Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 9 juin 2021 par lequel le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière.
Par un jugement n° 2101423 du 2 novembre 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 23 février 2022, et un mémoire complémentaire, enregistré le 4 mai 2022, M. C... A..., représenté par Me Cappelletti, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2101423 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 2 novembre 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Aube du 9 juin 2021 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Aube de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour est insuffisamment motivée ;
- la décision en litige est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle au regard du pouvoir discrétionnaire du préfet de régularisation à titre exceptionnel ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;
- elle méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 avril 2022, le préfet de l'Aube conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par M. A... ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 janvier 2022.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... A... est un ressortissant libanais, né le 23 avril 1963. Il est entré régulièrement en France, le 27 décembre 2019, sous couvert de son passeport revêtu d'un visa de court séjour de quatre-vingt-dix jours, valable du 16 décembre 2019 au 15 décembre 2020. Le 17 décembre 2020, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Toutefois, à la suite de l'avis défavorable du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 16 avril 2021, le préfet de l'Aube, par un arrêté du 9 juin 2021, a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière. M. A... a saisi le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Il relève appel du jugement n° 2101423 du 2 novembre 2021 qui rejette sa demande.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. En premier lieu, la décision en litige énonce, dans ses visas et motifs, les considérations de droit et de fait, qui en constituent le fondement. Elle est suffisamment motivée au regard des exigences de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et il ne peut, dès lors, qu'être écarté.
3. En deuxième lieu, il ne ressort ni des motifs de la décision en litige, ni d'aucune des autres pièces du dossier que le préfet de l'Aube se serait abstenu de procéder à un examen particulier de la situation personnelle de M. A.... Par suite, alors que le préfet pouvait légalement s'approprier les termes de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 16 avril 2021, sans renoncer à exercer son pouvoir d'appréciation, le moyen tiré du défaut d'examen ne peut être accueilli.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / (...) / Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée. / (...) ". Aux termes de R. 425-11 du même code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / (...) ".
5. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
6. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser d'admettre au séjour M. A... en qualité d'étranger malade, le préfet de l'Aube s'est notamment fondé sur l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 16 avril 2021. Selon cet avis, si l'état de santé du requérant nécessite une prise en charge médicale, dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il lui permet néanmoins de voyager sans risque à destination de son pays d'origine, où, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé, il peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié à ses pathologies. M. A... fait valoir qu'il souffre d'une pathologie cardiaque ayant donné lieu à l'implantation d'endoprothèses coronaires et nécessitant un suivi régulier et un traitement médicamenteux à vie afin éviter les risques de récidive d'événements cardiovasculaires, ainsi que d'un diabète de type II. Toutefois, ni les certificats médicaux produits, qui se bornent à décrire les pathologies de l'intéressé, ni les documents à caractère général sur la situation économique, financière et sanitaire du Liban versés aux débats ne sont de nature à remettre en cause l'appréciation à laquelle le préfet de l'Aube s'est livré sur la disponibilité effective du traitement dans le pays d'origine et la capacité de l'étranger à voyager sans risque. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
8. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., qui serait divorcé, est arrivé en France seul, le 27 décembre 2019, à l'âge de cinquante-six ans. S'il se prévaut de la présence régulière sur le territoire français d'un frère et de deux fils de nationalité française, dont un assure son hébergement, le requérant, qui ne justifie pas d'une intégration particulière en France, n'apporte aucun élément permettant d'apprécier la continuité et l'intensité de sa relation avec les intéressés. En se bornant à faire valoir qu'il a passé de nombreuses années en Côte-d'Ivoire, puis en Angola, l'intéressé n'établit pas être isolé au Liban, où vivent notamment quatre de ses frères. Par suite, alors que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale ne garantit pas à l'étranger le droit de choisir le pays qu'il estime le plus approprié pour y développer une vie privée et familiale, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations en cause ne peut qu'être écarté.
9. En cinquième et dernier lieu, compte tenu des considérations qui ont été analysées aux points 6 et 8 du présent arrêt, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de l'Aube aurait commis un erreur manifeste d'appréciation en refusant de faire usage de son pouvoir discrétionnaire de régularisation à titre exceptionnel.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
10. Compte tenu de ce qui a été dit précédemment, il y a lieu d'écarter les moyens tirés respectivement de ce que la décision en litige serait illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour, de ce qu'elle méconnaîtrait les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et de ce qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Aube du 9 juin 2021, ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et à fin d'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Aube.
Délibéré après l'audience du 24 mai 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Samson-Dye, présidente,
- M. Meisse, premier conseiller,
- M. Marchal, conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 juin 2022.
Le rapporteur,
Signé : E. B...
La présidente,
Signé : A. SAMSON-DYE
Le greffier,
Signé : F. LORRAIN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier :
F. LORRAIN
N° 22NC00487 2