DU 19 Décembre 2006
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C.A/S.B
Charles Henri DE VEDRINES
Christine DE Y... Z... épouse DE X...
C/
S.C.A. CUMA DE MONFLANQUIN ROQUEFERE
RG N : 06/00101
- A R R E T No -
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Prononcé à l'audience publique du dix neuf Décembre deux mille six, par Jean-Marie IMBERT, Président de Chambre,
LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire,
ENTRE :
Monsieur Charles Henri DE X...
né le 11 Mars 1948 à CAUDERAN (33)
...
Madame Christine DE Y... Z... épouse DE X... née le 01 Décembre 1950 à TALENCE (33400)
...
représentés par la SCP A.L. PATUREAU & P. RIGAULT, avoués
assistés de Me Michel CASSIGNOL, avocats
APPELANTS d'un jugement rendu par le Juge de l'Exécution du Tribunal d'Instance de VILLENEUVE SUR LOT en date du 23 Décembre 2005
D'une part,
ET :
S.C.A. CUMA DE MONFLANQUIN ROQUEFERE, prise en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège
Dont le siège sociale est Le Colombié
47150 MONFLANQUIN
représentée par la SCP Henri TANDONNET, avoués
assistée de la SCP TANDONNET-BASTOUL, avocats
INTIMEE
D'autre part,
a rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique, le 21 Novembre 2006, devant Jean-Marie IMBERT, Président de Chambre, Chantal AUBER, Conseiller (laquelle, désignée par le Président de Chambre, a fait un rapport oral préalable) et Benoît MORNET, Conseiller, assistés de Nicole CUESTA, Greffier, et qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu.
FAITS ET PROCÉDURE :
En vertu d'une ordonnance sur requête du 29 avril 2005 et suivant procès-verbal des 17 et 18 mai 2005, la société coopérative agricole CUMA de MONFLANQUIN a fait pratiquer une saisie conservatoire sur un hangar métallique, un lot de bois de chauffage, une remorque agricole et une fendeuse à bûches, afin de garantir le paiement d'une facture de 4.865,83 € due par Christine de Y... Z... épouse de X...
Par acte du 1er juin 2005, Monsieur et Madame de X... ont fait assigner la CUMA de MONFLANQUIN en nullité de la saisie pratiquée, selon eux, sur des biens n'appartenant pas à la débitrice et sur des matériels agricoles insaisissables.
Par jugement du 23 décembre 2005, le juge de l'exécution de VILLENEUVE SUR LOT a :
- débouté les époux de X... de leur demande en nullité de la saisie conservatoire diligentée à l'encontre de Madame de X... les 17 et 18 mai 2005,
- ordonné néanmoins que soit distrait de la saisie le lot de 150 m3 de mois de chauffage en chêne qui n'appartient pas à la débitrice,
- débouté les époux de X... de leur demande en restitution et retour de ce lot de bois celui-ci étant immobilisé au profit d'un créancier tiers à la présente procédure,
- condamné solidairement les époux de X... à payer à la CUMA de MONFLANQUIN la somme de 800 € en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
Charles de X... et Christine de X... ont relevé appel de cette décision.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 novembre 2006.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Monsieur et Madame de X... font valoir d'une part, que le hangar et le bois saisis n'appartiennent pas à la débitrice, Madame de X..., de sorte que la nullité de la saisie et la distraction de ces biens peuvent être demandées respectivement par la débitrice et le propriétaire en application des articles 126 et 128 du décret du 31 juillet 1992 et d'autre part, que les autres matériels saisis constituent des instruments de travail nécessaires à l'exercice de l'activité agricole de la débitrice au sens de l'article 39 du même texte, insaisissables selon l'article 14 de la loi du 9 juillet 1991.
En ce qui concerne le hangar, ils rappellent que conformément aux dispositions de l'article 14 de la loi du 9 juillet 1991, les immeubles par destination ne peuvent être saisis indépendamment de l'immeuble sauf pour paiement de leur prix. Or, ils soutiennent que ce hangar, qui a fait l'objet d'un permis de construire et qui est bâti sur une parcelle appartenant en propre à Charles Henri de X..., est un immeuble par destination en vertu de l'article 524 du Code civil, qu'il est la propriété du propriétaire du sol par voie d'accession en application des dispositions des articles 546 et 552 du Code civil et que ce bâtiment, affecté à l'exploitation agricole et qui ne pourrait pas être démonté sans détérioration, est un immeuble insaisissable par nature et par affectation en vertu des articles 518 et 524 du Code civil.
Ils contestent l'argumentation de la CUMA selon laquelle si le permis de construire a été délivré à Madame de X... c'est qu'elle s'en estimait propriétaire. Ils invoquent à ce sujet les dispositions de l'article R 421-1-1 du Code de l'urbanisme et celles des articles L 411-69 et suivants et R 411-15 et suivants du Code rural réglementant le sort des constructions réalisées par le preneur sur le fonds loué et restant acquises au bailleur par accession.
Ils en déduisent que ce bâtiment appartenant à Charles de X..., bailleur et propriétaire du sol, ne peut être saisi au préjudice de Madame de X..., seule débitrice de la CUMA.
Ils ajoutent à titre subsidiaire que si ce bâtiment n'est pas considéré comme un immeuble, il doit alors bénéficier de l'insaisissabilité des matériels nécessaires à l'exploitation.
Sur ce point, ils font grief au premier juge d'avoir retenu que Mme de X... aurait cessé l'exploitation agricole. Indiquant qu'il ne lui appartenait pas de décider si elle avait perdu la qualité d'agriculteur et que le repos de terres en friche ou en jachère est une façon culturale, ils soulignent que Christine de X... relève de la Mutualité Sociale Agricole en qualité d'exploitante, que la CUMA de MONFLANQUIN réalisait jusqu'alors les gros travaux de son exploitation et que le fait qu'elle ait eu l'intention de se retirer de la CUMA ne signifie pas qu'elle aurait décidé de cesser toute exploitation.
Ils soutiennent enfin que l'ordonnance sur requête du 29 avril 2005, en vertu de laquelle la saisie a été pratiquée, n'est pas conforme aux dispositions de l'article 97 du décret du 31 juillet 1992 en ce que la désignation du séquestre appartient au juge et qu'elle ne peut être déléguée.
Ils demandent en conséquence à la Cour d'ordonner la nullité de la saisie conservatoire des 17 et 18 mai 2005, de constater que le séquestre a été choisi par l'huissier saisissant et non désigné par le juge, d'ordonner que les biens saisis seront ramenés aux frais du créancier saisissant au lieu d'où ils ont été enlevés sous astreinte de 50 € par jour de retard, de condamner la CUMA de MONFLANQUIN au paiement de la somme de 1.000 € en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et d'ordonner que les frais des actes nuls ou inutiles resteront à la charge de l'huissier en application de l'article 650 du même Code.
* * *
La CUMA de MONFLANQUIN conclut à la confirmation du jugement déféré et demande le paiement de la somme de 1.000 € en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Elle fait valoir que les époux de X..., qui ont la charge de la preuve du droit de propriété sur le hangar, conformément à l'article 127 du décret du 31 juillet 1992, ne prouvent pas que Monsieur de X... en est propriétaire, que cette construction n'entre pas dans la liste établie par l'article 524 du code civil, qu'il n'est pas un immeuble par destination au sens des articles 524 et 525 du Code civil et que la demande de permis de construire a été déposée par Madame de X... qui s'en estimait propriétaire.
Concernant l'affectation du hangar, de la fendeuse et de la remorque, elle soutient que ces biens ne sont plus des outils de travail puisque les terres de Madame de X... sont en friche et abandonnées.
Elle affirme enfin que le procès-verbal de saisie est conforme aux dispositions de l'article 221 alinéa 4 du décret du 31 juillet 1992 et de l'article 21 de la loi du 9 juillet 1991.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
- sur le lot de bois et le hangar :
Attendu qu'il n'est pas contesté que le bois de chauffage saisi appartient à Monsieur Charles de X..., que la CUMA indique avoir donné mainlevée sur ce bois et que le premier juge a, à bon droit, ordonné sa distraction de la saisie ; Mais attendu que par ordonnance, distincte de la présente procédure, rendue le 2 septembre 2005 sur la requête du Trésor Public, créancier de Charles de X..., le juge de l'exécution a ordonné que ce stock de bois, qui a fait l'objet d'une saisie vente le 30 juin 2005 à la requête du Trésor Public, soit maintenu à l'endroit où il a été placé, dans l'attente soit du paiement de la dette d'impôt de Charles de X..., soit de sa vente aux enchères par le Trésor Public ; que le jugement entrepris doit donc être confirmé en ce qu'il a débouté les époux de X... de leur demande en restitution du lot de bois ;
Attendu, en ce qui concerne le hangar objet de la saisie, que le premier juge a exactement rappelé qu'en vertu des dispositions des articles 524 et 525 du Code civil, seul peut conférer à des objets mobiliers le caractère d'immeuble par destination celui qui est propriétaire à la fois des objets mobiliers et de l'immeuble au service duquel il les a placés ;
Attendu qu'il est constant et établi par les pièces du dossier que le hangar a été installé sur une parcelle appartenant en propre à Charles Henri de X..., époux séparé de biens de la débitrice et dont la mère est usufruitière ; que ce hangar ne pourrait donc être un immeuble par destination que si Monsieur de X... en était propriétaire ;
Or, attendu qu'il convient de relever que ce hangar à usage agricole n'avait d'utilité que pour Christine de X... en sa qualité de fermière des terres appartenant à son époux et à sa belle-mère ;
Qu'il est d'ailleurs établi que c'est Madame de X... seule et non son époux, qui a déposé la demande de permis de construire concernant ce hangar ;
Que la facture de construction de ce bâtiment n'a pas été produite et qu'il n'est donc pas prouvé que Charles de X... en aurait payé le prix ;
Que la preuve du droit de propriété de Charles de X... sur le hangar n'est donc apportée par aucun élément du dossier ;
Attendu de plus que sur le procès-verbal de saisie, l'huissier a décrit ce bien comme suit : "un hangar métallique constitué de 10 poteaux IPN qui supportent 5 fermes IPN, le tout boulonné et non scellé avec couverture en everites, de dimension 25 mètres de long et 10 mètres de large"; qu'il résulte ainsi de ces indications que ce hangar, non scellé et démontable, n'est pas un immeuble au sens de l'article 518 du Code civil et qu'il n'est pas attaché au fonds à perpétuelle demeure ;
Attendu par ailleurs que si Charles de X... est propriétaire du terrain sur lequel est installé le hangar à usage agricole, il n'allègue pas exploiter lui-même les terres qui lui appartiennent ; attendu en revanche qu'il est affirmé par les appelants que le hangar est affecté à l'exploitation agricole et qu'il a été construit par Madame de X... en sa qualité de fermière ; que c'est ainsi dans le cadre des relations nées du bail rural que le hangar a été installé pour les besoins de l'exploitation de Madame de X... ; que Charles de X... ne peut donc pas se prévaloir, au moins pendant la durée du bail, de l'accession prévue par les articles 546 et 552 du Code
civil ; qu'en outre, en vertu des articles L 411-69 et suivants et R 411-15 et suivants du Code rural, aussi invoqués par les appelants, le fermier n'est pas dépourvu de droit sur les améliorations qu'il apporte au fonds donné à bail puisque ces améliorations sont susceptibles de le rendre créancier d'une indemnité à la fin du bail ;
Attendu en conséquence qu'il n'est pas établi que le hangar serait la propriété de Charles de X... et qu'à ce titre, il ne pourrait pas être saisi par le créancier de Christine de X... ;
- sur le caractère saisissable des biens objet de la saisie :
Attendu que l'article 14-4o de la loi du 9 juillet 1991 précise que ne peuvent être saisis les biens mobiliers nécessaires au travail du saisi et de sa famille, si ce n'est pour paiement de leur prix ; que l'article 39 du décret du 31 juillet 1992 précise que sont insaisissables comme nécessaires au travail du débiteur saisi et de sa famille, les instruments de travail nécessaires à l'exercice personnel de l'activité
professionnelle ;
Attendu que pour déterminer si les matériels litigieux sont ou non saisissables, il n'y a pas lieu de se prononcer sur la qualité d'exploitant agricole de Madame de X..., mais qu'en application des textes précités, il importe seulement de rechercher si ces biens sont nécessaires à l'exercice personnel de son activité professionnelle ;
Attendu que la CUMA de MONFLANQUIN produit des attestations émanant de Madame C..., Monsieur D... et Monsieur E... qui certifient que les terres de Madame de X... ne sont pas exploitées ou sont en friches depuis l'année 2002 ;
Attendu que les appelants ne contestent pas que les terres sont en friches, mais qu'ils soutiennent qu'il s'agit d'un mode cultural ; or, attendu que comme le premier juge l'a précisé à juste titre, les terres en friches sont des terres non cultivées et abandonnées alors que les terres en jachère sont laissées au repos dans l'intervalle entre deux cultures pour reconstituer leur capacité de production, ou dans le but de limiter la surproduction agricole ; que Madame de X... ne justifie pas avoir adopté cette technique et que les attestations précitées établissent au contraire que ses terres ne sont pas exploitées depuis plusieurs années ;
Attendu qu'il résulte de cette situation que les matériels agricoles, objet de la saisie, ne sont plus nécessaires au travail de la débitrice et qu'ils ne sont donc pas insaisissables ;
- sur la régularité de la procédure :
Attendu que les articles 94 7oet 221 7o du décret du 31 juillet 1992 disposent que l'acte de saisie contient à peine de nullité, notamment, l'indication des nom, prénom et qualité des personnes qui ont assisté aux opérations de saisie et qui doivent apposer leur signature sur l'original et les copies ; que le procès-verbal de saisie des 17 et 18 mai 2005, qui comporte les nom, prénom et signature de deux gendarmes et des président et adhérents de la CUMA ayant assisté à ces opérations, est conforme à ces dispositions ;
Attendu que l'article 97 alinéa 2 du décret du 31juillet 1992 prévoit que le juge de l'exécution peut ordonner sur requête, à tout moment, même avant le début des opérations de saisie, la remise d'un ou plusieurs objets à un séquestre qu'il désigne ; attendu qu'en l'espèce, aux termes de l'ordonnance du 29 avril 2005, en vertu de laquelle la saisie a été pratiquée, l'huissier a été expressément autorisé, dans le cadre de sa mission, à déplacer les biens saisis dans un lieu sûr et sécurisé qui sera désigné sur le procès-verbal et ce pour éviter que la débitrice ne les fasse disparaître ; que l'autorisation ainsi donnée à l'huissier n'équivaut pas à une délégation de pouvoir du juge ;
Attendu que le jugement déféré sera donc confirmé en toutes ses
dispositions ;
Attendu que Monsieur et Madame de X..., qui succombent dans leur appel, seront condamnés aux dépens ; qu'ils n'ont donc pas droit au bénéfice de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, mais qu'en application de ce texte, ils seront condamnés au paiement de la somme de 900 € au titre des frais exposés en appel par la CUMA de MONFLANQUIN ;
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant en audience publique, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 23 décembre 2005 par le juge de l'exécution de VILLENEUVE SUR LOT,
Y ajoutant,
Condamne Monsieur et Madame de X... à payer à la CUMA de MONFLANQUIN la somme de 900 € en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
Condamne Monsieur et Madame de X... aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Jean-Marie IMBERT, Président de Chambre et par Nicole CUESTA, Greffier présent lors du prononcé.
Le Greffier Le Président