Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société civile immobilière (SCI) Samarcande a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la délibération du 2 octobre 2019 par laquelle le conseil de territoire de l'établissement public territorial Grand Paris Sud Est Avenir a approuvé la modification du plan local d'urbanisme de la commune d'Alfortville.
Par une ordonnance n° 2003278 du 8 juillet 2020, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 8 septembre 2020 régularisée le 25 septembre 2020 et un mémoire complémentaire enregistré le 29 septembre 2021, la SCI Samarcande, représentée par Me Padovani, demande à la Cour :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 2003278 du 8 juillet 2020 du tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler la délibération du 2 octobre 2019 par laquelle le conseil de territoire de l'établissement public territorial Grand Paris Sud Est Avenir a approuvé la modification du plan local d'urbanisme de la commune d'Alfortville ;
3°) de mettre à la charge de la commune d'Alfortville la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
4°) de condamner la commune d'Alfortville aux entiers dépens.
Elle soutient que :
- l'ordonnance est irrégulière en ce que n'a pas été respectée la prorogation des délais de réponse dont elle a été informée, selon laquelle elle disposait d'un délai de deux mois suivant la fin de la période d'urgence sanitaire pour répondre à la demande de régularisation ;
- la délibération du 4 avril 2019 est illégale en ce que :
- le seuil de 25 % de logements sociaux prévu par l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation étant atteint à Alfortville, aucun document d'urbanisme ne faisait obligation de réserver un emplacement supplémentaire pour accueillir un programme de logements sociaux ;
- la délibération contestée, qui prévoit la création d'un emplacement réservé pour l'accueil d'un programme de logements sociaux venant concurrencer un programme immobilier antérieur au projet, méconnait ainsi le droit de la concurrence et crée une insécurité juridique ;
- le retrait de 4 mètres par rapport à la voie publique prévu dans les zones UA, UB, UE et UP, est en inadéquation avec le projet de logements sociaux ainsi qu'avec le projet immobilier antérieur ;
- la modification du plan local d'urbanisme devait faire l'objet d'une procédure de révision et non d'une procédure de modification ;
- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Par des mémoires en défense enregistrés le 8 septembre et le 14 octobre 2021, l'établissement public territorial Grand Paris Sud Est Avenir, représenté par Me Lherminier, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la SCI Samarcande la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la requête d'appel est irrecevable dès lors que :
- la SCI Victor Hugo n'était pas partie à la première instance et n'a donc pas d'intérêt à agir :
- la requête est tardive dès lors qu'elle a été introduite le 25 septembre, soit plus de deux mois après la notification de l'ordonnance le 10 juillet 2020 ;
- les moyens soulevés ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée à la commune d'Alfortville qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Gobeill,
- les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteure publique,
- et les observations de Me Roulette substituant Me Lherminier, représentant l'établissement public territorial Grand Paris Sud Est Avenir.
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération du 2 octobre 2019, le conseil de territoire de l'établissement public territorial Grand Paris Sud Est Avenir a approuvé la modification du plan local d'urbanisme de la commune d'Alfortville. La SCI Samarcande relève appel de l'ordonnance n° 2003278 du 8 juillet 2020 par laquelle le tribunal administratif de Melun a rejeté sa requête demandant l'annulation de cette délibération.
Sur la recevabilité de l'appel :
2. L'établissement public territorial Grand Paris Sud Est Avenir soutient que la requête est irrecevable dès lors, d'une part qu'elle émane de la SCI Victor Hugo qui n'était pas partie à la première instance et n'a donc pas d'intérêt à agir, et d'autre part que la requête, introduite le 25 septembre 2020 soit plus de deux mois après la notification de l'ordonnance le 10 juillet 2020, est tardive.
3. D'une part, postérieurement à l'enregistrement de la requête d'appel le 8 septembre 2020 au nom de la SCI Victor Hugo, une demande de régularisation portant sur le nom de la société requérante a été faite le 10 septembre 2020 et réitérée le 15 septembre suivant, à laquelle il a été répondu le 25 septembre par une requête introduite cette fois au nom de la SCI Samarcande. D'autre part, si la notification de l'ordonnance contestée a eu lieu le 10 juillet 2020 ainsi que l'atteste le bordereau postal, ce dernier ne mentionne pas la date à laquelle le pli a été réceptionné par la SCI Samarcande de sorte qu'il n'est pas établi que l'appel a été introduit postérieurement au délai de deux mois imparti par les dispositions de l'article R. 811-2 du code de justice administrative qui dispose que " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois (...). ". Les fins de non-recevoir ne peuvent dès lors qu'être écartées.
Sur la régularité du jugement :
4. Aux termes de l'article 15 de l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif : " I.-Les dispositions de l'article 2 de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 susvisée relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période sont applicables aux procédures devant les juridictions de l'ordre administratif. ". Aux termes de l'article 16 de l'ordonnance précitée : " I. ' Les mesures d'instruction dont le terme vient à échéance entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 sont prorogées de plein droit jusqu'au 24 août 2020 inclus. ". Aux termes de l'article 1er de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période dans sa rédaction alors en vigueur : " I. ' Les dispositions du présent titre sont applicables aux délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 inclus (...) ". L'article 2 dispose : " Tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d'office, application d'un régime particulier, non avenu ou déchéance d'un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l'article 1er sera réputé avoir été fait à temps s'il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois (...) ".
5. Après que la requête de la SCI Samarcande a été enregistrée au greffe du tribunal administratif de Melun le 27 avril 2020, un courrier du greffe de ce tribunal du 2 juin 2020, rappelant les dispositions du 1er alinéa du I de l'article 16 ainsi que l'article 2 de l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020, lui a demandé de communiquer le nom et la qualité de la personne ayant signé cette requête ainsi qu'un exemplaire des statuts et de la délibération autorisant cette personne à ester en justice dans un délai de quinze jours à compter de sa réception et l'a informée qu'à défaut, la requête pouvait être rejetée par ordonnance pour irrecevabilité manifeste.
6. Pour rejeter la requête, l'ordonnance a relevé que la SCI Samarcande n'a pas indiqué le nom et la qualité des personnes ayant signé la requête, et ce, malgré la demande de régularisation qui lui a été adressée d'abord par lettre simple, puis par courrier recommandé dont il a été accusé réception au plus tard le 15 juin 2020 et que dans ces conditions, la requête qui n'a pas été régularisée, était irrecevable.
7. Si l'accusé de réception de ce courrier a été retourné, après sa distribution à la SCI Samarcande, le 15 juin 2020 au tribunal administratif, il n'est toutefois pas possible de déterminer précisément la date de réception du courrier par la SCI Samarcande, faute de mention en ce sens. Rien ne permettant dès lors d'établir que le délai de communication des documents expirait après le 23 juin 2020 ni par conséquent d'en déduire que la SCI Samarcande ne pouvait donc pas bénéficier du délai prorogé par les dispositions précitées, l'ordonnance contestée ne pouvait, dans ces conditions, rejeter la requête pour le motif retenu. Par suite elle doit être annulée.
8. Il y a lieu de statuer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur la demande de SCI Samarcande tendant à l'annulation de la délibération du 2 octobre 2019.
Sur les conclusions à fin d'annulation et sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir :
9. En premier lieu, aux termes de l'article L. 153-31 du code de l'urbanisme : " Le plan local d'urbanisme est révisé lorsque l'établissement public de coopération intercommunale ou la commune décide : / 1° Soit de changer les orientations définies par le projet d'aménagement et de développement durables ; / 2° Soit de réduire un espace boisé classé, une zone agricole ou une zone naturelle et forestière ; / 3° Soit de réduire une protection édictée en raison des risques de nuisance, de la qualité des sites, des paysages ou des milieux naturels, ou d'une évolution de nature à induire de graves risques de nuisance. / 4° Soit d'ouvrir à l'urbanisation une zone à urbaniser qui, dans les six ans suivant sa création, n'a pas été ouverte à l'urbanisation ou n'a pas fait l'objet d'acquisitions foncières significatives de la part de la commune ou de l'établissement public de coopération intercommunale compétent, directement ou par l'intermédiaire d'un opérateur foncier. / 5° Soit de créer des orientations d'aménagement et de programmation de secteur d'aménagement valant création d'une zone d'aménagement concerté. ". L'article L. 153-36 du même code dispose : " Sous réserve des cas où une révision s'impose en application de l'article L. 153-31, le plan local d'urbanisme est modifié lorsque l'établissement public de coopération intercommunale ou la commune décide de modifier le règlement, les orientations d'aménagement et de programmation ou le programme d'orientations et d'actions. ".
10. En se bornant à soutenir, sans autre précision, qu'il est " possible de s'interroger " sur la procédure suivie dès lors que la modification va impacter les orientations du projet d'aménagement et de développement durables, majorer de façon significative les possibilités de construction et impacter " par conséquent " la qualité des sites et des paysages, la société requérante n'établit pas que l'objet de la délibération entrerait dans les prévisions des dispositions de l'article L. 153-31 précité.
11. Aux termes de l'article L. 151-41 du code de l'urbanisme : " Le règlement peut délimiter des terrains sur lesquels sont institués : (...) 4° Dans les zones urbaines et à urbaniser, des emplacements réservés en vue de la réalisation, dans le respect des objectifs de mixité sociale, de programmes de logements qu'il définit ; (...) ".
12. Si la SCI requérante soutient qu'" au vu des premiers éléments disponibles, il semble que la commune d'Alfortville soit soumise à un seuil minimum de 25 % de logements sociaux prévus à l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation ", aucune disposition législative ou réglementaire ne fait obstacle à ce qu'elle dépasse ce seuil.
13. Ne sont pas assortis de précisions suffisantes permettant d'apprécier leur portée les moyens tirés, d'une part de ce que le programme de logements sociaux permis par la délibération contestée viendrait concurrencer un programme immobilier antérieur au projet, méconnaissant ainsi le droit de la concurrence et créant une insécurité juridique, et d'autre part de ce que le retrait de 4 mètres par rapport à la voie publique est en inadéquation avec le projet de logements sociaux ainsi qu'avec le projet immobilier antérieur porté par la SCI.
14. Le moyen tiré de ce que la délibération est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, qui reprend l'ensemble des moyens précédemment écartés et qui se borne à relever, sans autre précision ni pièce justificative, que le projet risque de ne pas respecter l'aspect visuel et architectural en ne prenant pas en compte la parcelle située au n° 37 de la rue, ne peut ainsi qu'être rejeté.
15. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI Samarcande n'est pas fondée à demander l'annulation de la délibération du 2 octobre 2019 par laquelle le conseil de territoire de l'établissement public territorial Grand Paris Sud Est Avenir a approuvé la modification du plan local d'urbanisme de la commune d'Alfortville. Ses conclusions à fin d'annulation ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
16. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la société Samarcande ni aux conclusions de l'établissement public territorial Grand Paris Sud Est Avenir, présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : L'ordonnance n° 2003278 du 8 juillet 2020 du tribunal administratif de Melun est annulée.
Article 2 : Le surplus des conclusions présentées par la SCI Samarcande et l'établissement public territorial Grand Paris Sud Est Avenir est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifiée à la SCI Samarcande, à l'établissement public territorial Grand Paris Sud Est Avenir et à la commune d'Alfortville.
Délibéré après l'audience du 13 janvier 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- M. Diémert, président assesseur,
- M. Gobeill, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 février 2022.
Le rapporteur,
J.-F. GOBEILL
Le président,
J. LAPOUZADELa greffière,
Y. HERBER
La République mande et ordonne au préfet du Val-de-Marne, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent jugement.
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N° 20PA02616