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30/04/2024 | FRANCE | N°22TL21327

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 3ème chambre, 30 avril 2024, 22TL21327


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Ello a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler le titre exécutoire d'un montant de 100 000 euros émis à son encontre le 18 février 2020 par le département des Pyrénées-Orientales à raison de la dégradation de deux portions des routes départementales 29 et 33 empruntées par des véhicules poids lourds lors de la construction de la centrale thermodynamique de Llo par la société Ello.



Par un jugement n° 2001956 du 14

avril 2022 le tribunal administratif de Montpellier a, par l'article 1er du jugement, rejeté sa demande ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Ello a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler le titre exécutoire d'un montant de 100 000 euros émis à son encontre le 18 février 2020 par le département des Pyrénées-Orientales à raison de la dégradation de deux portions des routes départementales 29 et 33 empruntées par des véhicules poids lourds lors de la construction de la centrale thermodynamique de Llo par la société Ello.

Par un jugement n° 2001956 du 14 avril 2022 le tribunal administratif de Montpellier a, par l'article 1er du jugement, rejeté sa demande et par l'article 2 du même jugement, a mis à sa charge, sur le fondement de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 3 572,40 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 juin 2022, la société Ello, représentée par Me de Cazalet, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annuler le titre exécutoire d'un montant de 100 000 euros émis le 18 février 2020 par le département des Pyrénées-Orientales à raison de la dégradation de deux portions des routes départementales 29 et 33 résultant du trafic des véhicules poids lourds engendré par les besoins de la construction d'une centrale thermodynamique ;

3°) de mettre à la charge du département des Pyrénées-Orientales la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le 12 décembre 2016, elle a signé avec le département des Pyrénées-Orientales une convention ayant pour objet d'arrêter les conditions et modalités dans lesquelles elle pourrait être amenée à prendre en charge les éventuelles dégradations de la chaussée pouvant résulter du trafic des véhicules lourds sur les deux portions des routes départementales n°29 et n°33 inhérent à la construction d'une centrale thermodynamique à Llo ;

- faute pour le département d'avoir respecté les termes de la convention qui prévoyait dans son article 2 la réalisation, entre le " constat initial " et le " constat final " , de " constats intermédiaires " " mensuels ", ou même hebdomadaires, dans les phases de " chantier intense " et dans le cas où serait observée une " accélération des dégradations " , les dégradations ne peuvent lui être imputées ;

- par ailleurs, les routes départementales en cause sont empruntées par toutes sortes de véhicules ;

- en outre, contrairement au constat effectué au début des travaux, le 12 septembre 2016, celui réalisé en fin de travaux n'est ni daté, ni signé par elle ; n'ayant pas été établi de façon contradictoire il ne peut attester ni de la réalité des désordres allégués par le département, ni de ce qu'ils lui seraient imputables ;

- de plus, les constats d'huissier qu'elle produit ne permettent pas d'établir que le charroi lié au chantier serait à l'origine des désordres de la voirie, alors que le rapport auquel se réfère l'intimé a été commandé par lui presqu'un an avant la fin du chantier et ne peut davantage établir l'existence de désordres qui lui seraient imputables ;

- les dégradations n'ont été relevées que sur la route départementale 33 et non sur la route départementale 29, ce qui parait incohérent dès lors que les poids-lourds ont emprunté ces deux routes, lors des travaux ;

- par ailleurs, le département ne justifie pas, par les documents qu'il produit, de ce que les travaux qu'il a fait réaliser l'auraient été selon les principes posés par la convention ; ces travaux s'analysent en réalité non en des travaux de réparation sur les routes 29 et 33 mais en des travaux de création d'une nouvelle route .

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 septembre 2022, le département des Pyrénées-Orientales, représenté par Me Burel, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Ello au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par une ordonnance du 26 décembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 30 janvier 2024.

Vu :

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la voirie routière ;

- le code de justice administrative

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bentolila, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique,

- et les observations de Me Bouillon, représentant la société Ello et celles de Me Grail, représentant le département des Pyrénées-Orientales ;

Considérant ce qui suit :

1. La société Ello a été attributaire d'un marché portant sur la conception et la réalisation de la centrale solaire de Llo (Pyrénées-Orientales) dont la construction nécessitait le passage de très nombreux véhicules lourds sur deux portions des routes départementales n° 29 et n° 33. Par une convention, signée le 12 décembre 2016 entre la société Ello et le département des Pyrénées-Orientales, ont été définies les conditions et modalités selon lesquelles cette société pourrait être amenée à prendre en charge le coût des dégradations de la chaussée des routes départementales précitées. Le département des Pyrénées-Orientales a émis, le 18 février 2020, un titre de recettes d'un montant de 100 000 euros à l'encontre de la société Ello, qui en a demandé l'annulation devant le tribunal administratif de Montpellier.

2. Par la présente requête, la société Ello relève appel du jugement du 14 avril 2022 ayant rejeté sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Il résulte de l'instruction que la convention entre la société Ello et le département des Pyrénées-Orientales prévoit, à son article 3 " Financement ", que le coût des éventuels travaux de remise en état des routes départementales n° 29 et n° 33 à l'issue des travaux de construction de la centrale solaire de Llo serait, à l'issue du chantier de construction, supporté par la société Ello à hauteur des dégradations qui auraient été commises par les véhicules de cette société. Toutefois, la même convention prévoyait, à son article 2 " Définition des travaux de remise en état " , " 1-Relevé des dégradations ", la réalisation entre le " constat initial " avant le commencement des travaux, et le " constat final " à la fin des travaux de construction de la Centrale, établis de façon contradictoire, la réalisation, également de façon contradictoire, de " constats intermédiaires " " mensuels ", ou même hebdomadaires, dans les phases de " chantier intense " et dans le cas où serait observée une " accélération des dégradations ".

4. Il est constant que le département des Pyrénées-Orientales n'a pas réalisé avant l'émission du titre exécutoire du 18 février 2020 ces constats intermédiaires, que ce soit mensuellement ou hebdomadairement, alors qu'il résulte de l'instruction et notamment du " Récapitulatif Transports exceptionnels Centrale Solaire " du 17 septembre 2019 établi par le département lui-même, que des convois pouvant atteindre entre 48 tonnes et 171,9 tonnes se sont échelonnés entre le 10 février 2017 et le 9 novembre 2017, ce qui rendait d'autant plus nécessaires ces constats pour établir la réalité et la consistance des éventuelles dégradations imputables aux véhicules de la société Ello, notamment dans la mesure où les routes départementales en cause sont également empruntées par toutes sortes d'autres véhicules. Dans ces conditions, et dès lors que le département des Pyrénées-Orientales ne saurait opposer à la société Ello, qui n'était tenue par la convention à aucune obligation en ce sens, l'absence de demande de sa part de réalisation de constats intermédiaires, mensuels ou hebdomadaires, l'appelante est fondée à demander l'annulation du titre exécutoire émis à son encontre le 18 février 2020, mettant à sa charge la somme de 100 000 euros au titre du coût des travaux effectués sur la voirie départementale.

5. Il résulte de ce qui précède que la société Ello est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation du titre exécutoire d'un montant de 100 000 euros émis à son encontre le 18 février 2020 par le département des Pyrénées-Orientales et a mis à sa charge, sur le fondement de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 3 572,40 euros qui doit être laissée à celle du département.

Sur les frais liés au litige :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Ello, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que le département des Pyrénées-Orientales demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du département des Pyrénées-Orientales au profit de la société Ello, la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 14 avril 2022 du tribunal administratif de Montpellier et le titre exécutoire d'un montant de 100 000 euros émis à l'encontre de la société Ello par le département des Pyrénées-Orientales sont annulés.

Article 2 : Les dépens de l'instance, qui s'élèvent à la somme de 3 572,40 euros, sont remis à la charge du département.

Article 3 : Le département des Pyrénées-Orientales versera à la société Ello la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par le département des Pyrénées-Orientales sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Ello et au département des Pyrénées-Orientales.

Délibéré après l'audience du 2 avril 2024 à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 avril 2024

Le rapporteur

P. Bentolila

Le président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au préfet des Pyrénées-Orientales en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22TL21327 2


Synthèse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL21327
Date de la décision : 30/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

71-02-01-02 Voirie. - Régime juridique de la voirie. - Entretien de la voirie. - Voies départementales.


Composition du Tribunal
Président : M. Rey-Bèthbéder
Rapporteur ?: M. Pierre Bentolila
Rapporteur public ?: Mme Perrin
Avocat(s) : SELARL BLUM - ENGELHARD - DE CAZALET

Origine de la décision
Date de l'import : 05/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2024-04-30;22tl21327 ?
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