Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme E... et D... G... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre, respectivement, des années 2008, 2010, 2011 et 2012, d'une part, et 2011 et 2012, d'autre part.
Par un jugement n° 1704783 du 10 décembre 2019, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 17 février 2020 sous le n° 20BX00557 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux et ensuite sous le n° 20TL20557 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, et quatre mémoires complémentaires, enregistrés le 15 avril 2021, le 20 décembre 2021, le 22 février 2022 et le 23 mars 2022, M. et Mme G..., représentés par Me Larralde de Fourcauld, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre, respectivement, des années 2008, 2010, 2011 et 2012, d'une part, et 2011 et 2012, d'autre part ;
3°) de mettre en œuvre la procédure en inscription de faux à l'encontre d'un document produit par l'administration fiscale ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 900 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les propositions de rectification ne leur ont pas été régulièrement notifiées ;
- l'administration fiscale, qui n'a pas fait le nécessaire pour s'assurer qu'ils aient effectivement connaissance de l'existence des propositions de rectification, a manqué à son devoir de loyauté ;
- la copie du recueil des actes administratifs de la préfecture de la Haute-Garonne produite par l'administration fiscale est un faux et commande la solution du litige ;
- la procédure d'imposition de la société de droit espagnol Dépôt Fret Logistique SL a été engagée alors qu'elle avait été radiée provisoirement du registre du commerce et des sociétés espagnol ;
- l'existence d'un établissement stable en France de la société de droit espagnol Dépôt Fret Logistique SL est contestée ;
- l'administration devait demander la désignation d'un mandataire ad hoc de l'établissement stable en France avant d'engager la procédure de vérification de comptabilité ;
- l'immatriculation de l'établissement stable en France de cette société est également postérieure à cette radiation provisoire ;
- M. G..., qui était frappé de faillite personnelle, ne pouvait être désigné par l'administration fiscale comme le représentant légal de cette société pour son établissement stable en France ;
- l'administration n'établit pas que les décisions portant homologation des rôles supplémentaires auraient été prises par une autorité compétente.
Par quatre mémoires en défense, enregistrés le 21 septembre 2020, le 11 février 2022, le 18 mars 2022 et le 22 avril 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de M. et Mme G....
Par ordonnance du 8 novembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 30 novembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de commerce ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code des postes et des communications électroniques ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- les conclusions de Mme Cherrier, rapporteure publique,
- et les observations de Me Larralde de Fourcauld pour M. et Mme G....
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme G... font appel du jugement du 10 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre, respectivement, des années 2008, 2010, 2011 et 2012, d'une part, et 2011 et 2012, d'autre part. Ces cotisations supplémentaires procèdent de l'imposition, selon la procédure d'évaluation d'office et dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices réalisés en France par l'établissement stable de la société de droit espagnol Dépôt Fret Logistique SL, dont M. G... est l'unique associé, et, selon la procédure de rectification contradictoire, de crédits bancaires dont l'origine est indéterminée.
Sur les conclusions en décharge :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ". L'article L. 76 du même livre dispose que : " Les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office et leurs modalités de détermination sont portées à la connaissance du contribuable trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions (...) ". Il résulte de ces dispositions que les rectifications doivent être notifiées au contribuable. En cas de contestation sur ce point, il incombe à l'administration fiscale d'établir qu'une telle notification a été régulièrement adressée au contribuable et, lorsque le pli contenant cette notification a été renvoyé par le service postal au service expéditeur, de justifier de la régularité des opérations de présentation à l'adresse du destinataire. La preuve qui lui incombe ainsi peut résulter soit des mentions précises, claires et concordantes figurant sur les documents, le cas échéant électroniques, remis à l'expéditeur conformément à la règlementation postale soit, à défaut, d'une attestation de l'administration postale ou d'autres éléments de preuve établissant la délivrance par le préposé du service postal d'un avis de passage prévenant le destinataire de ce que le pli est à sa disposition au bureau de poste.
3. Les copies, versées au dossier de première instance, des avis de réception des plis contenant les trois propositions de rectification du 9 décembre 2014, expédiés à l'adresse exacte donnée par les intéressés et retournés à l'administration, sont revêtus des mentions " pli avisé et non réclamé " et " présenté / avisé le 16/12/14 ". Ces mentions, qui font foi jusqu'à preuve du contraire, établissent non seulement la date à laquelle les plis contenant les propositions de rectification ont été présentés au domicile de M. et Mme G..., mais également la remise le même jour d'avis de passage mentionnant qu'une lettre recommandée était tenue à leur disposition au bureau de poste dont dépend leur domicile. Si l'administration fiscale n'établit pas que les trois plis lui ont été retournés après l'expiration du délai de mise en instance de quinze jours prévu par la réglementation postale en vigueur, M. et Mme G..., qui ne font pas état des diligences qu'ils auraient vainement accomplies pour réclamer ces plis dans ce délai, ne justifient pas avoir été privés d'une quelconque garantie. Dans ces conditions et alors même que les intéressés n'ont pas effectivement pris connaissance de ces plis, la notification de ces propositions de rectification est réputée intervenue le 16 décembre 2014. Il suit de là que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les documents visés par les dispositions des articles L. 57 et L. 76 du livre des procédures fiscales ne leur auraient pas été notifiés. La circonstance que les avis d'imposition supplémentaires adressés à M. et Mme G..., qui sont postérieurs à l'établissement de l'impôt et qui n'ont qu'une portée informative, ne font pas référence à ces trois propositions de rectification est en tout état de cause sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition.
4. M. et Mme G..., à qui il incombait de prendre toutes les dispositions utiles pour recevoir leur courrier, ne peuvent valablement se prévaloir de ce que l'administration fiscale aurait manqué à son devoir de loyauté en ne les prévenant pas de l'imminence de ces notifications et en ne leur réexpédiant pas les plis qui lui ont été retournés.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 168 du livre des procédures fiscales : " Les omissions totales ou partielles constatées dans l'assiette de l'impôt, les insuffisances, les inexactitudes ou les erreurs d'imposition peuvent être réparées par l'administration des impôts (...) dans les conditions et dans les délais prévus aux articles L. 169 à L. 189, sauf dispositions contraires du code général des impôts ". Selon l'article L. 47 du même livre, dans sa rédaction applicable au présent litige : " (...) une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification (...) ".
6. D'une part, il résulte des dispositions de l'article L. 168 du livre des procédures fiscales que l'administration peut, dans le délai de reprise, contrôler les déclarations faites par une société et le cas échéant procéder à son redressement, sans qu'y fasse obstacle ni la dissolution de cette entreprise, dont la personnalité morale subsiste aussi longtemps que des droits et obligations à caractère social ne sont pas liquidés, ni sa liquidation, sa radiation ou sa disparition. Il s'ensuit que l'administration a pu engager, au titre des années 2008 à 2012, une vérification de comptabilité de la société Dépôt Fret Logistique SL, qui concernait d'ailleurs son établissement stable en France, par l'envoi d'un avis du 5 mars 2014, postérieurement à la date de la radiation provisoire de cette société, mentionnée au registre espagnol du commerce et des sociétés le 11 juillet 2014, avec effet au 17 février 2014.
7. D'autre part, dans les conditions énoncées au point 6, l'administration fiscale, qui n'avait pas à demander la désignation d'un mandataire ad hoc, a pu régulièrement notifier l'avis de vérification de cet établissement stable à M. G..., associé unique de la société de droit espagnol, à l'égard de laquelle il s'est en tout état de cause substitué vis-à-vis des tiers pour l'exercice des droits et l'exécution des obligations correspondant aux créances et aux dettes transmises par celle-ci. En outre, l'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale et toute personne morale, qui avait été prononcée pour une durée de dix ans à l'encontre de M. G..., par un jugement du tribunal de commerce de Toulouse du 2 mars 2007, en application de l'article L. 653-2 du code de commerce, ne faisait pas obstacle à ce que les opérations de vérification de comptabilité se déroulent avec lui, en qualité de représentant de l'établissement stable en cause.
8. Enfin, les requérants ne peuvent utilement se prévaloir de la circonstance que l'inscription, à laquelle l'administration fiscale a procédé le 12 mars 2015, de l'établissement stable en France de la société Dépôt Fret Logistique SL au répertoire des entreprises et des établissements est intervenue postérieurement à la radiation provisoire intervenue le 17 février 2014, dès lors que cette immatriculation est sans incidence sur la régularité et le bien-fondé des impositions contestées. Il en est de même de ce que la désignation de M. G..., à l'occasion de cette inscription, comme représentant légal de cet établissement stable aurait méconnu l'interdiction prononcée à son encontre par le jugement évoqué au point 7 du tribunal de commerce de Toulouse du 2 mars 2007.
9. En troisième lieu, en se bornant à contester l'existence d'un établissement stable en France de la société de droit espagnol Dépôt Fret Logistique SL, sans étayer leur moyen, les requérants ne remettent pas efficacement en cause les constatations circonstanciées du service vérificateur sur ce point.
10. En quatrième lieu, aux termes de l'article 1658 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " Les impôts directs et les taxes y assimilées sont recouvrés en vertu de rôles rendus exécutoires par arrêté du préfet ou d'avis de mise en recouvrement. / Pour l'application de la procédure de recouvrement par voie de rôle prévue au premier alinéa, le représentant de l'Etat dans le département peut déléguer ses pouvoirs aux agents de catégorie A placés sous l'autorité des directeurs départementaux des finances publiques ou des responsables de services à compétence nationale, détenant au moins un grade fixé par décret en Conseil d'Etat. La publicité de ces délégations est assurée par la publication des arrêtés de délégation au recueil des actes administratifs de la préfecture ". L'article 376-0 bis de l'annexe II au code général des impôts dispose que : " Le grade mentionné au second alinéa de l'article 1658 du code général des impôts est celui d'administrateur des finances publiques adjoint ". Les arrêtés pris en application de ces dispositions, qui autorisent les préfets à déléguer aux agents de catégorie A placés sous l'autorité des directeurs départementaux des finances publiques ou des responsables de services à compétence nationale, détenant au moins le grade d'administrateur des finances publiques adjoint leur pouvoir d'homologation des rôles, n'ont pas à désigner nominativement les fonctionnaires recevant cette délégation de pouvoir.
11. Par arrêté du 21 décembre 2011, le préfet de la Haute-Garonne a donné délégation de pouvoir aux collaborateurs du directeur régional des finances publiques de Midi-Pyrénées et de la Haute-Garonne ayant au moins le grade d'administrateur des finances publiques adjoint, à l'exception de ceux ayant la qualité de comptable, pour rendre exécutoires, notamment, les rôles d'impôts directs et taxes assimilées. D'une part, le ministre verse au dossier une copie de la page de garde du recueil spécial des actes administratifs de la préfecture de Haute-Garonne n° 155/RS 2011, imprimé et certifié conforme le 21 décembre 2011, sur laquelle figure la référence de cet arrêté préfectoral, dont le dispositif est intégralement repris en page 2. La seule circonstance que le ministre a produit, dans une autre instance, une copie du même recueil ne comprenant pas ces dernières mentions en page 2 n'est pas de nature à remettre en cause la réalité de la publicité de l'intégralité de l'arrêté de délégation de pouvoir du 21 décembre 2011. D'autre part, si M. et Mme G... se prévalent de l'illégalité de cet arrêté, au motif que la délégation de pouvoir ne visait pas des agents de catégorie A désignés par le responsable départemental des finances publiques, ainsi que l'exigeait la version de l'article 1658 du code général des impôts en vigueur jusqu'au 30 décembre 2011, cet article n'impose plus, depuis sa modification par l'article 1er de la loi du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011, entrée en vigueur le 30 décembre 2011, une telle désignation nominative. Cet arrêté était donc, en tout état de cause, devenu légal à la date de l'homologation des rôles n° 301, n° 320 et n° 927, qui incorporent les impositions litigieuses, qui a été effectuée en 2015.
12. Il résulte de l'instruction que l'homologation de ces rôles a été effectuée par M. A... H..., administrateur des finances publiques à la direction des finances publiques de la Haute-Garonne, et Mme C... F..., administratrice des finances publiques adjointe, lesquels n'avaient pas la qualité de comptable. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence des auteurs de ces homologations doit être écarté.
13. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme G... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande.
Sur les conclusions tendant à la mise en œuvre de la procédure en inscription de faux :
14. Aux termes de l'article R. 633-1 du code de justice administrative : " Dans le cas d'une demande en inscription de faux contre une pièce produite, la juridiction fixe le délai dans lequel la partie qui l'a produite sera tenue de déclarer si elle entend s'en servir. / Si la partie déclare qu'elle n'entend pas se servir de la pièce, ou ne fait pas de déclaration, la pièce est rejetée. Si la partie déclare qu'elle entend se servir de la pièce, la juridiction peut soit surseoir à statuer sur l'instance principale jusqu'après le jugement du faux rendu par le tribunal compétent, soit statuer au fond, si elle reconnaît que la décision ne dépend pas de la pièce arguée de faux ".
15. Il appartient au juge administratif de connaître des contestations, y compris celles présentées sous la forme d'inscriptions de faux, portant sur la copie de l'extrait du recueil spécial des actes administratifs de la préfecture de Haute-Garonne n° 155/RS 2011 produit par le ministre. Par suite, les conclusions de M. et Mme G... tendant à ce qu'il soit fait application des dispositions de l'article R. 633-1 du code de justice administrative relatives à l'inscription de faux concernant ce document produit par le ministre doivent être rejetées. La seule circonstance que cette copie n'a pas la même présentation formelle que celle du même recueil, que l'administration fiscale a produite dans le cadre d'une autre instance, ne suffit pas à considérer qu'elle constituerait un faux.
Sur les frais liés au litige :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de quelque somme que ce soit sur leur fondement.
D E C I D E :
Article 1er : La requête présentée par M. et Mme G... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme E... et D... G... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Pyrénées.
Délibéré après l'audience du 12 janvier 2023, où siégeaient :
- M. Barthez, président,
- M. Lafon, président assesseur,
- Mme Restino, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 janvier 2023.
Le rapporteur,
N. B...
Le président,
A. Barthez
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°20TL20557 2