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27/06/2025 | FRANCE | N°24NT02048

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 4ème chambre, 27 juin 2025, 24NT02048


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... B..., épouse A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 9 mars 2022 par laquelle la Commission locale d'agrément et de contrôle Ouest a refusé de lui délivrer à une autorisation préalable d'accès à la formation professionnelle pour exercer une activité de surveillance humaine et de gardiennage, ainsi que la décision de rejet de son recours gracieux formé le 1er avril 2022.



Par un jugement n° 2204042 du 2 mai

2024, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :
...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B..., épouse A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 9 mars 2022 par laquelle la Commission locale d'agrément et de contrôle Ouest a refusé de lui délivrer à une autorisation préalable d'accès à la formation professionnelle pour exercer une activité de surveillance humaine et de gardiennage, ainsi que la décision de rejet de son recours gracieux formé le 1er avril 2022.

Par un jugement n° 2204042 du 2 mai 2024, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 juillet 2024, Mme A..., représentée par Me Boisset, demande à la cour :

1°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

2°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 2 mai 2024 ;

3°) d'annuler la décision du 9 mars 2022 par laquelle la commission locale d'agrément et de contrôle Ouest a refusé de lui délivrer une autorisation préalable d'accès à la formation professionnelle pour exercer une activité de surveillance humaine et de gardiennage ;

4°) d'annuler la décision implicite et la décision du 8 septembre 2022 par lesquelles le Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) a rejeté son recours administratif préalable obligatoire dirigé contre la décision de la commission locale du 9 mars 2022 ;

5°) d'enjoindre au CNAPS de prendre une nouvelle décision, après une nouvelle instruction de sa demande d'autorisation préalable, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

6°) de mettre à la charge du CNAPS la somme de 2 500 euros à verser à son conseil au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision de la commission locale d'agrément est entachée d'incompétence ;

- les agents de la commission locale d'agrément qui ont procédé à la consultation des données n'étaient nullement habilités par l'autorité compétente, ni individuellement désignés par celle-ci, si bien qu'un vice de procédure entache la décision de la commission locale ;

- la commission a commis une erreur de droit, dès lors qu'elle s'est fondée sur des mentions figurant au traitement d'antécédents judiciaires (TAJ) ;

- les faits retenus à son encontre ne sont pas établis.

En dépit de la mise en demeure qui lui a été adressée le 12 novembre 2024, le CNAPS n'a pas produit de mémoire en défense avant l'intervention de la clôture de l'instruction le

6 février 2025.

Par une décision du 4 octobre 2024, le président du bureau d'aide juridictionnelle a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle présentée par Mme A....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la sécurité intérieure ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Chabernaud,

- les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique,

- et les observations de Me Costard, substituant Me Boisset, représentant Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du

9 mars 2022 par laquelle la Commission locale d'agrément et de contrôle Ouest a refusé de lui délivrer une autorisation préalable d'accès à la formation professionnelle pour exercer une activité de surveillance humaine et de gardiennage, ainsi que la décision de rejet de son recours gracieux formé le 1er avril 2022. Par un jugement du 2 mai 2024, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Mme A... fait appel de ce jugement.

Sur l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. L'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 dispose que : " Dans les cas d'urgence, sous réserve de l'application des règles relatives aux commissions ou désignations d'office, l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée par la juridiction compétente (...) ". Compte tenu de la date d'enregistrement de la requête et de la circonstance que la demande d'aide juridictionnelle de Mme A... a été déclarée caduque par une décision du président du bureau d'aide juridictionnelle du 4 octobre 2024, faute pour cette dernière d'avoir produit dans le délai imparti les justificatifs nécessaires, l'intéressée ne se trouve pas dans une situation d'urgence qui justifierait que soit prononcée son admission provisoire à l'aide juridictionnelle. Dès lors, de telles conclusions doivent être rejetées.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article R. 612-6 du code de justice administrative : " Si, malgré une mise en demeure, la partie défenderesse n'a produit aucun mémoire, elle est réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans les mémoires du requérant ". Si, lorsque le défendeur n'a produit aucun mémoire, le juge administratif n'est pas tenu de procéder à une telle mise en demeure avant de statuer, il doit, s'il y procède, en tirer toutes les conséquences de droit et il lui appartient seulement, lorsque les dispositions précitées sont applicables, de vérifier que l'inexactitude des faits exposés dans les mémoires du requérant ne ressort d'aucune pièce du dossier. La circonstance que la partie défenderesse a déjà produit un mémoire en première instance est sans influence sur l'application, par le juge d'appel, de la règle ainsi posée, dès lors que cette partie n'a pas contesté les allégations du requérant en appel.

4. En premier lieu, la décision du 8 septembre 2022 du CNAPS, prise à l'issue du recours administratif préalable obligatoire formé contre la décision du 9 mars 2022 de la commission locale d'agrément et de contrôle Ouest, s'est entièrement substituée à cette dernière, ainsi d'ailleurs qu'à la décision implicite de rejet prise précédemment par le CNAPS. Dès lors, les moyens invoqués contre la décision du 9 mars 2022 de la commission locale doivent être écartés comme inopérants et les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme A... doivent être regardées comme exclusivement dirigées contre la décision précitée du CNAPS du

8 septembre 2022.

5. En second lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de la sécurité intérieure : " Sont soumises aux dispositions du présent titre, dès lors qu'elles ne sont pas exercées par un service public administratif, les activités qui consistent : 1° A fournir des services ayant pour objet la surveillance humaine ou la surveillance par des systèmes électroniques de sécurité ou le gardiennage de biens meubles ou immeubles ainsi que la sécurité des personnes se trouvant dans ces immeubles ou dans les véhicules de transport public de personnes ; (...) ". Selon l'article L. 612-20 du même code : " Nul ne peut être employé ou affecté pour participer à une activité mentionnée à l'article L. 611-1 : (...) 2° S'il résulte de l'enquête administrative, ayant le cas échéant donné lieu à consultation, par des agents du Conseil national des activités privées de sécurité spécialement habilités par le représentant de l'Etat territorialement compétent et individuellement désignés, des traitements de données à caractère personnel gérés par les services de police et de gendarmerie nationales relevant des dispositions de l'article 31 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, à l'exception des fichiers d'identification, que son comportement ou ses agissements sont contraires à l'honneur, à la probité, aux bonnes mœurs ou sont de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique ou à la sûreté de l'Etat et sont incompatibles avec l'exercice des fonctions susmentionnées ; (...) ".

6. La décision contestée du 8 septembre 2022 est motivée par le fait que le comportement de Mme A... était incompatible avec l'exercice d'une activité de surveillance humaine et de gardiennage. A ce titre, le CNAPS a opposé à l'intéressée la circonstance qu'elle a été mise en cause, d'une part, pour des faits d'abus frauduleux de l'ignorance ou de la faiblesse d'une personne en état de sujétion psychologique ou physique résultant de pression ou technique de nature à altérer le jugement, commis du 1er décembre 2006 au 1er mars 2017, et d'autre part, pour des faits de délaissement de mineur de 15 ans compromettant sa santé ou sa sécurité, de violence suivie d'incapacité n'excédant pas 8 jours sur un mineur de 15 ans par un ascendant ou une personne ayant autorité sur la victime, de violence sans incapacité sur un mineur de 15 ans par un ascendant ou une personne ayant autorité sur la victime et de violence suivie d'incapacité supérieure à 8 jours sur un mineur de 15 ans par un ascendant ou une personne ayant autorité sur la victime, commis du 1er janvier 2015 au 21 février 2017.

7. Afin d'établir la matérialité de ces faits, le CNAPS s'est borné à produire, en première instance, un relevé de la consultation, le 3 août 2022, par l'un de ses agents, du fichier du traitement d'antécédents judiciaires (TAJ), relevant les faits mentionnés au point précédent et une fiche établie par les services de police à la suite d'une demande adressée par le CNAPS le

15 novembre 2021, indiquant que les suites judiciaires données aux mises en cause en litige recensées par le TAJ étaient inconnues. Mme A..., dont le bulletin n° 3 de son casier judiciaire établi le 21 octobre 2021 est vierge, soutient que les faits qui lui sont ainsi reprochés ne sont pas établis et qu'elle a été victime d'une dénonciation calomnieuse de la part de ses frères. Le CNAPS, qui n'a présenté aucun mémoire en défense devant la cour malgré la mise en demeure qui lui a été adressée en ce sens, n'apporte quant à lui aucun élément complémentaire de nature à étayer les motifs qu'il a opposés à Mme A..., en particulier en ce qui concerne le déroulement et l'issue des éventuelles procédures pénales mises en œuvre à l'encontre de cette dernière au regard des faits litigieux, dont certains remontent, au demeurant, à près de 16 ans à la date de la décision contestée du 8 septembre 2022. En conséquence, celle-ci est entachée d'erreur de fait et d'erreur d'appréciation et doit être, pour ces motifs, annulée.

8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision contestée du 8 septembre 2022 du CNAPS.

Sur les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte :

9. Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. (...) ".

10. Comme le demande Mme A... sur le fondement de ces dispositions, il y a lieu d'enjoindre au CNAPS de procéder, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, à une nouvelle instruction de sa demande tendant à la délivrance d'une autorisation préalable d'accès à la formation professionnelle pour exercer une activité de surveillance humaine et de gardiennage. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

11. La demande d'aide juridictionnelle de Mme A... a été déclarée caduque par une décision du président du bureau d'aide juridictionnelle du 4 octobre 2024. Par suite, son avocat ne peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rennes du 2 mai 2024 est annulé.

Article 2 : La décision du 8 septembre 2022 du Conseil national des activités privées de sécurité est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au Conseil national des activités privées de sécurité de réexaminer la demande présentée par Mme A..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B..., épouse A..., à Me Boisset et au Conseil national des activités privées de sécurité.

Délibéré après l'audience du 10 juin 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Derlange, président,

- Mme Picquet, première conseillère,

- M. Chabernaud, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 juin 2025.

Le rapporteur,

B. CHABERNAUD Le président,

S. DERLANGE La greffière,

A. MARTIN

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24NT02048


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NT02048
Date de la décision : 27/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DERLANGE
Rapporteur ?: M. Benjamin CHABERNAUD
Rapporteur public ?: Mme ROSEMBERG
Avocat(s) : BOISSET

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-27;24nt02048 ?
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