Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... B..., de nationalité guinéenne, a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté 2021-340-067 du 21 janvier 2021 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination et d'enjoindre au préfet de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, dans l'attente, de lui délivrer un récépissé de demande de titre de séjour.
Par un jugement n° 2100910 du 25 mai 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa requête.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 25 juin 2021, Mme B..., représentée par Me Guirassy, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 21 janvier 2021 du préfet de l'Hérault ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, dans l'attente, de lui délivrer un récépissé de demande de titre de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
1°) s'agissant de la légalité externe :
- l'arrêté querellé est insuffisamment motivé, notamment au regard de l'ancienneté de sa vie privée et familiale en France et de sa situation professionnelle ;
- l'arrêté querellé a méconnu les dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, faute de saisine de la commission du titre de séjour, alors qu'elle réside en France depuis plus de dix ans ;
2°) s'agissant de la légalité interne :
- le préfet a méconnu l'étendue de sa compétence dès lors qu'il a statué sur une demande de titre de séjour " vie privée et familiale " dont il n'était pas saisi, alors qu'il était saisi d'une demande de titre de séjour " salarié " sur laquelle il n'a pas statué, n'effectuant ainsi sur sa situation professionnelle aucune appréciation ;
- le refus de séjour est entaché d'erreur manifeste d'appréciation, dès lors qu'elle démontre sa présence habituelle et stable en France depuis plus de dix ans ; le refus de séjour méconnaît l'article L. 313-11.7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, eu égard notamment au pacte civil de solidarité qu'elle a conclu en 2015 avec son compagnon avec qui elle vit maritalement depuis au moins le 21 janvier 2011, titulaire d'une carte de résident, à l'ancienneté de son couple et aux liens notamment professionnels qu'elle a tissés en France.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 décembre 2021, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. A... Taormina, rapporteur.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante guinéenne, née le 10 janvier 1973, est entrée en France le 5 janvier 2011 munie d'un visa de court séjour valable du 5 janvier 2011 au 5 avril 2011. Saisi d'une demande en vue de son admission exceptionnelle au séjour le 10 avril 2014, le préfet de l'Hérault a, par arrêté du 23 octobre 2014, refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Par un jugement n° 1405905 du 23 avril 2015, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa requête tendant notamment à l'annulation de cet arrêté, jugement confirmé par la Cour de céans dans un arrêt n° 15MA02108 du 8 décembre 2016.
2. Le préfet de l'Hérault ayant ensuite, par arrêté du 26 mars 2016, fait obligation à Mme B... de quitter sans délai le territoire français, le tribunal administratif de Montpellier a, par un jugement n° 1601566 du 29 mars 2016, rejeté sa requête tendant notamment à l'annulation de cet arrêté.
3. Mme B... a, ensuite, sollicité le 23 août 2018 la délivrance d'un titre de séjour au titre de sa vie privée et familiale. Par arrêté du 13 septembre 2018, le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer le titre demandé, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement n° 1804897 du 25 janvier 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa requête tendant notamment à l'annulation de cet arrêté, jugement confirmé par la Cour de céans par une ordonnance n° 19MA00963 du 22 juillet 2019.
4. Enfin, Mme B... ayant sollicité, le 4 janvier 2021, un titre de séjour en sa qualité de salariée, le préfet de l'Hérault a, par arrêté du 21 janvier 2021, rejeté sa demande regardée comme présentée au titre de la vie privée et familiale et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Par la présente requête, Mme B... relève appel du jugement en date du 25 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa requête tendant notamment à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
5. Aux termes de l'article L. 313-10.1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction en vigueur : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : / 1° Pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée, dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 du code du travail. Elle porte la mention " salarié ". / La carte de séjour est prolongée d'un an si l'étranger se trouve involontairement privé d'emploi. Lors du renouvellement suivant, s'il est toujours privé d'emploi, il est statué sur son droit au séjour pour une durée équivalente à celle des droits qu'il a acquis à l'allocation d'assurance mentionnée à l'article L. 5422-1 du code du travail ; ... ". Aux termes de l'article L. 313-14-1 du même code dans sa version en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace à l'ordre public et à condition qu'il ne vive pas en état de polygamie, ... la carte de séjour mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2, à l'étranger accueilli par les organismes mentionnés au premier alinéa de l'article L. 265-1 du code de l'action sociale et des familles qui justifie de trois années d'activité ininterrompue au sein de ce dernier, du caractère réel et sérieux de cette activité et de ses perspectives d'intégration, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ".
6. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du mémoire en défense du préfet de l'Hérault, qu'alors que le 4 janvier 2021 Mme B... a sollicité un titre de séjour en qualité de salariée, le préfet a traité cette demande exclusivement comme formulée au titre de la vie privée et familiale. En ne se prononçant pas sur cette demande de titre de séjour formulée en qualité de salariée, le préfet de l'Hérault a méconnu l'étendue de sa compétence et a ainsi entaché sa décision d'illégalité. Dès lors, c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier, en considérant que le préfet de l'Hérault n'avait été saisi d'aucune demande de titre de séjour en qualité de salariée, a rejeté les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté pris à son encontre. Par suite, aucun autre moyen n'étant de nature à entraîner l'annulation de la décision préfectorale, Mme B... est fondée à demander par ce moyen l'annulation de l'arrêté 2021-340-067 du 21 janvier 2021 pris à son encontre par le préfet de l'Hérault et du jugement rendu le 25 mai 2021 par le tribunal administratif de Montpellier.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. ".
8. L'exécution du présent arrêt implique qu'il soit enjoint au préfet de l'Hérault de se prononcer sur la demande de titre de séjour en qualité de salariée formulée par Mme B... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente de sa décision, une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail. Il n'y a, en revanche, pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions formulées en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme B..., en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2100910 rendu le 25 mai 2021 par le tribunal administratif de Montpellier et l'arrêté 2021-340-067 du 21 janvier 2021 pris par le préfet de l'Hérault sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Hérault de se prononcer sur la demande de titre de séjour en qualité de salariée formulée par Mme B... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente de sa décision, une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail.
Article 3 : Il est mis à la charge de l'Etat, au profit de Mme B..., une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Montpellier.
Délibéré après l'audience du 21 février 2022, où siégeaient :
- M. Guy Fédou, président,
- M. A... Taormina, président assesseur,
- M. François Point, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 mars 2022.
N° 21MA02476 2