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18/06/2003 | FRANCE | N°01/1152

France | France, Cour d'appel d'agen, 18 juin 2003, 01/1152


DU 18 Juin 2003 -------------------------

Danièle X... C/ Jean Y..., COMMUNE DE DURAVEL prise en la personne de son maire en exercice RG N : 01/01152 - A X... X... E T N° - ----------------------------- Prononcé à l'audience publique du dix huit Juin deux mille trois, par Monsieur BOUTIE Z... de Chambre, LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire, ENTRE : Madame Danièle X... représentée par Me Solange TESTON, avoué assistée de la SCP LAFONT - CARILLO - GUIZARD, avocats APPELANTE d'un jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance CAHORS en date du 08 Juin 2001 D'u

ne part, ET : Monsieur Jean Y... représenté par la SCP VIMONT J...

DU 18 Juin 2003 -------------------------

Danièle X... C/ Jean Y..., COMMUNE DE DURAVEL prise en la personne de son maire en exercice RG N : 01/01152 - A X... X... E T N° - ----------------------------- Prononcé à l'audience publique du dix huit Juin deux mille trois, par Monsieur BOUTIE Z... de Chambre, LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire, ENTRE : Madame Danièle X... représentée par Me Solange TESTON, avoué assistée de la SCP LAFONT - CARILLO - GUIZARD, avocats APPELANTE d'un jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance CAHORS en date du 08 Juin 2001 D'une part, ET : Monsieur Jean Y... représenté par la SCP VIMONT J. ET E., avoués assisté de la SCP LAGARDE/ALARY/CHEVALIER/ KERAVAL/ GAYOT, avocats COMMUNE DE DURAVEL prise en la personne de son maire en exercice Mairie 46700 DURAVEL représentée par Me NARRAN, avoué assistée de la SCP CAMBON - SAINT PRIX, avocats INTIMES, D'autre part, a rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique, le 21 Mai 2003, devant Monsieur BOUTIE, Z... de Chambre, Monsieur LOUISET A... et Monsieur B..., Vice Z... placé, désigné par ordonnance de Monsieur le Premier Z..., en date du 05 mars 2003, Conseillers, assistés de Monique FOUYSSAC, Greffier, et qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu.

M.V. est propriétaire de deux maisons d'habitation situées au lieu

dit "LJ", commune de DURAVEL , sur un terrain séparé par un chemin communal d'une propriété se trouvant à un niveau inférieur, appartenant à Mme X...,. Reprochant à sa voisine d'avoir obstrué en 1989 une canalisation permettant l'évacuation des eaux de ruissellement de sa propriété vers le fonds inférieur, et provoqué ainsi des inondations de l'un de ses immeubles, M.V. a saisi le juge des référés du Tribunal de Grande Instance de CAHORS lequel, par ordonnance rendue le 7 février 1996, a ordonné une expertise étendue le 5 février 1997 à la commune de DURAVEL. L'expert a déposé son rapport définitif le 4 juin 1997. Par exploit des 20 et 23 août 1999, M.V. a fait assigner au fond l'ensemble des parties aux fins de voir reconnaître que le fond appartenant à Mme X... était débiteur d'une servitude d'écoulement des eaux, voir reconnaître la responsabilité de celle-ci dans les préjudices subis du fait de l'obstruction de la buse et la voir condamnée à les réparer et à remettre en état les lieux. Par jugement en date du 8 juin 2001 le Tribunal de Grande Instance de CAHORS, reconnaissant l'existence de cette servitude et la responsabilité de Mme X... dans les dommages subis par M.V., l'a condamnée à lui verser les sommes de 4.542,64 francs en réparation de ses préjudices et de 5.000,00 francs à titre de frais irrépétibles, ainsi qu'à déboucher la buse litigieuse sous astreinte de 500,00 francs par jour de retard. Retenant que la commune de DURAVEL avait aggravé la servitude par la réalisation de travaux, le tribunal s'est toutefois déclaré incompétent pour apprécier sa responsabilité. Dans des conditions de forme et de délais non contestées, Mme X... a relevé appel de cette décision le 22 août 2001. Aux termes de ses ultimes écritures auxquelles il convient expressément de se référer, elle conteste l'existence de la servitude retenue par le tribunal et soutient qu'en tout état de cause M.V. n'a jamais été en mesure d'en rapporter la preuve. Se fondant à ce titre sur les dispositions des

articles 703 et 704 du Code Civil, de nombreux témoignages et une critique du rapport d'expertise, elle expose qu'à supposer qu'une telle servitude ait existé dans des temps anciens, elle se serait éteinte par la réalisation avant 1947 d'un remblais au niveau du chemin communal séparant les propriétés et la suppression de fait, depuis plus de trente ans, de l'écoulement naturel des eaux de M.V. sur son fonds . Elle sollicite en conséquence l'entière réformation du jugement précité ainsi que l'octroi d'une somme de 3.000,00 euro sur la fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Aux termes de ses ultimes écritures auxquelles il convient également de se référer, M.V. a sollicité la confirmation du jugement déféré sur le fond et des condamnations prononcées, sollicitant néanmoins sa réformation par l'allocation des sommes suivantes: - 334,49 euro au titre de divers travaux effectués , -4390,53 euro au titre du préjudice de jouissance, -3.254,83 euro au titre des frais de mise en place d'un nouveau portail et d'une allée, - 2.300,00 euro à titre de frais irrépétibles. La commune de DURAVEL a sollicité sa mise hors de cause et l'octroi d'une somme de 1.500,00 euro sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 février 2003. MOTIFS DE LA DÉCISION : Sur l'existence d'une servitude Vu les moyens et prétentions des parties tels que développés dans leurs ultimes conclusions auxquelles il est expressément renvoyé pour de plus amples informés; Vu le rapport d'expertise de M.C. et les pièces versées au dossier; Attendu que pour critiquer la décision déférée, Mme X... soutient essentiellement que le rapport d'expertise serait affecté de nombreuses erreurs et ne saurait en conséquence avoir la moindre valeur technique; Qu'il convient néanmoins de constater que ce rapport, déposé il y a près de six ans, n'a jamais fait l'objet de la moindre critique de la part de l'appelante lors de la première

instance; Qu'elle n'a jamais sollicité que des investigations complémentaires soient réalisées dans le cadre d'une contre expertise tant au cours de la procédure initiale qu'en cause d'appel; Que les conclusions de l'expert judiciaire qui a examiné les lieux et les actes de manière contradictoire ne sauraient en conséquence être écartées en l'absence de critiques sérieuses; Attendu qu'au fond, il résulte des dispositions de l'article 640 du Code Civil que les fonds inférieurs sont assujettis envers ceux qui sont plus élevés à recevoir les eaux qui en découlent naturellement sans que la main de l'homme y est contribuait; que si le propriétaire du fonds inférieur ne peut rien faire qui empêche cet écoulement, celui du fonds supérieur ne peut également rien faire qui aggrave la servitude du fonds inférieur; Que ce texte n'exige pas que les fonds soient attenants et qu'il importe peu à ce titre qu'ils soient séparés par une portion de voie publique; Qu'il est par contre incontestable qu'un fonds inférieur peut être affranchi de la servitude de recevoir les eaux pluviales coulant de fonds supérieurs lorsque les eaux ont cessé d'y arriver par suite de travaux effectués par l'autorité publique et faisant obstacle à cet écoulement; que le propriétaire du fonds inférieur peut ainsi se libérer d'une servitude créée par l'article 640 du Code Civil par la prescription extinctive résultant d'un ouvrage construit depuis plus de trente ans; Attendu qu'en l'espèce, il résulte que dans des temps anciens les eaux du terrain de M.V. s'écoulaient gravitairement sur le terrain de Mme X... et qu'une servitude au profit du fond supérieur existait ; Qu'à la suite de la réalisation d'un chemin public en 1837 (chemin de Boysset), les eaux du fonds supérieur se sont écoulées sur cet ouvrage qui les redistribuait sur les fonds inférieurs et notamment la propriété de l'appelante; Que par la suite, des travaux de surélévation du chemin ont été réalisés par la commune à une date non précisée, mais

antérieure à 1947, ayant pour effet de créer un barrage au ruissellement vers le fonds inférieur des eaux gravitaires provenant du fonds supérieur; que les eaux se sont alors évacuées, non directement sur l'actuelle propriété de Mme X... mais dans un ouvrage faisant partie intégrante du chemin communal; qu'ainsi les eaux déversées sur sa propriété provenaient en réalité du chemin rural, propriété de la commune; Qu'à compter de cette date un grand nombre d'incertitudes demeurent quant aux modalités d'écoulement des eaux; Que l'expert note ainsi qu'à la suite de ces travaux, un aqueduc aurait été réalisé en traversée du chemin avant de se colmater sous l'effet du temps; Que la buse litigieuse aurait alors été installée dans les années 1950 aux fins de permettre l'évacuation des eaux de ruissellement, sans qu'il soit toutefois possible de l'établir avec certitude; Qu'une telle hypothèse est cependant contredite par divers témoignages; Que Monsieur.RN., ayant travaillé sur la propriété Y... en 1972, atteste ainsi n'avoir jamais constaté à cette date d'évacuation des eaux de pluie par des buses; que M.F. indique qu'avant 1951 les eaux de ruissellement étaient évacuées par des fossés, ce que confirme par ailleurs l'expert; Que M.G., ayant cédé sa propriété à Mme X..., atteste qu'aucun écoulement d'eau ne se produisait sur son terrain avant la vente; que M.M. déclare n'avoir pas constaté l'existence de cette buse avant l'achat du terrain par la père de M.V.;

Qu'au regard de ces éléments, il n'est pas établi avec certitude que les eaux du terrain Y... se soient écoulées gravitairement et de manière directe sur le terrain X... après la réalisation des travaux de surélévation du chemin communal; Qu'il est par contre incontestable que de tels travaux, en créant un effet de barrage entre les deux propriétés, ont fait obstacle à l'écoulement direct des eaux entre

les fonds supérieur et inférieur ;

Que réalisés entre 1837 et 1947, ils ont eu pour conséquence d'affranchir trente ans plus tard le fonds appartenant aujourd'hui à Mme X... de la servitude dont il était débiteur; Qu'il appartient en conséquence à M.V. de rapporter la preuve que depuis une période trentenaire un écoulement effectif et direct des eaux de ruissellement provenant de son fonds s'effectuait, à travers la buse litigieuse, sur le fonds de Mme X...; Qu'en l'espèce tel n'est pas le cas, l'intimé ne contestant pas que le fonctionnement de la buse n'a été rétabli qu'en 1972 après la réalisation de travaux de transformation d'une grange située en contrebas de son terrain; Qu'ainsi, il ne saurait être retenu qu'une servitude d'écoulement des eaux, au bénéfice du terrain Y..., ait grevé le fonds de Mme X... à la date de l'obstruction de la buse ; Que la décision déférée sera en conséquence réformée sur ce point; Sur les responsabilités. Attendu que l'inexistence de la servitude revendiquée par M.V. ne saurait le priver d'une action en responsabilité fondée sur l'article 1382 du Code Civil pour les dommages subis du fait d'inondations postérieures à 1989 ; Attendu qu'à titre préliminaire, il convient de rappeler que la buse litigieuse et sa sortie ne se situent pas sur la propriété de Mme X... mais sur l'emprise du chemin communal; Qu'en prenant l'initiative de procéder à son colmatage sans en avoir jamais solliciter l'autorisation ou introduit une procédure judiciaire aux fins d'en contester l'existence, l'appelante a commis une faute de nature à engager sa responsabilité; Qu'il résulte du rapport d'expertise que si le sinistre trouve son origine initiale dans l'effet de barrage qui a concentré la sortie des eaux en un seul point au lieu d'en répartir le ruissellement sur une trentaine de

mètres de longueur comme cela était initialement le cas , il a également été accentué par l'obstruction de la buse litigieuse;

Qu'à ce titre, s'il convient de relever que l'ancienne grange avaient déjà été inondée en cas de fortes pluies malgré le fonctionnement de la buse ( attestations de M.B. et de M.MA.), l'obstruction de celle-ci a contribué à augmenter la concentration d'eau sur le terrain de M.V.; Qu'en estimant à ce titre que la responsabilité de Mme X... pouvait être retenue et en imposant à celle-ci, sous astreinte, de déboucher la canalisation obstruée, le premier juge a fait une juste application de la loi aux éléments de la cause ; Que sa décision sera en conséquence confirmée sur ces points; Que s'agissant des préjudices, il résulte des éléments versés au débat que M.V. a été contraint, en raison de l'obstruction de cette buse, d'effectuer divers travaux de terrassement en tranchée pour une somme de 700,00 francs et de procéder à la pose de tuyaux en PVC pour un montant de 3.842,64 francs; qu'il a également engagé des frais de nettoyage pour un montant de 2.194,10 francs; Que pour le surplus, il ne résulte d'aucune des pièces versées au dossier que M.V. ait subi un quelconque préjudice lié à la privation de la jouissance de ses biens; qu'il ne justifie nullement que les frais de mise en place d'un nouveau portail ou d'une allée soient la conséquence directe de l'obstruction de la buse; que ses demandes de ces chefs seront en conséquence rejetées; Qu'au regard de ces éléments la décision déférée sera partiellement réformée et Mme X... condamnée à verser à M.V. la somme complémentaire de 2.194,10 francs soit 334,49 euro; Attendu par ailleurs qu'il est incontestable que le litige trouve son origine initiale dans des travaux effectués il y a plusieurs dizaines d'années par la commune de Duravel; que cette collectivité possède aujourd'hui les moyens d'y remédier par la mise en oeuvre de travaux tels que ceux préconisés par l'expert; Que la

présente décision sera en conséquence déclarée opposable à la commune de DURAVEL; Sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Attendu qu'au regard des éléments du dossier , il n'est pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais irrépétibles exposés tant au cours de la présente instance que ceux engagés devant le tribunal de grande instance; Qu'il y a lieu dès lors de réformer la décision déférée sur ce point et les débouter de leurs demandes formées en cause d'appel et fondées sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

PAR CES MOTIFS: La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, Statuant publiquement par arrêt contradictoire à l'égard de toutes les parties et en dernier ressort, En la forme, reçoit les appels jugés réguliers de Mme X... et de M.V. Au fond réforme partiellement la décision déférée en ce qu'elle a retenue l'existence d'une servitude , débouté M.V. de sa demande de dommages et intérêts au titre des frais de nettoyage et condamné Mme X... à verser à ce dernier une somme de 5.000,00 francs à titres de frais irrépétibles, La confirme pour le surplus, Et y ajoutant Dit que le fonds appartenant à Mme X... n'est pas débiteur d'une servitude d'écoulement des eaux, au bénéfice du fonds appartenant à M. Y..., Condamne Mme X... à verser à M.V. la somme de 334,49 euro (2.194,10 francs) au titre des frais de nettoyage engagés après les inondations en complément de la somme de 692,52 euro (4.542,64 francs) fixée par le premier juge. Déclare le présent arrêt opposable à la Commune de DURAVEL, Rejette les demandes plus amples ou contraires des parties Dit que les dépens seront supportés par Mme X..., La minute de l'arrêt a été signé par

Monsieur BOUTIE Z... de Chambre et Dominique SALEY, Greffier présent lors du prononcé de l'arrêt. LE GREFFIER LE Z...


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'agen
Numéro d'arrêt : 01/1152
Date de la décision : 18/06/2003

Analyses

SERVITUDE - Extinction - NON USAGE - Preuve

Le propriétaire d'un fonds inférieur peut être affranchi de la servitude, créée par l'article 640 du code civil, de recevoir les eaux pluviales coulants de fonds supérieurs par l'effet de la prescription extinctive dès lors qu'un ouvrage construit depuis plus de trente ans a fait obstacle à cet écoulement. Par conséquent, il appartient au propriétaire du fonds supérieur qui entend profiter de cette servitude de rapporter la preuve que, depuis une période trentenaire, un écoulement effectif et direct des eaux de ruissellement provenant de son fonds s'effectuait sur le fonds inférieur


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.agen;arret;2003-06-18;01.1152 ?
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