Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme F... a demandé au Tribunal administratif de la Guadeloupe de condamner le syndicat mixte des Routes de Guadeloupe au versement de la somme de 25 000 euros en réparation des préjudices résultant de la situation de harcèlement moral dont elle estimait avoir été victime. Elle a également demandé aux premiers juges d'enjoindre au syndicat mixte des
Routes de Guadeloupe de la rétablir dans l'intégralité de ses prérogatives d'encadrement, de gestion et d'organisation, relevant de son emploi de cadre, de responsable des ressources humaines, et d'engager une procédure disciplinaire à l'encontre de M. A.... Enfin, elle a demandé au tribunal de mettre à la charge du syndicat mixte des Routes de Guadeloupe la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1500760 en date du 31 janvier 2017, le Tribunal administratif de la Guadeloupe a condamné le syndicat mixte des Routes de Guadeloupe à verser à Mme E... la somme de 5 000 euros, au titre de la réparation de ses préjudices, et la somme de 1 500 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il a rejeté le surplus des conclusions de la demande de Mme E....
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 27 avril 2017, dont le jugement a été attribué à la Cour administrative d'appel de Paris par une ordonnance du président de la section du contentieux du Conseil d'Etat du 1er mars 2019, sur le fondement des dispositions de l'article R. 351-8 du code de justice administrative l'établissement public de gestion d'entretien et d'exploitation des Routes de Guadeloupe, représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1500760 en date du 31 janvier 2017 du Tribunal administratif de la Guadeloupe ;
2°) de rejeter l'ensemble des demandes de Mme E... ;
3°) de mettre à la charge de Mme E... la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les difficultés relationnelles de l'intéressée ne sont pas constitutives d'une situation de harcèlement moral ;
- elle n'a subi aucun préjudice.
Par un mémoire en défense enregistré le 25 juillet 2017, Mme E..., représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête présentée par l'établissement public des Routes de Guadeloupe, ainsi qu'au versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la requête est tardive ;
- les moyens invoqués par l'établissement public des Routes de Guadeloupe ne sont pas fondés, dès lors que le harcèlement moral est constitué.
Par un mémoire en réplique enregistré le 27 septembre 2018, l'établissement public de gestion d'entretien et d'exploitation des Routes de Guadeloupe persiste dans ses conclusions.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- et les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme E..., attachée territoriale titulaire depuis le 1er décembre 2013, alors affectée au poste de responsable du bureau des ressources humaines au sein du syndicat mixte des Routes de Guadeloupe, a demandé au Tribunal administratif de la Guadeloupe de condamner le syndicat mixte des Routes de Guadeloupe au versement de la somme de 25 000 euros en réparation des préjudices résultant de la situation de harcèlement moral dont elle estimait avoir été victime. L'établissement public de gestion d'entretien et d'exploitation des Routes de Guadeloupe fait appel du jugement du 31 janvier 2017, par lequel le Tribunal administratif de la Guadeloupe l'a condamné à verser à Mme E... la somme de 5 000 euros, au titre de la réparation de ses préjudices, et la somme de 1 500 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur le bien-fondé du jugement :
S'agissant de la caractérisation d'une situation de harcèlement moral :
2. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi susvisée du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; (...) ".
3. Il appartient à un agent public, qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
4. L'établissement public des Routes de Guadeloupe ne développe, au soutien de ses conclusions d'appel, aucun nouvel argument de droit ou de fait susceptible de remettre en cause l'analyse et la motivation retenues par le tribunal administratif, lequel a considéré, au regard de l'ensemble des éléments versés au dossier, que Mme E... devait être regardée comme ayant été effectivement victime de harcèlement moral au cours des années 2014 et 2015. Il y a lieu d'écarter le moyen soulevé par le requérant tiré de l'absence de harcèlement moral par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
S'agissant de la réparation du préjudice :
5. Le préjudice résultant d'agissements de harcèlement moral doit être intégralement réparé. Eu égard à la situation de Mme E..., qui était enceinte au cours de la période pendant laquelle la situation de harcèlement a été caractérisée, et compte tenu de la détérioration de son état de santé, il y a lieu de confirmer la réparation de l'intégralité des préjudices de la requérante, tous chefs confondus, à la somme de 5 000 euros, telle qu'elle a été fixée par les premiers juges.
6. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense, l'établissement public des Routes de Guadeloupe n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Guadeloupe l'a condamné à verser à Mme E... la somme susévoquée de 5 000 euros.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de Mme E..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que l'établissement public de gestion d'entretien et d'exploitation des Routes de Guadeloupe demande au titre des frais qu'il a exposés. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'établissement public des Routes de Guadeloupe une somme de 2 000 euros à verser à Mme E... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'établissement public des Routes de Guadeloupe est rejetée.
Article 2 : L'établissement public de gestion d'entretien et d'exploitation des Routes de Guadeloupe versera à Mme E... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'établissement public de gestion d'entretien et d'exploitation des Routes de Guadeloupe et à Mme E....
Copie en sera adressée au préfet de la Guadeloupe.
Délibéré après l'audience du 7 novembre 2019, à laquelle siégeaient :
- M. C..., président de chambre,
- Mme Poupineau, président assesseur,
- Mme Lescaut, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 26 novembre 2019.
Le président-rapporteur,
S.-L. C...
L'assesseur le plus ancien,
V. POUPINEAU
Le greffier,
C. DABERT
La République mande et ordonne au préfet de la Guadeloupe, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA21346