Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... E...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté en date du 19 juillet 2016 par lequel le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant son pays de destination.
Par un jugement n° 1609287 du 27 février 2018, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des pièces complémentaires, enregistrées le 28 mars 2018 et 24 avril 2018, M. E..., représenté par MeA..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1609287 du 27 février 2018 du Tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de police du 19 juillet 2016 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son avocat, Me A..., au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué est entaché d'incompétence de l'auteur de l'acte ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît son droit à une vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 août 2018, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Le préfet de police fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 mai 2018 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
- le code des relations entre le public et l'administration,
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991,
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Mme Guilloteau a présenté son rapport au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. E..., ressortissant camerounais né en 1973, relève appel du jugement du 27 février 2018 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 19 juillet 2016 lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant son pays de destination.
Sur la légalité de l'arrêté contesté :
2. L'arrêté du 19 juillet 2016 a été signé par Mme B...D..., attachée d'administration de l'Etat, directement placée sous l'autorité du chef du 8ème bureau de la direction de la police générale, qui disposait d'une délégation de signature à cet effet accordée par le préfet de police par un arrêté n° 2016-00591 du 22 juin 2016 régulièrement publié au bulletin municipal officiel de la ville de Paris le 28 juin suivant. D'une part, l'absence de mention sur l'arrêté contesté de l'absence ou de l'empêchement des supérieurs hiérarchiques de son signataire est sans incidence sur sa régularité. D'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier que lesdits supérieurs n'auraient pas été absents ou empêchés. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté doit donc être écarté comme manquant en fait.
En ce qui concerne les conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français :
3. En premier lieu, l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration dispose que : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
4. L'arrêté contesté vise notamment les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les articles L. 511-1-I-1°, L. 511-1 II, L. 511-2, L.512-1 et L.551-1 à L.551-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et la convention franco-camerounaise du 4 novembre 1977 et précise que M. E... est dépourvu de passeport, qu'il ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français et qu'il est actuellement dépourvu de titre de séjour en cours de validité. L'arrêté mentionne également que compte tenu des circonstances de l'espèce, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit à une vie privée et familiale et que l'intéressé n'établit pas être exposé à des traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. L'arrêté contesté comporte ainsi l'énoncé des considérations de droit et de fait qui fondent la décision portant obligation de quitter le territoire français. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté comme manquant en fait.
5. En second lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
6. M. E... fait valoir qu'il réside en France depuis 2014, qu'il y a développé des liens socioprofessionnels et qu'il vit en concubinage avec une compatriote avec laquelle il a un enfant né le 25 janvier 2017. Toutefois, d'une part, le requérant n'établit ni même n'allègue être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de 39 ans, avant d'entrer aux Pays-Bas en 2012 selon ses déclarations. D'autre part, les pièces produites ne témoignent de sa présence en France qu'à compter du début de l'année 2015, soit moins de deux ans à la date de l'arrêté contesté. Si l'intéressé produit des bulletins de salaire pour différents emplois occupés depuis mai 2015, ces seules pièces ne caractérisent pas une particulière intégration en France. Enfin, si M. E...a reconnu le 20 juillet 2016, soit le lendemain de l'édiction de l'arrêté contesté, l'enfant à naître de la compatriote qu'il présente comme sa compagne et qui était alors titulaire d'un titre de séjour d'une validité d'un an, il n'apporte pas d'éléments permettant d'apprécier l'intensité, l'ancienneté et la stabilité de leur relation à la date du 19 juillet 2016. Dans ces conditions, compte tenu de la durée et des conditions du séjour en France du requérant, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision portant obligation de quitter le territoire a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise.
7. Pour les mêmes motifs, la décision attaquée n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de M.E....
En ce qui concerne les conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination :
8. En premier lieu, aux termes du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Ce dernier texte énonce que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".
9. M. E... n'établit ni même n'allègue que sa vie ou sa liberté serait menacée en cas de retour au Cameroun, pas davantage qu'il serait exposé dans ce pays à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté méconnaîtrait l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.
10. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux invoqués au point 6 du présent arrêt, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination méconnaitrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par son avocat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 20 septembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- M. Luben, président assesseur,
- Mme Guilloteau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 4 octobre 2018.
Le rapporteur,
L. GUILLOTEAULe président,
J. LAPOUZADE
Le greffier,
C. POVSELa République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA01059