Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 21 avril 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a classé sans suite sa demande de titre de séjour en qualité de conjointe d'un ressortissant français. Par un jugement n° 2206659 du 20 septembre 2023 le tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision contestée et enjoint d'office au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer sa demande dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement. Procédure devant la Cour : I°) Par une première requête, enregistrée le 6 octobre 2023 sous le n° 23PA04239, le préfet de la Seine-Saint-Denis, demande à la Cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Montreuil. Il soutient que : - le moyen retenu par le tribunal est mal fondé dès lors que le refus d'enregistrer une demande d'un titre de séjour, à l'appui de laquelle est présenté un dossier incomplet, ne constitue pas une décision faisant grief susceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir ; - les autres moyens avancés par Mme B... en première instance ne sont pas fondés ; l'erreur manifeste d'appréciation invoquée n'est pas fondée. Des pièces ont été enregistrées le 26 octobre 2023 par Mme B.... Par une décision du 21 novembre 2023, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a rejeté sa demande d'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par une décision du 4 janvier 2024, la Conseillère d'Etat, présidente de la cour administrative d'appel de Paris, a rejeté l'appel formé par Mme B... contre la décision du 21 novembre 2023 du bureau d'aide juridictionnelle. II°) Par une seconde requête, enregistrée le 6 octobre 2023 sous le n° 23PA04240, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour de surseoir à l'exécution du jugement attaqué. Il soutient que les conditions prévues aux articles R. 811-15 et R. 811-17 du code de justice administrative sont remplies dès lors que les moyens qu'il invoque à l'appui de sa requête au fond paraissent sérieux et de nature à justifier l'annulation du jugement et le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement et que le réexamen de la demande de Mme B... lui ouvrirait un droit au séjour auquel elle ne peut prétendre. Vu les autres pièces des dossiers. Vu : - le code des relations entre le public et l'administration ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a décidé de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de Mme Boizot a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. Mme B..., ressortissante congolaise née le 14 janvier 1987 à Kinshasa (République démocratique du Congo), a déposé, le 18 avril 2022, une demande de titre de séjour en qualité de conjointe d'un ressortissant français sur la plateforme dématérialisée " démarches-simplifiées ". Par une décision du 21 avril 2022 le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé d'enregistrer sa demande au motif qu'elle ne présentait pas un visa de long séjour ou à défaut justifier d'une entrée régulière et qu'il lui appartenait de solliciter un nouveau visa auprès du consulat de France le plus proche de son domicile dans son pays d'origine. Par un jugement n° 2206659 du 20 septembre 2023, dont le préfet de la Seine-Saint-Denis interjette régulièrement appel, le tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision contestée et enjoint d'office au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer sa demande dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement. Sur la jonction : 2. Les requêtes susvisées nos 23PA04239 et 23PA04240, présentées par le préfet de la Seine-Saint-Denis, sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt. Sur les conclusions de la requête n° 23PA04239 : 3. Les dispositions législatives et règlementaires du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoient la procédure de dépôt, d'instruction et de délivrance des différents titres autorisant les étrangers à séjourner en France. Ainsi, selon l'article R. 431-10 de ce code : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1° Les documents justifiants de son état civil ; / 2° Les documents justifiants de sa nationalité ; / 3° Les documents justifiants de l'état civil et de la nationalité de son conjoint, de ses enfants et de ses parents lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour pour motif familial. / La délivrance du premier récépissé et l'intervention de la décision relative au titre de séjour sollicité sont subordonnées à la production de ces documents. / Lorsque la demande de titre de séjour est introduite en application de l'article L. 431-2, le demandeur peut être autorisé à déposer son dossier sans présentation de ces documents ". L'article R. 431-12 du même code dispose que : " L'étranger admis à souscrire une demande de délivrance ou de renouvellement de titre de séjour se voit remettre un récépissé qui autorise sa présence sur le territoire pour la durée qu'il précise. / (...) ". Ainsi que le précise l'article L. 431-3 de ce code, la délivrance d'un tel récépissé ne préjuge pas de la décision définitive qui sera prise au regard de son droit au séjour. En outre, selon l'article R. 431-11 de ce code : " L'étranger qui sollicite la délivrance d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande les pièces justificatives dont la liste est fixée par arrêté annexé au présent code ", cet arrêté dressant une liste de pièces pour chaque catégorie de titre de séjour. 4. Le refus d'enregistrer une telle demande motif pris du caractère incomplet du dossier ne constitue pas une décision faisant grief susceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir lorsque le dossier est effectivement incomplet, en l'absence de l'un des documents mentionnés à l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou lorsque l'absence d'une pièce mentionnée à l'annexe 10 à ce code, auquel renvoie l'article R. 431-11 du même code, rend impossible l'instruction de la demande. L'enregistrement de la demande de titre de séjour d'un étranger ayant présenté une demande d'asile qui n'a pas été définitivement rejetée ne peut être refusé au motif de l'absence de production des documents mentionnés à l'article R. 431-10. 5. Pour annuler la décision contestée, le tribunal a relevé que pour classer sans suite la demande de titre de séjour de Mme B..., le préfet de la Seine-Saint-Denis a estimé que l'intéressée devait " présenter un visa long séjour ou à défaut justifier d'une entrée régulière " et a précisé à Mme B... qu'il lui appartenait de solliciter un nouveau visa auprès du consulat de France le plus proche de son domicile dans son pays d'origine et considéré qu'eu égard au motif retenu, tenant à l'appréciation de son droit au séjour, la décision en litige devait être regardée comme constituant un refus de délivrance d'un titre de séjour, et non un refus d'enregistrement de sa demande de titre de séjour. 6. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que la demande de titre de séjour, déposée le 18 avril 2022 par Mme B... sur le fondement de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne contenait pas de visa de long séjour. 7. Toutefois, aux termes de l'article L. 412-2 du code précité : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues aux articles L. 412-2 et L. 412-3, la première délivrance d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de séjour pluriannuelle est subordonnée à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 411-1 ". L'article L. 312-3 du même code dispose que : " Le visa de long séjour est délivré de plein droit au conjoint de ressortissant français. Il ne peut être refusé qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public ". Enfin, aux termes de l'article L. 312-6 du même code : " Les documents mentionnées aux 2° et 3° de l'article L. 311-1 ne sont pas exigés : 1° D'un étranger venant rejoindre son conjoint régulièrement autorisé à résider en France ; (...) ". 8. Si les dispositions mentionnées au point 3 subordonnent la délivrance de la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au conjoint d'un français à certaines conditions, dont celle d'être en possession d'un visa de long séjour, elles n'impliquent pas que ce visa fasse l'objet d'une demande expresse distincte de celle du titre de séjour sollicité auprès de l'autorité préfectorale, compétente pour procéder à cette double instruction. Dès lors qu'une demande de carte de séjour sur ce fondement vaut implicitement dépôt d'une demande de visa de long séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 312-3 du code susvisé, le préfet ne peut refuser la délivrance du titre de séjour sollicité en se fondant sur l'absence de visa de long séjour sans avoir au préalable examiné si le demandeur remplit les conditions fixées par cet article, notamment d'une entrée régulière sur le territoire français. Par ailleurs, l'autorité préfectorale n'est tenue d'accorder le visa au conjoint d'un ressortissant français, vivant en France avec ce dernier depuis plus de six mois, qu'à l'étranger entré régulièrement en France. 9. En outre, la circonstance que Mme B... a bénéficié d'une autorisation provisoire de séjour suite au dépôt de sa demande d'asile n'a pas eu pour effet, ainsi que les dispositions de l'article L. 431-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile le prévoient, de régulariser les conditions de son entrée en France.
10. Ainsi au regard de ce qui précède et compte tenu du motif retenu par le préfet, ce dernier doit être regardé comme ayant émis une appréciation sur le droit au séjour de Mme B..., la décision en litige constitue donc un refus de délivrance d'un titre de séjour, et non un refus d'enregistrement de sa demande de titre de séjour. 11. Par ailleurs, contrairement à ce que soutiennent les premiers juges, la décision du 21 avril 2022 rejetant la demande de titre de séjour présentée par Mme B... au préfet de la Seine-Saint-Denis a nécessairement été prise par l'autorité à laquelle cette demande a été adressée. C'est, par conséquent, à tort que le tribunal administratif de Montreuil s'est fondé, pour annuler la décision attaquée, sur l'incompétence de l'auteur de l'acte. 12. Dès lors, il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B... contre la décision classant sans suite sa demande de titre de séjour en qualité de conjointe d'un ressortissant français. 13. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... est entrée en France en 2013, que le 25 avril 2016 la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) a rejeté sa demande d'asile et qu'elle s'est maintenue depuis cette date sur le territoire français jusqu'au dépôt de sa demande de titre de séjour en qualité de conjoint de français le 18 avril 2022, soit sept ans après le rejet de sa demande d'asile. En outre, si Mme B... a une vie maritale depuis plusieurs années avec un ressortissant français et s'est mariée avec lui en 2017, il n'en demeure pas moins qu'elle ne justifiait, à la date de la décision attaquée, ni du visa de long séjour requis par les dispositions de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni d'une entrée régulière sur le territoire français, les dispositions de l'article L. 423-2 du même code permettant de la dispenser de la condition de visa de long séjour et ce, nonobstant la circonstance qu'elle a bénéficié d'un récépissé de demande de carte de séjour entre le 22 juin et le 21 décembre 2018. Enfin, si la requérante indique avoir engagé des démarches en vue d'une procréation médicalement assistée, elle n'apporte aucun élément suffisamment probant permettant d'établir qu'elle suit un parcours de procréation médicalement assistée. Enfin, Mme B... peut retourner dans son pays d'origine en vue de solliciter un visa comme conjointe de français. Dans ces conditions, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que le préfet de la Seine-Saint-Denis, en prenant la décision litigieuse, a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur sa situation personnelle. 14. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Saint-Denis est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision du 21 avril 2022 et lui a enjoint de réexaminer la demande de Mme B... dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement. Il est dès lors fondé à demander l'annulation des articles 1 et 2 de ce jugement et le rejet des conclusions de la demande de Mme B... devant le tribunal administratif de Montreuil. Sur les conclusions de la requête n° 23PA04240 : 15. La Cour statuant par le présent arrêt sur les conclusions de la requête n° 23PA04239 du préfet de la Seine-Saint-Denis tendant à l'annulation du jugement attaqué, les conclusions de sa requête n° 23PA04240 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont privées d'objet. Il n'y a pas lieu, par suite, d'y statuer. D E C I D E :Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur la requête n° 23PA04240.Article 2 : Les articles 1 et 2 du jugement n° 2206659 du 20 septembre 2023 sont annulés.Article 3 : La demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Montreuil est rejetée.Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme A... B... épouse C....Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.Délibéré après l'audience du 13 septembre 2024 à laquelle siégeaient :- M. Carrère, président,- M. Soyez, président assesseur,- Mme Boizot, première conseillère.Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 27 septembre 2024.La rapporteure,S. BOIZOTLe président,S. CARRERE La greffière,C. DABERTLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.Nos 23PA04239, 23PA04240 2