Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société mutuelle d'assurance des collectivités locales (SMACL), assureur de la commune de Blagnac agissant en qualité d'assureur subrogé dans les droits de son assurée, a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner solidairement, sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs, la société par actions simplifiée Barbanel et la société anonyme Dalkia à lui verser une somme de 279 612 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 17 avril 2014 correspondant à l'indemnité d'assurance qu'elle a versée au titre des désordres affectant la tour de refroidissement de la patinoire municipale de Blagnac.
Par un jugement n° 1900532 du 25 février 2021, le tribunal administratif de Toulouse a, d'une part, solidairement condamné, sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs, les sociétés Barbanel et Dalkia à verser à la société mutuelle d'assurance des collectivités locales une somme de 243 385,43 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts au taux légal à compter du 30 janvier 2019 et rejeté le surplus des conclusions de la demande et, d'autre part, condamné la société Barbanel à garantir la société Dalkia à hauteur de 80 % de cette condamnation et la société Dalkia à garantir la société Barbanel à hauteur de 20 %.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée au greffe de la cour administrative de Bordeaux le 23 avril 2021, puis, le 11 avril 2022, devant la cour administrative d'appel de Toulouse, la société Barbanel, représentée par Me Clamens, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 25 février 2021 du tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il a retenu l'engagement de sa responsabilité décennale et l'a solidairement condamnée à verser une somme de 243 385,43 euros à la société mutuelle d'assurance des collectivités locales assortie des intérêts au taux légal et, à titre subsidiaire, de réformer le partage de responsabilité retenu par le tribunal ;
2°) à titre principal, de rejeter la demande présentée par la société mutuelle d'assurance des collectivités locales tendant à l'engagement de sa responsabilité décennale et, à titre subsidiaire, de réduire sa part de responsabilité dans la survenance des désordres en la fixant à 20 % et en imputant le surplus à la société Dalkia au titre de manquements à ses obligations contractuelles ;
3°) à titre principal, de mettre à la charge de la société mutuelle d'assurance des collectivités locales une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, à titre subsidiaire, de mettre cette même somme sur le même fondement à la charge de la société Dalkia.
Elle soutient que :
- à titre principal, c'est à tort que le tribunal a retenu l'engagement de sa responsabilité sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs alors que les désordres affectant la tour aéroréfrigérante de la patinoire municipale de Blagnac sont imputables aux modifications apportées à cet ouvrage par la société Dalkia lors d'opérations de maintenance de sorte que celui-ci ne correspond pas à celui qu'elle a conçu ;
- seule la responsabilité décennale de la société Dalkia doit être engagée dès lors que l'ouvrage en litige a fonctionné sans rencontrer de difficultés pendant huit années avant que la société Dalkia ne prenne l'initiative d'opérer des modifications substantielles consistant à supprimer l'alarme dite mineure, à injecter un produit antigel dans l'eau du réseau en 2010 et à mettre en place un fonctionnement en mode réduit entre 22 heures et 7 heures, alors que l'installation était protégée par une fonction antigel automatique composée d'une vanne trois voies et d'une alarme mineure ;
- en toute hypothèse, il y a lieu de réformer le partage de responsabilité retenu par le tribunal en mettant à la charge de la société Dalkia une part de 80 % dans la survenance des désordres.
Par des mémoires en défense et des pièces, enregistrés les 14 ,16 juin et 13 décembre 2022, la société mutuelle d'assurance des collectivités locales, représentée par Me Arnaud, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête de la société Barbanel ;
2°) par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement attaqué en tant, d'une part, qu'il a limité l'indemnisation du coût de remplacement de l'équipement défaillant à la somme de 243 385,43 euros et rejeté sa demande d'indemnisation des travaux de démontage des installations provisoires, des pénalités pour carence dans la maintenance des installations prévues dans le cadre du contrat de maintenance conclu entre la commune de Blagnac et la société Dalkia, du préjudice d'exploitation subi par le Toulouse Blagnac Hockey Club (TBHC) et des frais d'assistance lors des opérations d'expertise et, d'autre part, qu'il a fixé le point de départ des intérêts au taux légal sur l'indemnité de 243 385,17 euros à laquelle les constructeurs ont été condamnés au 30 janvier 2019, date d'enregistrement de la demande devant le tribunal et de condamner solidairement les sociétés Barbanel et Dalkia à lui verser la somme de 262 854,09 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 28 avril 2014, date de versement de l'indemnité d'assurance à la commune de Blagnac ainsi que les sommes de 7 565,17 euros et 16 758,52 euros respectivement au titre des frais d'expertise judiciaire et amiable ;
3°) de mettre solidairement à la charge des sociétés Barbanel et Dalkia une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
En qui concerne l'appel principal :
- c'est à bon droit que le tribunal a jugé que la responsabilité décennale de la société Barbanel était engagée et a fixé sa part de responsabilité dans la survenance des désordres à hauteur de 80 % dès lors que ce bureau d'études fluides a conçu une tour aéroréfrigérante fonctionnant sans injection de glycol pour la protéger du gel, la sécurité antigel étant assurée par le seul fonctionnement d'une vanne trois voies, tandis que les tubes en cuivre employés présentaient une faiblesse généralisée ;
- la circonstance que l'installation en litige a fonctionné plusieurs années sans incident n'est pas de nature à exonérer la société appelante de sa responsabilité dès lors que la température extérieure avait atteint, au plus bas, - 8,4 ° C entre la réception de l'ouvrage en 2004 et l'année 2010, date à laquelle la société Dalkia a entrepris de modifier le dispositif de protection antigel tandis que la température était de - 10,3 °C lors de la survenance du sinistre en 2012 et que les modifications apportées par la société Dalkia dans le cadre de la maintenance de l'ouvrage ne constituent qu'un facteur aggravant ayant eu pour effet d'accélérer le vieillissement de l'installation ;
- c'est à bon droit que le tribunal a jugé que la responsabilité décennale de la société Dalkia était engagée et a fixé sa part de responsabilité dans la survenance des désordres à hauteur de 20 % dès lors qu'en modifiant les conditions d'exploitation et les paramètres initiaux de gestion des installations, ce qui a eu pour effet d'accélérer le vieillissement de celles-ci, cette société a commis une faute dans l'exécution du contrat de maintenance des équipements thermiques la liant à la commune de Blagnac de nature à engager sa responsabilité ;
En ce qui concerne son appel incident :
- c'est à tort que les premiers juges ont limité son indemnité à la somme de 243 385,43 euros toutes taxes comprises alors que l'expert désigné par le tribunal a retenu l'application de pénalités prévues dans le contrat d'exploitation pour un montant de 1 800 euros toutes taxes comprises, le préjudice d'exploitation subi par le Toulouse Blagnac Hockey Club évalué à la somme de 18 008 euros toutes taxes comprises, le coût des travaux de démontage des installations provisoires ainsi que le coût de stockage de l'installation endommagée dont le chiffrage est à parfaire ;
- après avoir adressé une quittance de règlement s'élevant à la somme initiale de 279 612 euros toutes taxes comprises comprenant une somme de 138 596 euros au titre du règlement immédiat du sinistre et une somme de 141 016 euros au titre de l'indemnité différée d'assurance versée après travaux et sur justificatifs, elle a finalement procédé au versement d'une indemnité d'assurance de 122 582,24 euros le 28 avril 2014 et de 140 271,85 euros le 18 octobre 2014, soit une indemnité totale de 262 854,09 euros ; elle est fondée à obtenir la condamnation solidaire des sociétés Barbanel et Dalkia à lui verser cette dernière somme ;
- c'est à tort que le tribunal a fixé le point de départ des intérêts au taux légal au 30 janvier 2019, date d'enregistrement de sa demande alors que ces intérêts étaient dus à compter du 28 avril 2014, date à laquelle elle a versé une indemnité à son assurée ;
- elle est fondée à obtenir la condamnation solidaire des sociétés Barbanel et Dalkia à lui verser les sommes de 16 758,52 euros et de 7 565,17 euros toutes taxes comprises correspondant respectivement aux frais d'expertise amiable et à la consignation des honoraires de l'expert désigné par le tribunal dont elle s'est acquittée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 juin 2022, la société Dalkia, représentée, en dernier lieu, par Me Bascugnana, demande à la cour :
1°) par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement attaqué en tant qu'il a retenu l'engagement de sa responsabilité décennale, à titre subsidiaire, de condamner la société Barbanel à la relever et à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ou, à titre très subsidiaire, de limiter sa part de responsabilité dans la survenance des désordres à 25 % ;
2°) de mettre à la charge de la société mutuelle d'assurance des collectivités locales une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
En ce qui concerne l'appel principal de la société Barbanel, elle soutient que :
- aucun désordre à caractère décennal ne peut lui être imputé dès lors qu'elle n'a pas la qualité de constructeur et que son intervention a porté sur la maintenance des installations tandis que l'action de la société mutuelle d'assurance des collectivités locales est fondée sur le régime de la garantie décennale des constructeurs ;
- seule la responsabilité de la société Barbanel est engagée dès lors qu'elle n'était, pour sa part, pas en charge de la conception de l'ouvrage et que l'expert a estimé que les désordres trouvaient leur origine dans la conception des installations, en particulier dans la faiblesse généralisée des tubes employés pour construire les aéroréfrigérants et l'absence de fonctionnement au glycol, le concepteur ayant seulement prévu une vanne trois voies ;
- elle n'est intervenue qu'en vertu du marché de maintenance conclu avec la commune de Blagnac portant sur le contrôle, la surveillance, le réglage et l'entretien courant des installations de chauffage, de production de froid et de ventilation de la patinoire ;
- l'initiative qu'elle a prise, selon l'expert, de modifier les conditions d'exploitation et les paramètres initiaux de gestion de l'installation a seulement été de nature à accélérer son vieillissement ;
- ce prétendu manquement retenu par l'expert concerne uniquement l'exécution du contrat de maintenance conclu avec la commune de Blagnac et est étranger à l'acte de construire, contrairement aux manquements commis par le bureau d'études Barbanel ;
- sa responsabilité ne peut être engagée que sur le fondement de la responsabilité contractuelle, laquelle suppose une faute, un préjudice et un lien de causalité entre la faute et le préjudice ;
Par la voie de l'appel incident, elle soutient que :
- elle est fondée à présenter un appel en garantie contre la société Barbanel laquelle a commis des erreurs de conception et doit supporter les conséquences dommageables des désordres ;
- à titre subsidiaire, si la cour devait retenir l'engagement de sa responsabilité, sa part de responsabilité dans la survenance des désordres devra être limitée, ainsi que l'a jugé le tribunal ;
Par la voie de l'appel provoqué, elle soutient que :
- à titre principal, la demande de la société mutuelle d'assurance des collectivités locales tendant à l'engagement de sa responsabilité décennale est prescrite en application des articles 2224 et 2239 du code civil ;
- à titre subsidiaire, elle n'a pas la qualité de constructeur au sens des articles 1792 et suivants du code civil et les griefs formulés à son encontre ne relèvent pas de la responsabilité décennale des constructeurs ; ainsi, la faute qui lui est reprochée, qui repose sur la modification des paramètres de l'installation dans le cadre de l'exécution du contrat de maintenance qui la lie à la commune de Blagnac, ne présente aucun lien avec l'acte de construire et la conception de l'ouvrage et n'est pas à l'origine du dommage ;
- aucune malfaçon dans la réalisation de l'ouvrage n'a été retenue par l'expert, seule la responsabilité de la société Barbanel doit être engagée en raison de son erreur de conception.
Par une ordonnance du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'État a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de la société Barbanel.
La requête a été communiquée à la société XL Insurance Company SE, venant aux droits de la société AXA Corporate Solutions Assurance, et à la société Allianz, qui n'ont pas produit d'observations.
Par une ordonnance du 12 décembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 10 janvier 2023, à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des assurances
- le code civil ;
- le code des marchés publics ;
- la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme El Gani-Laclautre,
- les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique,
- et les observations de Me Oum, représentant la société mutuelle d'assurance des collectivités locales.
Considérant ce qui suit :
1. En 2004, la commune de Blagnac (Haute-Garonne) a entrepris de remplacer la tour de refroidissement de la patinoire municipale composée de deux aéroréfrigérants, également dénommés " dry coolers " ou " échangeurs adiabatiques ". Par un acte d'engagement du 14 avril 2004, la maîtrise d'œuvre du projet a été confiée un groupement conjoint composé de la société Barbanel, bureau d'études fluides et mandataire du groupement, de la société MD Architecture, architecte, et de la société GAMBA, acousticien. Par un acte d'engagement du 9 juin 2004, le lot n° 3 " climatisation - électricité " du marché de travaux a été attribué à la société Dalkia, laquelle a recouru à un sous-traitant, l'entreprise Aygobère Louis et fils, pour les prestations de tuyautage. Les travaux, qui ont porté sur la dépose des installations existantes et provisoires et le remplacement de la tour de refroidissement, pour un montant total toutes taxes comprises de 149 497,35 euros, ont été réceptionnés le 17 septembre 2004, avec effet au 30 août 2004. L'exploitation et la maintenance de la tour de refroidissement ont été confiées à la société Dalkia par un acte d'engagement du 17 août 2009 attribuant à cette société le lot n° 2 " sous-station patinoire " du marché de fournitures courantes et de services conclu pour l'exploitation et la maintenance des équipements thermiques des bâtiments raccordés au réseau de chaleur.
2. Dans la matinée du 8 février 2012, la tour de refroidissement de la patinoire a subi un incident majeur lié à la rupture des canalisations de décharge des deux aéroréfrigérants. Après avoir vainement tenté de remettre en état des canalisations endommagées pour redémarrer les installations, la commune de Blagnac a loué du matériel de substitution pour permettre l'ouverture de la patinoire. La commune de Blagnac a, par la suite, conclu un nouveau marché de travaux pour procéder au remplacement de la tour de refroidissement. Par une ordonnance n° 1202138 du 3 juillet 2012, la commune de Blagnac a obtenu la désignation d'un expert, dont le rapport a été remis le 3 mai 2013. Par une ordonnance n°s 1203474 - 1203478 du 19 septembre 2012, l'expertise a été étendue, à la demande de la commune de Blagnac et de la société Dalkia, au bureau d'études techniques fluides Barbanel et à la société Louis Aybobère et Fils, sous-traitante du lot n° 3. La société mutuelle d'assurance des collectivités locales, assureur de la commune de Blagnac, a ensuite versé, les 28 avril et 18 octobre 2014, une indemnité d'assurance d'un montant total de 262 854,09 euros, composé d'une somme de 140 271,85 euros au titre du règlement immédiat du sinistre affectant la tour de refroidissement de la patinoire municipale et aux honoraires de l'expert et d'une somme de 122 582,24 euros au titre de l'indemnité différée d'assurance au regard des justificatifs transmis par l'assurée.
3. Agissant dans le cadre de la subrogation légale prévue à l'article L. 121-12 du code des assurances et estimant que la responsabilité des sociétés Barbanel et Dalkia était engagée à l'égard de la commune de Blagnac sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs, la société mutuelle d'assurance des collectivités locales a saisi le tribunal administratif de Toulouse d'une demande tendant à ce que ces sociétés soient condamnées, en dernier lieu, à lui verser, d'une part, une somme de 279 612 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts au taux légal à compter du 17 avril 2014, en réparation des préjudices résultant des désordres affectant la tour de refroidissement de la patinoire municipale de Blagnac et, d'autre part, une somme de 7 565,17 euros au titre des frais et honoraires de l'expert désigné par le tribunal, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de leur règlement par ses soins.
4. La société Barbanel relève appel du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 25 février 2021, en tant qu'il a retenu l'engagement de sa responsabilité décennale et l'a solidairement condamnée à verser à la société mutuelle d'assurance des collectivités locales une somme de 243 385,17 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 30 janvier 2019.
5. Par la voie de l'appel incident, la société mutuelle d'assurance des collectivités locales demande à la cour de réformer le jugement attaqué en tant, d'une part, qu'il a limité l'indemnisation de son préjudice et, d'autre part, qu'il a fixé le point de départ des intérêts au taux légal sur l'indemnité de 243 385,17 euros à laquelle les constructeurs ont été condamnés au 30 janvier 2019, date d'enregistrement de la demande devant le tribunal, et de condamner solidairement les sociétés Barbanel et Dalkia à lui verser la somme de 262 854,09 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 28 avril 2014, date de versement de l'indemnité d'assurance à la commune de Blagnac ainsi que la somme de 16 758,52 euros au titre des frais d'expertise amiable.
6. Par la voie de l'appel incident, la société Dalkia demande à la cour de réformer le jugement attaqué en tant qu'il a retenu l'engagement de sa responsabilité décennale, à titre subsidiaire, de condamner la société Barbanel à la relever et à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ou, à titre très subsidiaire, de limiter sa part de responsabilité dans la survenance des désordres à 25 %.
Sur l'exception de prescription opposée par la société Dalkia :
7. Aux termes de l'article 2270 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige : " Toute personne physique ou morale dont la responsabilité peut être engagée en vertu des articles 1792 à 1792-4 du présent code est déchargée des responsabilités et garanties pesant sur elle, en application des articles 1792 à 1792-2, après dix ans à compter de la réception des travaux ou, en application de l'article 1792-3, à l'expiration du délai visé à cet article ". Aux termes de l'article 2224 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile : " Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ". Aux termes de l'article 2239 du même code, dans sa rédaction issue de la même loi : " La prescription est également suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès. / Le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter du jour où la mesure a été exécutée ".
8. Dès lors que la société mutuelle d'assurance des collectivités locales, agissant en qualité d'assureur subrogé dans les droits et actions du maître de l'ouvrage, a exclusivement entendu engager la responsabilité des sociétés Barbanel et Dalkia sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs, soumise en application des dispositions précitées de l'article 2270 du code civil à un délai de prescription de dix ans constituant également un délai d'épreuve, la société Dalkia ne peut utilement se prévaloir de la prescription quinquennale instituée par les dispositions précitées de l'article 2224 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile.
9. En tout état de cause, à supposer la société Dalkia comme se prévalant de l'expiration du délai de garantie décennale institué par les dispositions précitées de l'article 2270 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige, désormais codifiées à l'article 1792-4-1 du même code, l'article L. 121-12 du code des assurances dispose que : " L'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur ". L'assureur qui bénéficie de la subrogation instituée par ces dispositions dispose de la plénitude des droits et actions que l'assuré qu'il a dédommagé aurait été admis à exercer à l'encontre de toute personne responsable, à quelque titre que ce soit, du dommage ayant donné lieu au paiement de l'indemnité d'assurance.
10. Le premier alinéa de l'article R. 532-1 du code de justice administrative dispose que : " Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction ". Aux termes de l'article 2241 du code civil : " La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription (...) ". Alors même que l'article 2244 du code civil dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile réservait un effet interruptif aux actes " signifiés à celui qu'on veut empêcher de prescrire ", termes qui n'ont pas été repris par le législateur aux nouveaux articles 2239 et 2241 de ce code, il ne résulte ni des dispositions de la loi du 17 juin 2008 ni de ses travaux préparatoires que la réforme des règles de prescription résultant de cette loi aurait eu pour effet d'étendre le bénéfice de la suspension ou de l'interruption du délai de prescription à d'autres personnes que le demandeur à l'action. Il en résulte qu'une citation en justice, au fond ou en référé, n'interrompt la prescription qu'à la double condition d'émaner de celui qui a la qualité pour exercer le droit menacé par la prescription et de viser celui-là même qui en bénéficierait.
11. S'agissant en particulier de la responsabilité décennale des constructeurs, il en résulte que, lorsqu'une demande est dirigée contre un constructeur, la prescription n'est pas interrompue à l'égard de son assureur s'il n'a pas été également cité en justice. Lorsqu'une demande est dirigée contre un assureur au titre de la garantie décennale souscrite par un constructeur, la prescription n'est interrompue qu'à la condition que cette demande précise en quelle qualité il est mis en cause, en mentionnant l'identité du constructeur qu'il assure. À cet égard n'a pas d'effet interruptif de la prescription au profit d'une partie la circonstance que les opérations d'expertise ont déjà été étendues à cet assureur par le juge, d'office ou à la demande d'une autre partie. De son côté, l'assureur du maître de l'ouvrage, susceptible d'être subrogé dans ses droits, bénéficie de l'effet interruptif d'une citation en justice à laquelle le maître d'ouvrage a procédé dans le délai de garantie décennale.
12. Il résulte de l'instruction que les travaux ont été réceptionnés le 30 août 2004 avec des désordres sans lien avec les désordres en litige. Si la commune de Blagnac a saisi, le 4 mai 2012, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, sur le fondement de l'article R. 531-1 du code de justice administrative, d'une demande tendant à prescrire une expertise relative aux désordres qui affectent les aéroréfrigérants de la patinoire, à laquelle il a été fait droit par ordonnance n° 1202138 du 3 juillet suivant, le rapport de l'expert a été déposé le 3 mai 2013 au greffe du tribunal. Par suite, et en application des articles 2241 et 2242 du code civil, le délai de prescription de l'action en garantie décennale dont disposait la commune de Blagnac a été interrompu jusqu'au 3 mai 2013 et un nouveau délai d'action de dix ans a couru à l'égard de cette commune à compter du 4 mai 2013.
13. Dès lors que, selon le principe rappelé au point 11, l'assureur du maître de l'ouvrage, susceptible d'être subrogé dans ses droits, bénéficie de l'effet interruptif d'une citation en justice à laquelle le maître d'ouvrage a procédé dans le délai de garantie décennale, l'action en garantie décennale de la société mutuelle d'assurance des collectivités locales tendant à la réparation des désordres affectant la tour de refroidissement de la patinoire municipale de Blagnac n'était pas prescrite en application de l'article 2270 du code civil, désormais article 1792-4-1 du même code, lorsqu'elle a saisi, le 30 janvier 2019, le tribunal administratif de Toulouse. Par suite, l'exception de prescription décennale, à la supposer opposée en défense par la société Dalkia, ne peut qu'être écartée.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
14. Il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans, dès lors que les désordres leur sont imputables, même partiellement et sauf à ce que soit établie la faute du maître d'ouvrage ou l'existence d'un cas de force majeure.
15. Il incombe au juge administratif, lorsqu'est recherchée devant lui la responsabilité décennale des constructeurs, d'apprécier, au vu de l'argumentation que lui soumettent les parties sur ce point, si les conditions d'engagement de cette responsabilité sont ou non réunies et d'en tirer les conséquences, le cas échéant d'office, pour l'ensemble des constructeurs.
En ce qui concerne la nature des désordres et leur caractère décennal :
16. Il résulte de l'instruction, éclairée par le rapport d'expertise, que dans la nuit du 7 au 8 février 2012, la température extérieure est descendue à -9,1°C à 2 heures et jusqu'à -10,3°C à 6 heures tandis que les installations ont été mises à l'arrêt complet entre 9 heures et 11 heures et ont connu des redémarrages successifs en fonction des besoins de la patinoire. Le déclenchement de l'alarme en défaut général à 10 heures 30, relayée par le centre de télésurveillance à 11 heures 16, a mis en évidence une rupture par surpression des canalisations de décharge situées sur les collecteurs de répartition en entrée et sortie des deux aéroréfrigérants. La majorité de ces tubes en cuivre, qu'ils soient en entrée droite ou en crosse, a été percée par des éclatements au niveau de la partie soudo-brasée en raison des chocs thermiques à répétition subis par l'installation, ces éclatements affectant de manière préférentielle les entrées et les sorties des aéroréfrigérants, au niveau de la brasure entre la partie mâle et la partie femelle des tubes en cuivre, soit les zones les plus fragiles exposées aux contraintes thermiques et mécaniques les plus importantes. Cet incident majeur a entraîné la mise à l'arrêt immédiat des installations. Ces désordres, qui affectent un élément indissociable de la patinoire municipale de Blagnac et sont de nature à rendre cet ouvrage impropre à sa destination, présentent, dès lors, un caractère décennal, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal.
En ce qui concerne l'imputabilité des désordres :
17. Selon la société Barbanel, la tour de refroidissement a fonctionné sans difficultés majeures pendant huit ans avant que la société Dalkia, ne prenne l'initiative de procéder à des modifications substantielles dans le cadre des opérations de maintenance. Toutefois, il résulte de l'instruction, éclairée par le rapport de l'expert et l'acte d'engagement conclu le 14 avril 2004 entre la commune de Blagnac et le groupement de maîtrise d'œuvre, en particulier de tableau de répartition des honoraires, que la société Barbanel, bureau d'études techniques fluides et mandataire de ce groupement, a été en charge d'une mission de maîtrise d'œuvre de la tour de refroidissement comprenant la réalisation d'études de projet (PRO), l'assistance du maître de l'ouvrage pour la passation des contrats de travaux (ACT), la direction de l'exécution des contrats de travaux (DET), le visa des plans d'exécution (VISA), et l'assistance aux opérations de réception (AOR). Par suite, dès lors que les désordres affectent la tour de refroidissement dont elle était en charge de la conception, c'est à bon droit que le tribunal a jugé que sa responsabilité décennale était engagée en qualité de constructeur.
18. En outre, il résulte de l'acte d'engagement conclu le 9 juin 2004 entre la commune de Blagnac et la société Dalkia et portant sur le lot n° 3 " climatisation électricité " du marché de travaux conclu pour le remplacement de la tour de refroidissement de la patinoire municipale et de la décomposition du prix global et forfaitaire, que cette société était en charge de la dépose des installations existantes et provisoires et du remplacement de la tour de refroidissement, en particulier de la pose de deux aéroréfrigérants et de la fourniture et de la pose des tuyauteries. Dès lors que ce constructeur est contractuellement intervenu dans le cadre d'un marché de travaux pour assurer la pose des deux aéroréfrigérants et des tubes en cuivre qui accusent des désordres, sa responsabilité décennale a, à juste titre, été engagée par les premiers juges, sans que cette dernière, qui est liée à la commune de Blagnac par un contrat de louage d'ouvrage, puisse utilement se prévaloir ni de la circonstance qu'elle n'a pas la qualité de constructeur, ni de l'absence de faute contractuelle dans le cadre de la maintenance des installations dont elle est, par ailleurs, en charge.
19. Il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a jugé que la responsabilité des sociétés Barbanel et Dalkia était solidairement engagée sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs au titre des désordres affectant la tour de refroidissement de la patinoire municipale de Blagnac.
En ce qui concerne les préjudices indemnisables :
20. En premier lieu, le tribunal a fait une juste appréciation de l'indemnité due au titre de la reprise des désordres affectant l'ouvrage en litige, des préjudices liés à la mise en place d'une tour de refroidissement provisoire et du préjudice d'exploitation subi par l'assurée en condamnant les constructeurs à verser à la société mutuelle d'assurance des collectivités locales les sommes respectives de 80 012,85 euros toutes taxes comprises au titre de la location d'aéroréfrigérants de substitution entre le 20 juin 2012 et le 24 mars 2013 auprès de la société Aggreko, posés à l'extérieur de la patinoire, de 3 941,85 euros toutes taxes comprises au titre des travaux de raccordement de ce matériel de substitution aux installations existantes, de 4 782,90 euros toutes taxes comprises au titre des frais de location de barrières de protection et de sécurité en périphérie de ce matériel de substitution, de 865 euros au titre des frais de stockage des aéroréfrigérants endommagés à raison de 245 euros par mois sur la période du 22 juillet au 8 novembre 2012, de 151 696,83 euros toutes taxes comprises comprenant, suivant le devis transmis à l'expert, le remplacement de la tour de refroidissement et la pose d'un compteur d'eau, et, enfin, de 2 086 euros au titre du préjudice d'exploitation subi par la commune de Blagnac.
21. En deuxième lieu, dès lors que la société mutuelle d'assurance des collectivités locales, dont l'action en garantie décennale est fondée sur la subrogation légale instituée à l'article L. 121-12 du codes des assurances, n'est pas l'assureur du Toulouse Blagnac Hockey Club, lequel n'a pas davantage la qualité de maître de l'ouvrage affecté par les désordres en litige, c'est à bon droit que le tribunal a rejeté la demande tendant à l'indemnisation du préjudice d'exploitation subi par ce club sportif.
22. En troisième lieu, il est constant que l'expert désigné par le tribunal a préconisé l'application de cinq jours de pénalités au titre du retard imputable à la société Dalkia dans la fourniture des aéroréfrigérants de substitution en état de fonctionnement en se fondant sur les stipulations des articles 6.1.1 et 6.2.1 du contrat de maintenance conclu le 17 août 2009, entre la commune de Blagnac et cette société pour l'exploitation et la maintenance de la patinoire municipale, cette dernière étant tenue au paiement de pénalités de 200 euros par jour de carence en cas de défaillance de sa part dans la production de froid et de 100 euros par jour de carence en cas d'insuffisance de froid. Toutefois, dès lors que ces pénalités, qui n'ont au demeurant pas été réglées par le maître de l'ouvrage, mais peuvent être appliquées, à son initiative, à la société en charge de la maintenance des installations, ne présentent pas un lien de causalité direct avec les désordres en litige et qu'elles trouvent leur fait générateur dans le contrat de maintenance précité et non dans l'exécution du marché de travaux en litige, c'est à bon droit que, par le jugement attaqué, le tribunal n'a pas fait droit à la demande d'indemnisation de ce chef de préjudice.
23. En quatrième lieu, si la société mutuelle d'assurance des collectivités locales se prévaut des frais exposés par son assurée pour le démontage des installations aéroréfrigérantes provisoires, elle n'établit pas la réalité de ce préjudice, qui n'est, au demeurant, pas chiffré. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté la demande d'indemnisation de ce poste de préjudice.
24. En cinquième lieu, il est constant que les frais d'une expertise diligentée par le maître de l'ouvrage dans le cadre de désordres présentant un caractère décennal causés dans le cadre de l'exécution de travaux publics peuvent être compris dans l'indemnité due par les constructeurs responsables si cette expertise a été utile au juge administratif pour la détermination du préjudice indemnisable.
25. Toutefois, en se bornant à indiquer qu'une somme de 16 758,52 euros a été exposée au titre des frais d'expertise amiable et en demandant, au demeurant, pour la première fois en appel l'indemnisation de ces frais, la société mutuelle d'assurance des collectivités locales n'établit pas la réalité de ce préjudice pas plus qu'elle ne démontre que ces frais d'expertise amiable ont été utilement engagés par le maître de l'ouvrage pour établir la réalité et la consistance de ses préjudices. Par suite, les conclusions incidentes par lesquelles la société mutuelle d'assurance des collectivités locales demande la condamnation des constructeurs à indemniser les frais d'expertise amiable doivent, en tout état de cause, être rejetées.
26. En sixième et dernier lieu, aux termes de l'article R. 621-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable au litige : " La juridiction peut, soit d'office, soit sur la demande des parties ou de l'une d'elles, ordonner, avant dire droit, qu'il soit procédé à une expertise sur les points déterminés par sa décision (...) ". Aux termes de l'article R. 621-11 du même code : " Les experts et sapiteurs mentionnés à l'article R. 621-2 ont droit à des honoraires, sans préjudice du remboursement des frais et débours (...) ". Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'État. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties (...) ". Aux termes de l'article R. 761-4 du même code : " La liquidation des dépens, y compris celle des frais et honoraires d'expertise définis à l'article R. 621-11, est faite par ordonnance du président de la juridiction, après consultation du président de la formation de jugement ou, en cas de référé ou de constat, du magistrat délégué (...) ". En vertu de la règle, applicable même sans texte à toute juridiction administrative, qui lui impartit, sauf dans le cas où un incident de procédure y ferait obstacle, d'épuiser son pouvoir juridictionnel, il appartient au tribunal administratif de se prononcer sur la dévolution des frais d'expertise.
27. Il résulte de l'instruction que la somme de 7 565,17 euros toutes taxes comprises dont la société mutuelle d'assurance mutuelle des collectivités locales demande l'indemnisation correspond à la somme à laquelle les frais et honoraires de l'expert ont été liquidés par une ordonnance du président du tribunal n°s 1202138 - 1203474 - 1203487 du 3 mai 2013 et sont, dès lors, compris dans les dépens de l'instance au sens des dispositions précitées de l'article R. 761-1 du code de justice administrative. Par suite, il appartenait seulement au tribunal, ainsi qu'il l'a au demeurant fait, de se prononcer sur leur dévolution. Dans ces conditions, la société mutuelle d'assurance des collectivités locales n'est pas fondée, par la voie de l'appel incident, à demander la condamnation des constructeurs à lui verser une indemnité à ce titre.
Sur les intérêts :
28. Aux termes de l'article 1231-6 du code civil : " Les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure (...) ". Lorsqu'ils ont été demandés, et quelle que soit la date de cette demande, les intérêts moratoires dus en application de l'article 1231-6 du code civil courent à compter du jour où la demande de paiement du principal est parvenue au débiteur ou, en l'absence d'une telle demande préalablement à la saisine du juge, à compter du jour de cette saisine. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal a jugé que la société mutuelle d'assurance des collectivités locales a droit aux intérêts au taux légal sur l'indemnité à laquelle les constructeurs ont été condamnés à compter du 30 janvier 2019, date de sa première saisine juridictionnelle tendant à l'engagement de la responsabilité décennale des constructeurs et non, contrairement à ce qu'elle soutient, à compter du compter du 28 avril 2014, correspondant, selon elle, à la date à laquelle elle a réglé l'indemnité d'assurance à son assurée.
29. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de soulever d'office l'irrecevabilité de ses conclusions incidentes à fin d'indemnisation en tant qu'elles excèdent la somme de 262 854,09 euros correspondant à l'indemnité d'assurance effectivement versée à son assurée, la société mutuelle d'assurance des collectivités locales n'est pas fondée à soutenir, par la voie de l'appel incident, que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulouse a limité l'indemnisation due au titre des désordres affectant les aéroréfrigérants de la tour de refroidissement de la patinoire municipale de Blagnac à la somme de 243 385,43 euros toutes taxes comprises et fixé le point de départ des intérêts au taux légal au 30 janvier 2019, date d'enregistrement de sa demande devant ce tribunal.
Sur les appels en garantie :
30. Dans le cadre d'un litige né de l'exécution de travaux publics, le titulaire du marché peut rechercher la responsabilité quasi-délictuelle des autres participants à la même opération de construction avec lesquels il n'est lié par aucun contrat, notamment s'ils ont commis des fautes qui ont contribué à l'inexécution de ses obligations contractuelles à l'égard du maître d'ouvrage, sans devoir se limiter à cet égard à la violation des règles de l'art ou à la méconnaissance de dispositions législatives et réglementaires. Il peut en particulier rechercher leur responsabilité du fait d'un manquement aux stipulations des contrats qu'ils ont conclus avec le maître d'ouvrage.
31. D'une part, il résulte de l'instruction que les désordres litigieux sont imputables au dispositif antigel automatique prévu par la société Barbanel lequel repose sur l'activation d'une vanne trois voies proportionnelle à partir du déclenchement à partir d'une alarme mineure lorsque la température atteint 3°C. Soumis à des variations de cycles alternant chaud et froid liées à l'alternance entre périodes d'arrêts et de remise en route des aéroréfrigérants en fonction de la tarification de l'électricité, les tubes en cuivre entre les collecteurs de répartition de l'eau en entrée et en sortie d'échangeur et la zone d'échange en batterie des aéroréfrigérants ont subi des chocs thermiques répétés de nature à entraîner un vieillissement des structures moléculaires en cuivre, lesquelles ont été soumises à des contraintes fortes tandis que la société Barbanel n'a pas prévu de protection des installations par injection de glycol afin de maintenir les installations du gel et s'est limitée à prévoir une vanne trois voies proportionnelle. Il résulte également de l'instruction que ces tubes en cuivre ont subi des éclatements dans leur partie naturellement fragilisée par les soudo-brasures tandis que le gel, qui n'a joué qu'un rôle aggravant, a amplifié les phénomènes de dilatation/compression qui se sont préférentiellement portés sur les entrées et les sorties des tubes en cuivre. Dans ces circonstances, eu égard à sa mission, la faute commise par la société Barbanel doit être regardée, ainsi que l'a retenu à bon droit le tribunal, comme ayant concouru à hauteur de 80 % à la survenance des dommages réparables commis par elle et est de nature à engager sa responsabilité quasi-délictuelle à l'égard des autres constructeurs.
32. D'autre part, il résulte de l'instruction que la société Dalkia, société en charge de la fourniture et de la pose des aéroréfrigérants n'a pas alerté le maître de l'ouvrage sur la protection antigel automatique prévue par le bureau d'études techniques Barbanel et l'absence de fonctionnement au glycol. Eu égard à ses missions, c'est à bon droit que le tribunal a estimé que les fautes commises par la société Dalkia peuvent être regardées comme ayant concouru à hauteur de 20 % à la survenance des dommages réparables et sont de nature à engager sa responsabilité quasi-délictuelle à l'égard des autres constructeurs.
33. Dans ces circonstances et eu égard aux missions respectives des constructeurs, le tribunal a fait une juste appréciation des fautes commises par la société Barbanel, d'une part, et par la société Dalkia, d'autre part, en jugeant que ces sociétés ont respectivement concouru pour 80 % et 20 % à la survenance des dommages réparables. Il s'ensuit que c'est à bon droit que la société Barbanel a été condamnée à garantir la société Dalkia de la condamnation mise à sa charge à hauteur de 80 %. De même, c'est à bon droit que les premiers juges ont condamné la société Dalkia à garantir la société Barbanel à hauteur de 20 % de la condamnation mise à sa charge.
34. Il résulte de tout ce qui précède que la société Barbanel n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a retenu l'engagement de sa responsabilité décennale et l'a solidairement condamnée à verser une somme de 243 385,43 euros à la société mutuelle d'assurance des collectivités locales assortie des intérêts au taux légal en réparation des désordres affectant la tour de refroidissement de la patinoire municipale de Blagnac.
Sur les frais liés au litige :
35. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge de la société mutuelle d'assurance des collectivités locales, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, les sommes que les sociétés Barbanel et Dalkia demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens.
36. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge solidaire des sociétés Barbanel et Dalkia une somme de 1 500 euros à verser, chacune, à la société mutuelle d'assurance des collectivités locales au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DÉCIDE:
Article 1 : La requête de la société Barbanel est rejetée.
Article 2 : Les sociétés Barbanel et Dalkia verseront à la société mutuelle d'assurance des collectivités locales une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Barbanel, à la société mutuelle d'assurance des collectivités locales, à la société anonyme Dalkia, à la société XL Insurance Company SE, venant aux droits de la société AXA Corporate Solutions Assurance, et à la société Allianz.
Copie en sera adressée, pour information, à M. A... B..., expert.
Délibéré après l'audience du 19 septembre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 octobre 2023.
La rapporteure,
N. El Gani-LaclautreLe président,
É. Rey-Bèthbéder
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Garonne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21TL21729