Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le groupement foncier agricole (GFA) La Charme a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la décision du 16 juillet 2018 par laquelle la commission départementale d'aménagement foncier de la Haute-Saône a rejeté sa réclamation concernant le réaménagement foncier de parcelles concernées par les travaux de déviation de la route nationale 57, réalisés en vue de contourner la commune de Saulx.
Par un jugement n° 1801561 du 8 juillet 2020, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 août 2020 et 18 mars 2022, le GFA
La Charme, représenté par Me Charbonnel, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Besançon du 8 juillet 2020 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 16 juillet 2018 de la commission départementale d'aménagement foncier de la Haute-Saône ;
3°) ordonner la publication de l'arrêt à intervenir au service de publicité foncière ;
4°) de mettre à la charge du département de la Haute-Saône la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier dans la mesure où le mémoire récapitulatif du 12 juin 2020, qui contenait des éléments nouveaux, n'a pas été communiqué ;
- dans le cadre de l'annulation de la précédente décision de la commission départementale d'aménagement foncier, ses moyens sont recevables ;
- en méconnaissance de l'article R. 123-19 du code de l'environnement, l'avis et les conclusions du commissaire enquêteur ne sont pas suffisamment motivés ;
- en méconnaissance de l'article R. 123-10 du code rural et de la pêche maritime, le dossier soumis à l'enquête publique ne comportait pas de mémoire justificatif des échanges proposés ; ce vice de procédure a été de nature à priver les intéressés d'une garantie ;
- en méconnaissance de l'article L. 123-1 du code rural et de la pêche maritime, l'opération d'aménagement n'améliore pas les conditions d'exploitation des parcelles agricoles notamment en raison d'un accès difficile à la parcelle ZW n° 38 ;
- en méconnaissance de l'article L. 123-2 du code rural et de la pêche maritime, la parcelle ZW n° 43 aurait dû lui être réattribuée en raison de la présence d'un abri ;
- en méconnaissance de l'article L. 123-4 du code rural et de la pêche maritime, le principe d'équivalence n'a pas été respecté et l'opération d'aménagement foncière a engendré un grave déséquilibre dans ses conditions d'exploitation ; le taux de prélèvement de 2% ne lui était pas opposable ;
- en méconnaissance de l'article L. 123-6 du code rural et de la pêche maritime, la règle de l'unité parcellaire par masse de répartition n'a pas été respectée ;
- l'annulation de la décision contestée n'entraînera pas une atteinte excessive aux propriétés des autres exploitants et ne remet pas en cause les travaux d'aménagement de la route nationale n° 57.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 27 septembre 2021 et 27 juillet 2022, le département de la Haute-Saône, représenté par la Selas Charrel et Associés, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge du GFA la Charme la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les moyen tirés de l'absence d'avis et de conclusions suffisamment motivées du commissaire enquêteur et de la méconnaissance de la règle d'équivalence qui ont été présentés pour la première fois devant la juridiction administrative sont irrecevables ;
- les autres moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés ;
- une annulation emporterait des conséquences excessives en terme d'atteinte à l'intérêt public et aux intérêts des autres exploitants, ce qui implique que la requête ne peut qu'être rejetée.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Denizot, premier conseiller,
- les conclusions de M. Michel, rapporteur public,
- et les observations de Me Charbonnel pour le GFA La Charme ainsi que celles de
Me Gravier, substituant Me Charrel, pour le département de la Haute-Saône.
Considérant ce qui suit :
1. Dans le cadre des travaux de déviation de la route nationale 57 pour contourner la commune de Saulx, le président du conseil départemental de la Haute-Saône a, par un arrêté du
25 juin 2012, ordonné l'aménagement foncier agricole et en a fixé le périmètre. Le groupement foncier agricole (GFA) La Charme, qui entrait dans ce périmètre, a apporté, dans cette opération les parcelles ZC 39, ZC 41, ZC 43, ZC 45 et E 600 et s'est vu attribuer de nouvelles parcelles ZW 34, ZW 37,
ZW 38 et ZR 77. Par une décision du 2 juillet 2015, la commission communale d'aménagement foncier (CCAF) a rejeté la réclamation présentée par le GFA " La Charme " tendant au maintien de la superficie et de la forme de la parcelle ZC 43. Par des décisions des 20 novembre et
9 décembre 2015, la commission départementale d'aménagement foncier (CDAF) de la Haute-Saône a rejeté une nouvelle réclamation du GFA " La Charme ". Par un jugement du 9 décembre 2017, le tribunal administratif de Besançon a, pour vice de procédure, annulé les décisions des
20 novembre et 9 décembre 2015 de la CDAF. Par une nouvelle décision du 16 juillet 2018, la CDAF de la Haute-Saône a de nouveau rejeté la réclamation formée antérieurement par le GFA La Charme. Par un jugement du 8 juillet 2020, dont le GFA La Charme relève appel, le tribunal administratif de Besançon a rejeté la demande du GFA La Charme tendant à l'annulation de la décision du
16 juillet 2018 de la CDAF.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " (...) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes (...). / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ". Il résulte de ces dispositions, destinées à garantir le caractère contradictoire de l'instruction, que la méconnaissance de l'obligation de communiquer un mémoire contenant des éléments nouveaux est en principe de nature à entacher la procédure d'irrégularité. Il n'en va autrement que dans le cas où il ressort des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, cette méconnaissance n'a pas pu préjudicier aux droits des parties.
3. La circonstance que le mémoire du 12 juin 2020 présenté pour le GFA La Charme n'a pas été communiqué par le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne n'affecte pas le caractère contradictoire de la procédure à l'égard du GFA La Charme et ne saurait, dès lors, être invoquée par lui. En tout état de cause, il ne ressort pas des motifs du jugement attaqué que, pour rejeter la demande du GFA La Charme, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne se serait fondé sur les éléments figurant dans ce mémoire, lequel, au demeurant, a été visé.
4. Il résulte de ce qui précède que le GFA La Charme n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier.
Sur la légalité de la décision du 16 juillet 2018 :
En ce qui concerne la légalité externe :
5. En premier lieu, il résulte des dispositions combinées des articles R. 123-9 du code rural et de la pêche maritime et R. 123-19 du code de l'environnement que, si elles n'imposent pas au commissaire-enquêteur ou à la commission d'enquête de répondre à chacune des observations présentées lors de l'enquête publique, elles l'obligent à indiquer, au moins sommairement, en donnant son avis personnel, les raisons qui déterminent le sens de cet avis.
6. Il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutient le GFA La Charme, le commissaire enquêteur, dans son rapport du 23 juin 2015, a, après avoir recensé les observations des propriétaires et les réponses du maître d'ouvrage, donné son avis personnel sur les questions posées par le public. En outre, dans une présentation séparée, le commissaire enquêteur a consigné ses conclusions, qui étaient suffisamment motivées sur le projet d'aménagement foncier en litige. Au demeurant, la circonstance, à la supposer établie, que l'avis du commissaire enquêteur serait entaché d'erreur de droit en prenant en considération l'intérêt du projet de déviation routière est sans incidence sur la régularité de la procédure suivie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précédemment mentionnées, qui pouvait être présenté devant le juge sans l'avoir été préalablement devant la CDAF, doit être écarté.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 123-10 du code rural et de la pêche maritime : " Le dossier soumis à l'enquête publique comprend les pièces suivantes : (...) 3° Un mémoire justificatif des échanges proposés précisant les conditions de prise de possession des parcelles aménagées et les dates auxquelles cette prise de possession aura lieu compte tenu des natures de cultures et des habitudes locales et, le cas échéant, de la conformité du projet des travaux connexes du nouveau plan parcellaire correspondant aux prescriptions édictées dans l'arrêté préfectoral mentionné au III de l'article L. 121-14 (...) ". Si ce document doit apporter des précisions sur la prise de possession, il doit également exposer la justification des échanges proposés, et ne saurait se borner à reprendre les indications figurant aux tableaux de classement concernant les comptes de chacun des propriétaires dont les terres ont été remembrées et au texte prévoyant les conditions de l'envoi en possession.
8. Par ailleurs, s'il appartient à l'autorité administrative de procéder à l'ouverture de l'enquête publique et à la publicité de celle-ci dans les conditions fixées par les dispositions du code de l'environnement, la méconnaissance de ces dispositions n'est toutefois de nature à vicier la procédure et donc à entraîner l'illégalité de la décision prise à l'issue de l'enquête publique que si elle n'a pas permis une bonne information de l'ensemble des personnes intéressées par l'opération ou si elle a été de nature à exercer une influence sur les résultats de l'enquête et, par suite, sur la décision de l'autorité administrative.
9. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le mémoire justificatif prévu par les dispositions du 3° de l'article R. 123-10 figurait formellement dans le dossier soumis à l'enquête publique précédant la décision contestée. Toutefois, le dossier soumis à l'enquête publique relative à l'aménagement foncier comprenait notamment le procès-verbal des séances des 4 juillet 2014 et
6 mars 2015 de la CCAF. D'une part, le procès-verbal du 4 juillet 2014 comportait un tableau de synthèse procédant à la comparaison de la situation antérieure et postérieure au projet concernant la surface remembrée, les parcelles, la surface moyenne d'une parcelle et d'un ilot d'exploitation, les comptes et les chemins ruraux. Dans ce procès-verbal figurait également une présentation du projet de nouveau parcellaire, faisant état de ce que, en présence d'un territoire déjà remembré présentant un parcellaire et des îlots d'exploitation bien structurés, le projet a permis une réduction de 35% du nombre des parcelles, une augmentation de la surface moyenne des ilots et une augmentation du nombre de comptes monoparcellaires. D'autre part, le procès-verbal du 6 mars 2015 contenait les informations relatives aux conditions et dates de prise de possession des parcelles aménagées compte tenu de la nature des cultures et des habitudes locales. Ainsi, les procès-verbaux des 4 juillet 2014 et
6 mars 2015 doivent être regardés comme comportant un résumé et justifications du projet de réaménagement foncier, la réduction du nombre des îlots et les améliorations apportées par le projet ainsi que les dates et modalités de prise de possession. Par suite, le dossier soumis à l'enquête publique, relative au réaménagement foncier en litige, comportait les informations qui auraient dû figurer dans le mémoire justificatif. Dès lors, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'absence formelle d'un mémoire justificatif aurait privé les personnes intéressées par l'opération d'aménagement foncier d'une bonne information ou aurait été de nature à exercer une influence sur les résultats de l'enquête. Le moyen tiré de l'absence de mémoire justificatif doit donc être écarté.
En ce qui concerne la légalité interne :
10. En premier lieu, aux termes de l'article L. 123-1 du code rural et de la pêche maritime, auquel renvoient les articles L. 123-24 et L. 123-26 du même code : " L'aménagement foncier agricole, forestier et environnemental, applicable aux propriétés rurales non bâties, se fait au moyen d'une nouvelle distribution des parcelles morcelées et dispersées. / Il a principalement pour but, par la constitution d'exploitations rurales d'un seul tenant ou à grandes parcelles bien groupées, d'améliorer l'exploitation agricole des biens qui y sont soumis. Il doit également avoir pour objet l'aménagement rural du périmètre dans lequel il est mis en oeuvre et peut permettre, dans ce périmètre, une utilisation des parcelles à vocation naturelle, agricole ou forestière en vue de la préservation de l'environnement (...) ". Les règles relatives au remembrement rural s'apprécient non parcelle par parcelle mais pour l'ensemble du compte de propriété.
11. Il ressort des procès-verbaux d'aménagement fonciers et agricoles de la commune de Saulx que le GFA La Charme est titulaire de deux comptes, dont l'un, le n° 280, comprend les parcelles ZW 34, ZW 37 et ZW 38. Il ressort également des procès-verbaux d'huissier des
1er février 2016 et 16 mai 2019 que le GFA La Charme ne dispose plus de l'accès direct, depuis les parcelles qu'il a apportées, à la voie publique. D'une part, il ressort des pièces du dossier et plus particulièrement du plan cadastral, que le GFA La Charme dispose d'un accès à la parcelle ZW 37. Si cette parcelle est située en zone humide et inondable, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette parcelle serait inexploitable ou inaccessible. D'autre part, il ressort des différents procès-verbaux d'huissier produits par les parties que la parcelle ZW 38 est desservie par un passage busé, en sol meuble, ouvert et non balisé, dont il n'est pas démontré qu'il serait insuffisamment large pour permettre aux engins agricoles transitant directement par la route départementale 100. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que les conditions, et notamment de visibilité et de sécurité, pour accéder à la parcelle ZW 38 aggraveraient les conditions d'exploitation agricole du GFA La Charme. Par suite, dans la mesure où le GFA La Charme dispose, pour ses engins agricoles, d'un accès direct par la route départementale 100 aux parcelles qui lui ont été attribuées, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'attribution de parcelles dans le compte de propriété n° 280 aurait aggravé les conditions de l'exploitation agricole du GFA La Charme. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions citées au point 10 doit donc être écarté.
12. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 123-2 du code rural et de la pêche maritime : " Les bâtiments, ainsi que les terrains qui en constituent des dépendances indispensables et immédiates, peuvent être inclus dans le périmètre d'aménagement foncier agricole et forestier. Toutefois, à l'exception des bâtiments légers ou de peu de valeur qui ne sont que l'accessoire du fonds, ainsi que de leurs dépendances, ces bâtiments et terrains doivent, sauf accord exprès de leur propriétaire, être réattribués sans modification de limites ".
13. Il ressort des pièces du dossier que le GFA La Charme possédait un abri pour entreposer et abriter le foin cultivé, sur l'ancienne parcelle ZC 43, et désormais nouvelle parcelle ZW 35. Il ressort des procès-verbaux d'huissier du 1er février 2016 et du 16 mai 2019 que l'état de cet abri s'est dégradé depuis la fin de l'aménagement foncier le 11 avril 2016 et son transfert au département de la Haute-Saône. Toutefois, il ressort des différents procès-verbaux d'huissier produits par les parties que cet abri est construit en planches de bois et surplombé d'un toit couvert de tuiles aisément démontables. Il ne ressort pas de ces procès-verbaux que cet abri disposerait d'un socle ou d'une assise spécialement aménagés. Dès lors, et indépendamment de son niveau de dégradation, l'abri sur la parcelle ZW 35 doit être regardé comme un bâtiment léger ou de peu de valeur au sens des dispositions précitées et comme n'étant que l'accessoire de l'ancienne parcelle ZC 43. Par suite, le GFA La Charme n'est pas fondé à soutenir que l'ancienne parcelle ZC 43 aurait dû lui être réattribuée.
14. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 123-4 du code rural et de la pêche maritime : " Chaque propriétaire doit recevoir, par la nouvelle distribution, une superficie globale équivalente, en valeur de productivité réelle, à celle des terrains qu'il a apportés, déduction faite de la surface nécessaire aux ouvrages collectifs mentionnés à l'article L. 123-8 et compte tenu des servitudes maintenues ou créées. / Lorsque des terrains visés aux articles L. 123-2 et L. 123-3 ou situés dans les zones urbanisées ou d'urbanisation future identifiées par les documents d'urbanisme visés à l'article L. 121-1 et ne bénéficiant pas des éléments de viabilité mentionnés à l'article L. 322-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique sont attribués à la commune en vue de la réalisation des projets communaux ou intercommunaux visés à l'article L. 123-27 du présent code, il peut être attribué au propriétaire une valeur d'échange tenant compte de la valeur vénale résultant des caractéristiques desdits terrains. / L'attribution d'une soulte en espèces, fixée le cas échéant comme en matière d'expropriation, peut être mise à la charge de la commune. Cette soulte est recouvrée dans les conditions définies au dernier alinéa de l'article L. 121-24. / Sauf accord exprès des intéressés, l'équivalence en valeur de productivité réelle doit, en outre, être assurée par la commission communale dans chacune des natures de culture qu'elle aura déterminées. Il peut toutefois être dérogé, dans les limites qu'aura fixées la commission départementale pour chaque région agricole du département, à l'obligation d'assurer l'équivalence par nature de culture. / La commission départementale détermine, à cet effet : / 1° Après avis de la chambre d'agriculture, des tolérances exprimées en pourcentage des apports de chaque propriétaire dans les différentes natures de culture et ne pouvant excéder 20 p. 100 de la valeur des apports d'un même propriétaire dans chacune d'elles ; / 2° La surface au-dessous de laquelle les apports d'un propriétaire pourront être compensés par des attributions dans une nature de culture différente ; cette surface ne peut excéder 80 ares. / La dérogation prévue au 2° ci-dessus n'est pas applicable, sans leur accord exprès, aux propriétaires dont les apports ne comprennent qu'une seule nature de culture (...) ". L'équivalence prescrite par ces dispositions doit s'apprécier compte par compte, en comparant les attributions de chaque propriétaire non à ses apports réels mais à ses apports réduits après déduction d'une quote-part de la surface nécessaire aux ouvrages collectifs.
15. Il ressort du procès-verbal de l'avis de la CCAF du 4 juillet 2014, figurant dans le dossier de l'enquête publique, que l'application d'un taux de prélèvement de 2 % était prévue pour l'ensemble des comptes figurant dans le périmètre d'aménagement. Ainsi, contrairement à ce que soutient le GFA La Charme pour la première fois au contentieux, ce taux de 2 % était bien opposable et applicable aux parcelles apportées.
16. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier, et notamment des données figurant dans le relevé d'exploitation de la MSA correspondant à une situation cadastrale du 1er janvier 2013, que les superficies indiquées dans le procès-verbal d'aménagement foncier de la commune de Saulx édité le 15 avril 2015 correspondent aux superficies auxquelles le taux de prélèvement n'a pas encore été appliqué. Il ressort ainsi de ce procès-verbal que le GFA La Charme a apporté des parcelles d'une superficie totale de 30 hectares 51 ares et 56 centiares pour une valeur, dont les modalités de calcul ne sont pas contestées, de 185 896 points. Le GFA La Charme s'est vu attribuer des parcelles d'une superficie de 30 hectares 06 ares et 08 centiares, pour une valeur, non contestée, de 182 537 points. Après application du taux de prélèvement de 2 %, le GFA La Charme doit être regardé comme ayant apporté des parcelles d'une valeur totale de 182 178 points (185 896 X 0,98). Un autre procès-verbal d'aménagement foncier du 31 mars 2016, dont les données auraient été confirmées par un géomètre le 27 avril 2020, indique que le GFA La Charme se serait vu attribuer l'équivalent de 30 hectares 10 ares et 69 centiares pour une valeur de 182 629 points. Par conséquent, même en se fondant uniquement sur les données issues du procès-verbal de l'aménagement foncier édité le 15 avril 2015, les comptes de propriétés du GFA La Charme présentaient une attribution excédentaire en superficie (+ 15 ares) et en points (+ 359). Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'équivalence, qui pouvait être présenté pour la première fois au contentieux sans avoir été soumis préalablement à la CDAF, doit être écarté.
17. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 123-6 du code rural et de la pêche maritime : " Sauf exception justifiée, il n'est créé qu'une seule parcelle par propriétaire dans une masse de répartition ". Le terme de parcelle au sens de ces dispositions s'entend de tout lot d'exploitation d'un seul tenant et non d'une partie de terrain faisant l'objet d'une inscription distincte au cadastre.
18. Il est constant que l'ancienne parcelle ZC 43 constitue une même masse de répartition. La circonstance que cette parcelle ZC 43 ait été divisée en deux parcelles cadastrales ZW 37 et
ZW 38 est sans incidence sur l'application des dispositions précitées dans la mesure où il ressort des pièces du dossier que ces deux parcelles correspondent à un lot d'exploitation homogène et d'un seul tenant. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit donc être écarté.
19. Il résulte de tout ce qui précède que le GFA La Charme n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
20. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions aux fins d'annulation, n'implique, par lui-même, aucune mesure d'exécution, de sorte que les conclusions à fin d'injonction du GFA La Charme ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du département de la Haute-Saône, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le GFA La Charme demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions du département de la Haute-Saône présentées sur le fondement de ces mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête du GFA La Charme est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du département de la Haute-Saône présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au groupement foncier agricole La Charme et au département de la Haute-Saône.
Délibéré après l'audience du 9 mai 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Samson-Dye, présidente,
- Mme Roussaux, première conseillère,
- M. Denizot, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mai 2023.
Le rapporteur,
Signé : A. DenizotLa présidente,
Signé : A. Samson-Dye
La greffière,
Signé : N. Basso
La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Saône en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N. Basso
2
N° 20NC02531