Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 29 janvier 2024 du préfet de l'Isère portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixation du pays de destination.
Par un jugement n° 2402662 du 12 juillet 2024, le tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 26 septembre 2024, Mme B..., représentée par Me Schürmann, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et cet arrêté ;
2°) d'enjoindre au préfet de l'Isère, sous astreinte de 150 euros par jour de retard passé le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'arrêté contesté a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière, faute pour le préfet de l'Isère d'avoir établi la réalité de l'avis du collège des médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;
- il a méconnu les articles L. 425-9 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il a commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que sa situation ne répondait pas à des motifs exceptionnels justifiant son admission au séjour au titre de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et plus largement quant aux conséquences des décisions portant refus de titre de séjour et fixation du pays de renvoi sur sa situation personnelle.
La requête a été communiquée au préfet de l'Isère qui n'a pas produit d'observations.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle (25%) par une décision du 11 septembre 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme Soubié, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante nigériane, est entrée en France le 19 mai 2017. Elle s'est vue délivrer un titre de séjour le 3 avril 2019, qui a été renouvelé jusqu'au 8 mars 2023, en raison de son état de santé. A l'échéance de son titre de séjour, elle en a sollicité de nouveau le renouvellement sur le fondement des articles L. 425-9 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 29 janvier 2024, le préfet de l'Isère a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement dont elle relève appel, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 janvier 2024.
2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...) / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / (...). ". L'article R. 425-11 du même code dispose que : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / (...). ".
3. Il ressort des termes de l'arrêté contesté que pour refuser de renouveler le titre de séjour de Mme B..., le préfet de l'Isère s'est fondé sur un avis du 24 juillet 2023 du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Toutefois, la réalité de cet avis et de la consultation de ce collège n'est pas établie par la seule mention figurant dans l'arrêté en litige, alors qu'en dépit d'une demande adressée au préfet de l'Isère par le tribunal tendant à ce que lui soit communiqué cet avis, celui-ci n'a pas été produit et ne l'a pas été non plus dans la présente instance en réponse au moyen soulevé de nouveau par l'appelante. Dans ces conditions et ainsi que celle-ci le soutient, la décision de refus de séjour contestée a été prise au terme d'une procédure irrégulière qui l'a privée d'une garantie. Il s'ensuit que cette décision et par voie de conséquence les décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi doivent être annulées.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
5. Compte tenu du motif d'annulation retenu au point 3, l'exécution du présent arrêt implique seulement d'enjoindre à la préfète de l'Isère, en application de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de munir sans délai Mme B... d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce qu'elle ait à nouveau statué sur sa situation au regard de l'article L. 425-9 du même code dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il y ait lieu à ce stade d'assortir cette injonction d'une astreinte.
6. Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me Schürmann, conseil de Mme B..., sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2402662 du tribunal administratif de Grenoble du 12 juillet 2024 et l'arrêté du 29 janvier 2024 du préfet de l'Isère sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint à la préfète de l'Isère de réexaminer la situation de Mme B... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente, de la munir sans délai d'une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'Etat versera à Me Schürmann la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à Me Schürmann.
Copie en sera adressée à la préfète de l'Isère et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Grenoble en application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative.
Délibéré après l'audience du 5 juin 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Michel, présidente de chambre,
Mme Vinet, présidente assesseure,
Mme Soubié, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 26 juin 2025.
La rapporteure,
A.-S. SoubiéLa présidente,
C. Michel
La greffière,
M. C...
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 24LY02762
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