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12/11/2024 | FRANCE | N°24MA02525

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 6ème chambre, 12 novembre 2024, 24MA02525


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 13 août 2024 par lequel le ministre de l'intérieur et des outre-mer, en application des articles L. 228-1 et suivants du code de la sécurité intérieure, renouvelé, pour une durée de trois mois à compter du 22 août 2024, l'interdiction édictée par arrêté du 22 mai 2024 de se déplacer en-dehors du territoire de la commune de Beausoleil, sauf autorisation préalable, avec obligation de se prés

enter tous les jours au commissariat de police de Menton à 7 h 30, obligation de confirmer et...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 13 août 2024 par lequel le ministre de l'intérieur et des outre-mer, en application des articles L. 228-1 et suivants du code de la sécurité intérieure, renouvelé, pour une durée de trois mois à compter du 22 août 2024, l'interdiction édictée par arrêté du 22 mai 2024 de se déplacer en-dehors du territoire de la commune de Beausoleil, sauf autorisation préalable, avec obligation de se présenter tous les jours au commissariat de police de Menton à 7 h 30, obligation de confirmer et justifier son lieu d'habitation et tout changement l'affectant, et rappelé que l'interdiction de se retrouver en relation avec certaines personnes prise pour une durée de six mois par un arrêté du 22 mai 2024 demeurait applicable.

Par un jugement n° 2405053 du 19 septembre 2024, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nice a annulé l'arrêté du 22 mai 2024 et rejeté le surplus des conclusions de M. C....

Procédure devant la Cour :

I. Par un recours, enregistré le 2 octobre 2024 sous le n° 24MA02525, le ministre de l'intérieur demande à la Cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande de première instance de M. C....

Il soutient que :

- le premier renouvellement de la mesure de contrôle administratif et de surveillance, tel qu'en l'espèce, n'est pas, au contraire du renouvellement au-delà de la période de six mois, soumis à la démonstration d'éléments nouveaux ou complémentaires, dès lors que les conditions continuent d'être remplies ;

- les conditions prévues par l'article L. 228-1 du code de la sécurité intérieure continue d'être remplies.

II. Par un recours, enregistré le 2 octobre 2024 sous le n° 24MA02526, le ministre de l'intérieur demande à la Cour de décider qu'il sera sursis à l'exécution de ce jugement sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur son recours enregistré sous le n° 24MA02525.

Il soutient que les moyens qu'il présente sont sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation du jugement attaqué, le rejet de la demande d'annulation présentée par M. C....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Renaud Thielé, rapporteur,

- et les conclusions de M. François Point, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 22 mai 2024, le préfet des Alpes-Maritimes a, à l'issue d'une visite du domicile de M. C..., ressortissant italien né le 6 janvier 2006 à Monaco et domicilié à Beausoleil, prononcé à l'encontre de ce dernier une mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance lui interdisant, sauf autorisation, de se déplacer en dehors du territoire de la commune de Beausoleil, lui faisant obligation de se présenter chaque matin à 7 h 30 au commissariat de police de Menton, lui imposant de confirmer et justifier son lieu d'habitation et tout changement ultérieur de ce lieu, et lui interdisant de se trouver en relation directe ou indirecte avec M. D..., M. E..., M. A... et M. F.... Par un arrêté du 13 août 2024, le préfet a rappelé que cette dernière mesure, prise pour une durée de six mois, restait applicable, et renouvelé pour une seconde durée de trois mois les autres mesures. Par le jugement attaqué, dont le ministre de l'intérieur relève appel, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nice a annulé l'arrêté du 13 août 2024.

Sur la jonction :

2. Les deux recours du ministre sont dirigés contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur le recours n° 24MA02525 :

3. Aux termes de l'article L. 228-1 du code de la sécurité intérieure : " Aux seules fins de prévenir la commission d'actes de terrorisme, toute personne à l'égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace d'une particulière

gravité pour la sécurité et l'ordre publics et qui soit entre en relation de manière habituelle avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme, soit soutient, diffuse, lorsque cette diffusion s'accompagne d'une manifestation d'adhésion à l'idéologie exprimée, ou adhère à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme ou faisant l'apologie de tels actes peut se voir prescrire par le ministre de l'intérieur les obligations prévues au présent chapitre. ". Aux termes de l'article L. 228-2 du même code : " Le ministre de l'intérieur peut (...) faire obligation à la personne mentionnée à l'article L. 228-1 de : / 1° Ne pas se déplacer à l'extérieur d'un périmètre géographique déterminé, qui ne peut être inférieur au territoire de la commune (...) / 2° Se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie, dans la limite d'une fois par jour (...) / 3° Déclarer et justifier de son lieu d'habitation ainsi que de tout changement de lieu d'habitation (...) / Les obligations prévues aux 1° à 3° du présent article sont prononcées pour une durée maximale de trois mois à compter de la notification de la décision du ministre. Elles peuvent être renouvelées par décision motivée, pour une durée maximale de trois mois, lorsque les conditions prévues à l'article L. 228-1 continuent d'être réunies (...) ". Aux termes de l'article L. 228-5 du même code : " Le ministre de l'intérieur peut (...) faire obligation à toute personne mentionnée à l'article L. 228-1, y compris lorsqu'il est fait application des articles L. 228-2 à L. 228-4, de ne pas se trouver en relation directe ou indirecte avec certaines personnes, nommément désignées, dont il existe des raisons sérieuses de penser que leur comportement constitue une menace pour la sécurité publique. Cette obligation tient compte de la vie familiale de la personne concernée. / L'obligation mentionnée au premier alinéa du présent article est prononcée pour une durée maximale de six mois à compter de la notification de la décision du ministre (...) ".

4. Il résulte de l'article L. 228-1 du code de la sécurité intérieure que les mesures individuelles prévues par les articles L. 228-2 et L. 228-5 du même code doivent être prises aux seules fins de prévenir la commission d'actes de terrorisme et sont subordonnées à deux conditions cumulatives, la première tenant à la menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics résultant du comportement de l'intéressé, la seconde aux relations qu'il entretient avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme ou, de façon alternative, au soutien, à la diffusion ou à l'adhésion à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme ou faisant l'apologie de tels actes.

5. Par ailleurs, il résulte de l'article L. 228-2 du code de la sécurité intérieure que le premier renouvellement, pour une durée maximale de trois mois, de la mesure de contrôle administratif et de surveillance, n'est pas subordonné à l'existence d'éléments nouveaux ou complémentaires, mais seulement à la persistance des conditions prévues par l'article L. 228-1.

6. En l'espèce, il résulte de la note de renseignement produite par le ministre qu'à la suite du signalement, le 28 août 2023, de l'emploi comme utilisateur par M. C... d'un compte de réseau social comportant des éléments graphiques rappelant le drapeau de l'Etat islamique, et de liens avec d'autres personnes en lien avec la mouvance pro-jihadiste, une visite a été effectuée le 29 avril 2024 au domicile de M. C.... Cette visite a permis, selon la note de renseignement, de retrouver dans le téléphone de M. C... " la photographie d'un échange de textos concernant l'allégeance en islam ", et, dans sa chambre " une série d'ouvrages d'auteurs islamistes écrits en langue arabe ainsi qu'une bague supportant une inscription en arabe signifiant que 'Mahomet est le messager d'Allah' ".

7. Toutefois, si ces éléments permettent d'attester de l'adhésion de M. C... à un islam rigoriste, ils ne permettent pas pour autant, à eux seuls, en l'état de l'instruction et en l'absence de tout élément précis en ce sens, de caractériser un comportement duquel résulterait une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics.

8. Il résulte de ce qui précède que, la première des deux conditions fixées par l'article L. 228-1 du code de la sécurité intérieure n'étant pas remplie, le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nice a annulé son arrêté renouvelant les mesures individuelles prises à l'encontre de M. C....

Sur le recours n° 24MA02526 en sursis à exécution :

9. Le présent arrêt statuant au fond sur le recours du ministre, la demande tendant à ce que soit prononcé le sursis à exécution du jugement contesté est devenue sans objet. Il n'y a donc plus lieu d'y statuer.

D É C I D E :

Article 1er : Le recours du ministre de l'intérieur est rejeté.

Article 2 : Il n'y a plus lieu de statuer sur la requête n° 24MA02526.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... C....

Délibéré après l'audience du 28 octobre 2024, où siégeaient :

- M. Alexandre Badie, président,

- M. Renaud Thielé, président-assesseur,

- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 novembre 2024.

Nos 24MA02525, 24MA02526 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 24MA02525
Date de la décision : 12/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-05 Police. - Polices spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: M. Renaud THIELÉ
Rapporteur public ?: M. POINT

Origine de la décision
Date de l'import : 17/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-12;24ma02525 ?
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