ARRÊT DU
4 JUILLET 2007
FM / NC
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R.G. 05 / 00986
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Christian, Jacques X...
Nadine, Josette Y... épouse X...
C /
Robert X...
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ARRÊT no 281
COUR D'APPEL D'AGEN
Chambre Sociale
Mis à disposition au greffe de la Cour d'Appel d'AGEN le quatre juillet deux mille sept en application de l'article 450 2ème alinéa du Nouveau Code de Procédure Civile,
La COUR d'APPEL D'AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l'affaire
ENTRE :
Christian, Jacques X...
né le 4 septembre 1951 à FOURCES (32250)
...
32250 FOURCES
Rep / assistant : Me Christiane MONDIN-SEAILLES (avocat au barreau D'AUCH)
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2006 / 003961 du 13 / 10 / 2006 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AGEN)
Nadine, Josette Y... épouse X...
née le 15 mai 1952 à CASTELNAU D'AUZAN (32440)
...
32250 FOURCES
Rep / assistant : Me Christiane MONDIN-SEAILLES (avocat au barreau D'AUCH)
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2006 / 003962 du 13 / 10 / 2006 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AGEN)
APPELANTS d'un jugement du Tribunal paritaire des baux ruraux de CONDOM en date du 3 juin 2005 dans une affaire enregistrée au rôle sous le no R.G. 51-05-0001
d'une part,
ET :
Robert X...
...
32250 FOURCES
Rep / assistant : la SCP NONNON-FAIVRE (avocats au barreau D'AUCH)
INTIME
d'autre part,
A rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique le 22 mai 2007 devant Catherine LATRABE, Conseillère, faisant fonction de Présidente de Chambre, Françoise MARTRES et Chantal AUBER, Conseillères, assistées de Nicole CUESTA, Greffière, et après qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe de la Cour le 4 juillet 2007.
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-FAITS ET PROCÉDURE :
Par courrier recommandé en date du 13 janvier 2005, Robert X... a fait convoquer Christian X... et son épouse Nadine Y... épouse X... devant le Tribunal Paritaire des Baux Ruraux de CONDOM pour obtenir la résiliation du bail rural qu'il leur avait consenti le 8 février 1996 et leur expulsion.
Par jugement en date du 3 juin 2005, le Tribunal a :
-prononcé la résiliation du bail conclu entre les parties le 8 février 1996 ;
-ordonné l'expulsion des époux X... à défaut de départ volontaire à compter de la fin de l'année culturale (récolte levée) et au plus tard le 1er novembre 2005 avec au besoin le concours de la force publique ;
-débouté Robert X... du surplus de ses demandes ;
-débouté en l'état les époux X... de leur demande d'expertise ;
-dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
-ordonné l'exécution provisoire ;
-condamné les époux X... aux entiers dépens.
Christian et Nadine X... ont relevé appel de cette décision.
Par arrêt du 10 octobre 2006, la Cour d'Appel a :
-confirmé la décision déférée en ce qu'elle a prononcé la résiliation du bail et ordonné l'expulsion des locataires ;
-ordonné une expertise confiée à M C... afin de dire si des améliorations au sens des articles L. 411-69 et suivants du Code Rural ont été apportées par les preneurs au fonds loué et d'en chiffrer la valeur ;
-réservé les demandes formulées au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
L'expert a déposé son rapport le 30 janvier 2007.
-MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Christian et Nadine X... maintiennent après dépôt du rapport d'expertise leurs prétentions tendant à obtenir l'indemnisation due au preneur sortant.
Ils soulignent que l'expert a relevé que le bail avait été initialement consenti dans le but de faciliter la succession sur le bien loué et la parfaite entente entre les parties jusqu'en 2003.
Au terme d'un travail sérieux, l'expert a chiffré la valeur nette des améliorations en fin de bail à 28. 509,69 € et l'achat des droits de plantation de vignes à 1. 937,20 €, soit la somme totale de 30. 446,89 €, dont ils acceptent de déduire la somme de 146,35 € au titre du défaut d'entretien du système de drainage. Ils sollicitent en conséquence le paiement de la somme de 30. 300,54 €.
En ce qui concerne les 3 points portant à discussion, ils expliquent tout d'abord que Robert X... ne rapporte pas la preuve de ce que les 22 ares de vignes ont été plantés en violation d'une servitude consentie à EDF. Ils font observer que la ligne est enterrée et que rien n'interdit de planter de la vigne au dessus de ces lignes. En outre, au moment de leur entrée dans les lieux, il ne s'agissait pas de 22 ares de vignes mais seulement de 18. Enfin, si Robert X... doit arracher ces vignes, rien n'indique que ce soit en raison de la servitude EDF.
Le préjudice relatif au busage endommagé est particulièrement insignifiant, s'il s'avère exister.
Enfin, Robert X... ne justifie pas avoir lui même réalisé les travaux d'irrigation, dans la mesure où ils établissent que Christian X... a acheté seul la pelle mécanique ayant servi à les réaliser.
Ils contestent en outre avoir endommagé des drains qui auraient été installés par le bailleur en 1988. Ils maintiennent en conséquence leur revendication de l'indemnisation de ces travaux de drainage.
Le rapport d'expertise doit donc être homologué.
Ils demandent à la Cour :
-d'homologuer le rapport d'expertise ;
-de condamner Robert X... à leur payer la somme de 30. 300,54 € au titre des améliorations laissées en fin de bail ;
-de le condamner à leur payer la somme de 30. 000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et 2. 000 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
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Robert X... demande à la Cour in limine litis d'annuler le rapport d'expertise. Il souligne que l'expert a procédé à la visite des lieux de façon non contradictoire avec le seul preneur puisque compte tenu de son grand âge, il n'a pu les accompagner. Il a par la suite refusé d'organiser une nouvelle réunion d'expertise et d'entendre ses explications. Il s'est par ailleurs fondé dans son rapport sur les seuls documents des preneurs, et a répondu extrêmement rapidement au dire qu'il avait déposé.
Il estime donc que l'expert a manqué à ses obligations d'impartialité et de contradictoire ce qui entraîne la nullité du rapport. Il demande l'organisation d'une nouvelle expertise.
Sur le fond, il demande à la Cour de constater que les travaux dont il est demandé indemnisation n'ont pas été autorisés par le bailleur et doivent donc rester à la charge des preneurs conformément aux dispositions de l'article L. 411-73 du Code Rural.
Aucune disposition légale n'impose au bailleur de faire constater que des travaux sont effectués en méconnaissance de ces dispositions, et il est de l'intérêt du bailleur de ne pas s'y opposer.L'expert n'avait donc pas à s'étonner de cet état de fait.
La Cour de Cassation rappelle que seule une autorisation donnée sans équivoque par le bailleur est susceptible d'ouvrir le droit à indemnité du preneur sortant, quelques soient les liens unissant le bailleur et le preneur.
Robert X... indique que rien ne permet en l'espèce d'écarter l'inscription au bilan du GAEC DE LA ROUQUETTE de l'apport des améliorations réalisées par Christian X.... Dans ce cas, le propriétaire des améliorations serait le GAEC et non les époux X....
Le lac collinaire a été créé en mars 1997. Il est surprenant d'y intégrer les fournitures achetées par les époux X... en 1996 dont rien ne permet d'affirmer qu'elles ont été utilisées pour le lac.
Par ailleurs, il n'appartient pas à l'expert de suppléer à la défaillance des preneurs dans l'administration de la preuve en retenant une évaluation forfaitaire des travaux d'irrigation qu'il lui appartient de chiffrer à leur valeur réelle.
L'expert ne précise pas sur quelles parcelles il évalue le drainage alors qu'il a lui-même fait procéder à des travaux de drainage en 1988.
Quant au busage, il résulte de l'obstruction par les preneurs de buses lors de la réalisation du lac. Il ne s'agit donc pas d'une amélioration mais bien au contraire d'une dégradation dont ne tient pas compte l'expert.
Le preneur n'a disposé d'aucune autorisation de planter des vignes et à ce jour, le bailleur n'est pas en mesure d'exploiter ce vignoble, il devra donc être arraché. Ces vignes ont en outre été plantées en violation d'une servitude non aedificandi consentie à EDF. Cette servitude entraîne l'interdiction de construire en dessous des lignes électriques et EDF est en droit d'en exiger l'arrachage, qui interviendra probablement sans indemnisation.L'expert n'a pas tenu compte du coût de l'arrachage dans son évaluation.
Par ailleurs, le preneur n'a pas justifié que tous les frais qu'il prétend avoir exposé pour les vignes ont bien été engagés sur les terres louées et non sur la propre exploitation du preneur. En outre, l'expert impute au preneur des plantations de 1996 sur une parcelle 482 qui ne figurait pas dans le bail à cette époque.
L'expert n'a pas tenu compte des subventions réellement perçues par les preneurs pour le lac et pour les plantations de vigne. Il n'a pas non plus chiffré le coût de l'abattage d'une vingtaine d'arbres au moment de la création du lac. Il ne tient pas compte non plus de la perte de surface à exploiter en raison de l'existence de ce lac ni de la destruction d'un puits qui se situait au milieu du lac actuel. Lors de la création de ce lac, le preneur a détérioré l'eau du puits et les frais en ont été supportés par le seul bailleur.
Enfin, le preneur a supprimé un fossé qui existait entre les parcelles de vignes du bailleur et celles qu'il a acquises pour n'en faire qu'une, ce qui a entraîné des frais de bornage qu'il aurait du supporter.
Il demande donc à la Cour :
-de débouter le preneur de sa demande d'indemnisation au titre des travaux réalisés, à défaut de notification et d'autorisation du bailleur ou du Tribunal Paritaire des Baux Ruraux ;
-de le condamner au paiement de la somme de 5. 000 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
-MOTIFS DE LA DÉCISION :
-Sur la nullité du rapport d'expertise :
Attendu que Robert X... sollicite l'annulation du rapport d'expertise au motif que l'expert aurait manqué à son obligation d'impartialité et n'aurait pas respecté le principe du contradictoire ;
Attendu qu'il résulte du rapport d'expertise qu'étaient présents lors de la réunion d'expertise Robert X... et son conseil, et les preneurs et leur conseil ; que l'expert indique dans son rapport avoir invité les parties à le suivre lors de la visite de l'exploitation louée ; que seul Christian X... l'a suivi dans cette visite ;
Que la Cour ne peut que constater que Robert X... était assisté à ce moment-là de son conseil, ce qu'il ne conteste pas, et qu'il appartenait à celui-ci de suivre la visite si son client était trop âgé pour accompagner l'expert ;
Que l'expert indique ensuite avoir fait un compte-rendu verbal de sa visite à l'ensemble des parties ; que Robert X... n'indique pas en quoi le contradictoire n'aurait pas été respecté à ce moment là ;
Attendu par ailleurs que l'expert a répondu à tous les points du dire déposé par le conseil de Robert X... ; qu'il a pu légitimement estimer qu'une nouvelle réunion d'expertise n'était pas nécessaire sans manquer pour autant à ses obligations ;
Que la Cour doit constater que rien n'a fait obstacle au dépôt par Robert X... ou son conseil des pièces qu'il souhaitait communiquer à l'expert ; qu'il n'est pas établi que l'expert n'en a pas pris connaissance ; que le seul fait qu'au final l'expert ait pris en compte les explications du preneur ne suffit pas à caractériser sa prétendue impartialité ;
Qu'il en résulte que les prétentions de Robert X... sur ce point doivent être purement et simplement écartées faute d'être justifiées ;
-Sur le fond :
Attendu qu'il résulte des dispositions de l'article L. 411-73 du Code Rural que les travaux d'améliorations non prévus dans une clause du bail doivent avoir fait l'objet d'une autorisation du bailleur ;
Que le preneur sortant est en droit d'obtenir une indemnisation pour les améliorations ainsi apportées au fonds loué ;
Attendu que le bailleur soutient que les preneurs auraient perdu leur droit à indemnisation à la suite de la constitution du GAEC de la ROUQUETTE ; que l'expert a noté à juste titre que les travaux avaient été réalisés avant la constitution de ce GAEC et que le droit à indemnisation revenait en principe aux preneurs ;
Que le bailleur se contente de supposer que ces améliorations auraient été apportées au GAEC sans appuyer ses suppositions par un élément objectif ; que ce transfert n'est établi par aucun élément du dossier et qu'il en résulte que M et Mme X... n'ont pas perdu leur droit à indemnisation ;
Attendu que l'expert a retenu que ces travaux concernaient : la création d'un lac, la création d'un réseau d'irrigation, la fourniture et pose de drains, la fourniture et pose de buses pour sortie de certaines parcelles et l'arrachage et la plantation de vignes ;
Attendu que la Cour a déjà retenu que les travaux d'arrachage et de plantation des vignes avaient fait l'objet d'une autorisation écrite du bailleur ;
Que s'agissant des autres améliorations, elles peuvent avoir fait l'objet d'un accord tacite du bailleur dès lors que cet accord est non équivoque et antérieur à la réalisation des travaux ;
Qu'en l'espèce, il résulte des éléments versés aux débats que Robert X... a assisté à la réalisation de ces travaux et qu'il a lui-même fourni des matériaux comme il le reconnaît devant huissier suivant constat du 16 novembre 2005 ; que sa présence constante lors des travaux, attestée par les témoignages produits par le preneur et ses propres déclarations, le fait qu'il ait participé activement à ces travaux et le caractère des liens qui l'unissaient aux preneurs ne laissent aucun doute sur la réalité de son accord pour la réalisation de ces travaux ;
Attendu que l'expert a chiffré le coût de ces travaux en prenant en compte les justificatifs fournis par le preneur et une évaluation forfaitaire de la main-d'oeuvre correspondant aux tarifs en vigueur pratiqués dans la profession au moment de la réalisation de ces travaux ;
Qu'il a justement déduit de son évaluation les frais qui ne lui paraissaient pas être en rapport avec ces travaux ;
Que le bailleur ne produit aucun élément permettant de déterminer que les coûts tels que retenus par l'expert sont surévalués et n'ont aucun fondement ;
Attendu plus précisément qu'en ce qui concerne le lac, l'expert a retenu sans contradiction des factures de 1996 pour un lac créé en 1997 en considérant que les factures concernées étaient en rapport avec la création du lac ; qu'il a par ailleurs retenu que la création de ce lac était une amélioration pour le bailleur et non une dégradation des lieux loués ou une diminution de la surface exploitable ;
Qu'en ce qui concerne les travaux de drainage, Robert X... produit une facture de 1988 relative à deux parcelles sur lesquelles les preneurs n'ont pas de revendications particulières ; que ses observations sont donc inopérantes sur ce point ;
Qu'en ce qui concerne les vignes, l'expert a expressément écarté les plantations de la parcelle 482, non comprise dans le bail, contrairement aux explications du bailleur ;
Attendu en conséquence que l'expert a justement chiffré le coût des améliorations à la somme de 28. 509,69 € ; qu'à cette somme devront être ajoutés les achats de droits de plantation par les preneurs à titre de complément d'indemnisation, soit la somme de 1. 937,20 € ;
Attendu que les preneurs ont perçu des subventions et aides financières d'un montant de 9. 494,70 € ; qu'il résulte des dispositions de l'article L. 411-71 du Code Rural que le droit à indemnisation ne peut porter sur les travaux dont le financement a été assuré par une subvention ; que dès lors, il convient de déduire la somme de
9. 494,70 € des sommes ainsi évaluées ; qu'il y aura lieu également de déduire la somme de 146,35 € au titre du défaut d'entretien du système de drainage ;
Attendu que l'expert a relevé l'existence de 3 points de litige au vu du dire déposé par le bailleur ;
Qu'en ce qui concerne le premier point, relatif à 22 ares de vignes replantés malgré l'existence d'une servitude EDF, le bailleur ne rapporte pas la preuve de ce que cette surface ne devait pas être plantée, et se contente en outre de supposer qu'il devra les arracher sans indemnisation sans apporter aucun élément sur ce point ; que ses prétentions seront écartées ; que sur les deux autres points, s'agissant de dégradations au busage ou au système d'irrigation, aucun élément ne permet d'en imputer la responsabilité au preneur ;
Attendu que pour le surplus, le bailleur n'apporte la preuve d'aucune dégradation imputable au preneur ; que notamment, il met en avant la destruction d'un puits et la détérioration des eaux au moment de la création du lac alors qu'il produit des éléments d'analyse datant de 2004, soit 7 ans après la création du lac ;
Qu'il n'apporte en conséquence aucun élément permettant de chiffrer un quelconque préjudice résultant d'un manquement du preneur à ses obligations ;
Attendu en conséquence qu'il convient de chiffrer le montant des sommes dues aux preneurs à la somme de 20. 805,84 € ;
Attendu sur les demandes accessoires que les preneurs n'établissent pas la réalité d'un préjudice supplémentaire ; qu'ils seront déboutés de leur demande de dommages et intérêts ;
Qu'il y a lieu de rejeter les demandes formulées par les deux parties au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe et en dernier ressort ;
Condamne Robert X... à payer à M et Mme X... la somme de 20. 805,84 € au titre des améliorations apportées au fonds loué ;
Rejette tout autre chef de demande ;
Condamne Robert X... aux entiers dépens y compris les frais d'expertise.
Le présent arrêt a été signé par Catherine LATRABE, Conseillère faisant fonction de Présidente de Chambre, et par Nicole CUESTA, Greffière.
LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE