DU 12 Septembre 2001 ------------------------- M.F.B
X... Y... épouse Z... A.../ Renée Y... épouse B... RG C... :
99/00122 - A R R E T C...° - ----------------------------- Prononcé à l'audience publique du douze Septembre deux mille un, par Madame LATRABE, Conseiller, assistée de Monique FOUYSSAC, Greffier. LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire, ENTRE : Madame X... Y... épouse Z... née le 12 Janvier 1932 à LAGORQUE Demeurant Rte de St Michel de Castelnau 47700 CASTELJALOUX représentée par Me TANDONNET, avoué assistée de Me Bertrand CHAVERON, avocat APPELANTE d'un Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARMANDE en date du 06 Novembre 1998 D'une part, ET : Madame Renée Y... épouse B... née le 20 Décembre 1928 à LAGORGUE Demeurant 9, avenue de Bordeaux 47700 CASTELJALOUX représentée par Me Jean Michel BURG, avoué assistée de Me François RABANIER, avocat INTIMEE D'autre part, a rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique, le 20 Juin 2001, devant Monsieur LEBREUIL, Président de Chambre, Monsieur D... et Madame LATRABE, Conseillers, assistés de Brigitte REGERT-CHAUVET, Greffier, et qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu.
Statuant sur l'appel, dont la régularité n'est pas contestée, interjeté par Madame X... Z..., d'un jugement en date du 6 novembre 1998, par lequel le Tribunal de Grande Instance de MARMANDE a notamment :
- homologué le rapport de l'expert E...
- constaté que l'appelante n'avait pas communiqué à l'expert les bijoux appartenant à sa mère ni les documents bancaires permettant de
vérifier les mouvements de compte depuis le 3 juin 1987 pas plus que le certificat de vente du véhicule.
- dit qu'elle s'est rendue coupable de ce fait de recel successoral et qu'elle sera privée de sa part dans la succession de sa mère au titre des bijoux recélés, du prix de vente du véhicule et du solde des comptes bancaires.
- enjoint à l'appelante de remettre à l'expert Monsieur E... les bijoux qu'elle recèle ainsi que les documents bancaires et le certificat de vente du véhicule sous astreinte de 5 000 Francs par jour de retard à compter de la signification de la décision.
- désigné à nouveau Monsieur E... et Monsieur F... en qualité d'expert pour procéder aux évaluations des biens successoraux dès qu'ils seront en possession des bijoux et des documents susvisés.
- condamné l'appelante à payer à Madame Renée Y... la somme de 5 000 Francs à titre de dommages intérêts outre celle de 5 000 Francs en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Attendu que les faits de la cause ont été relatés par le premier juge en des énonciations auxquelles la Cour se réfère expressément et qu'il suffit de rappeler que :
- de l'union de Monsieur Louis Y... et de Madame G... H... sont issues deux filles ; Renée née le 20 décembre 1928 et X... née le 12 janvier 1932.
- Madame G... Y... est décédée le 3 décembre 1994.
- suivant jugement en date du 13 septembre 1996, le Tribunal de Grande Instance de MARMANDE a désigné Maître FLAUDER et Maître SAUBEAU FERNANDEZ notaires à MIRAMONT DE GUYENNE pour procéder aux opérations de liquidation partage et a ordonné une expertise confiée à Monsieur E... afin de dresser inventaire de tous les biens dépendant de la succession.
- Monsieur E... a déposé son rapport le 18 mars 1998.
Attendu que Madame Z... demande à la cour de constater la nullité du jugement entrepris et à titre subsidiaire, de réformer cette décision, de débouter Madame Renée B... de toutes ses demandes et de condamner l'intimée à lui payer une somme de 5 000 Francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Qu'à l'appui de sa demande de constatation de la nullité du jugement déféré, elle explique qu'alors qu'elle était présente aux opérations d'expertise, assistée de son conseil, elle s'est vue signifier à mairie le 28 octobre 1998, les conclusions de Madame B... devant le Tribunal de Grande Instance de MARMANDE soit postérieurement à l'audience de plaidoiries du 2 octobre 1998, de sorte qu'elle n'a pu présenter une quelconque défense. Qu'au fond, Madame Z... fait valoir pour l'essentiel que :
- sur le problème des bijoux : sa mère lui avait offert de son vivant un certain nombre de bijoux de famille compte tenu des soins constants qu'elle lui prodiguait à l'inverse de sa soeur Renée qui s'est toujours désintéressée de son sort ; en application de
l'article 843 alinéa 2 du Code Civil, les legs faits à un héritier sont réputés faits par préciput et hors part, à moins que le testateur n'ait exprimé la volonté contraire, auquel cas le légataire ne peut réclamer son legs qu'en moins prenant ; à plusieurs reprises Madame G... Y... a indiqué que ses bijoux étaient pour sa fille X... et ce compte tenu des soins attentionnés de cette dernière ; en outre, et sur le fondement des dispositions de l'article 852 du code civil, les frais de nourriture, d'entretien et les présents d'usage ne doivent pas être rapportés.
- sur la vente du véhicule de Madame G... Y... et les documents bancaires :
[* elle justifie de ce que ce véhicule de marque PEUGEOT, Type 304, Millésime 1973 a été vendu à Monsieur Bernard I... le 7 avril 1995 pour un prix de 3 000 Francs ; elle ajoute qu'elle a utilisé ce règlement pour solder les dettes successorales, notamment deux factures de marbrerie.
*] dans le cadre de l'expertise, elle a remis à l'expert l'intégralité des documents en sa possession : il est troublant que ledit expert dûment rémunéré pour sa mission n'ait pas imaginé, sur la base des documents ainsi communiqués, d'interroger les différents établissements bancaires intéressés comme ses attributions lui en donnent droit.
- sur la demande formée par Madame B..., de liquidation de l'astreinte fixée par la juridiction de première instance dans le
cadre du jugement dont appel : la Cour est incompétente pour statuer sur une telle demande, l'article 35 de la loi du 9 juillet 1991 prévoyant expressément que l'astreinte est liquidée par le juge de l'exécution.
Attendu que Madame B... demande au contraire à la Cour de confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions, de débouter Madame Z... de toutes ses demandes et y ajoutant de liquider l'astreinte définitive de 5 000 Francs par jour, ayant couru depuis la signification du jugement entrepris soit à partir du 21 décembre 1998 et de condamner l'appelante à lui verser la somme de 10 000 Francs à titre de dommages intérêts outre celle de 10 000 Francs en vertu des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de procédure Civile.
Qu'elle soutient pour l'essentiel que :
- Madame Z... est de parfaite mauvaise foi dans le présent litige.
- en ce qui concerne la prétendue nullité du jugement ; sur l'assignation du 2 avril 1996 délivrée à la personne de Madame Z..., cette dernière n'a pas constitué avocat, même après que l'affaire soit revenue devant le Tribunal après le dépôt du rapport d'expertise qui a été régulièrement mis à sa disposition ; le ministère d'avocat est obligatoire devant le Tribunal de Grande Instance et la signification de conclusions à une partie ne l'est pas si elle n'a pas constitué avocat.
- sur le problème des bijoux ;
[* il résulte du procès verbal d'inventaire dressé par huissier le 23 juin 1995 que Madame Z... détient effectivement un certain nombre de bijoux.
*] pour les opérations d'expertise, rien n'empêchait Madame Z... de produire les bijoux de façon à ce qu'ils soient évalués ; elle a toujours refusé de le faire alors que le Président du Tribunal de Grande Instance de MARMANDE lui a enjoint de les présenter à l'expert en vue de leur estimation.
[* c'est à celui qui invoque l'existence d'un don manuel de démontrer l'intention libérale du prétendu donateur ; Madame Z... ne rapporte pas cette preuve.
*] par ailleurs, pour qu'il y ait cadeaux ou présents d'usage, il faut qu'il existe un usage en vertu duquel un cadeau est fait et il est nécessaire qu'il y ait absence de caractère excessif de la valeur du présent par rapport à la situation sociale du donateur ; cette preuve n'est pas davantage établie en l'espèce.
- sur les documents bancaires et le prix de vente du véhicule :
Madame Z... se garde de conclure devant la Cour sur le devenir des fonds provenant de la vente du véhicule et sur les mouvements de comptes bancaires effectués depuis le 3 juin 1987 par Madame G... Y... et par elle même dans le cadre de la procuration générale qui lui a été donnée le 3 juin 1987 par sa mère.
- Madame Z... qui s'est bien rendue coupable de recel successoral doit être privée de sa part dans la succession de sa mère au titre des bijoux recélés, du prix de la voiture et du solde des comptes bancaires. SUR QUOI
Attendu que Madame Z... qui n'a pas constitué avocat devant le Tribunal de Grande Instance de MARMANDE doit être considérée comme non comparante devant cette juridiction conformément aux dispositions de l'article 468 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Qu'elle est donc mal fondée à solliciter la nullité du jugement entrepris au motif que les conclusions de la demanderesse ne lui auraient pas été personnellement notifiées en temps utile alors que le ministère d'avocat étant obligatoire, la notification des conclusions n'était impérative qu'entre avocats régulièrement constitués.
Qu'il y a donc lieu de rejeter l'exception de nullité soulevée par l'appelante.
Attendu, sur le fond, que le recel successoral est constitué par toute fraude commise sciemment par un héritier dans le but de rompre l'égalité du partage soit qu'il divertisse des effets de la succession en se les appropriant indûment soit qu'il dissimule sa possession dans des circonstances où il serait, d'après la loi tenu de les déclarer.
Attendu qu'en ce qui concerne les bijoux dans le cadre de la sommation qui lui a été délivrée le 23 juin 1995, suivant ministère de la SCP BUSANA, DELTORT huissiers de justice à CASTELJALOUX "d'avoir à rapporter le mobilier qu'elle a pu prendre depuis le décès de sa mère", Madame Z... a déclaré s'agissant des bijoux :
" je détiens effectivement un brillant, un collier de perles de
culture, un médaillon Louis d'or avec une chaîne, une montre bracelet or, un bracelet or sorcière, une broche papillon. Ces objets sont ma propriété, ma mère me les avait donnés de son vivant en récompense de l'affection permanente et des soins que je lui ai prodigués au contraire de ma soeur Renée B... qui s'est complètement désintéressée de son sort."
Attendu que plusieurs témoins, notamment Mesdames MEURIN, BRETELLE, LALUQUE et Monsieur J... attestent avoir entendu Madame G... Y... dire en diverses occasions que ses bijoux et particulièrement sa bague ornée d'un brillant reviendraient à sa disparition à sa fille X..., le témoin LALUQUE précisant par ailleurs que Madame G... Y... lui avait fait part en outre de son désir de voir ainsi gratifier sa fille X... qui lui apportait toute l'aide constante qui lui était nécessaire.
Qu'aux termes de deux écrits manuscrits, l'un en date du 6 juillet 1984 et l'autre en date du 14 janvier 1993 et qui ne font l'objet d'aucune
Qu'aux termes de deux écrits manuscrits, l'un en date du 6 juillet 1984 et l'autre en date du 14 janvier 1993 et qui ne font l'objet d'aucune observation de la part de Madame B..., Madame G... Y... a déclaré "léguer son solitaire à sa fille Madame X... Z... Y..." et "léguer à cette dernière la quotité disponible" dans le cadre de sa succession.
Attendu qu'aux termes de l'article 843 alinéa 2 du Code Civil, les legs faits à un héritier sont réputés faits par préciput et hors part à moins que le testateur n'ait exprimé la volonté contraire.
Que dans le cas présent, et en l'état des pièces susvisées, il apparaît, dès lors, que les bijoux que Madame Z... reconnaît avoir en sa possession ont fait l'objet de la part de sa mère d'un legs préciputaire.
Attendu que le seul fait que Madame Z... ait refusé jusqu'à présent de les faire évaluer ne suffit pas à caractériser le délit civil de recel successoral dans la mesure où Madame B... qui avait connaissance de leur existence et de leur descriptif, pouvait discuter en connaissance de cause des prétentions de sa soeur à avoir ainsi bénéficié d'une libéralité.
Attendu qu'il ne peut davantage être retenu de recel successoral pour les autres bijoux évoqués par Madame B... dans ses écritures et dont rien ne permet d'affirmer qu'ils aient fait effectivement l'objet d'une dissimulation de la part de Madame Z....
Attendu que le fait que Madame Z... ait bénéficié d'une libéralité préciputaire ne la dispense pas de produire les bijoux en sa possession tels que visés dans la sommation interpellative en date du 23 juin 1995 aux fins d'évaluation.
Attendu que s'agissant des comptes bancaires, le seul fait que l'expert E... ait pu noter dans son rapport qu'aucune pièce demandée lors des réunions contradictoires n'a été communiquée par Madame Y... X... se suffit pas davantage à imputer à cette dernière un recel successoral alors qu'il est constant que l'expert qui ne précise pas la teneur des pièces ainsi réclamées avait en sa possession les coordonnées ainsi que le solde des différents comptes bancaires de Madame Y... G... et que dès lors les établissements bancaires concernés pouvaient être interrogés dans le cadre des opérations d'expertise.
Attendu qu'en ce qui concerne le prix de vente du véhicule, il apparaît que ce n'est que dans le cadre de la procédure d'appel que Madame Z... a justifié de ce que le véhicule en cause tel que visé par le jugement entrepris avait été vendu le 7 avril 1995 à Monsieur I..., agent Peugeot pour un prix de 3 000 Francs ; qu'au surplus, Madame Z... qui prétend qu'elle a utilisé ce règlement
pour solder des dettes successorales ne fournit aucune justification sur la destination finale des fonds ; que dans ces conditions, le recel successoral imputé à Madame Z... apparaît suffisamment caractérisé.
Attendu par conséquent qu' il convient de réformer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que Madame Z... s'était rendue coupable de recel successoral en ce qui concerne les bijoux appartenant à sa mère et le solde des comptes bancaires et qu'elle serait privée de sa part dans la succession de sa mère, à ces deux titres et en ce qu'il lui a enjoint de remettre sous astreinte à l'expert Monsieur E... les bijoux recelés, les documents bancaires et le certificat de vente du véhicule.
Qu'il sera, cependant, enjoint à Madame Z... de présenter au besoin sous astreinte, aux experts Monsieur E... et Monsieur F..., aux fins de procéder à leur évaluation, les bijoux en sa possession, tels que visés dans la sommation interpellative du 23 juin 1995
Qu'enfin, la décision déférée sera confirmée en toutes ses autres dispositions.
Attendu, par ailleurs, que conformément aux dispositions de l'article 35 de la loi du 9 juillet 1991, il n'appartient pas à la Cour de liquider l'astreinte ordonnée par le premier juge; que la demande de Madame B... de liquidation d'astreinte sera donc rejetée.
Attendu que sa demande de dommages intérêts n'apparaît pas justifiée ; qu'il y a lieu de l'en débouter.
Attendu que l'équité ne commande pas l'application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile au profit de l'une ou de l'autre des parties.
Attendu que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Reçoit l'appel jugé régulier
Confirme la décision déférée en toutes ses dispositions non contraires à celles du présent arrêt,
Réforme la décision déférée en ce qu'elle a dit que Madame Z... s'était rendue coupable de recel successoral en ce qui concerne les bijoux appartenant à sa mère et le solde des comptes bancaires et qu'elle serait privée de sa part dans la succession de sa mère, à ces deux titres et en ce qu'elle lui a enjoint de remettre sous astreinte à l'expert Monsieur E... les bijoux recelés, les documents bancaires et le certificat de vente du véhicule.
Statuant à nouveau,
Dit que les éléments constitutifs du recel successoral ne sont pas établis en ce qui concerne les bijoux et les comptes bancaires et déboute Madame B... du chef de ces demandes.
Dit n'y avoir lieu à enjoindre à Madame Z... de remettre sous astreinte à l'expert Monsieur E... les bijoux recelés, les documents bancaires et le certificat de vente du véhicule.
Et y ajoutant,
Dit que Madame Z... devra présenter aux experts Monsieur E... et Monsieur F..., aux fins de procéder à leur évaluation, les bijoux en sa possession, tels que visés dans la sommation
interpellative du 23 juin 1995.
Assortit la présente injonction d'une astreinte de 5 000 Francs( cinq mille Francs)(soit 762,25 Euros) par jour de retard à compter de la signification de la présente décision.
Rejette comme inutile ou mal fondée toutes demandes plus amples ou contraires des parties
Dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens de l'appel.
Autorise, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile les avoués de la cause à recouvrer directement contre la partie adverse, ceux des dépens d'appel dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision. LE GREFFIER LE PRESIDENT M. FOUYSSAC M. LEBREUIL