Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le préfet du Calvados a déféré au tribunal administratif de Caen, en application de l'article L. 774-2 du code de justice administrative, comme prévenue d'une contravention de grande voirie, Mme A... B... et a demandé au tribunal de la condamner, en application de l'article L. 2132-26 du code général de la propriété des personnes publiques, au paiement de l'amende de 1 500 euros prévue pour la contravention de 5ème classe par l'article 131-13 du code pénal, en raison de la dégradation du domaine public maritime par extraction de sable sur la plage de Blonville-sur-Mer au droit de sa maison et de lui enjoindre de planter des végétaux, dans un délai de deux mois et d'autoriser l'Etat à procéder aux plantations d'office, si nécessaire, passé ce délai.
Par un jugement n° 2200029 du 4 avril 2023, le président du tribunal administratif de Caen a condamné Mme B... à payer une amende de 800 euros, lui a enjoint de planter des végétaux équivalents à ceux supprimés sur la partie de la plage de Blonville-sur-Mer sur laquelle elle a procédé à des extractions de sable, dans le délai de deux mois à compter de la publication de ce jugement, et a autorisé l'Etat, passé ce délai, à procéder d'office à ces plantations, avec le concours de la force publique, si nécessaire, aux frais exclusifs de Mme B....
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 16 mai 2023, Mme B... doit être regardée comme demandant à la cour d'annuler le jugement du 4 avril 2023 du président du tribunal administratif de Caen en tant qu'il la condamne à payer une amende de 800 euros.
Elle soutient que :
- dans l'application Sagace l'amende mise à sa charge n'était que de 500 euros ;
- elle n'a jamais enlevé de sable devant sa maison ; au contraire elle a ajouté 2 m3 en 2019 ; tout au plus elle a ratissé ce sable ;
- elle s'est bornée à arracher des oyats sans retirer leurs racines longues et deux yukas, pour des raisons de sécurité ;
- compte tenu de ses revenus et de son état de santé, elle n'a pas les moyens de régler cette amende sans échéancier ;
- elle est favorable à la repousse des herbes, qui s'effectue peu à peu ;
- il n'a pas été tenu compte de ses justifications avant de lui infliger cette amende ;
- des agents de l'administration se sont déplacés chez elle sans l'en avertir préalablement.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 janvier 2024, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires demande à la cour de rejeter la requête de Mme B....
Il soutient que les moyens de la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code pénal ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Derlange, président assesseur,
- et les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Le 28 septembre 2021 des agents assermentés de la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) du Calvados ont procédé à un contrôle des atteintes à l'intégrité du domaine public dans le secteur de la plage de Blonville-sur-Mer. A cette occasion, ils ont constaté que Mme B... avait supprimé la végétation se développant uniformément sur le cordon dunaire naturel sur une surface de 38,1 m², manifestement pour aménager un espace de sable fin à proximité de sa propriété, sans aucune autorisation de l'Etat, propriétaire de cette dépendance du domaine public maritime. Un procès-verbal de contravention de grande voirie a été dressé le 2 décembre 2021. Le préfet du Calvados a déféré Mme B... comme prévenue de cette contravention au tribunal administratif de Caen aux fins de remise en état des lieux et de condamnation à une amende contraventionnelle de 5ème classe. Mme B... fait appel du jugement du président du tribunal administratif de Caen du 4 avril 2023 qui l'a condamnée à remettre les lieux en état en plantant des végétaux équivalents à ceux supprimés sur la partie en cause de la plage, sous peine d'exécution d'office, et à payer une amende contraventionnelle de 5ème classe d'un montant de 800 euros.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 7 du code de justice administrative : " Un membre de la juridiction, chargé des fonctions de rapporteur public, expose publiquement, et en toute indépendance, son opinion sur les questions que présentent à juger les requêtes et sur les solutions qu'elles appellent. ". Aux termes de l'article R. 732-2 du même code : " La décision est délibérée hors la présence des parties et du rapporteur public ". Aux termes de l'article R. 711-3 du même code : " Si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne. (...) ".
3. Il résulte de l'instruction que le rapporteur public devant le tribunal administratif de Caen avait indiqué, avant la tenue de l'audience, comme sens de ses conclusions, sur l'application Sagace, " contravention d'un montant de 500 euros ". L'opinion qu'il avait ainsi exposée, en toute indépendance, sur les questions que présentait à juger la demande du préfet du Calvados et les solutions qu'elles appelaient ne s'imposait pas au président du tribunal administratif qui a rendu le jugement attaqué condamnant l'intéressée à payer une contravention d'un montant de 800 euros. Par suite, Mme B... ne saurait relever de contradiction entre ces deux montants de nature à entacher le jugement attaqué d'irrégularité.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. En premier lieu, si Mme B... soutient que des agents de l'administration se sont déplacés sur sa propriété sans l'en avertir préalablement, elle ne l'établit pas. Au demeurant, elle ne précise pas quelles dispositions législatives ou réglementaires, voire quel principe, auraient été méconnus à cet égard.
5. En deuxième lieu, si Mme B... soutient qu'il n'a pas été tenu compte de ses justifications avant de lui infliger l'amende litigieuse, il résulte de l'instruction que la procédure contradictoire prévue par l'article L. 774-2 du code de justice administrative a été mise en œuvre préalablement à la saisine du tribunal administratif de Caen le 6 janvier 2022, par courrier du 2 décembre 2021, qui lui a été notifié le 4 décembre 2021.
6. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous. (...). ". Aux termes de l'article L. 2132-2 du même code : " Les contraventions de grande voirie sont instituées par la loi ou par décret, selon le montant de l'amende encourue, en vue de la répression des manquements aux textes qui ont pour objet, pour les dépendances du domaine public n'appartenant pas à la voirie routière, la protection soit de l'intégrité ou de l'utilisation de ce domaine public, soit d'une servitude administrative mentionnée à l'article L. 2131-1. / Elles sont constatées, poursuivies et réprimées par voie administrative. ". Aux termes de l'article L. 2132-3 de ce code : " Nul ne peut bâtir sur le domaine public maritime ou y réaliser quelque aménagement (...). Nul ne peut en outre, sur ce domaine, procéder à des dépôts ou à des extractions, ni se livrer à des dégradations. ". Aux termes de l'article L. 2132-26 du même code : " Sous réserve des textes spéciaux édictant des amendes d'un montant plus élevé, l'amende prononcée pour les contraventions de grande voirie ne peut excéder le montant prévu par le 5° de l'article 131-13 du code pénal. (...). ". Aux termes de l'article 131-13 du code pénal : " (...) Le montant de l'amende est le suivant : (...) 4° 750 euros au plus pour les contraventions de la 4e classe ; / 5° 1 500 euros au plus pour les contraventions de la cinquième classe (...). ".
7. Ces dispositions définissent les infractions propres au domaine public maritime naturel dont la constatation justifie que les autorités chargées de la conservation de ce domaine engagent, après avoir cité le contrevenant à comparaître, des poursuites conformément à la procédure de contravention de grande voirie prévue par les articles L. 774-1 à L. 774-13 du code de justice administrative. Dans le cadre de cette procédure, le contrevenant peut être condamné par le juge, au titre de l'action publique, à une sanction pénale consistant en une amende ainsi que, au titre de l'action domaniale et à la demande de l'administration, à remettre lui-même les lieux en état en procédant à la destruction des ouvrages construits ou maintenus illégalement sur la dépendance domaniale ou à l'enlèvement des installations. Lorsqu'il retient la qualification de contravention de grande voirie s'agissant des faits qui lui sont soumis, le juge est tenu d'infliger une amende au contrevenant. Alors même que les dispositions précitées ne prévoient pas de modulation des amendes, le juge, qui est le seul à les prononcer, peut toutefois, dans le cadre de ce contentieux répressif, moduler leur montant dans la limite du plafond prévu par la loi et du plancher que constitue le montant de la sanction directement inférieure, pour tenir compte de la gravité de la faute commise, laquelle est appréciée au regard de la nature du manquement et de ses conséquences.
8. Il résulte de l'instruction, notamment des énonciations du procès-verbal de contravention de grande voirie dressé le 2 décembre 2021, qu'a été constaté, le 28 septembre 2021, le désherbage régulier du domaine public maritime sur une surface de 38,1 m², à proximité de la propriété de Mme B.... Celle-ci ne conteste pas avoir procédé à l'enlèvement de végétaux. Si le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires soutient que la requérante a également procédé à l'enlèvement de sable, il ne l'établit pas et la circonstance alléguée que la coupe de plantes s'accompagne nécessairement de l'enlèvement de sable ou de terre n'apparait pas suffisamment caractérisée pour l'établir. Le constat des désherbages précités, alors qu'il n'est pas contesté que la couverture de végétaux qui couvre la partie de la dune en cause contribue à sa conservation et à la lutte contre l'érosion, suffit toutefois à caractériser les dégradations commises par Mme B... sur le domaine public maritime et à justifier la contravention de grande voirie litigieuse.
9. La contravention étant ainsi caractérisée, la circonstance alléguée par la requérante, et d'ailleurs non établie, que, compte tenu de sa situation financière et de son état de santé, elle n'est pas en capacité de payer la somme de 800 euros sans échéancier, est sans influence sur la condamnation à payer une amende. Eu égard à la nature des faits commis par Mme B... et aux dispositions citées au point 6 relatives au montant de l'amende, il y a lieu de confirmer sa condamnation à payer une amende de 800 euros.
10. Enfin, en se bornant à soutenir qu'elle est favorable à la repousse des herbes enlevées, qui s'effectue peu à peu, Mme B... n'établit pas que l'injonction qui lui a été faite par le tribunal de planter des végétaux équivalents à ceux supprimés, dans le délai de deux mois à compter de la publication de son jugement et a autorisé l'Etat, passé ce délai, à procéder d'office à ces plantations, avec le concours de la force publique si nécessaire, aux frais exclusifs de l'intéressée, serait injustifiée ou devenue sans objet. Par suite, il y a lieu de la confirmer.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques.
Une copie du présent arrêt sera adressée, pour information, au préfet du Calvados.
Délibéré après l'audience du 8 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Derlange, président assesseur,
- Mme Picquet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 octobre 2024.
Le rapporteur,
S. DERLANGE
Le président,
L. LAINÉ
La greffière,
A. MARTIN
La République mande et ordonne ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT01443