Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 18 août 2022, par lequel le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande de délivrance d'un titre de séjour " entrepreneur / profession libérale ", lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.
Par un jugement n° 2205013 du 22 novembre 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 21 décembre 2022, M. B..., représenté par Me Ortigosa-Liaz, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 22 novembre 2022 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler l'arrêté du 18 août 2022, par lequel le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande de délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois en le munissant sous huit jours, dans l'attente de ce réexamen, d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 800 euros sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour est entachée d'une erreur d'appréciation sur le caractère viable de son entreprise ;
- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale car fondée sur un refus de titre lui-même illégal ;
- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 avril 2023, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par une ordonnance en date du 26 avril 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 27 juin 2023.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 août 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Fougères a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant iranien entré en France à l'aide d'un visa long séjour portant la mention " étudiant " le 6 janvier 2017, à l'âge de 26 ans, s'est vu régulièrement délivrer des titres de séjour portant la mention " étudiant " jusqu'au 1er décembre 2020, puis une carte de séjour temporaire portant la mention " recherche d'emploi / création d'entreprise " valable du 7 décembre 2020 au 6 décembre 2021. À l'expiration de son titre, M. B... a sollicité un changement de statut pour un titre de séjour portant la mention " entrepreneur / profession libérale ". Toutefois, le préfet de l'Hérault, par arrêté du 18 août 2022, a refusé de lui délivrer ce titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné. Par la présente requête, M. B... relève appel du jugement du 22 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 422-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger titulaire d'une assurance maladie qui justifie (...) avoir été titulaire d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention " étudiant " délivrée sur le fondement des articles L. 422-1, L. 422-2 ou L. 422-6 et avoir obtenu dans un établissement d'enseignement supérieur habilité au plan national un diplôme au moins équivalent au grade de master (...) se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " recherche d'emploi ou création d'entreprise " d'une durée d'un an dans les cas suivants : (...) 2° Il justifie d'un projet de création d'entreprise dans un domaine correspondant à sa formation ou à ses recherches ". Aux termes de l'article L. 422-12 du même code : " Lorsque la carte de séjour temporaire portant la mention " recherche d'emploi ou création d'entreprise " est délivrée en application du 2° de l'article L. 422-10, l'intéressé justifiant de la création et du caractère viable d'une entreprise répondant à la condition énoncée au même 2° se voit délivrer, à l'issue de la période d'un an, la carte de séjour temporaire portant la mention " entrepreneur/ profession libérale " prévue à l'article L. 421-5 (...) ". L'annexe 10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile impose en outre, pour la délivrance d'une carte de séjour " entrepreneur / profession libérale " en changement de statut, la justification " des capacités de l'activité à procurer un niveau de ressources au moins équivalentes au SMIC à temps plein " et, s'agissant des entreprises déjà crées et en activité, " des ressources tirées de l'activité au moins équivalentes au SMIC à temps plein ".
3. Il ressort des pièces du dossier que, pour justifier du caractère viable de son entreprise à l'appui de sa demande de changement de statut, M. B... a seulement produit un plan de développement. Invité par les services préfectoraux à justifier des ressources tirées de son activité, M. B... ne conteste pas avoir produit seulement une facture, établie le 22 février 2012, pour un montant de 868 euros. S'il produit à l'appui de sa demande de première instance ainsi qu'en appel sa déclaration trimestrielle de chiffre d'affaires pour le deuxième trimestre de l'année 2022, qui s'élève à 2 639 euros, ainsi qu'un devis du 23 août 2022 signé pour un montant de 3 700 euros, ces seuls éléments ne permettent pas de justifier de la viabilité de son entreprise au sens des dispositions précitées. L'appelant fait certes valoir que ces chiffres témoignent du caractère très récent à la date de la décision attaquée de son entreprise, affiliée à l'URSSAF en janvier 2022 seulement et que son chiffre d'affaires est désormais en nette augmentation. Toutefois, alors que sa société a été créée dès le 1er avril 2021, M. B... ne justifie ni avoir entamé des recherches d'emploi ayant retardé la mise en route de son activité, ni que le travail à temps partiel qu'il occupait alors l'empêchait de se consacrer à l'activité de son entreprise. Il ne verse pas davantage au dossier d'éléments postérieurs qui viendraient corroborer le caractère viable de son entreprise. Dès lors, c'est sans commettre d'erreur d'appréciation que le préfet de l'Hérault a pu lui refuser la délivrance de la carte de séjour temporaire " entrepreneur / profession libérale ".
4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
5. M. B... soutient avoir le centre de ses intérêts privés et familiaux en France dès lors qu'il y réside depuis cinq ans en situation régulière auprès d'un cousin de nationalité française et de deux autres cousins titulaires de titres de séjour " étudiant ", et qu'il y est bien intégré ainsi qu'en témoignent la réussite de ses études, son parcours professionnel et les différentes amitiés qu'il a nouées sur le territoire. Il ressort, toutefois, des pièces du dossier que l'appelant, célibataire et sans charge de famille, n'est pas dépourvu de toute attache dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-six ans et où résident ses parents et son frère. En outre, ainsi que dit au point 3 du présent arrêt, M. B... ne justifie pas d'une activité professionnelle stable sur le territoire français. Par conséquent, alors même que l'appelant a noué des amitiés au cours de ses études et des emplois qu'il a occupés, et s'est impliqué dans la vie de la communauté iranienne en France, le préfet de l'Hérault n'a pas porté à son droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
6. En troisième lieu, l'illégalité du refus de délivrance d'un titre de séjour opposé à M. B... n'étant pas établie, l'exception d'illégalité de ce refus, soulevée à l'appui des conclusions d'annulation dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français, ne peut qu'être écartée.
7. En dernier lieu, aux termes du dernier alinéa de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
8. M. B... soutient qu'en cas de retour dans son pays d'origine, il serait exposé à des risques de peines ou traitements inhumains en raison de sa mobilisation lors des manifestations de soutien aux femmes iraniennes de l'automne 2022, son visage ayant notamment été diffusé dans un article de presse israélien et sur les réseaux sociaux. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la date de la décision attaquée, le 18 août 2022, les activités politiques de M. B... étaient susceptibles de justifier des craintes de répression de la part des autorités iraniennes, ce dont il n'a d'ailleurs pas fait état lors de sa demande de changement de statut. En tout état de cause, M. B..., en produisant des éléments généraux sur la répression des opposants au régime iranien, des photographies de sa participation à deux manifestations à Montpellier sur lesquelles il porte des lunettes de soleil, l'article de presse les ayant relayées et une publication sur le réseau social Instagram, ne justifie pas que les autorités iraniennes l'auraient identifié, qu'il serait surveillé ou que lui ou sa famille auraient reçu des menaces particulières. Il lui est toujours loisible, en cas d'évolution de la situation, de présenter une demande d'asile en France, ce qu'il n'a pas fait à ce jour. Dans ces conditions, le préfet de l'Hérault n'a pas méconnu les stipulations et dispositions précitées en fixant comme pays de renvoi l'Iran.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
10. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure ". Aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure ".
11. Le présent jugement, qui rejette l'ensemble des conclusions à fin d'annulation, n'implique aucune mesure d'exécution. Les conclusions à fin d'injonction présentées par M. B... doivent, dès lors, être rejetées.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'État, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse au conseil de M. B... la somme que celle-ci réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 10 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Nicolas Lafon, président-assesseur,
Mme Fougères, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 octobre 2024.
La rapporteure,
A. Fougères
Le président,
É. Rey-Bèthbéder
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22TL22603