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16/06/2020 | FRANCE | N°19MA01475-19MA01482

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 16 juin 2020, 19MA01475-19MA01482


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a, par deux requêtes distinctes, demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre des années 2007 à 2011.

Par un jugement n° 1601738 et 1601740 du 28 janvier 2019, le tribunal administratif de Toulon a rejeté ses demandes.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête, enregistrée sous le n° 19MA01475, le 29 mars 2019 et un mé

moire enregistré le 1er avril 2020, M. B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'an...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a, par deux requêtes distinctes, demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre des années 2007 à 2011.

Par un jugement n° 1601738 et 1601740 du 28 janvier 2019, le tribunal administratif de Toulon a rejeté ses demandes.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête, enregistrée sous le n° 19MA01475, le 29 mars 2019 et un mémoire enregistré le 1er avril 2020, M. B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 28 janvier 2019 du tribunal administratif de Toulon ;

2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre des frais engagés tant en première instance qu'en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le droit de communication exercé auprès de particuliers tiers à la procédure est irrégulier dès lors que le caractère non contraignant des demandes d'information qui leur ont été adressées n'est pas établi ;

- l'administration n'a pas répondu à sa demande de communication des demandes d'information ;

- en outre, le débat contradictoire a été méconnu dès lors que les réponses obtenues auprès de particuliers ont été en partie occultées ;

- l'administration, qui ne démontre pas que ses agissements caractérisent une activité occulte de détournement de fonds, ne pouvait faire application du délai spécial de reprise prévu à l'article L. 169 du livre des procédures fiscales ;

- aucun élément ne permet à l'administration de qualifier les sommes encaissées comme relevant de la catégorie des bénéfices non commerciaux ;

- les rehaussements en matière de bénéfices non commerciaux ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 juillet 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

II. Par une requête, enregistrée sous le n° 19MA01482, le 29 mars 2019 et un mémoire enregistré le 1er avril 2020, M. B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 28 janvier 2019 du tribunal administratif de Toulon ;

2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre des frais engagés tant en première instance qu'en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le droit de communication exercé auprès de particuliers tiers à la procédure est irrégulier dès lors que le caractère non contraignant des demandes d'information qui leur ont été adressées n'est pas établi ;

- l'administration n'a pas répondu à sa demande de communication des demandes d'information ;

- en outre, le débat contradictoire a été méconnu dès lors que les réponses obtenues auprès de particuliers ont été en partie occultées ;

- l'administration, qui ne démontre pas que ses agissements caractérisent une activité occulte de détournement de fonds, ne pouvait faire application du délai spécial de reprise prévu à l'article L. 169 du livre des procédures fiscales ;

- aucun élément ne permet à l'administration de qualifier les sommes encaissées comme relevant de la catégorie des bénéfices non commerciaux ;

- les rehaussements en matière de bénéfices non commerciaux ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 juillet 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- et les conclusions de Mme Boyer, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... relève appel du jugement du 28 janvier 2019 du tribunal administratif de Toulon qui a rejeté ses demandes tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre des années 2007 à 2011 à la suite d'un examen de sa situation fiscale personnelle et de la vérification de comptabilité de la société Fitness Evasion dont il est le salarié.

Sur la jonction :

2. Les requêtes n° 19MA01475 et n° 19MA01482 sont dirigées contre le même jugement, présentent à juger les mêmes questions et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

3. En premier lieu, si M. B... soutient que l'administration ne pouvait pas exercer de droit de communication auprès des particuliers, il résulte de l'instruction, et notamment des pièces produites par le requérant, que le service vérificateur a adressé des simples demandes d'information non contraignantes aux clients de la SARL Fitness Evasion.

4. En second lieu, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 (...). Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. ". L'administration ne peut en principe, en application des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, fonder les rectifications des bases d'imposition d'un contribuable sur des renseignements et des documents qu'elle a obtenus de tiers sans l'avoir informé, avant la mise en recouvrement, de la teneur et de l'origine de ces renseignements afin qu'il soit mis à même de demander, avant la mise en recouvrement des impositions, que les pièces concernées soient mises à sa disposition. Toutefois, les dispositions législatives protégeant le secret professionnel, telles que l'article L. 103 du livre des procédures fiscales, font obstacle à ce que l'administration fiscale communique à un tiers des renseignements concernant un contribuable, sans le consentement de celui-ci ou de toute personne habilitée à cet effet. Dès lors, des redressements fondés sur des documents dont les copies détenues par les services fiscaux n'ont été communiquées au contribuable qu'après occultation des informations couvertes par un tel secret peuvent être régulièrement établis. Dans l'hypothèse où l'administration fiscale estime que certains documents ou certaines copies de documents qui se trouvent en sa possession et qu'elle a utilisés pour fonder un redressement ne peuvent être communiqués au contribuable qu'après occultation des informations couvertes par un secret protégé par la loi, il lui appartient, dans tous les cas, d'apporter des éléments d'information appropriés sur la nature des passages occultés et les raisons de leur occultation.

5. D'une part, il résulte de l'instruction que concernant les rehaussements opérés dans le cadre de l'examen de la situation fiscale personnelle de M. B... au titre de l'année 2011, par une lettre du 15 janvier 2015, l'administration a répondu à la demande de renseignements formée par M. B... et lui a communiqué les réponses aux demandes d'information non contraignantes. Le requérant ne peut se prévaloir de l'absence de communication des réponses concernant les rehaussements des années 2007 à 2010 à la suite de la vérification de la comptabilité dès lors qu'il n'a formulé aucune demande en ce sens. Par ailleurs, l'administration n'est pas tenue de communiquer les demandes d'information adressées aux tiers.

6. D'autre part, il résulte des propositions de rectification du 5 décembre 2014 et du 29 juin 2015 que les rehaussements contestés sont fondés sur le droit de communication exercé auprès de la Société Marseille de Crédit ainsi que sur les informations recueillies dans le fichier client de la société Fitness Evasion au cours de la vérification de comptabilité pour la période du mois de novembre 2013 à mars 2014. Par ailleurs, ainsi qu'il a été dit précédemment, des demandes d'information non contraignantes ont été adressées à certains clients afin de connaître la nature des prestations payées par chèque. Par lettre du 12 janvier 2015, en réponse à la proposition de rectification du 5 décembre 2014, M. B... a sollicité, par l'intermédiaire de son conseil, la communication des documents recueillis auprès des clients. En réponse à cette demande, par lettre du 15 janvier 2015, l'administration a communiqué ces documents en occultant les noms et coordonnées des clients et a indiqué qu'au regard du secret professionnel prévu à l'article L. 103 du livre des procédures fiscales, les informations relatives à des tiers ont été occultées. L'administration doit être regardée comme apportant des éléments d'information appropriés sur la nature des passages occultés et les raisons de leur occultation. En outre, il ne résulte pas de l'instruction que l'occultation des informations à caractère nominatif que ces documents contenaient, aurait eu pour conséquence de remettre en cause la lisibilité et la compréhension desdits documents et de porter atteinte au principe du contradictoire. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la procédure d'imposition est irrégulière.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne l'étendue du droit de reprise :

7. Aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable aux années en litige : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. / (...) Par exception aux dispositions du premier alinéa, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due, lorsque le contribuable exerce une activité occulte. L'activité occulte est réputée exercée lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et soit n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, soit s'est livré à une activité illicite. Le droit de reprise mentionné au troisième alinéa ne s'applique qu'aux seules catégories de revenus que le contribuable n'a pas fait figurer dans une quelconque des déclarations qu'il a déposées dans le délai légal. Il ne s'applique pas lorsque des revenus ou plus-values ont été déclarés dans une catégorie autre que celle dans laquelle ils doivent être imposés. (...) ".

8. Il résulte de l'instruction que M. B..., salarié de la société Fitness Evasion, qui exploite un club sportif, a encaissé sur ses comptes bancaires personnels des chèques établis par des particuliers au titre des années contrôlées. Il résulte des éléments recueillis par l'administration, par un droit de communication exercé auprès de la banque Société Marseille de Crédit et des informations recueillies au cours de la vérification de comptabilité de la société Fitness Evasion, que les sommes perçues par M. B... provenaient des clients de la société Fitness Evasion en vue du règlement par chèque de leur abonnement sportif annuel ou mensuel. M. B..., en sa qualité de salarié de la société, était chargé d'effectuer les remises en banque des chèques remis par les clients. En dépit des demandes qui lui ont été faites par le service vérificateur, M. B... n'a produit aucun justificatif permettant d'identifier la nature des différentes sommes portées au crédit de ses comptes bancaires. Si le requérant affirme que les sommes encaissées peuvent provenir " d'avances, de rémunérations, de distribution voire de libéralités ", il n'a pas été en mesure de présenter le moindre justificatif. L'administration a pu, à bon droit, considérer que les sommes provenant de la société Fitness Evasion correspondaient à des recettes détournées. En outre, il n'est pas contesté que M. B... n'a pas déclaré les sommes en litige. Dans ces conditions, et sans que M. B... puisse utilement faire valoir qu'il n'a fait l'objet d'aucune plainte de la part de la société lésée, ni se prévaloir de l'absence de poursuites pénales engagées à son encontre, l'administration doit être regardée comme établissant que les agissements de M. B... caractérisent une activité illicite de détournement de fonds. Le service était par suite fondé à faire application du délai spécial de reprise de dix ans prévu par le troisième alinéa précité de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales.

En ce qui concerne le montant des bénéfices non commerciaux :

9. Aux termes du 1 de l'article 92 du code général des impôts : " Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus (...) ". Il résulte de ces dispositions que des détournements de fonds, qui constituent pour leur auteur une source de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de revenus, sont imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux.

10. D'une part, les sommes détournées par M. B..., qui ne pouvaient être rattachées à aucune autre catégorie de revenus, constituaient des bénéfices non commerciaux et devaient dès lors être imposées dans cette catégorie.

11. D'autre part, les bénéfices non commerciaux tirés par M. B... de son activité occulte de détournement de fonds ayant été évalués d'office, le requérant supporte, en application des articles L. 193 et R. 193-1 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve de l'exagération des impositions mises à sa charge. M. B... qui se borne à faire valoirque le bénéfice évalué par l'administration est égal aux recettes et qu'aucune charge n'a été admise n'apporte pas la preuve du caractère exagéré des impositions mises à sa charge.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : Les requêtes de M. B... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction des services fiscaux Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 2 juin 2020, où siégeaient :

- M. Antonetti, président,

- M. Barthez, président assesseur,

- Mme D..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 juin 2020.

7

N° 19MA01475, 19MA01482


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA01475-19MA01482
Date de la décision : 16/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur le revenu - Établissement de l'impôt - Taxation d'office.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices non commerciaux.


Composition du Tribunal
Président : M. ANTONETTI
Rapporteur ?: Mme Sylvie CAROTENUTO
Rapporteur public ?: Mme BOYER
Avocat(s) : SELARL PATRICK GEORGES et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-06-16;19ma01475.19ma01482 ?
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