Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société anonyme à responsabilité limitée Bibaut environnement a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse de condamner, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, la commune de Toulouse à lui payer une provision de 130 280,43 euros.
Par ordonnance n° 2300298 du 1er juin 2023, la juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et trois mémoires, enregistrés les 14 juin, 31 juillet 2023, 18 septembre et 3 novembre 2023, la société Bibaut environnement, représentée par Me Coussy, demande au juge des référés de la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du 1er juin 2023, la juge des référés du tribunal administratif de Toulouse ;
2°) de condamner la commune de Toulouse à lui verser une provision de 130 381 euros toutes taxes comprises, majorée des intérêts moratoires sur la somme de 221 268 euros toutes taxes comprises à compter du 31ème jour suivant le 10 novembre 2022 et jusqu'au 20 janvier 2023 et des intérêts moratoires sur la somme de 130 381 euros toutes taxes comprises jusqu'au règlement effectif de cette dernière somme ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Toulouse une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- contrairement à ce qu'a estimé la première juge, le matériel mobilisé est celui qui est mentionné sur le bordereau des prix unitaires et la preuve en est que la réception a été prononcée sans réserve ;
- la commune ne saurait se référer à des documents établis de manière non contradictoire et la charge de la preuve de ses affirmations lui incombe ;
- de plus, les éléments du dossier et notamment des clichés photographiques attestent de la présence de camions-châssis et de barges-tombereaux ;
- le refus du comptable public de verser le montant de la totalité du marché ne saurait constituer une contestation sérieuse, seul l'ordonnateur pouvant contester le bien-fondé de la créance.
Par quatre mémoires, enregistré les 17 juillet, 10 août 2023, 27 septembre et 15 novembre 2023, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la commune de Toulouse, représentée par Me Sire, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'appelante la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de la justice administrative.
Elle soutient que :
- le procès-verbal de réception est en lui-même sans effet sur les droits et obligations des parties à un marché public ; ainsi, la réception des travaux ne signifie pas ipso facto que la somme demandée par l'appelante soit justifiée ;
- en l'espèce, il n'est pas établi que le matériel auquel cette dernière se réfère ait réellement été mobilisé ; le fait que les constats d'huissier n'aient pas été établis contradictoirement est sans incidence sur ce qui a été constaté et l'appelante n'apporte aucun élément à l'appui de ses dires ;
- le principe de séparation de l'ordonnateur et du comptable a été, en tout état de cause, respecté.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la commande publique ;
- le code de justice administrative.
Vu la décision du 1er septembre 2022 par laquelle le président de la cour a désigné M. Éric Rey-Bèthbéder, président de la 3ème chambre, pour statuer sur les demandes en référé en application des dispositions de l'article L. 555-1 du code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. Le 16 juin 2020, la métropole de Toulouse a attribué le lot n°1 " travaux de curage de la Garonne, des cours d'eau, lacs et plans d'eau années 2020 à 2023 ", à la société Bibaut Environnement, au titre d'un accord-cadre, passé sous forme d'un groupement de commandes, dont elle est coordonnatrice et qui devait donner lieu à l'émission de bons de commandes pour des travaux à réaliser chaque année entre le 15 janvier et le 15 mars et le 1er septembre et le 30 octobre. La commune de Toulouse avait commandé à cette société, en septembre 2021, des travaux de curage au niveau du Pont Neuf, pour un coût de 129 409 euros TTC, mais une occupation irrégulière du site des travaux a nécessité leur ajournement. Le 29 juin 2022, la commune a émis un nouveau bon de commande pour les mêmes travaux, pour un prix de 139 849 euros TTC, qui n'a pas convenu à la société Bibaut Environnement. Des discussions ont eu lieu entre la commune et l'entreprise sur les prix du bordereau des prix unitaires à viser dans le bon de commande et le coût total des travaux. En dernier lieu, la commune de Toulouse a émis, notamment, un bon de commande d'un montant de 219 828 euros TTC, incluant les rubriques 3.0.3 du BPU : amenée et replis des engins - autres moyens de curage (pelle amphibie et camion tombereau) et 5. 0.3 : Travaux de curage - autres moyens de curage : curage avec pelle amphibie et camion, alors qu'étaient également inclus dans le bon de commande, les rubriques 3.0.1 et 5.0.1 : pelle mécanique sur barge avec bateau pousseur et pelle mécanique sur barge. À l'issue des travaux, acceptés sans réserve, la société Bibaut Environnement a déposé sa facture sur la plate-forme Chorus le 10 novembre 2022, mais celle-ci a été rejetée pour absence de service fait.
2. La société Bibaut Environnement relève appel de l'ordonnance du 1er juin 2023 par laquelle la juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Toulouse à lui payer une somme provisionnelle de 130 280,43 euros.
3. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient au juge des référés, dans le cadre de cette procédure qu'elles instituent, de rechercher si, en l'état du dossier qui lui est soumis, l'obligation du débiteur éventuel de la provision est ou n'est pas sérieusement contestable sans avoir à trancher ni de questions de droit se rapportant au bien-fondé de cette obligation ni de questions de fait soulevant des difficultés sérieuses et qui ne pourraient être tranchées que par le juge du fond éventuellement saisi. Dans l'hypothèse où l'évaluation du montant de la provision résultant de cette obligation est incertaine, le juge des référés ne doit allouer de provision, le cas échéant assortie d'une garantie, que pour la fraction de ce montant qui lui parait revêtir un caractère de certitude suffisant.
4. Il résulte de l'instruction, ainsi que l'a relevé la première juge, et notamment des trois constats d'huissier effectués les 12, 19 et 25 octobre 2022 et du compte rendu du chantier du 10 au 26 octobre 2022, que la société Bibaut Environnement n'a ni amené, ni utilisé de pelle amphibie et camion tombereau, mais a utilisé une pelle mécanique sur barge et un bateau. La société Bibaut Environnement conteste les modalités du constat, mais ne produit aucun commencement de preuve de l'utilisation d'une pelle amphibie et d'un camion tombereau, alors, qu'ayant son siège dans l'Oise, elle devrait pouvoir établir le transport des engins et leur utilisation. Elle ne conteste, donc, pas sérieusement l'absence de recours à une pelle amphibie et à un camion tombereau.
5. Par ailleurs, si les travaux ont fait l'objet d'un procès-verbal de réception sans réserve, ce qui établit que la société appelante a correctement réalisé les travaux de curage qui lui étaient confiés, cette circonstance n'est pas de nature à démontrer que la réalisation de ces travaux a impliqué le recours à une pelle amphibie et à un camion tombereau, engins pourtant expressément mentionnés dans le bordereau des prix unitaires et le bon de commande, ainsi qu'indiqué au point 1 de la présente ordonnance, et dont l'utilisation, en conséquence, était comprise dans le prix des prestations confiées à cette société.
6. Enfin, contrairement à ce que soutient l'appelante, le refus de paiement de la somme afférente à l'utilisation des engins précitée n'émane pas du comptable mais bien de l'ordonnateur lui-même. Dès lors et en tout état de cause, la règle de la séparation entre l'ordonnateur et le comptable n'a pas été méconnue.
7. Il s'évince de ce qui a été exposé aux trois points précédents que c'est à bon droit que la première juge a regardé comme non sérieusement contestable la créance dont se prévalait la commune de Toulouse.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la société Bibaut environnement n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, la juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune de Toulouse, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, au titre des frais exposés par la société Bibaut environnement et non compris dans les dépens.
10. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, sur le fondement des mêmes dispositions, de mettre à la charge de la société Bibaut environnement une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
ORDONNE :
Article 1er : La requête n° 23TL01377 de la société Bibaut environnement est rejetée.
Article 2 : La société Bibaut environnement versera une somme de 1 500 euros à la commune de Toulouse au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société anonyme à responsabilité limitée Bibaut environnement et à la commune de Toulouse.
Fait à Toulouse, le 20 juin 2024.
Le juge d'appel des référés,
Éric Rey-Bèthbéder
La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Garonne, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
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No 23TL01377