Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... E... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 12 janvier 2024 par lequel le préfet de police de Paris a rejeté sa demande de renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné.
Par un jugement n° 2406886/8 du 5 juin 2024, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 3 juillet 2024 sous le n° 24PA02910, M. E..., représenté par Me Curral-Stephen, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa situation administrative et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
S'agissant de la décision de refus de renouvellement de titre de séjour :
- l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dans la caractérisation de la menace à l'ordre public ;
- il méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour qu'elle assortit ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 3 et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 octobre 2024, le préfet de police de Paris conclut au rejet de la requête de M. E....
Il soutient que les moyens soulevés par M. E... ne sont pas fondés.
II. Par une requête enregistrée le 19 juillet 2024 sous le n° 24PA03230, M. E..., représenté par Me Curral-Stephen, demande à la cour d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement n° 2406886 du 5 juin 2024.
Il soutient que les moyens qu'il invoque sont sérieux et de nature à justifier la suspension du jugement attaqué.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 octobre 2024, le préfet de police de Paris conclut au rejet de la requête de M. E....
Il soutient que les moyens soulevés par M. E... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Vrignon-Villalba a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. E..., ressortissant de la Macédoine du Nord, né le 18 mai 1976, entré en France en 2001, a sollicité, le 27 septembre 2023, le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 233-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 12 janvier 2024, le préfet de police de Paris a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné. Par une requête enregistrée sous le n° 24PA02910, M. E... demande l'annulation du jugement du 5 juin 2024 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Par une requête enregistrée sous le n° 24PA03230, il demande à la cour d'ordonner le sursis à exécution de ce jugement.
Sur la jonction :
2. Les requêtes visées ci-dessus n° 24PA02910 et 24PA03230, présentées par M. E..., tendent, respectivement, à l'annulation et au sursis à exécution du jugement n° 2406886/8 du 5 juin 2024 du tribunal administratif de Paris. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.
Sur la requête n° 24PA02910 :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 233-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les citoyens de l'Union européenne ont le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'ils satisfont à l'une des conditions suivantes : 1° Ils exercent une activité professionnelle en France ; 2° Ils disposent pour eux et pour leurs membres de famille de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; 3° Ils sont inscrits dans un établissement fonctionnant conformément aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur pour y suivre à titre principal des études ou, dans ce cadre, une formation professionnelle, et garantissent disposer d'une assurance maladie ainsi que de ressources suffisantes pour eux et pour leurs conjoints ou descendants directs à charge qui les accompagnent ou les rejoignent, afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale ; 4° Ils sont membres de famille accompagnant ou rejoignant un citoyen de l'Union européenne qui satisfait aux conditions énoncées aux 1° ou 2° ; 5° Ils sont le conjoint ou le descendant direct à charge accompagnant ou rejoignant un citoyen de l'Union européenne qui satisfait aux conditions énoncées au 3°. ". Aux termes de l'article L. 233-2 du même code : " Les ressortissants des pays tiers, membres de la famille d'un citoyen de l'Union européenne satisfaisant aux conditions énoncées au 1° et 2° de l'article L. 233-1 ont le droit de séjourner sur le territoire français pour une durée supérieure à trois mois. / Il en va de même pour les ressortissants de pays tiers, conjoints ou descendants directs à charge accompagnant ou rejoignant un citoyen de l'Union européenne satisfaisant aux conditions énoncées au 3° de l'article L. 233-1. "
4. Aux termes de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La circonstance que la présence d'un étranger en France constitue une menace pour l'ordre public fait obstacle à la délivrance et au renouvellement de la carte de séjour temporaire, de la carte de séjour pluriannuelle et de l'autorisation provisoire de séjour prévue aux articles L. 425-4 ou L. 425-10 ainsi qu'à la délivrance de la carte de résident et de la carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE ". ".
5. Pour rejeter la demande de renouvellement de titre de séjour, présentée par M. E... sur le fondement des dispositions de l'article L. 233-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de police s'est fondé sur les dispositions de l'article L. 412-5 du code précité, en estimant que la présence en France de l'intéressé constituait une menace pour l'ordre public.
6. D'une part, M. E..., de nationalité macédonienne, ne peut pas se prévaloir des dispositions citées au point 3 de l'article L. 233-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui concernent le droit au séjour des seuls ressortissants de l'Union européenne. Par ailleurs, il ne remplit pas les conditions pour bénéficier d'un titre de séjour en qualité de conjoint d'un citoyen de l'Union européenne sur le fondement des dispositions de l'article L. 233-2 du même code dès lors qu'il est constant que son épouse, de nationalité polonaise, ne satisfait pas aux conditions énoncées au 1° et 2° de l'article L. 233-1 du code.
7. D'autre part et en tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que M. E... a été condamné, le 3 septembre 2009, par la cour d'assises de la Seine-Saint-Denis à trois ans et six mois d'emprisonnement pour arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire d'otage pour obtenir l'exécution d'ordre ou de condition. Ultérieurement, l'intéressé a été condamné, le 5 mars 2012, par le tribunal correctionnel de Créteil, à six mois d'emprisonnement sous le régime de la semi-liberté, pour vol avec ruse, effraction ou escalade dans un local d'habitation ou un lieu d'entrepôt aggravé par une autre circonstance. Enfin, M. E... a été condamné, le 8 février 2023, par le tribunal correctionnel de Paris, à neuf mois d'emprisonnement dont quatre mois avec sursis probatoire pendant deux ans, pour violence suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours par une personne étant ou ayant été conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité, et pour menace de mort réitérée. Au regard de la gravité et de la multiplicité des faits pour lesquels il a été condamné à plusieurs reprises mais aussi du caractère très récent de la dernière condamnation du requérant, et eu égard à l'avis défavorable émis par la commission du titre de séjour le 10 janvier 2024, c'est sans méconnaitre les dispositions de l'article L. 233-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le préfet de police de Paris a pu estimer que M. E... représentait une menace pour l'ordre public.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
9. Au soutien de ses conclusions, M. E... se prévaut de ce qu'il est présent depuis vingt ans en France, où résident également son épouse, Mme E..., de nationalité polonaise, ses filles, B... E..., née en 2004, de nationalité polonaise, et Teuta E..., née en 2005, de nationalité française, ainsi que son fils, C... E..., né en 2014 en France, diagnostiqué autiste et gravement handicapé. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 7, M. E... a été condamné, le 8 février 2023, à neuf mois d'emprisonnement dont quatre mois avec sursis probatoire pendant deux ans, pour violence suivies d'incapacité n'excédant pas huit jours par conjoint et menaces réitérées. A... son avis rendu le 10 janvier 2024, la commission du titre de séjour relève à cet égard que la condamnation est assortie d'une interdiction judiciaire et administrative d'entrer en contact avec son épouse ainsi qu'avec ses deux filles que l'intéressé, qui s'est présenté avec l'une de ses filles, ne respecte pas, et qu'il a " toujours un grand ascendant sur ses filles ". A... ces conditions, en dépit de la durée du séjour en France de M. E... et alors même que, selon les attestations établies par son épouse et ses filles, la famille ne pourrait pas subvenir à ses besoins sans le revenu tiré par l'intéressé de son activité professionnelle, et eu égard à la menace pour l'ordre public que son comportement représente, le préfet de police de Paris n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts qu'il a poursuivis. Il n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
10. En troisième lieu, M. E... n'établissant pas avoir présenté sa demande de titre sur le fondement de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ne peut pas utilement invoquer la méconnaissance de cet article.
11. En dernier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " A... toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
12. Il est constant que M. E... est le père de trois enfants, dont deux nés en France, sa fille cadette étant française, âgés respectivement de 10, 19, et 20 ans. Sa fille aînée est étudiante et son fils de dix ans, atteint d'un handicap autistique, présente un taux d'incapacité égal ou supérieur à 80 %. Si M. E... se prévaut de ce qu'il est très proche de ses enfants, notamment de son fils handicapé, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, son comportement vis-à-vis de Mme E... a conduit à sa condamnation en 2023 pour violence sur conjoint. Il suit de là que M. E... n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige a méconnu l'intérêt supérieur de ses enfants, lequel vise à préserver leur bien-être et leur droit de se développer dans un environnement favorable à leur santé mentale et physique. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations citées au point 11 doit donc être écarté.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
13. En premier lieu, compte tenu de ce qui a été dit aux points 3 à 12, le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité du refus de titre de séjour doit être écarté.
14. En second lieu, compte tenu de ce qui a été exposé aux points 9 et 12, l'obligation de quitter le territoire français ne peut être regardée comme portant une atteinte excessive au droit de M. E... au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni comme portant une atteinte excessive à l'intérêt supérieur des enfants de M. E..., en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées.
Sur la requête n° 24PA03230 :
16. La cour se prononçant, par le présent arrêt, sur la requête n° 24PA02910 de M. E... tendant à l'annulation du jugement n° 2406886 du 5 juin 2024, du tribunal administratif de Paris, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 24PA03230 par laquelle M. E... demande à la cour le sursis à exécution de ce jugement.
Sur les frais liés aux instances :
17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. E... demande au titre des frais de l'instance.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 24PA03230 de M. E....
Article 2 : La requête n° 24PA02910 de M. E... est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... E... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police de Paris.
Délibéré après l'audience du 18 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Menasseyre, présidente de chambre,
- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- Mme Larsonnier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 novembre 2024.
La rapporteure,
C. Vrignon-VillalbaLa présidente,
A. Menasseyre
La greffière,
N. Couty
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24PA02910, 24PA03230