a pas communiqué les éléments fondant les rectifications en litige ;
- l'administration ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de l'existence d'une activité occulte et du montant du chiffre d'affaires réalisé au titre de la vente de palettes en se bornant à indiquer que les rectifications sont fondés sur des bons d'achats établis au cours des années 2013, 2014, 2015 et 2016 dont elle aurait eu connaissance durant la vérification de comptabilité de la SARL Kjet Occasion.
Par un mémoire, enregistré le 22 juillet 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrégularité du jugement du tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il a omis, dans son dispositif, de prononcer un non-lieu à statuer partiel résultant du dégrèvement intervenu en cours d'instance, à concurrence de la somme de 2 452 euros.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Caraës, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., qui exerçait à titre individuel une activité de production de métaux précieux qu'il a déclaré avoir cessé le 26 septembre 2013 et a occupé parallèlement un emploi salarié au sein de la SARL Kjet Occasion entre mai 2011 et mars 2012 puis à partir du 21 juillet 2014, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 27 septembre 2013 au 31 décembre 2016 à la suite de la mise en évidence par un contrôle fiscal de la SARL Kjet Occasion qu'il avait vendu à cette société des palettes de bois en 2014, 2015 et 2016. L'exercice d'un droit de communication auprès des établissements bancaires dans lesquels M. A... détenait des comptes a révélé qu'il avait poursuivi son activité de métaux précieux après la date déclarée de cessation d'activité. A l'issue de ces contrôles, M. A... a, d'une part, été taxé d'office à la taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 27 septembre 2013 au 31 décembre 2016 à raison de la vente de palettes en application du 3° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales et, d'autre part, assujetti, au titre des années 2013, 2014, 2015 et 2016, à des compléments d'impôt sur le revenu résultant de l'inclusion dans son revenu imposable des bénéfices industriels et commerciaux tirés de ses activités occultes de vente de palettes et de production de métaux précieux que l'administration a évalués d'office en application du 1° de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales. Ces impositions, auxquelles a été appliquée la majoration de 80 % prévue au c. du 1 de l'article 1728 du code général des impôts en cas de découverte d'une activité occulte, ont été mises en recouvrement respectivement le 12 septembre 2018 s'agissant des droits de taxe sur la valeur ajoutée et le 30 septembre 2018 s'agissant de l'impôt sur le revenu. Par un jugement du 18 novembre 2021, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et des majorations correspondantes.
Sur la régularité du jugement attaqué et l'étendue du litige :
2. Par une décision du 4 mars 2021, postérieure à l'enregistrement de la demande de première instance, le directeur départemental des finances publiques de l'Isère a accordé à M. A... le dégrèvement, à concurrence d'un montant total en droits et pénalités de 2 452 euros, de l'impôt sur le revenu établi au titre de l'année 2014. Dans ces conditions, la demande en décharge présentée par M. A... était, dans cette mesure, devenue sans objet. Faute d'avoir constaté le non-lieu à statuer correspondant, le jugement du tribunal administratif de Grenoble est irrégulier et doit, dans cette mesure, être annulé.
3. Il y a lieu pour la cour, statuant par la voie de l'évocation, de constater qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la demande en décharge présentée par M. A... devant le tribunal administratif à concurrence de la somme de 2 452 euros.
Sur le surplus des conclusions à fin de décharge :
En ce qui concerne la méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales :
4. Aux termes de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales : " Les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office et leurs modalités de détermination sont portées à la connaissance du contribuable trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions ". Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. "
S'agissant des droits de taxe sur la valeur ajoutée afférents à l'activité de vente de palettes :
5. Il résulte de l'avis de réception postal du pli recommandé contenant la proposition de rectification notifiant les bases imposées d'office du 11 juillet 2018 envoyé à M. A... par l'administration qu'il a été retourné au service avec la mention " pli avisé et non réclamé ". Il ressort des mentions précises du document de suivi postal produit par l'administration en appel que la lettre a été présentée le 12 juillet 2018 à l'adresse de l'intéressé et qu'un avis de passage a été déposé l'informant que le courrier était à sa disposition au bureau de poste jusqu'au 31 juillet 2018, date à laquelle il a été retourné au service. Il s'ensuit que la proposition de rectification du 11 juillet 2018 doit être regardée comme ayant été régulièrement notifiée à M. A... le 12 juillet 2018. L'intéressé n'est dès lors pas fondé à soutenir, en se référant à la date du 1er septembre 2018 à laquelle il a reçu une copie de cette proposition de rectification sur sa demande, qu'il n'a pas disposé d'un délai suffisant avant la mise en recouvrement, le 12 septembre 2018, pour demander la communication des éléments ayant servi à fonder les bases imposées en litige.
6. Ainsi qu'il a été dit au point 6, les droits de taxe sur la valeur ajoutée et les pénalités afférents à l'activité de vente de palettes ont été mis en recouvrement le 12 septembre 2018 et M. A... n'a demandé la communication des documents obtenus de tiers par le service et qui ont fondé les droits de taxe sur la valeur ajoutée que par un courrier du 12 septembre 2018 reçu par le service le 14 septembre 2018. Dès lors que l'administration a eu connaissance de sa demande de communication postérieurement à la mise en recouvrement, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la procédure d'imposition serait irrégulière au motif que les documents obtenus de tiers ne lui ont pas été communiqués.
S'agissant des cotisations d'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux :
Quant à l'activité de vente de palettes :
7. Il résulte de l'instruction et notamment de la proposition de rectification que, pour déterminer les chiffres d'affaires de l'activité de vente de palettes, le vérificateur s'est fondé sur les bons d'achats établis au bénéfice de M. A... par la société Kjet Occasion obtenus lors de la vérification de comptabilité de cette société et à la suite de l'exercice d'un droit de communication auprès de cette même société. Il a estimé que ces bons d'achats permettaient de constater que M. A... avait vendu à cette société des palettes de bois en 2013, 2014, 2015 et 2016 pour des montants toutes taxes comprises de respectivement 12 244,50 euros, 41 464,50 euros, 5 408 euros et 4 195,50 euros.
8. Il résulte de l'instruction que M. A... a demandé la communication des documents obtenus de tiers par le service qui ont fondé les bases rectifiées afférentes à l'activité de vente de palettes par un courrier du 12 septembre 2018 reçu par le service le 14 septembre 2018, soit avant la mise en recouvrement des impositions, le 30 septembre 2018. Dans sa réponse aux observations du contribuable, l'administration a informé M. A... de ce que le vérificateur n'avait pas pris copie des informations recueillies sur les livres de police, à savoir les bons d'achats, détenus par la SARL Kjet Occasion et qu'elle n'était pas ainsi en mesure de les lui communiquer. Par suite, M. A... a été informé de l'origine et de la teneur précise des renseignements ainsi utilisés pour fonder les rehaussements en litige lui permettant de demander à la SARL Kjet Occasion la communication ou la consultation des extraits des livres de police. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ne peut qu'être écarté.
Quant à l'activité de production de métaux précieux :
9. Pour déterminer les chiffres d'affaires de l'activité de production de métaux précieux, le vérificateur s'est fondé sur les chèques encaissés sur les comptes bancaires détenus par M. A... dont la copie a été obtenu à la suite de l'exercice du droit de communication auprès des établissements bancaires détenteurs de ses comptes.
10. Le courrier du 12 septembre 2018 par lequel M. A... se borne à demander la communication des éléments sur lesquels l'administration s'est fondée pour procéder aux rectifications afférentes à son activité de vente de palettes ne peut être regardé, eu égard à ces termes, comme une demande tendant à la communication des éléments que l'administration a obtenu, après l'exercice d'un droit de communication, auprès des établissements bancaires détenteurs de ses comptes et sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'existence et déterminer le montant des chiffres d'affaires de son activité de vente de métaux précieux.
En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :
11. Aux termes du troisième alinéa de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " (...) L'activité occulte est réputée exercée lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et soit n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, soit s'est livré à une activité illicite. " Il résulte de ces dispositions que dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, l'administration doit être réputée apporter la preuve, qui lui incombe, de l'exercice occulte de l'activité professionnelle si le contribuable n'est pas lui-même en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ces obligations déclaratives.
12. Si M. A... soutient que les bons d'achats sur lesquels l'administration s'est fondée pour déterminer les chiffres d'affaires de son activité de vente de palettes à la société Kjet Occasion sont insuffisants pour établir l'existence d'une activité, il n'est pas sérieusement contesté que l'administration a mis en évidence, ainsi qu'il a été dit au point 8, l'exercice d'une activité de vente de palettes à la société Kjet Occasion en se fondant sur des bons d'achats recensés dans les livres de police de la société et établis au profit de M. A... et que ces bons d'achats ne pouvaient être rattachés à l'activité salariée que M. A... a exercé au sein de la société Kjet Occasion en qualité de manutentionnaire du 9 mai 2011 au 18 mars 2012 et d'ouvrier responsable polyvalent du 21 juillet 2014 au 29 mai 2018 qui sont sans lien avec la vente de palettes en bois.
13. Par ailleurs, M. A..., qui n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations fiscales qu'il devait souscrire relatives à son activité de vente de palettes au titre des années 2013, 2014, 2015 et 2016, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, ne soutient pas avoir commis une erreur justifiant cette omission. Par suite, l'administration doit être réputée apporter la preuve, qui lui incombe, de l'exercice par l'intéressé de cette activité. Au demeurant, M. A... ne tire aucune conséquence de cette qualification sur la régularité de la procédure suivie ou le bien-fondé des pénalités infligées.
14. Il résulte de ce qui précède que, sous réserve du dégrèvement prononcé, M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande s'agissant des impositions restant en litige.
15. L'Etat n'est pas la partie perdante pour l'essentiel dans la présente instance. Par suite, les conclusions de M. A... présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 18 novembre 2021 est annulé en tant qu'il a omis de prononcer un non-lieu à statuer partiel à concurrence de 2 452 euros.
Article 2 : A concurrence de 2 452 euros, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. A... tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2014, ainsi que des majorations correspondantes.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 15 juin 2023, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
Mme Courbon, présidente-assesseure,
Mme Caraës, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juillet 2023.
La rapporteure,
R. Caraës
Le président,
D. PruvostLa greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 22LY00124