Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 26 septembre 2019 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires de Dijon a rejeté son recours administratif préalable formé à l'encontre de la sanction disciplinaire qui lui a été infligée le 21 août 2019 par la commission de discipline du centre de détention de Châteaudun et de mettre à la charge de l'Etat, au profit de son conseil, une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Par un jugement n° 2000103 du 19 septembre 2022, le tribunal administratif d'Orléans a fait droit à sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 21 novembre 2022, le garde des sceaux, ministre de la justice, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de première instance de M. A....
Il soutient que :
- le vice de procédure retenu par le tribunal administratif n'est pas établi dès lors que la commission de discipline n'était pas dans l'obligation de faire droit à la demande de visualisation des images de la vidéoprotection et que celles-ci n'étaient en l'espèce pas nécessaires pour établir la matérialité des faits reprochés à M. A..., de sorte qu'il n'a été privé d'aucune garantie dans l'exercice de ses droits de la défense ;
- les autres moyens soulevés par M. A... en première instance ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée à M. A..., qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de procédure pénale ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pilven,
- et les conclusions de Mme Villette, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., incarcéré au centre de détention de Châteaudun, a fait l'objet, le 21 aout 2019, d'une sanction disciplinaire de trente jours de placement en cellule disciplinaire dont deux jours de prévention. Par courrier du 30 août 2019, il a présenté un recours auprès du directeur interrégional des services pénitentiaires de Dijon, recours rejeté le 26 septembre 2019. M. A... a alors saisi le tribunal administratif d'Orléans d'une demande tendant à l'annulation de la décision du 26 septembre 2019 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires de Dijon a confirmé la sanction prise à son encontre par la commission de discipline. Par un jugement du 19 septembre 2022, le tribunal administratif d'Orléans a fait droit à cette demande. Le garde des sceaux, ministre de la justice, relève appel de ce jugement.
2. Aux termes de l'article R. 57-7-16 du code de procédure pénale, alors en vigueur : " IV. - L'avocat, ou la personne détenue si elle n'est pas assistée d'un avocat, peut également demander à prendre connaissance de tout élément utile à l'exercice des droits de la défense existant, précisément désigné, dont l'administration pénitentiaire dispose dans l'exercice de sa mission et relatif aux faits visés par la procédure disciplinaire, sous réserve que sa consultation ne porte pas atteinte à la sécurité publique ou à celle des personnes. L'autorité compétente répond à la demande d'accès dans un délai maximal de sept jours ou, en tout état de cause, en temps utile pour permettre à la personne de préparer sa défense. Si l'administration pénitentiaire fait droit à la demande, l'élément est versé au dossier de la procédure. / La demande mentionnée à l'alinéa précédent peut porter sur les données de vidéoprotection, à condition que celles-ci n'aient pas été effacées, dans les conditions fixées par un arrêté du ministre de la justice, au moment de son enregistrement. L'administration pénitentiaire accomplit toute diligence raisonnable pour assurer la conservation des données avant leur effacement. / Par dérogation aux dispositions de l'alinéa précédent, l'administration répond à la demande d'accès dans un délai maximal de quarante-huit heures. / Les données de la vidéoprotection visionnées font l'objet d'une transcription dans un rapport versé au dossier de la procédure disciplinaire ".
3. Il résulte de ces dispositions que si la procédure a été engagée à partir notamment des enregistrements de vidéoprotection, ceux-ci font partie du dossier de cette procédure, lequel doit être mis à disposition de la personne détenue ou de son avocat. En revanche, dans le cas où la procédure n'a pas été engagée à partir de ces enregistrements ou en y faisant appel, il appartient à la personne détenue ou à son avocat, s'ils le jugent utile aux besoins de la défense et si ces enregistrements existent, de demander à y accéder. Un refus ne saurait être opposé à de telles demandes au motif de principe que le visionnage de ces enregistrements serait susceptible en toute circonstance de porter atteinte à la sécurité publique ou à celle des personnes. Toutefois, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.
4. En l'espèce, s'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'administration se serait fondée sur des images de vidéoprotection pour prendre la décision attaquée, il est toutefois constant que M. A... a demandé le visionnage des images de la caméra de surveillance au cours de la commission de discipline qui s'est tenue le 21 août 2019 en faisant valoir qu'il n'avait ni menacé ni jeté de l'huile chaude sur un des membres du personnel pénitentiaire, puis par l'intermédiaire de son conseil, à l'occasion du recours administratif préalable exercé devant le directeur interrégional des services pénitentiaires le 30 août 2019. Malgré cette demande, M. A... n'a pu avoir accès aux enregistrements de vidéoprotection, dont l'administration ne conteste pas l'existence. Le garde des sceaux, ministre de la justice, a invoqué de manière générale le risque d'atteinte à la sécurité publique ou à celle des personnes, devant les premiers juges, pour justifier son refus d'accéder à la demande présentée par l'intéressé tendant au visionnage des enregistrements de vidéosurveillance. Néanmoins, il résulte de ce qui a été dit au point 3 qu'un tel motif de principe ne pouvait être opposé à M. A.... Dans ces conditions, et alors même que la sanction litigieuse n'est pas fondée sur des faits révélés par le visionnage des enregistrements de vidéosurveillance, le refus de l'autoriser à visionner les enregistrements vidéo a, dès lors que l'intéressé contestait la matérialité des faits, méconnu le principe des droits de la défense et a ainsi privé M. A... d'une garantie.
5. Il résulte de ce qui précède que le garde des sceaux, ministre de la justice, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a annulé la décision du 26 septembre 2019 du directeur interrégional des services pénitentiaires de Dijon confirmant la sanction de trente jours de quartier disciplinaire prononcée par la commission de discipline du centre de détention de Châteaudun.
D É C I D E :
Article 1er : La requête du garde des sceaux, ministre de la justice, est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au garde des sceaux, ministre de la justice, et à M. B... A....
Délibéré après l'audience du 5 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Etienvre, président de chambre,
M. Pilven, président-assesseur,
Mme Pham, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 novembre 2024.
Le rapporteur,
J-E. PilvenLe président,
F. Etienvre
La greffière,
S. Diabouga
La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
N° 22VE02643 2