Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier l'annulation de l'arrêté du 20 janvier 2023 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2300334 rendu le 23 janvier 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 24 février 2023, M. A..., représenté par la SELARL Ivorra et Ortigosa-Liaz, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 23 janvier 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales du 20 janvier 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Pyrénées-Orientales, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le délai de deux mois en le munissant d'une autorisation provisoire dans le délai de huit jours dans cette attente ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros à verser à son conseil sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou, si l'aide juridictionnelle ne lui était pas accordée, à lui verser en personne sur le fondement de ce seul article L. 761-1.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité en ce qu'il écarte le moyen tiré de l'erreur de droit tenant au bénéfice d'une protection contre l'éloignement en application des stipulations de l'article 6-4 de l'accord franco-algérien et des dispositions du 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet des Pyrénées-Orientales ne pouvait pas légalement estimer qu'il représentait une menace pour l'ordre public en se fondant uniquement sur la consultation du fichier automatisé des empreintes digitales et sur son récent placement en garde à vue ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français présente un caractère manifestement disproportionné compte tenu de sa durée fixée à deux ans.
La requête a été communiquée le 25 avril 2023 au préfet des Pyrénées-Orientales, lequel n'a produit aucun mémoire en défense.
Par une ordonnance en date du 5 janvier 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 22 février 2024.
Par une décision du 20 décembre 2023, le bureau d'aide juridictionnelle a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle de M. A....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Jazeron, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant algérien né le 11 novembre 1994 à Chlef (Algérie), est entré sur le territoire français en 2010 ou 2012 selon ses déclarations. Il a bénéficié d'un certificat de résidence algérien en qualité de parent d'enfant français du 4 avril 2016 au 3 avril 2017, mais s'est vu refuser le renouvellement de ce titre de séjour le 11 décembre 2017, puis à nouveau le 8 octobre 2019. Il a réitéré sa demande de titre de séjour en tant que parent d'enfant français le 21 octobre 2020. Par un arrêté du 21 juin 2021, la préfète de la Vienne lui a opposé un nouveau refus, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et l'a interdit de retour sur ce territoire pendant deux ans. M. A..., resté en France, a été interpellé par les services de gendarmerie le 19 janvier 2023. Par un arrêté pris le 20 janvier 2023, le préfet des Pyrénées-Orientales l'a à nouveau obligé à quitter le territoire français sans délai, l'a interdit de retour sur ledit territoire pour une durée de deux ans et a fixé le pays de renvoi. Par sa requête, M. A... relève appel du jugement du 23 janvier 2023 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Le moyen tiré de ce que la magistrate désignée aurait écarté à tort le moyen soulevé par le demandeur tenant à l'erreur de droit commise par le préfet des Pyrénées-Orientales en raison de l'existence d'une protection légale contre l'éloignement relève de la contestation du bien-fondé du jugement critiqué et est par conséquent sans incidence sur sa régularité.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
3. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé du 27 décembre 1968 : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale est délivré de plein droit : / (...) / 4) Au ressortissant algérien ascendant direct d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il exerce même partiellement l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins. (...) ". Les stipulations précitées ne privent pas l'autorité administrative compétente du pouvoir qui lui appartient de refuser à un ressortissant algérien la délivrance du certificat de résidence d'un an lorsque sa présence sur le territoire français constitue une menace pour l'ordre public.
4. L'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile mentionne que : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) / 5° Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public ; / (...) ". L'article L. 611-3 de ce code, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté en litige, dispose que : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) / 5° L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ; / (...) ". Selon l'article 371-2 du code civil : " Chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant. / (...) ".
5. D'une part, il ressort des pièces du dossier que M. A... fait l'objet de dix-huit signalisations au sein du fichier automatisé des empreintes digitales, sous plusieurs identités, à raison de faits commis pratiquement chaque année entre 2013 et 2022, incluant notamment de multiples vols, y compris dans des locaux et lieux publics, des coups et blessures volontaires de nature criminelle ou correctionnelle, des outrages à personnes dépositaires de l'autorité à trois reprises, des violences conjugales, des menaces de mort réitérées, des violences avec usage ou menace d'une arme, la détention non autorisée de stupéfiants, l'usage illicite de stupéfiants, le recel de biens provenant d'un délit et la destruction ou dégradation d'un véhicule. Le requérant a par ailleurs été interpellé le 19 janvier 2023 dans le cadre d'une suspicion de violence avec arme sur sa concubine. Si le dossier soumis à la cour ne détaille pas les suites pénales données à l'ensemble des signalements ainsi énumérés, il est constant que M. A... a été condamné à des peines d'emprisonnement à plusieurs reprises et il ressort notamment des motifs de l'arrêté de la préfète de la Vienne du 21 juin 2021, mentionné au point 1 du présent arrêt, que l'intéressé était incarcéré depuis cinq mois lorsque cet arrêté lui a été notifié. Eu égard à la multiplicité des faits reprochés à M. A..., à leur caractère récurrent sur une période de près de dix années et à la gravité de certains agissements parmi les plus récents, la présence de l'intéressé sur le territoire français doit être regardée comme constituant une menace pour l'ordre public. En conséquence, le requérant ne pourrait pas prétendre à la délivrance de plein droit d'un certificat de résidence algérien en qualité de parent d'enfant français et il ne peut donc valablement se prévaloir de la protection contre l'éloignement que lui confèrerait la possession d'un tel certificat.
6. D'autre part, il est vrai que M. A... a deux enfants de nationalité française nés de sa relation avec une ressortissante française, à savoir une fille née le 8 octobre 2015 et un garçon né le 11 janvier 2021. Le requérant n'apporte toutefois pas le moindre commencement de preuve permettant d'établir la durée pendant laquelle il a résidé avec ses enfants, alors qu'il ressort des pièces du dossier que lesdits enfants vivent sous la garde de leur mère à Poitiers (Vienne) depuis la séparation du couple, laquelle est intervenue au moins deux ans et demi avant l'édiction de l'arrêté préfectoral en litige, selon les propres déclarations de l'intéressé lors de son audition en garde à vue le 19 janvier 2023 à la suite de son interpellation à son nouveau domicile situé au Barcarès (Pyrénées-Orientales). Si M. A... soutient qu'il reste présent pour ses enfants et qu'il verse une " pension " mensuelle à leur mère, il ne justifie pas de la réalité de ces allégations en se bornant à produire quatre photographies non datées le montrant avec ses enfants et deux attestations très peu circonstanciées rédigées par la mère des enfants, indiquant au demeurant un montant de " pension " inférieur à celui mentionné par l'intéressé dans sa demande de première instance. Par suite, M. A... ne peut être regardé comme justifiant d'une contribution effective à l'entretien et à l'éducation de ses enfants depuis leur naissance ou depuis au moins deux ans. Dès lors, il n'est pas fondé à invoquer la protection contre l'éloignement prévue par le 5° précité de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. Il résulte de tout ce qui a été développé aux deux points précédents que M. A... ne peut se prévaloir d'aucune protection légale contre l'éloignement. Il en résulte également que le préfet n'a commis aucune erreur d'appréciation en estimant que le comportement de l'appelant représentait une menace pour l'ordre public et qu'il a par conséquent pu légalement prononcer l'obligation de quitter le territoire français en litige sur le fondement des dispositions du 5° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8.
En second lieu, selon les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Selon paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".
9. En dépit de l'ancienneté de sa présence sur le territoire français, le requérant ne s'y prévaut d'aucune autre attache personnelle que ses deux enfants, avec lesquels il ne justifie néanmoins pas entretenir des liens réguliers comme il a été précisé au point 6 ci-dessus. Il a été interpellé à la suite de violences survenues dans sa vie de couple avec sa nouvelle compagne et ne se prévaut d'aucune insertion sociale ou professionnelle sur le territoire national où il s'est manifesté de manière récurrente par un comportement menaçant l'ordre public. Eu égard à l'ensemble de ces éléments, la décision en litige ne porte pas au droit de M. A... au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts poursuivis. Elle ne méconnaît dès lors pas les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En l'absence de liens avérés de l'appelant avec ses deux enfants français, la mesure d'éloignement ne méconnaît pas non plus le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :
10. L'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, tel qu'applicable au présent litige, dispose que : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". En outre, l'article L. 612-10 du même code mentionne que : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / (...) ".
11. Le requérant ne conteste pas le bien-fondé des motifs ayant conduit le préfet des Pyrénées-Orientales à ne pas lui accorder un délai de départ volontaire pour l'exécution de la mesure d'éloignement. Il a par ailleurs été dit précédemment que, bien que justifiant d'une ancienneté de séjour significative, M. A... ne pouvait être regardé comme disposant de liens stables et intenses sur le territoire français, y compris avec ses enfants. Il n'a pas exécuté la précédente mesure d'éloignement édictée à son encontre le 21 juin 2021, laquelle était déjà assortie d'une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Enfin, la présence de l'intéressé en France représente une menace pour l'ordre public comme il a été indiqué au point 5 du présent arrêt. Par suite, le préfet des Pyrénées-Orientales n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées en prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, laquelle n'est pas disproportionnée.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 23 janvier 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté en litige.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
13. Le présent arrêt rejette les conclusions en annulation présentées par l'appelant et n'implique dès lors aucune mesure d'exécution particulière au titre des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par l'intéressé aux fins d'injonction et d'astreinte ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du second alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, lequel n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme quelconque au requérant au titre des frais non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Ortigosa-Liaz.
Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Orientales.
Délibéré après l'audience du 5 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Chabert, président,
M. Teulière, président assesseur,
M. Jazeron, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 septembre 2024.
Le rapporteur,
F. JazeronLe président,
D. Chabert
La greffière,
N. Baali
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et de l'outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 23TL00467