DU 07 Février 2007-------------------------
R.S/S.B Gérard X... C/ S.A.R.L. STYLE COIFFURE Bertrand DE Y... RG N :
05/01704 - A R R E T No------Prononcé à l'audience publique le sept Février deux mille sept, par René SALOMON, Premier Président, LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire, ENTRE :Monsieur Gérard X... né le 29 Décembre 1943 à AURILLAC (15000) ... représenté par la SCP Henr TANDONNET, avoués assisté de Me Noùlle LARROY, avocat DEMANDEUR SU RENVOI DE CASSATION ordonné par l'arrêt rendu le 13 Octobre 2005, cassant et annulant un arrêt de la Cour d'Appel de BORDEAUX en date du 13 Novembre 2003 sur l'appel d'une ordonnance du Juge chargé du Contrôle des Expertises du Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX en date du 25 Octobre 2001, et renvoyant la cause et les parties devant la Cour d'Appel d'AGEN pour y être fait droit à nouveau D'une part, ET :S.A.R.L. STYLE COIFFURE, prise en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège Dont le siège social est 6 rue du Baron 33210 LANGON représentée par Me Jean-Michel BURG, avouéa ssistée de Me Michel COICAUD, avocat Monsieur Bertrand DE Y... ... représenté par la SCP A.L. PATUREAU etamp; P. RIGAULT, avoués assisté de Me Pierre LATOURNERIE, avocat
DEFENDEURS D'autre part,
a rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique, le 10 Janvier 2007, devant René SALOMON, Premier Président (lequel a fait un rapport oral préalable), Bernard BOUTIE, Président de Chambre et Jean-Marie IMBERT, Président de Chambre, assistés de Dominique SALEY, Greffier, et qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant
assisté aux débats, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu. * * *EXPOSE
A l'occasion d'un litige opposant Gérard X... en qualité de bailleur à sa locataire, la Société STYLE COIFFURE, une expertise judiciaire a été ordonnée ;
Bertrand de Y... a été désigné en qualité d'expert ;
Lors d'une réunion d'expertise, ce dernier a été victime d'une agression physique commise par Gérard X... qui, sur plainte de la victime, a été condamné pour ces faits par un tribunal correctionnel ;
L'expert ayant poursuivi sa mission, Gérard X... a saisi le magistrat chargé du contrôle des expertises afin d'obtenir la récusation de l'expert sur le fondement des articles 234 et 341 du nouveau Code de procédure civile ;
La Cour d'Appel de Bordeaux, par un arrêt confirmatif en date du 15 novembre 2003, a débouté Gérard X... de sa demande en récusation en énonçant qu'il est incontestable que les opérations d'expertise, si elles devaient être poursuivies par Bertrand de Y..., se dérouleraient dans un climat tendu compte tenu de cet incident mais que cependant il ne peut être considéré qu'il y a "procès" ou "même inimitié notoire" entre l'expert et Gérard X... au sens de l'article 341 du nouveau code de procédure civile au vue des faits tels qu'ils sont rapportés alors que Gérard X... n'établit pas et n'allègue d'ailleurs pas qu'il y eût un différend personnel entre l'expert et lui avant cet incident et extérieur aux opérations d'expertise confiées à Bertrand de Y..., les conditions de l'article 341 du nouveau Code de procédure civile qui énumère de façon limitative les motifs pour lesquelles une mesure de récusation nécessairement exceptionnelle peut intervenir, ne sont pas réunies, l'interprétation contraire ne pouvant conduire qu'à permettre à toute
partie souhaitant, pour n'importe quel motif, changer de juge ou d'expert, d'obtenir sa récusation en se saisissant de n'importe quel incident, au besoin créé par elle. Ainsi, dès lors que l'agression et les violences, motifs du procès pénal entre l'une des parties et l'expert judiciaire, sont survenues postérieurement au début de l'expertise et à l'occasion de cette expertise, le cas de récusation prévu à ce texte n'est plus ouvert.
La cour de cassation, saisie d'un pourvoi contre cet arrêt, a reproché à la cour d'appel de Bordeaux d'avoir statué ainsi sans caractériser de la part de Gérard X... une volonté de fraude au travers du dépôt de cette requête en récusation.
C'est dans ces conditions qu'elle a cassé cet arrêt le 13 octobre 2005 et a renvoyé l'affaire devant la cour d'appel de céans ;
Gérard X... fait valoir que sa requête en récusation visait non pas l'existence d'un procès mais celle d'une inimitié notoire entre l'expert et lui-même. À la suite des violences qu'il a fait subir à l'expert, celui-ci s'est rendu au commissariat le plus proche pour porter plainte immédiatement. Il s'agit de faits qui caractérisent objectivement une inimitié dont la notoriété a été appréciée par les témoins présents et par la suite par le juge pénal, inimitié qui existait bien au jour du dépôt de la requête en récusation alors que l'audience correctionnelle s'est tenue le 28 novembre 2002 et que le rapport de Bertrand de Y... a été déposé le 27 mars 2002 ;
S'agissant d'une prétendue "volonté de fraude" invoquée par Bertrand de Y..., il convient d'indiquer que le procès qui oppose les parties a été créé par l'expert lui-même qui a pris l'initiative de déclencher les poursuites pénales en se constituant partie civile ;
Gérard X... affirme que le seul but qu'il a poursuivi lors du dépôt de sa requête était d'obtenir par la suite la désignation d'un nouvel expert qui n'avait à son égard aucune amitié ou inimitié ;
Il indique enfin que le droit à un tribunal impartial au sens de l'article 6 par. 1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme présuppose l'impartialité de l'expert judiciaire, impartialité qui doit s'apprécier de manière objective indépendamment des cas d'ouverture à récusation du droit interne ;
Il sollicite l'infirmation de la décision entreprise et la condamnation de Bertrand de Y... au paiement de ses frais irrépétibles ;
Bertrand de SAINT MELOIR fait valoir en réponse que ce n'est que lorsqu'il a connu les résultats du pré-rapport d'expertise, le 25 juin 2001, lequel constatait l'état déplorable des lieux loués créant un danger et préconisant des travaux urgents pour une somme importante que par requête en date du 31 juillet 2001 Gérard X... a demandé sa récusation ;
Il affirme que ce n'est pas à cause de l'altercation survenue qu'il aurait pris une position défavorable à l'égard de Gérard X... alors qu'à la date cette requête il n'existait aucun procès avec ce dernier puisqu'il n'avait pas porté plainte avec constitution de partie civile ;
Cette requête en récusation est bien inspirée par la volonté de fraude que la cour de cassation a reproché à la cour de Bordeaux de ne pas avoir recherché ;
L'acharnement procédural de Gérard X... justifie sa demande d'une somme de 5 000 ç sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
La SARL STYLE COIFFURE fait valoir de son côté que l'altercation du 25 mai 2001 est intervenue sur la seule initiative de Gérard X... alors que l'expert était en train de procéder dans la cave du local litigieux à des constatations ;
La demande de récusation trouve donc son origine non pas dans
l'inimitié où un procès pénal créé artificiellement mais dans l'expertise critiquée dont l'inimitié notoire où le procès ne sont que la conséquence ;
Le comportement odieux et inadmissible de Gérard X... ne pouvait avoir pour finalité et pour effet que de rendre impossible la poursuite des opérations d'expertise alors qu'à la date de la requête en récusation il n'existait aucun procès entre l'expert judiciaire et Gérard X... la constitution de partie civile de l'expert n'étant intervenue qu'au jour de l'audience du tribunal correctionnel soit plus de quatre mois après la requête en récusation ;
Ils sera relevé encore, selon cette partie, que Gérard X... n'a déposé aucune demande en récusation immédiatement après l'agression qu'il avait commis et il a attendu le dépôt du pré-rapport pour se décider à présenter sa requête. Sa volonté de fraude est parfaitement établie. La cour d'appel confirmera la décision entreprise et le condamnera au paiement d'une indemnité de 5 000 ç sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;MOTIFS
Aux termes de l'article 234 du nouveau Code de procédure civile les techniciens ne peuvent être récusés que pour les mêmes causes que les juges ;
Parmi les causes de récusation figurent dans l'article 341 du même Code l'inimitié notoire et l'existence d'un procès entre l'expert et l'une des parties ;
Il n'est pas contesté sérieusement l'existence d'un différend grave opposant l'expert avec l'une des parties, Gérard X..., inimitié qui est née lors de l'exercice par l'expert de sa mission et qui s'est traduite le 25 mai 2001 , lors des opérations d'expertise effectuée sur les lieux dans l'immeuble loué par Gérard X... à la société STYLE COIFFURE par des actes de violence commis par Gérard X... sur la personne de l'expert . Selon l'enquête de police,
Gérard X... aurait manifesté un profond mécontentement à l'égard de l'expert judiciaire le saisissant par la veste et le projetant au sol. Gérard X... quant à lui a prétendu que l'expert se serait volontairement jeté au sol ;
Peu importe si Gérard X... était ou non à l'origine de ce différent, lequel existait réellement avant même que l'expert établisse son pré-rapport et a fortiori son rapport dès lors en effet qu'il est établi et non contesté qu'aussitôt après les faits Bertrand de SAINT MELOIR s'est rendu au commissariat de police pour porter plainte , plainte qui a débouché par la suite à l'engagement de poursuites pénales à l'encontre de Gérard X..., condamné par le tribunal correctionnel de Bordeaux pour violences sur une personne chargée d'une mission de service public, Bertrand de SAINT MELOIR s'étant constitué partie civile ;
Pas davantage il importe peu que Gérard X... ait attendu le dépôt du pré-rapport pour présenter sa requête et que Bertrand de SAINT MELOIR se soit constitué partie civile seulement au cours de l'audience correctionnelle, donc postérieurement au dépôt de son rapport, alors qu'il n'est nullement établi d'une part qu'en présentant cette requête en suspicion légitime Gérard X... était animé d'une volonté de fraude et alors que d'une seconde part la question de l'existence ou de l'absence d'un procès à la date de la requête en récusation est indifférente pour constituer une cause péremptoire de récusation, sans compter l'existence de l'inimitié notoire d'ailleurs soulignée par le premier juge lui-même qui a indiqué dans l'un de ses attendus "qu'il est incontestable que la suite des opérations, si elles doivent être conduites par Bertrand de Y..., se déroulera dans un climat tendu compte tenu de cet incident" ;
Pas davantage encore il importe que le procès opposant l'expert à
l'une des parties puise sa raison d'être dans des faits étrangers ou non au déroulement des opérations ;
Il s'ensuit en conséquence que c'est à tort que le magistrat chargé du contrôle des expertises n'ait pas cru devoir faire droit à la requête en récusation de Bertrand de Y... ;
Il y a lieu d'infirmer cette décision ;
Il serait inéquitable de laisser à la charge de Gérard X... les frais irrépétibles non compris dans les dépens dont il demande le paiement au seul Bertrand de Y... ;
Il conviendra de mettre les dépens de l'instance à la charge de ce dernier ;
PAR CES MOTIFS
Statuant en audience publique, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort, après renvoi de cassation ;
Infirme la décision déférée ;
Dit y avoir lieu à la récusation de Bertrand de Y... ;
Condamne Bertrand de SAINT MELOIR à payer à Gérard X... la somme de 2000 ç sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile outre les entiers dépens, ceux exposés devant la cour d'appel avec distraction au profit de la SCP Henri TANDONNET, avoués, en application de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile ;
Rejette la demande formée par la SARL STYLE COIFFURE au titre de ses frais irrépétibles ;
Le présent arrêt a été signé par René SALOMON, Premier Président et par Dominique SALEY, Greffier présent lors du prononcé.
Le Greffier,
Le Premier Président,