DU 24 Mai 2004 -----------------------
J.L.B/S.B El Yamina X... divorcée Y.... C/ Monsieur le PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE Aide juridictionnelle RG N : 02/01314 - A R R E T N° - ----------------------------- Prononcé à l'audience publique du vingt quatre Mai deux mille quatre, par Jean-Louis BRIGNOL, Président de Chambre, LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire, ENTRE :
Madame El Yamina X... divorcée Y.... née le 03 Novembre 1945 à BOUHADJAR (ALGERIE) Demeurant Résidence de l'Espérou Place des Boisa 47110 SAINTE LIVRADE SUR LOT représentée par la SCP Henri TANDONNET, avoués assistée de Me Alain MIRANDA, avocat (bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2003/000025 du 02/05/2003 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle d'AGEN) APPELANTE d'un jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance d'AGEN en date du 20 Août 2002 D'une part, ET : Monsieur le PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE Tribunal de Grande Instance Palais de Justice Place Armand Fallières 47000 AGEN en présence de Monsieur Z..., Procureur Général près la Cour d'Appel d'AGEN D'autre part, a rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été communiquée au Ministère Public, débattue et plaidée en audience publique, le 26 Avril 2004, devant Jean-Louis BRIGNOL, Président de Chambre, Catherine LATRABE et Francis TCHERKEZ, Conseillers, assistés de Dominique SALEY, Greffier, et qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu.
El Yamina X... née le 3 novembre 1945 à BOUHADJAR (Algérie) a contracté mariage le 7 septembre 1961 dans cette même commune avec Ammar Y..., né le 11 janvier 1934 à BOUHADJAR (Algérie).
Par jugement du 14 février 2003, le tribunal de grande instance d'AGEN a prononcé leur divorce, aux torts du mari.
Le père de El Yamina X..., Zerrouy X..., harki au 25ème bataillon des
chasseurs alpins sous le N° de contrôle nominatif SP 88 106 du 17 décembre 1957 a souscrit le 21 avril 1963 la déclaration cognitive prévue à l'article 2 de l'ordonnance du 21 juillet 1962 conservant ainsi la nationalité française.
En 1995, El Yamina X..., qui avait demandé au service central de l'état civil la transcription de son mariage a appris que sa nationalité française était contesté et a été invitée à formuler une déclaration acquisitive de la nationalité, fondée sur l'article 21-13 du code civil qu'elle a régularisée le 17 juin 1999.
Le 16 août 1999, le refus d'enregistrement de sa déclaration lui a été notifié.
Par exploit du 14 février 2000, elle a contesté cette décision devant le tribunal de grande instance d'AGEN, qui, par jugement du 20 août 2002 l'a déboutée de ses prétentions et a constaté son extranéité. * * *
El Yamina Y.... a relevé appel de cette décision et demande, dans ses conclusions N° 2 déposées le 10 septembre 2003 :
- de constater qu'elle est de nationalité française
- d'ordonner la délivrance de tous documents afférents à sa nationalité
- de constater en tout état de cause et de façon subsidiaire qu'il ne pouvait être opposé un refus d'enregistrement à la déclaration qu'elle avait régularisée sur le fondement de l'article 21-13 du code civil
- de statuer ce que de droit sur les dépens, avec, pour ceux d'appel distraction au profit de la SCP TANDONNET
Elle rappelle être âgée de 15 et demi lors de son mariage qui n'a d'ailleurs pas donné lieu à l'établissement d'un acte et n'a jamais été transcrit au niveau des autorités françaises.
Elle ignorait, comme ses parents, les conséquences attachées à ce
mariage coutumier.
La déclaration recognitive de son père a été considérée comme valant pour tous ses enfants mineurs sans exception, et à défaut sa déclaration aurait été accueillie et elle aurait conservé la nationalité française.
Elle rappelle que toute sa famille est de nationalité française.
Ses 8 enfants ne sont pas nés en Algérie.
Le domicile des parents Yamina X... et Omar Y.... est situé par l'officier d'état civil à la cité d'accueil de BIAS (47) "Camp des Harkis".
La scolarité des enfants du couple s'est déroulée en France.
Elle n'a fait l'objet d'aucun décret de déchéance de la nationalité française par application de l'article 25 du code civil et il ne peut donc être valablement soutenu qu'elle ne justifierait d'aucun élément de possession d'état antérieur à 1994 ;
Une carte nationalité d'identité lui a d'ailleurs été délivrée le 11 janvier 1994 et elle est titulaire d'une carte électorale, justifiant sa participation aux scrutins.
Elle produit ses feuilles d'imposition, ainsi qu'une attestation de LA POSTE où elle a un compte chèques ouvert depuis le 4 octobre 1980 et un jugement rendu le 30 juin 1978 par le tribunal correctionnel de BONNEVILLE suite à un accident de la circulation du 23 octobre 1973, faisant état de sa profession.
N'ayant pas imaginé que sa nationalité serait contestée elle ne s'est pas préconstitué un dossier.
Cependant les éléments précités apparaissent concordants et largement antérieurs à 1994 et au 17 juin 1989 (date acquisitive du 17 juin 1999).
Enfin, elle invoque un certificat établi le 16 janvier 1969 par le service central de l'état civil de NANTES dont il résulte qu'"elle
est française par option du 21 avril 1963" souscrit à l'identité de son père.
Il paraît difficile de prétendre qu'elle aurait fraudé, alors que personne ne lui contestait sa nationalité.
Elle estime que les dispositions de l'article 32-2 du code civil doivent s'appliquer et invoque un arrêt de la cour de cassation du 13 octobre 1992, ainsi qu'un arrêt du 12 janvier 1982, lequel a retenu que la possession d'état suffisait dès lors qu'elle s'était prolongée après l'indépendance et l'expiration des délais de souscription des déclarations de reconnaissance.
Selon elle, ce raisonnement vaut à fortiori dans l'hypothèse visée par l'article 21-13 du code civil.
Elle rappelle que l'article 1er alinéa 3 de la loi du 20 décembre 1966 a voulu éviter les situations d'apatridie et le 5ème alinéa de l'article 1er de la loi du 20 décembre 1966, prévoit "toutefois les personnes de statut civil de droit local, originaires d'Algérie, conservent de plein droit la nationalité française si une autre nationalité ne leur a pas été conférée postérieurement au 3 juillet 1962."
Sur ce seul fondement, indépendamment de la possession d'état, elle a la nationalité française, laquelle ne lui a jamais été retirée dans les formes de la loi. * * *
Par conclusions datées du 9 mars 2004, régulièrement communiquées à l'avoué de l'appelante, le ministère public demande :
- de rejeter l'appel formulé par Monsieur El Yamina X... épouse Y....
- de confirmer en toutes ses dispositions le jugement du 20 août 2002 et en conséquence
- constater l'extranéité de El Yamina X... épouse Y.... née le 3 novembre 1945 à BOUHADJAR LA CALLE (Algérie)
- ordonner qu'il soit fait mention de l'arrêt en marge de l'acte de
naissance de l'intéressée.
Il rappelle que selon la loi les enfants mariés ne bénéficiaient pas de l'effet collectif.
Il estime que l'appelante n'a aucun élément de possession d'état antérieur à 1994.
La pièce 41 de l'appelante, qui est une copie d'acte délivrée le 24 juin 2003 n'a pu lui conférer une possession d'état de française avant 2003 alors qu'elle ne s'est jamais prévalue auparavant d'un autre document émanant du service central de l'état civil.
Il rappelle l'article 30 du code civil et son application jurisprudentielle constante ainsi que l'article 32-2 du même code concernant les personnes de statut civil de droit commun, alors que l'appelante était de statut civil de droit local. En tout état de cause elle ne bénéficie pas d'une possession d'état de français constante et non équivoque depuis l'indépendance.
Il ajoute qu'il ressort de son livret de famille algérien que l'appelante est considérée comme ressortissante algérienne par les autorités algériennes. * * * MOTIFS
Vu les conclusions déposées le 10 septembre 2003 et le 9 mars 2004 respectivement notifiées le 19 novembre 2003 pour Madame Yamina X... divorcée Y... et le 9 mars 2004 pour le ministère public.
1) Comme l'a justement retenu le premier juge, il est constant que l'appelante s'est mariée le 7 septembre 1961 avec Ammar Y..., et que, ainsi émancipée par son mariage, elle ne peut prétendre au bénéfice de l'effet collectif attaché à la déclaration récognitive souscrite par son père le 21 avril 1963, en application de l'article 2 de l'ordonnance du 21 juillet 1962 ;
Au demeurant et comme le relève le ministère public, l'oubli ou l'ignorance invoqués par l'appelante ne sont pas assurément établis
et l'on peut fort bien envisager, que jeune mariée, elle ait préféré la nationalité de son époux, lequel n'a pas choisi de conserver la nationalité française.
2) En application de l'article 21-13 du code civil "peuvent réclamer la nationalité française par déclarations. les personnes qui ont joui, d'une façon constante, de la possession d'état de français pendant les 10 années précédant leur déclaration."
L'appelante qui a saisi le tribunal d'instance sur ce fondement le 16 août 1999 ne peut justifier d'aucun élément de possession d'état antérieurement au 11 janvier 1994, date à laquelle elle a obtenu une carte d'identité française, alors que, cette possession d'état est devenue équivoque dès le 10 octobre 1997, date à laquelle elle a été avisée de son extranéité par la chancellerie.
En effet, et comme le rappelle le ministère public, les différentes pièces qu'elle produit ne sont pas des éléments de possession d'état de français puisqu'ils peuvent, tout aussi bien être détenus par des personnes étrangères domiciliées en France. Tel est notamment le cas des certificats de scolarité français des enfants, des documents fiscaux, du jugement du 30 juin 1978 et des relevés de comptes postaux.
La pièce sur laquelle le service central de l'état civil a mentionné à tort qu'elle serait française par l'option souscrite en 63 par son père, est une copie d'acte délivrée seulement le 24 juin 2003. Comme le précise le ministère public, ce document n'a donc pu lui conférer une possession d'état de française avant 2003, alors qu'elle ne s'est jamais prévalue auparavant d'un autre document émanant du service central de l'état civil la déclarant française.
3) Le certificat de nationalité qu'elle invoque qui lui a fait bénéficier, à tort, de l'effet collectif attaché à la déclaration de
son père est dépourvu de force probante, de sorte qu'il lui revient de prouver qu'elle est française à un autre titre, comme cela résulte de l'article 30 du code civil et de son application jurisprudentielle.
4) L'article 32-2 du code civil constitue une présomption de nationalité française aux personnes de statut civil de droit commun ayant joui, de façon constante de la nationalité française "dans les conditions de l'article 30-2" du code civil, c'est à dire, "sauf la preuve contraire."
Or, il est démontré, et reconnu, que l'appelante était de statut civil de droit local, puisque son père a souscrit, en 1963, après l'accession à l'indépendante, une déclaration recognitive de nationalité, précisément, car il relevait du droit local. Comme l'observe encore le ministère public, l'appelante précise d'ailleurs dans ses écritures qu'elle était de droit local et qu'elle ne peut se prévaloir des dispositions de l'article 32-2, alors qu'en tout état de cause, elle ne bénéficie pas d'une possession d'état de français constante et non équivoque depuis l'indépendance.
5) Enfin, l'appelante ne prouve pas qu'elle n'a pas été saisie par la loi algérienne de nationalité et il résulte au contraire des articles 5 et 34 de la loi du 27 mars 2003 portant code de la nationalité algérienne "qu'est de nationalité algérienne par la filiation l'enfant né d'un père algérien" et que le mot ALGERIEN, en matière de nationalité d'origine s'entend de toute personne dont au moins deux ascendants en ligne paternelle sont nés en Algérie et y jouissaient du statut musulman. Or, tel est le cas de l'appelante, dont le livret de famille algérien révèle qu'elle est considérée comme ressortissante algérienne par les autorités algériennes. Elle n'établit donc pas la situation d'apatridie qu'elle invoque.
La décision déférée sera donc confirmée en toutes ses dispositions et
l'appelante condamnée aux dépens d'appel. PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Reçoit l'appel jugé régulier ; le déclare mal fondé.
Constate qu'il a été satisfait aux dispositions de l'article 1043 du nouveau code de procédure civile.
Confirme le jugement du 22 août 2002 du tribunal de grande instance d'AGEN.
Constate en conséquence l'extranéité de El Yamina
X... divorcée Y..., née le 3 novembre 1945 à BOUHADJAR LA CALLE (ALGERIE).
Ordonne qu'il soit fait mention du présent arrêt en marge de l'acte de naissance de l'intéressée.
Laisse à El Yamina
X... divorcée Y... la charge des dépens d'appel.
Le présent arrêt a été signé par Jean-Louis BRIGNOL, Président de Chambre et Dominique SALEY, Greffier.
Le Greffier
Le Président